La guerre en Syrie pourrit l’atmosphère d’Antioche: Article tout de même intéressant
août 22, 2012
-
L’Armée libre syrienne (ALS) dit gagner du terrain à Alep. Ce que conteste l’armée de Bachar al-Assad.
AFP
Dans cette ville turque proche de la frontière, musulmans sunnites, alaouites et chrétiens vivent en harmonie. Mais l’afflux de réfugiés et de rebelles syriens bouleverse cet équilibre.
Antakya (Antioche). De notre correspondante
« Pendant le ramadan, tu ne peux pas voir cette scène partout en Turquie », lance Ahmet, journaliste local, désignant les terrasses de cafés bondées. Aucun regard de réprobation ne dérange les clients qui mangent et fument en plein jour. Antakya (215 000 habitants), l’ancienne Antioche, est l’une des rares villes turques à avoir préservé un caractère cosmopolite.
Musulmans sunnites et alaouites (alevi en turc), chrétiens orthodoxes ou catholiques et juifs, majoritairement arabophones, coexistent paisiblement.« Ici, chacun respecte la croyance de l’autre. Mais, depuis l’arrivée des réfugiés syriens, cet équilibre est bouleversé », ajoute Ahmet.
Cinquante mille Syriens, fuyant la répression du soulèvement contre Bachar al-Assad, ont trouvé refuge dans quatre camps autour de la ville. Leur présence alimente tensions et suspicions, particulièrement chez les chrétiens et les alaouites, la branche de l’islam chiite à laquelle appartient le clan du dirigeant syrien.
Sur le marché, un commerçant raconte comment des réfugiés (en majorité sunnites) ont reproché aux alévis du cru de ne pas observer le jeûne. Un autre se plaint des combattants de l’Armée libre syrienne (ALS), qui utilisent la Turquie comme base arrière et se promènent armés en ville. Un jeune montre sur son ordinateur la vidéo d’un homme de l’ALS, qui se promène en ville, en scandant : « Les alaouites au cercueil et les chrétiens à Beyrouth ! »
« La présence d’extrémistes nous fait peur »
Plus loin, une femme raconte comment, dans son immeuble, des locataires syriens ont brutalisé un propriétaire qui leur réclamait son dû, en déclarant qu’Erdogan « leur avait tout permis ». Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc, issu de la mouvance islamique, a longtemps entretenu les meilleurs rapports avec Bachar al-Assad… avant de prendre fait et cause pour ses opposants.
D’autres habitants d’Antakya affirment avoir vu en ville des djihadistes libyens et afghans en transit pour la Syrie. « La présence d’extrémistes au sein de l’ALS nous fait peur, déclare un patron de café. Ils sont remplis de haine envers Assad et tous les alévis. Notre gouvernement les soutient et les arme. Qui les empêchera de retourner leurs kalachnikovs contre nous ? » Les sunnites d’Antakya, même s’ils se sentent solidaires de l’opposition syrienne, partagent l’inquiétude. « Amener ici autant d’hommes armés est un vrai risque pour l’équilibre si sensible d’Antakya », reconnaît cet électricien.
Les chrétiens de la ville, une communauté de 1 500 âmes, se sentent aussi menacés. « Que l’on soit sunnite, alévi ou chrétien, nous avons tous de la famille en Syrie. Nous vivons au rythme de ce qui se passe de l’autre coté de la frontière », raconte Josef Naseh, un notable de l’Église orthodoxe. Pour lui, les destins d’Alep (nord de la Syrie) et d’Antakya, deux anciennes villes de l’Empire ottoman restées cosmopolites, sont intimement liés. « Si Alep tombe aux mains des extrémistes, Antakya tombera aussi ».