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Les objectifs de Daech au Liban


Jeudi 23 janvier 2014
Les objectifs de Daech au Liban

Par Scarlett Haddad (Revue de presse ; L’Orient-Le Jour – 21/01/14)*

L’extension, en cours de week-end, du bombardement des localités de la Békaa a montré que la situation à la frontière est en train de passer à une nouvelle phase, encore plus complexe que la précédente. Des sources militaires autorisées précisent que les villages qui ont été bombardés au cours du week-end étaient Boueida (dont les habitants sont chiites), Kasr (dont les habitants sont chiites), Laboué (dont les habitants sont chiites), Ersal (dont les habitants sont sunnites), Ras-Baalbeck (dont les habitants sont chrétiens) et Fakiha (dont les habitants sont mélangés). Ce qui signifie, d’une part, qu’aucune communauté n’a été épargnée et, d’autre part, que ceux qui ont lancé les obus veulent en réalité créer une discorde confessionnelle entre les différentes composantes de la société libanaise, et de la population de la Békaa en particulier. D’autant que, selon le film des développements, les incidents ont commencé par l’explosion d’une voiture piégée en plein centre du chef-lieu de Hermel, suivie le lendemain d’un bombardement intensif de Ersal, qui a fait plusieurs morts. On voulait ainsi faire croire aux habitants sunnites que les chiites voulaient se venger de l’explosion de la veille. Le surlendemain, ce fut au tour des villages chrétiens et mixtes d’être pris pour cible pour que la discorde soit généralisée. Les mêmes sources militaires affirment catégoriquement que les bombardements proviennent de la région située au nord-est de Ersal et qui forme un jurd (2) que se partagent le Liban et la Syrie. Même si certaines parties à Ersal, selon des sources, ont tenté de manipuler les débris des obus pour faire croire qu’ils avaient une autre origine, la preuve irréfutable a été faite au sujet de leur provenance. Or, le jurd de Ersal, qui s’étend jusque dans le territoire syrien et englobe les localités de Yabroud et de Douma dans le Qalamoun et le rif de Damas, est un fief de l’opposition syrienne dans ses factions les plus extrémistes, Daech (1) et le Front al-Nosra.

Une source diplomatique arabe qui suit de près le dossier syrien et ses annexes précise à cet égard que Daech est l’organisation qui a le plus intérêt à étendre le combat au Liban et à y susciter une discorde confessionnelle qui mettrait en difficulté le Hezbollah et l’obligerait à réduire ses effectifs en Syrie. La même source affirme que Daech (l’État islamique en Irak et au Levant) a été créé il y a deux ans environ par les services de renseignements saoudiens et qataris, en même temps que naissait le Front al-Nosra créé par les renseignements saoudiens et alors que l’Armée syrienne libre créée sur l’impulsion des autorités turques commençait à s’essouffler et à montrer ses limites. Il s’agissait de mobiliser le maximum de combattants venus du monde entier, attirés par l’idée du jihad dans une « nouvelle terre sainte », la Syrie. L’idée a atteint son objectif et des milliers de combattants venus de tous les coins de la planète se sont retrouvés dans les camps d’entraînement des jihadistes, installés essentiellement en Jordanie, avant de se rendre en Syrie. Daech et le Front al-Nosra ont commencé par se partager les arènes, selon les fronts ouverts sur le territoire syrien, mais les deux formations se sont concentrées dans le nord du pays, à la frontière avec l’Irak et la Turquie, et au Sud, le long de la frontière avec le Liban. La Turquie, elle, s’est empressée de boucler ses frontières, et Daech n’a pas pu s’implanter sur son territoire. Mais en Irak, il s’est étendu dans la province sunnite de Anbar (théâtre aujourd’hui d’une offensive musclée du gouvernement, avec l’aval de la communauté internationale, États-Unis en tête).

La source diplomatique arabe ajoute que Daech s’est pratiquement auto développé et il a désormais sa propre dynamique. Mais s’il est aujourd’hui la cible d’attaques des autres factions de l’opposition syrienne, avec l’appui des parrains traditionnels de ce camp, c’est surtout parce que l’Arabie saoudite a été contrainte de le lâcher. En fait, deux événements se sont produits au cours des dernières semaines qui auraient poussé, selon la source diplomatique arabe, le royaume wahhabite à lâcher Daech : d’abord les attentats terroristes qui ont pris pour cible la Russie et qui ont poussé le président russe Vladimir Poutine à accuser directement Riyad, allant même jusqu’à menacer de changer la géographie du Moyen-Orient; ensuite l’attentat contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth où les renseignements saoudiens ont été ouvertement mis en cause par l’Iran et par le Hezbollah, et cela a été suivi par la transmission d’informations par les Américains aux renseignements de l’armée pour l’arrestation de Maged al-Maged, chef déclaré des unités Abdallah Azzam. Pointée du doigt, l’Arabie aurait donc choisi de lâcher Daech et elle a mis les autres factions de l’opposition syrienne qu’elle aide financièrement et matériellement à ses trousses, alors que, de son côté, le Qatar s’est plus ou moins retiré du dossier syrien. C’est donc dans ce contexte que la source diplomatique arabe place les combats acharnés entre Daech et les autres factions de l’opposition syrienne. Mais contrairement aux pronostics, Daech s’est montré plus fort que prévu. En Irak, il conserve le fief de Falloujah dont l’armée ne parvient pas à le déloger. En Syrie, il continue de contrôler certaines portions de territoire, notamment au Nord et au Sud, et il s’est étendu au Liban, où il a tout intérêt à provoquer le chaos, d’une part pour affaiblir le Hezbollah en l’entraînant dans une bataille interne, et d’autre part pour desserrer l’étau autour de lui en Syrie et en Irak. La source diplomatique arabe conclut son exposé en précisant que le Liban doit s’attendre à traverser des jours difficiles et il se peut que les obus sur la Békaa du Nord deviennent une actualité régulière, un peu comme Tripoli et ses axes. Il y a toutefois deux éléments positifs : le premier, c’est que Daech ne dispose plus de la couverture officielle d’un État, et le second, c’est que l’armée libanaise est tout à fait consciente des risques, et elle est en train de faire de son mieux pour les enrayer ou pour limiter leurs conséquences. Elle remplit son rôle de défense du territoire et si, en plus, il y a un nouveau gouvernement, cela ne peut que lui permettre de mieux accomplir sa mission.

*http://www.lorientlejour.com/article/851228/les-objectifs-de-daech-au-liban.html

Nota (AFI-Flash) :

(1) L’Etat islamique en Irak et au Levant (ou Pays de Cham) – Daash – est ici orthographié: Daesh.

(2) Un jurd est une étendue rocailleuse en montagne, lieu de passage de troupeaux.

Sur le même sujet, lire aussi :

Partition de l’Irak (suite) : le projet de Daash

(Etat islamique en Irak et au pays de Cham)

http://0z.fr/fnkmu

Mais où est donc passée la résistance irakienne ?

http://0z.fr/Gy_MA

Nouri al-Maliki va-t-il massacrer les habitants de Falloujah ?

http://0z.fr/1

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