11ème Congrès : Le parti Baas syrien face à lui-même par Gilles Munier
janvier 9, 2012
Le Commandement national siégeant en Syrie est composé de représentants des branches existantes – officiellement ou clandestinement– reconnaissant la direction damascène. Les Américains considèrent cette superstructure comme à une sorte de Komintern nationaliste arabe. Ils réclament, en vain, sa dissolution.
Guerre fratricide au sommet,
le mal qui ronge le parti Baas
En 1966, l’arrivée au pouvoir, à Damas, du général baasisto-gauchiste Salah Jedid et l’exclusion du PBAS de ses deux principaux fondateurs, Michel Aflak et Salah Bitar, provoqua une scission qui se répercuta au niveau pan-arabe, notamment en Irak. Après la révolution baasiste de juillet 1968 à Bagdad, une nouvelle direction nationale – qualifiée d’orthodoxe, ou de légitime – sera constitué en Irak sous la direction de Michel Aflak.
En novembre 1970, un mouvement dit « de rectification » renversa Salah Jedid au profit du général Hafez al-Assad, alors ministre de la Défense, mais il fallut attendre 1979 pour qu’un projet de réunification du PBAS voit le jour. La découverte, en août 1979, d’un complot « syrien » visant à renverser Saddam Hussein le fera échouer. Il s’ensuivit une rupture profonde entre la Syrie et l’Irak, accentuée par le soutien apporté par la Syrie à l’Iran khomeyniste pendant le confit Iran-Irak, et par la participation de l’armée syrienne à la coalition occidentale constituée en 2001 lors de la Première guerre du Golfe. Les deux Baas se livreront alors à une guerre fratricide, finançant et armant leurs opposants respectifs, baasistes ou non. Jalal Talabani et Nouri al-Maliki résideront à Damas, tandis qu’à Bagdad l’ancien président Amin al-Hafez, renversé par Salah Jedid, dirigera avec Chebli al-Ayssami –secrétaire général adjoint du PBAS, d’origine druze – une alliance d’opposants comprenant Adnan Saadeddine, un des responsables des Frères Musulmans syriens.
Pressions américaines :
Bachar ne cède pas
A la fin des années 90, alors qu’un embargo criminel affame le peuple irakien, et qu’il est de plus en plus question à Washington de « remodeler » le Proche-Orient, Hafez al-Assad et Saddam Hussein amorcèrent un rapprochement entre leurs deux pays. Progressivement, des postes frontières furent rouverts, une compagnie aérienne irakienne autorisée à se poser à Damas, les échanges commerciaux reprirent dans le cadre de la résolution « Pétrole contre nourriture ». Puis, en septembre 2000, le vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz effectua une visite surprise à Damas pour rencontrer Bachar al-Assad – élu président de la République deux mois plus tôt – et son ministre des Affaires étrangères Farouk al-Chareh.
Les troupes américaines n’avaient pas encore atteint Bagdad qu’une pluie de menaces et de pressions s’abattit sur la Syrie. Bachar al-Assad ne céda pas et Farouk al-Chareh déclara, le 2 avril 2003, que « la défaite de la coalition anglo-américaine est dans l’intérêt national de la Syrie ». Depuis le renversement de Saddam Hussein, la Syrie accueille des centaines de milliers de réfugiés irakiens. Les anciens opposants syriens sont rentrés au pays. Un porte-parole du Baas irakien peut s’exprimer à Damas et Al-Raï, chaîne satellitaire privée rend compte, épisodiquement, des activités de la résistance irakienne. En décembre 2003, George W. Bush ratifie le Syrian Accountability Act, proposition soutenue au Congrès des Etats-Unis par l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), le lobby pro-israélien. Il permet à un président américain d’intervenir dans les affaires syriennes quand bon lui semble. Résultat : des sanctions économiques et financières, on est passé aux tentatives de déstabilisation, puis, sous Barack Obama, à l’entraînement militaire d’opposants, voir à des opérations de forces spéciales de l’Otan, ou de commando du Mossad, sur le terrain.
Décalcification
des idées et des pratiques
« Laissons l’histoire juger les hommes qui ont dirigé le Baas jusqu’à ces dernières années ! »me disait dernièrement un ancien membre du Commandement national, « l’important est de réagir vite et bien aux nécessités tactiques et stratégiques du monde actuel ». Le PBAS est à la croisée de chemins. Son devenir dépend en partie de ce qui sera proposé lors du 11èmecongrès de sa branche syrienne. Le 21 août dernier, lors d’un entretien télévisé, Bachar al-Assad a révélé que le Comité central du Baas syrien, réuni quelques jours plus tôt, avait « discuté des mécanismes par lesquels le Parti pourrait développer sa prestation pour conserver sa position durant les prochaines décennies ». Les réformes discutées, en juin 2005, au 10ème congrès du PBAS, ont tardé à se concrétiser, mais le sont aujourd’hui largement, notamment le multipartisme. Qui aurait cru, il y a 8 ans, que l’article 8 de la Constitution faisant du Baas le parti dirigeant aurait été abrogé ? L’amnistie générale décrétée en mai dernier « pour les crimes commis avant le 31 mai 2011 » a permis la libération des Frères musulmans emprisonnés, mais elle ne concerne pas ceux qui se sont exilés.
Pour dialoguer officiellement avec eux, il reste à annuler la loi n°49 de juillet 1980 qui punit de la peine de mort les membres de la confrérie.
De l’avis de l’ancien membre du Commandement national que j’ai rencontré, le PBAS ne « conservera sa position durant les prochaines décennies » que s’il libère la parole de ses militants. C’est la condition sine qua none pour renouer avec le dynamisme des origines, calcifié par les années de dictature du « centralisme démocratique » et du « culte du secret ».
A Bachar al-Assad revient la lourde responsabilité d’engager la rénovation du parti Baas. Rien ne l’empêche d’inviter à un brain storming salvateur les dirigeants des courants qui, de par la Nation Arabe, se réclament de l’arabisme. Pour de nombreux baasistes, il y a urgence. Comme disait Louis-Ferdinand Céline :« L’histoire ne repasse pas les plats ».
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