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Dossier Syrie 2019…Une guerre qui ne se termine pas!


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22 avr. 2019


Nouvel article sur les 7 du quebec

par Robert Bibeau

On croyait que le gouvernement syrien de Bachar el-Assad avait gagné la guerre sponsorisée par l’Occident et les royaumes Arabes contre la Syrie et ses alliés. Pourtant, la libération du pays n’en finit plus, les mercenaires djihadistes occidentaux sévissent toujours au Nord, parfois sous pavillons de complaisance kurde ou turc et le pays est menacé de « libanisation » – dislocation politico-ethno-religieuse. L’État terroriste israélien sévit toujours à la frontière Ouest et la Turquie agresse la Syrie à sa frontière Nord. Nous avons regroupé trois textes qui ensemble donnent de multiples impressions sur la Syrie d’aujourd’hui, ce pays martyr qui ne lâche pas pied devant l’adversité impérialiste occidentale. Robert Bibeau. Éditeur. Les7duQuébec.com

A quoi joue l’Occident en Syrie?

Par Alexandre Aoun (revue de presse : Le Monde Arabe – 20/4/19)*

Qu’on le veuille ou non, la fable du soulèvement populaire du«printemps arabe » ne prend plus en Syrie, estime Alexandre Aoun.

L’illusion d’un retour à la normale n’est que le miroir des aspirations en Syrie. Pourtant, dans les principales villes du pays, les bars et les restaurants rouvrent petit à petit. Les Syriens sont animés par cette volonté de tourner la page, d’en finir avec cette image d’un pays ruiné et détruit. Ils veulent renouer avec cette coexistence d’antan.
« Silver bullet »

À Homs, à Alep ou à Damas, il n’est pas rare d’entendre le son de la fanfare syriaque orthodoxe, suivie de très près par l’appel du muezzin. Ce pays multiculturel est littéralement un joyau du Moyen-Orient. La plupart des habitants me témoignent avec tristesse qu’ « avant la guerre, la Syrie était un paradis ». Leur hantise ? Sombrer dans une éventuelle et potentielle division religieuse et territoriale, à l’instar du voisin libanais.

Aujourd’hui, force est d’admettre que l’attrait du gouvernent syrien réside dans la nostalgie exprimée par son peuple. Damas manie parfaitement la sémantique orientale. Les discours fédérateurs sont omniprésents et l’effet est escompté. Les portraits de Bachar et d’Hafez al-Assad jalonnent les routes du pays. Les slogans peuvent sembler surfaits, mais la population y voit un gage de stabilité. De gré ou de force, les Syriens affichent leur soutien. La guerre l’a prouvé : il n’y a aucune alternative politique au gouvernement de Bachar al-Assad.

Pour autant, l’Occident n’abdique pas. Après l’aide plus que controversée aux « rebelles », l’Union européenne et les Etats-Unis (en tête) tentent de faire tomber Damas et ses principaux alliés par le jeu des sanctions. Qui, faut-il le rappeler, ont pour but d’appauvrir le peuple afin qu’il se retourne contre son gouvernement. Il s’agit de contraindre économiquement un pays à se soumettre aux intérêts occidentaux. L’administration Obama n’avait-elle pas théorisé cette pratique par l’expression « silver bullet » ?
Avidité des grandes puissances

L’échec est cuisant. L’Iran, le Venezuela, la Russie et la Syrie surmontent tant bien que mal cette guerre économico-financière. Car à part affamer des populations entières, les embargos ravivent un comportement patriotique au sein des « rogue states ». D’ailleurs, la population syrienne n’est pas dupe ; combien de fois ai-je entendu, au cours de mes pérégrinations en Syrie, cette phrase : « Après avoir échoué en 2011, l’Occident veut nous imposer une deuxième révolution » ?

Après des années de conflit, les difficultés du quotidien restent omniprésentes. Le salaire moyen de 50 dollars permet à peine aux Syriens de survivre. Auquel il faut ajouter les innombrables heures d’attente pour faire le plein d’essence ou recevoir une bouteille de gaz. Oui, les habitants regrettent amèrement la situation d’avant 2011. Car tout a été multiplié par 10. Un simple shawarma, dans le vieux quartier de Bab Touma à Damas, coûte aujourd’hui 500 livres syriennes. Auparavant, il n’en valait que 50. Imaginons ne serait- ce qu’un instant le fait de devoir payer notre baguette 10 euros au lieu d’1…

Washington, Londres et Paris savent pertinemment que la racine de la radicalisation naît des méandres de la pauvreté. Le blocus économique s’accentuant, le peuple est englué dans des carences quotidiennes, dont peut se repaître un terrorisme que l’on ne pourra annihiler qu’en s’attaquant à l’origine économique et idéologique du paradigme. Pour rappel, celui-ci est alimenté par des séries d’ingérences protéiformes, fruit de l’avidité des grandes puissances… Alors que la reconstruction de la Syrie semble être aujourd’hui le seul moyen efficace pour lutter contre la recrudescence des mouvances islamistes.

D’origine libanaise, Alexandre Aoun est diplômé en géopolitique, arabisant et passionné par l’histoire et la culture orientales. Il cherche, à travers ses pérégrinations en Orient, à comprendre les sensibilités locales et les problématiques régionales.

*Source : Le Monde Arabe

Tempête impérialiste au Moyen-Orient: Force 12 annoncée sur la Syrie… (VT)

Ouragan sur la Syrie Gordon Duff url de l’article original: https://www.veteranstoday.com/2019/04/20/syria-a-storm-is-coming-2/

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

La guerre se profile en Syrie. La décision a été prise, les cibles énoncées. La Syrie en a eu assez. La fausse révolution colorée a fait plus qu’échouer, elle a réuni les Syriens dans la rage, leurs maisons détruites, leurs usines pillées, leur héritage quasiment vendu en porte à porte dans les salles de ventes aux enchères de Londres et de New York et maintenant plus de deux millions de réfugiés Syriens retenus en otages par les Etats-Unis.

La guerre se poursuit

Et la campagne de bombardement d’Israël ne va pas l’arrêter. Les cibles au travers d’Israël ont été marquées, les dépôts d’ammoniaque de Haïfa, la “vallée de la technologie” et les industries militaires israéliennes. Tout ceci sera touché dans la première salve de 200 missiles Iskander M qui échapperont facilement au système de défense dit du “dôme de fer” dont les centres de commandement seront éteints en signe de prélude. Des sources en Syrie disent que des centaines de lanceurs, protégés par des systèmes de défense BOUK, Pantir S et S-300, sont hors d’atteinte d’Israël. Les scientifiques syriens, dont un grand nombre ont des années d’expérience avec les programmes de développement de missiles les plus avancés en Russie, ont aussi très bien pu créer plus de surprises.

Netanyahou n’a pas dit cela à son peuple. Des milliers d’Israéliens vont mourir dans les toutes premières minutes. La capacité nucléaire d’Israël est inutile, la Russie les a informé il y a longtemps que ceci était la “ligne rouge”. La Syrie s’attend à être touchée par des bombardements massifs, Israël a une grande expérience de bombarder les civils. La Syrie est préparée à la mort, son peuple a 8 années de mort aux mains des takfiris et de leurs “prostituées” américaines et israéliennes, comme l’a dit très clairement le Dr Bassam Barakat, médecin formé en Russie:

“Les Américains ont l’expérience, au Liban dans les années 1980, en Irak. Lorsque les convois de cercueils commenceront à arriver à Washington comme cela est arrivé durant l’occupation américaine de l’Irak, les États-Unis connaîtront le prix de leur soutien des attaques d’Israël sur la Syrie.

Les règles du jeu et les règles de l’engagement avec la Syrie ont changé.

Ce qui va se passer est clair, à moins qu’Israël ne commence immédiatement des manœuvres diplomatiques pour étouffer les feux qu’elle a allumés en Syrie, une guerre comme jamais Israël n’a pu l’imaginer va s’abattre sur le peuple israélien à qui ses leaders ont menti.
Israel est vulnérable

Cette guerre va peut-être nous détruire tous, mais le peuple syrien lui, survivra. Cependant, nous doutons sérieusement qu’Israël puisse dire la même chose. Une tempête se profile à l’horizon.”

En ce printemps 2019, des files d’attente se forment à Damas, pas de chauffage, pas d’essence pour les voitures, des coupures d’électricité, beaucoup d’aliments ne sont plus disponibles, une nation qui semble être à genoux à cause des efforts américains et israéliens pour affamer le peuple de Syrie.

Les Etats-Unis occupent 35% de la Syrie et ont donné ce territoire aux séparatistes kurdes pour qu’ils le partagent avec les unités de l’EIIL qui y demeurent et qui ont largement été ignorés par les Etats-Unis et sa “coalition” alliée dans maintenant près de 4 ans d’une guerre bidon.
Une délégation de kurdes du Rajava s’apprêtant à rencontrer Macron à l’Élysée le 19 avril 2019.

(NdT: sur cette affaire, Duff met tous les Kurdes de Syrie dans le même panier et il se trompe, ignorant le Confédéralisme Démocratique. Qu’il y ait eu des Kurdes vendus à l’empire et traîtres à la révolution sociale et au confédéralisme démocratique du Rojava est certain, mais que TOUS les Kurdes du nord-syrien soient des “alliés” des Yanks et de ses mercenaires de Daesh est tout simplement un non-sens total de la part de Duff qui ne semble pas avoir tous les éléments en main pour juger de cette situation politique bien particulière…)

Ne nous regarde pas comme ça Gordon…

Les terres ethniquement arabes données aux rebelles kurdes est le grenier à pain du Moyen-Orient avec aussi ses champs pétroliers et gaziers.

De même, la province d’Idlib, occupée exclusivement par Al Qaïda sous la tutelle américaine, reçoit des convois quotidiens d’armes américaines.

En Syrie du sud, les Etats-Unis ont mis en place un centre d’entrainement près de Rukban, le grand camp de réfugiés où l’Amérique bloque les observateurs internationaux et les convois d’aide. Les Etats-Unis ont peur que ses efforts de recrutement et d’entrainement soient mis au grand jour, efforts quotidiens de convois d’armes et de logistiques militaires tandis que des enfants à quelques mètres de là, meurent de faim à un rythme d’une douzaine par jour. La Syrie est forcée d’entrer en guerre et le fait que Trump ait donné le Golan à Israël a rendu cette guerre qui vient une certitude. La seule question est quand elle aura lieu et la réponse est aussi inattendue, plus tôt que beaucoup ne le supposent. Nous savons ceci, la Syrie a demandé à la Russie d’informer les Etats-Unis que la Syrie attend un retrait total américain de tous les territoires à l’Est de l’Euphrate.

La Syrie a aussi informé la Russie que la puissance aérienne américaine ne sera plus autorisée à opérer en Syrie et que tous les accords qui ont pu être pris et ont tenu pendant la guerre contre l’EIIL sont caduques. Ceci veut dire que les avions de guerre américains sont considérés comme des cibles.

La Syrie a demandé le retrait immédiat de toutes les forces militaires non-syriennes des provinces de Deir al’Zour, de Raqqa et de Hasaka, que les camps d’entrainement de l’EIIL soient fermés, que les mercenaires soient renvoyés chez eux, que les usines de fabrication de gaz de combat toxiques soient fermées et que soient vidés les centres de commandement de leurs conseillers saoudiens, qatari et israéliens.

On pourrait se demander pourquoi donc ce poing sur la table de la part d’une nation qui est supposée être à genoux ? Regardons ce qui est documenté.

Les Etats-Unis négocient maintenant avec les Talibans, ils quittent l’Afghanistan avec la queue entre les pattes comme ils le firent au Vietnam il y a près de cinq décennies.

La situation en Irak est pire, quelques 5000 Américains pensent qu’ils occupent toujours cette nation alors que la rage y est aussi en ébullition. L’Irak sait qu’elle fut presque détruite par les Takfiris avec la pleine complicité de Washington et de Tel Aviv, un quart de millions d’Irakiens sont morts et des millions ont vécu sous un esclavagisme brutal durant des années. Le pétrole irakien fut pillé pour des dizaines de milliards et les bénéfices furent engrangés par des Américains.

Ce n’est pas difficile pour le reste du monde de comprendre ce qu’est l’Amérique. Celle-ci est en train de se désagréger, 60% de ses revenus vont à une armée depuis longtemps bien fatiguée de tant de guerre, bien fatiguée de toujours perdre, une armée qui ne protège rien et menace absolument tout.

Quand la guerre viendra, et elle arrive, elle viendra en Irak, en Iran et les forces américaines autour du monde seront vues comme les peuples irakien et syrien les voient: comme des parasites.

Le langage ici est le langage de la colère, la vaste majorité traduit de l’arabe. Israël et les Etats-Unis vont l’ignorer.

Rien n’a été rarement aussi clair que la situation en Syrie. On ne peut pas dire suffisamment, “8 ans de guerre”, on a besoin que ce soit dit et répété encore et encore, nettoyage ethnique, attaques aux gaz toxiques, enlèvements de masse, viol institutionnalisé, vol et pillage sur une échelle inimaginable.

L’ennemi, car ceci ne fut jamais une “guerre civile”, était quelque chose d’unique, l’ennemi était et est toujours le crime organisé mondial comme je l’ai expliqué à Damas en ce matin de décembre 2014. Il y a une facture à payer et les nations qui ont permis de se laisser soumettre à la règle criminelle vont apprendre une leçon mille fois pire que celle du 11 septembre 2001.

Un autre regard sur la Syrie

Par Yannick Sauveur (revue de presse Le blanc et le noir – 21/4/19)*

RETOUR DE SYRIE – Cela n’étonnera que ceux qui s’ « informent » via les media du Système mais on peut aller en Syrie. Non, ce pays n’est pas fermé, rien n’empêche d’y aller même si le tourisme a très fortement diminué depuis le début de la guerre (2011), nous y avons rencontré des Français, une Suissesse, des Norvégiens. La chute du tourisme a pour conséquences une baisse des rentrées de devises, une répercussion économique sur le niveau de vie des commerçants, des artisans, des hôteliers, des voyagistes,… Certains se reconvertissent.

Aller en Syrie n’est certes pas anodin. Il faut naturellement un visa qu’on peut obtenir soit au consulat en France, soit directement sur place à la frontière, solution que nous préconisons et il vous en coûtera 60 euros. Si le voyage par ses propres moyens est possible, il nous paraît préférable de recourir à un voyagiste. Nous avons utilisé les services de la Communauté Syrienne de France (CSF)[1] qui organise l’accueil de groupes de Français deux fois par an. La responsable de CSF, une Syrienne, parfaitement bilingue français / arabe, est bien introduite au sein des milieux officiels syriens, ce qui est indispensable pour la réussite d’un tel voyage.

Pour avoir connu la Syrie avant la guerre (2008), il n’étonnera personne que bien des choses ont changé, ainsi des contrôles, nombreux. La population s’y est parfaitement adaptée, ce qui est bien compréhensible dans un pays qui a vécu au rythme des attentats et qui est loin d’être sécurisé en totalité.

À Damas, la vie est toujours aussi intense avec un trafic automobile encore plus important que par le passé. L’afflux de population réfugiée est une explication à ce surcroît de trafic. La vie est normale, les gens travaillent, consomment, rient, fréquentent les cafés. Partout, nous retrouverons cette hospitalité caractéristique du peuple syrien.

C’est avec bonheur que nous avons retrouvé les merveilles architecturales damascènes : la mosquée des Omeyyades, le palais Azem, mais également le tombeau de Saladin, le souk, le Musée National[2], lequel est à nouveau ouvert depuis l’automne 2018. Sa fermeture et la protection des trésors du Musée a permis leur sauvegarde à l’inverse des pillages qui se sont produits en Irak. Là aussi, preuve est faite que l’État est debout et bien présent, ce qui est à mettre au crédit du gouvernement syrien et de son président. Est-il besoin de préciser qu’avant la guerre, la situation économique de la Syrie était saine, le pays était autosuffisant, n’ayant pas de dette extérieure. Le taux d’analphabétisme était de 1 % et la Syrie était le troisième pays le plus visité des pays arabes. Pendant la guerre, les fonctionnaires ont toujours été payés y compris ceux qui se trouvaient dans des zones contrôlées par les terroristes. Tel est ce pays que la Coalition internationale, les USA et ses larbins ont attaqué via leurs supplétifs et terroristes de tous poils formés, financés, armés par l’Occident, le Qatar et l’Arabie Saoudite.

Les media occidentaux se plaisent à présenter la Syrie de façon schématique : la minorité alaouite, celle à laquelle appartient le président Al-Assad, dirige le pays et occupe tous les leviers. En réalité cette présentation est inexacte et partiale. La Syrie est d’abord et avant tout un État et non une addition d’ethnies et/ou de religions. On est citoyen syrien avant d’être de telle ethnie ou de telle religion. La Syrie est un pays laïc, authentiquement laïc, respectueux des religions et des minorités. On peut se balader partout en Syrie, à Damas ou dans toute autre grande ville, dans les coins les plus reculés, il y règne la même harmonie, la même tolérance, peu importe qu’on soit alaouite, sunnite, chrétien,… aucune tension n’est perceptible, ce que nous a confirmé le Père Elias Zahlaoui[3], de l’Église ND de Damas, que nous avons rencontré et qui, anecdotes à l’appui, nous a fait part de la qualité des relations entre musulmans et chrétiens.

En quittant Damas, nous avons laissé les embouteillages pour rejoindre l’autoroute Damas-Alep. Peu après Damas, nous avons pu voir ce qu’il reste de Duma (à l’Est de l’autoroute). L’ampleur des destructions (il ne reste que des ruines) donne un aperçu de la violence des combats dans cette zone où cette partie d’autoroute était coupée. Nous poursuivons sur l’autoroute en direction de Homs puis bifurquons vers Tartous et ensuite vers Safita, charmante petite ville à majorité chrétienne. Nous n’y avons pas vu une femme voilée ! Nous sommes accueillis par des officiels à la Maison de la Culture à l’occasion d’un festival de traditions populaires : chants, musique traditionnelle, expo peinture, photos, tout en goûtant aux spécialités confectionnées par nos hôtes. Impossible de quitter Safita sans visiter le joyau historique, le donjon du Chastel-Blanc des Templiers. Au rez-de-chaussée de l’édifice la chapelle Saint-Michel est dédiée au culte grec orthodoxe. À l’étage la salle de garde et au niveau supérieur la terrasse de laquelle il était possible de communiquer avec le Krak des Chevaliers.

À proximité de Safita, nos hôtes nous font découvrir Hosn Souleiman, temple d’époque romaine (IIè siècle). Après cette longue visite commentée et la photo de groupe, nous quittons ce lieu chargé d’histoire pour rejoindre Masyaf. La traversée des villages est l’occasion de constater à quel point cette région a participé à la cause syrienne : la plupart des maisons affichent la photo d’un martyr. À Masyaf, à proximité d’Hama, dans une région qui n’est pas encore tout à fait sécurisée, nous visitons le château-forteresse appartenant à la secte des Assassins[4].

Après cette visite, nous reprenons la route pour Tartus où nous allons passer la soirée et la nuit. Là, le changement de décor est total. Tartus, ville industrielle et port, est typiquement une ville méditerranéenne : joyeuse, animée. Les bars et restaurants qui se succèdent face à la mer sont pleins.

Nous quittons le lendemain Tartus pour de longues heures de route qui vont nous mener à Alep tout en ne manquant pas de nous arrêter au Krak des chevaliers qui est resté en l’état à l’inverse du village voisin détruit en grande partie. À l’intérieur du Krak, nous rencontrons deux jeunes bénévoles de l’association Chrétiens d’Orient, une ONG très active sur le terrain en Syrie. L’autoroute entre Homs et Alep étant fermée, en raison des combats affectant la région d’Idlib, le trajet est allongé avec des routes parfois en très mauvais état. Arrivés à la nuit tombée à Alep, nous prenons possession de nos chambres dans un très bel hôtel qui a été fermé plusieurs années jusqu’à ce qu’Alep soit libérée. Nous nous faisons recommander un restaurant typique et celui qui nous y conduit a été volontaire dans la bataille d’Alep. Il s’en est sorti par miracle, la bouche défigurée une balle ayant traversé son visage de part en part. L’opération a duré neuf heures. Les volontaires ont été nombreux dans cette guerre contre le terrorisme. Nous avons rencontré un groupe d’hommes jeunes, environ 30 ans, qui étaient partis combattre sur le front alors qu’étant diplômés de l’enseignement supérieur, ils avaient tous de bonnes situations. Cela va à l’encontre de l’image complaisamment véhiculée en Occident du « dictateur » (sic) alors que la défense de l’État est une préoccupation essentielle de la population. L’attaque de l’extérieur a renforcé le patriotisme syrien.

Même si nous étions largement informés des destructions à Alep, la confrontation avec la réalité du terrain fit l’effet d’une douche froide. La visite, à pied, d’Alep, nous fit traverser des quartiers dévastés, des immeubles éventrés, inoccupés, des rues défoncées. Et cependant, au dire de notre accompagnatrice, les travaux vont bon train et les progrès en six mois sont patents : des voies ont été rendues à la circulation. Le pire fut sans doute de constater l’inexistence du souk, ce joyau inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco et détruit par la folie meurtrière des djihadistes et vrais larbins de l’impérialisme américano-sioniste. En revanche, nous avons retrouvé la citadelle, intacte. La foule abondante, tant à l’extérieur, qu’à l’intérieur respirait la joie de vivre. Étonnant cette dictature où les gens sont heureux ! Il nous faut rendre hommage à ces valeureux combattants retranchés trois ans dans la citadelle et qui ont tenu deux mois en totale autonomie jusqu’à ce que les troupes gouvernementales réussissent à les approvisionner par un souterrain dont ils avaient connaissance. En trois ans de siège les terroristes n’ont jamais pu pénétrer dans la citadelle occupée par seulement 40 militaires (les djihadistes les pensaient beaucoup plus nombreux). Une seule fois ils ont réussi à arriver par une ouverture dans le sol et le militaire de faction n’a rien pu faire d’autre que de tirer pour donner l’alerte. Le soldat a été attrapé par les pieds et égorgé. Les terroristes, imprudents et un peu trop sûrs d’eux, ont fait leur réapparition, mais cette fois, grâce au soldat martyr, le comité d’accueil était là et s’est chargé de tous les liquider.

Nous ne pouvions pas quitter Alep sans rendre visite à l’hôtel Baron[5], cet hôtel où ont séjourné Agatha Christie, le roi Fayçal, Charles de Gaulle, Thomas Edward Lawrence[6]. La veuve du propriétaire nous fait visiter l’hôtel (ou ce qu’il en reste) : les salons et les chambres des illustres personnalités ayant fréquenté les lieux. Avis aux amateurs : l’hôtel est à vendre !

La vie reprend tout doucement à Alep mais quel contraste avec la vie trépidante et grouillante que nous avions connue dix ans plus tôt. La circulation est fluide. Il est vrai qu’Alep a perdu une grande partie de sa population même si on assiste au retour de certaines familles. La reconstruction sera longue d’autant plus que si Alep ville est libérée, ce n’est pas le cas de certains quartiers extérieurs où les combats continuent.

Le retour vers Damas se fait avec un car des lignes régulières, très confortable. Il doit partir à 9 heures, il partira une heure plus tard mais on apprend vite qu’en Orient, le temps n’a pas la même signification qu’en Occident ! Les pièces d’identité (de l’ensemble des voyageurs) sont contrôlées avant le départ, elles le seront à nouveau à deux reprises au cours du voyage. Le voyage Alep-Damas, d’une durée de près de sept heures, est ponctué d’arrêts à des « check-points » (une cinquantaine). À l’arrivée à proximité de Damas, le car, réquisitionné pour une autre mission, nous laisse dans une banlieue qui a subi les outrages de la guerre : bâtiments détruits partiellement ou totalement. Le chauffeur de taxi qui nous emmène insiste auprès de notre accompagnatrice : « Tu leur as dit que c’était Israël et l’Amérique… », nous lui faisons répondre que nous le savons et que nous sommes solidaires du peuple syrien dans sa lutte contre l’impérialisme américano-sioniste.

La vie est difficile dans le pays en raison des sanctions économiques qui frappent la Syrie. Les coupures d’électricité sont nombreuses. Le rationnement du carburant concerne l’ensemble du pays. À Alep, nous avons vu des files de voitures de plusieurs centaines de mètres en attente aux stations essence. Pour les professionnels, c’est un drame car c’est l’outil de travail qui est touché. Damas subit également avec un décalage la pénurie de carburant et il est à craindre que des denrées de première nécessité soient, elles aussi, concernées par des ruptures d’approvisionnement dans un proche avenir. Cependant, nos interlocuteurs restent confiants : le peuple syrien est fier, courageux et résistant. Il a connu d’autres épreuves. Il est apte à surmonter celles-ci.
(…)… Lire la suite sur : Le blanc et le noir

Notes

[1] rcsfrance@gmail.com

[2] Je ne détaille pas nos visites de musées, monuments, citadelles. Tout cela se retrouve abondamment décrit dans les guides dont celui dans la collection Guides Bleus consacré à la Syrie.

[3] Né à Damas en 1932, ordonné prêtre en 1959, le Père Elias Zahlaoui a été remercié et honoré par la Première Dame de Syrie, Asma Al-Assad, au nom de tous les Syriens. Il a écrit plusieurs lettres ouvertes à François Hollande et Laurent Fabius. On écoutera cet entretien (2014) qui reste très actuel, https://www.egaliteetreconciliation.fr/Entretien-exclusif-avec-le-pere-Elias-Zahlaoui-pretre-a-Notre-Dame-de-Damas-31134.html

[4] Ainsi appelés car accusés d’agir sous l’effet du haschisch, d’où le nom de hashishin qui, par déformation, a donné en français le mot « assassin ».

[5] https://www.nouvelobs.com/topnews/20190405.AFP4171/a-alep-le-sort-incertain-du-legendaire-hotel-baron.html

[6] Cf. Jacques Benoist-Méchin, Lawrence d’Arabie, Paris, 1961.

Robert Bibeau | 22 avril 2019 à 11 11 18 04184 | URL : http://www.les7duquebec.com/?p=238469

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