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Trump a raison, les services secrets [américains] doivent retourner sur les bancs de l’école


France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.

Publié par Gilles Munier sur 18 Février 2019,

Catégories : #CIA, #Etats-Unis, #Trump, #Iran

Les directeurs des services de renseignement devant le Congrès

Leurs dirigeants se sont trompés en Irak, et aujourd’hui, ils répètent les mêmes erreurs.

Par Scott Ritter (revue de presse : ICH – 2/1/19)*

Les dirigeants des diverses agences de renseignement ont présenté cette semaine au Congrès le rapport intitulé «Évaluation de la menace mondiale ». Leurs déclarations semblaient en contradiction avec tous les aspects de la politique extérieure du président Donald Trump, y compris sa décision de retirer les troupes américaines de Syrie et d’Afghanistan, le danger que représente l’Iran, la dénucléarisation de la Corée du Nord et le rapprochement avec la Russie.

Le président, fidèle à lui-même, s’est déchaîné en vilipendant l’analyse des services secrets, ce qui a, comme il se doit, entrainé les critiques des Démocrates et des Républicains. Ils l’ont accusé de saper la confiance du public dans les analyses des agences de renseignement et de mettre à mal la sécurité nationale.

Mais malheureusement, Trump a raison et ses détracteurs ont tort.

Les dirigeants des services de renseignement sont issus du même moule que leurs prédécesseurs. Ce sont des carriéristes qui ont gravi les échelons non pas grâce à leurs talents analytiques et opérationnels, mais à leur capacité à se fondre dans un système conçu pour ne surtout pas remettre en cause la pensée conventionnelle, surtout lorsque celle-ci est le fondement même de politiques qui ont reçu l’aval de l’establishment existant.

Rares sont les politiciens qui ont assez de connaissance en l’histoire des affaires internationales pour pouvoir générer une pensée originale – ou sont assez courageux pour défier le statut quo sur le terrain qui ne marche pas. Richard Nixon et George H.W.Bush faisaient partie de ces penseurs originaux, des dirigeants qui pour l’un s’est opposé à des relations avec la Chine communiste et pour l’autre a veillé à la chute pacifique de l’Union soviétique. Donald Trump fait partie de ceux qui remettent en cause le statut quo, un politicien anti-conformiste, qui pour de bonnes ou de mauvaises raisons a cherché à interpeller la doctrine traditionnelle comme aucun autre politicien ne l’a jamais fait.

Il n’y a pas meilleur exemple pour démontrer la corruption des services de renseignement que sa prestation précédant l’invasion de l’Irak en 2003. Le doyen actuel de l’establishment du renseignement, l’ancien directeur des services secrets, James Clapper, illustre parfaitement cette volonté servile de se conformer. Dans son livre Facts and Fears Hard Truths from a Life in Intelligence, Clapper écrit : “nous avions eu vent que le Vice-président Cheney remuait ciel et terre au Pentagone pour obtenir des informations sur les armes de destruction massive irakiennes, et l’ordre est arrivé à NIMA [the National Imagery and Mapping Agency, dirigé par Clapper à cette époque] [ndt l’agence nationale de cartographie et d’imagerie] de trouver ces armes. Nous avons donc analysé les images pour trouver au final environ 950 sites, avec des degrés de confiance variables, pour lesquels nous avons émis l’hypothèse qu’ils pourraient abriter des armes de destruction massive ou avoir un lien avec celles-ci. Nous avons utilisé toutes les capacités et connaissances de NIMA….et nous nous sommes trompés ».

Une des preuves les plus flagrantes du vide intellectuel qui existe au sein de l’ensemble des services de renseignement réside dans l’examen entrepris par la Commission du Sénat sur le renseignement quant aux défaillances qui ont conduit aux conclusions erronées concernant les armes de destruction massive de l’Irak. Ce rapport montre qu’à aucun moment la communauté du renseignement n’a remis en question l’hypothèse que l’Irak possédait bien de telles armes, en dépit d’un manque de preuve flagrant pour l’étayer. Au contraire, toutes les analyses partaient du principe que l’Irak en possédait bel et bien.

C’est ce même état d’esprit qui habite la communauté du renseignement aujourd’hui. Pour comprendre pourquoi, il faut regarder la génération actuelle de ceux qui la dirigent.

Dan Coats, directeur du renseignement national, a servi comme ambassadeur américain en Allemagne pendant toute la période précédant la guerre de 2003, et était chargé de « vendre » la guerre à l’Allemagne. Gina Haspel, directrice de la CIA, est un officier de carrière qui a travaillé de 2001 à 2003 comme cheffe adjointe au sein du Centre Anti-terroriste, au moment où cette organisation faisait grand bruit des liens fictifs entre l’Irak et Al Qaida.

L’actuel directeur du FBI Christopher Wray, alors assistant adjoint associé du Procureur des Etats-Unis, a supervisé la réponse du Département de la Justice aux attaques terroristes de 2001 aux Etats-Unis, et en tant que tel, faisait partie de ceux qui ont inventé ces faux liens entre l’Irak et Al-Qaida.

Dans les mois précédents l’invasion de l’Irak, le directeur actuel de la Défense Intelligence Agency (ndt. agence nationale de renseignement de la défense), le lieutenant général Robert Ashley, a dirigé l’Intelligence Squadron of the Army Office of Military Support, le titre non classifié donné au Intelligence Support Activity ou ISA (ndt. activités de renseignement de support). ISA a joué un rôle primordial dans la création de la base de données utilisée par les commandos américains et la CIA dans leur vaine recherche d’armes de destruction massive en Irak.

Dans les années décisives menant à l’invasion de 2003, le directeur actuel de la NSA, le lieutenant général Paul Nakasone, a servi de coordinateur du renseignement pour les chefs d’état-major interarmées des Etats-Unis, une position de choix pour questionner de nombreuses hypothèses utilisées pour justifier la guerre.

Depuis l’invasion en Irak en 2003 et jusqu’à leur témoignage devant le Congrès, les dirigeants des diverses fonctions du renseignement ont participé à absolument toutes les opérations de renseignement et les actions menées par les Etats-Unis, y compris la torture, les écoutes illégales, et ont soutenu les interventions ratées en Libye, Afghanistan, Irak et Syrie. Ils ont aussi joué un rôle important dans l’élaboration de l’analyse actuelle utilisée pour décrire les menaces que représentent la Corée du Nord, l’Iran, la Chine et la Russie. Le président a passé ce groupe au pilori, et il a raison de le faire.

En ce qui concerne l’Iran, le président a décrit les dirigeants des services de renseignement comme « passifs et naïfs». Bien que ceux-ci fassent remarquer correctement que l’Iran opère aujourd’hui conformément aux exigences de l’accord nucléaire, ils passent sous silence le fait que son programme d’armement nucléaire était actif jusqu’en 2003, et poursuivi dans certains secteurs jusqu’en 2007. Sous le président Obama, les États-Unis ont signé un accord avec l’Iran sans prendre en compte correctement toutes les estimations des services de renseignement, en particulier face aux démentis véhéments des Iraniens concernant l’existence du programme.

Trump, lui, a relevé cette analyse contradictoire. Il en a donc logiquement déduit que si l’Iran avait refusé de reconnaître l’existence de ce programme, c’est qu’il doit avoir conservé cette capacité en réserve, jusqu’au moment où il pourra le mettre en place, ce qui pourrait arriver une fois que les clauses d’extinction de l’accord expireront laissant Téhéran libre d’enrichir l’uranium sans contrainte. Trump a tort dans le fait qu’il n’y a jamais eu de programme nucléaire en Iran, mais il a raison de mettre en exergue les inconsistances des positions des divers services du renseignement.

La même chose s’applique aux autres questions qui ont vu la communauté du renseignement manifester son désaccord avec les actions de Trump. Les exagérations de la menace posée par l’Etat islamique en Syrie et en Irak ne sont que des écrans de fumée pour justifier d’un déploiement militaire continu. Les analyses des intentions nucléaires de la Corée du Nord semblent refléter les mêmes erreurs que dans le cas de l’Irak en ne prenant pas en compte la possibilité réelle que la Corée puisse envisager sérieusement une dénucléarisation. Et l’hystérie collective à propos des mauvaises intentions de Moscou semble se fonder sur l’idée d’une supériorité générale de la Russie, en oubliant les provocations américaines, dont l’interférence massive dans les affaires internes russes et l’élargissement de l’OTAN en dépit d’assurances contraires.

En terme d’affaires étrangères, Donald Trump n’est ni un Richard Nixon, ni un George H.W Bush. Mais il n’est pas non plus Bill Clinton, W. Bush ou Barack Obama, qui sont tombés dans des pièges en raison de leur manque de vision et de leur volonté générale d’accepter telle quelle une image du monde dépeinte par une communauté du renseignement, qui est conditionnée pour voir le danger partout. Trump a raison de montrer qu’elle a failli à sa tâche. Elle devrait lui fournir des informations de politique internationale et de sécurité nationale, et non dicter ou critiquer ses choix politiques. Le bilan de ces soi-disant experts n’est pas glorieux. Ils feraient mieux d’écouter le président et de « retourner sur les bancs de l’école ».

Scott Ritter a dirigé l’équipe d’inspecteurs de l’UNSCOM chargée du désarmement de l’Irak. Il est notamment l’auteur d’ouvrages traduits en français : « Endgame » (1999), « Guerre à l’Irak » (2002), et « Les mensonges de George W. Bush » (2004). En 2018, il a publié “Dealbreaker: Donald Trump and the Unmaking of the Iran Nuclear Deal”

Traduction: Z.E pour France-Irak Actualité

Cet article a initialement été publié dans « The American Conservative » –

*Source : Information Clearing House

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