Enjeux majeurs de l’intervention militaire russe en Ukraine
mars 9, 2022
par Robert Bibeau
Par Vincent Gouysse. Pour www.marxisme.fr
Si l’on veut comprendre comment le Monde en est arrivé à la situation actuelle, on ne peut faire l’économie d’un minimum de rappels historiques.
En lançant une attaque surprise globale contre les principales infrastructures de l’Armée ukrainienne le 24 février 2022, Vladimir Poutine a indéniablement surpris tout le monde en Occident, y compris les analystes militaires cultivés et non hystériquement hostiles à la Russie, à l’instar du général (2S) Lalanne-Berdouticq qui concédait le 25 février s’attendre à « un appui militaire officiel aux provinces du Donbass en application du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » ». En terme de droit bourgeois international, Vladimir Poutine a décidé de « soutenir les républiques séparatistes du Donbass, dont il a reconnu l’indépendance et qui l’ont « appelé à l’aide », légitimant ainsi en droit international cette intervention » à grande échelle contre l’Ukraine. Si la méthode est indéniablement brutale, elle n’est pourtant pas moins juridiquement légitime que celles employées de longue date par les puissances impérialistes occidentales pour justifier leurs ingérences coloniales les plus grossières…
Pour ceux qui, comme ce général français, connaissent réellement les faits historiques élémentaires, il est évident que « nul ne peut contester que l’Ukraine et la Russie, si elles ne sont pas strictement le même pays, sont indissolublement liées par l’histoire. La Russie fut créée à Kiev au IXe siècle après les invasions mongoles et l’on parla d’abord de « Russie kiévienne », des siècles avant de parler de « Russie moscovite ». Un Ukrainien est chez lui en Russie, comme un Russe l’inverse. C’est un fait et Poutine, comme tout Russe pénétré de patriotisme en est convaincu, avec raison ».
Nous jugeons essentiel de reproduire un passage assez long des réflexions réalistes de ce général qui souligne les conséquences à long terme, aujourd’hui bien sensibles, de l’effondrement du social-impérialisme soviétique :
« Il fut donc convenu avec Gorbatchev, mais sans qu’un traité en bonne et due forme soit signé, que s’il acceptait de rapatrier ses têtes nucléaires et de démanteler sur place les missiles stationnés à l’extérieur, les Alliés n’étendraient pas ensuite l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie ou de son « Etranger proche », autrement dit de son « glacis vital » tel que conçu par Moscou. Ce glacis vital comprend : les pays baltes, la Biélorussie, l’Ukraine et la Transcaucasie dont entre autres la Géorgie. Il fut de plus convenu que les Occidentaux gratifieraient la Russie d’une sorte de Plan Marshall pour l’aider à se reconstruire. Or, profitant de l’état de faiblesse extrême de la Russie, les Alliés ne tinrent pas parole et, non contents de leur victoire, ils allèrent jusqu’à humilier gravement leur ancien adversaire et en quelques années tous ces pays sauf l’Ukraine et la Géorgie rejoignirent l’alliance. (…) La grande Russie était à terre et les Américains ainsi que leurs alliés la frappaient du pied. Aucune aide financière ou économique ne fut organisée. L’ambassadeur américain à Moscou faisait passer des notes comminatoires au Ministère russe des Affaires étrangères plusieurs fois par semaine afin que la politique du Kremlin soit favorable aux intérêts de Washington (Témoignage d’un diplomate russe devenu ambassadeur ultérieurement). (…) En 2000 Vladimir Vladimirovitch Poutine, ancien officier supérieur du KGB arriva au sommet du pouvoir et succéda donc à Eltsine, après que ce dernier eut courageusement résisté à une tentative de coup de force d’une partie de la garnison de Moscou, excédée par la faiblesse de l’Etat et sa corruption. Les anciens membres des « Organes de force » de l’ex-URSS prirent donc en mains les destinées du pays. Ils étaient, c’est un fait, les seuls à posséder la discipline, la volonté et le patriotisme nécessaires pour mettre un terme à cette chute vers le néant. De plus ils étaient les seuls à connaître la vérité sur la situation de leur pays et celle de l’étranger, vérité inconnue du grand public du temps de l’URSS. S’en suivit une remise en ordre, lente mais méthodique, menée sans pitié pour certains « oligarques » qui s’étaient trop visiblement enrichis au détriment du bien public. D’autres furent épargnés et retournés, rendus raisonnables à la vue du sort réservé à ceux qui se croyaient suffisamment puissants pour résister aux nouvelles autorités. La prison, le « camp à régime sévère » du côté d’Arkhangelsk, voire la mort « accidentelle » étaient alors le lot des récalcitrants. Hébétée de souffrances et de privations, la population russe, consultée à plusieurs reprises lors d’élections qui n’avaient pas besoin d’être truquées pour se montrer favorables au pouvoir, se rallia dans ses grandes masses à Poutine et Medvedev, son Premier ministre. Cependant, non contents d’avoir terrassé le géant, les Alliés mais surtout les Américains, non seulement favorisèrent l’entrée dans l’OTAN des anciens membres extérieurs du Pacte de Varsovie mais s’engagèrent dans le démantèlement de la Yougoslavie. Le pire fut commis en 1999 lors de la campagne du Kosovo sur laquelle nous reviendront car elle est la matrice de la contre-attaque russe. Mieux, les Alliés imaginèrent de changer le régime politique de certains des pays du « glacis vital » russe au nom du « devoir d’ingérence » pour étendre leur propre vision de la démocratie. C’est ainsi que furent favorisées, voire organisées, par les services spéciaux américains et britanniques, les « révolutions de couleur » qui virent arriver au pouvoir, à Kiev mais aussi ailleurs, des hommes favorables à Washington et plutôt hostiles à Moscou. Ainsi, un pouvoir très favorable à l’ouest fut-il élu à la tête de ce pays en 2013 après les « événements de la Place du Maïdan » après la « Révolution orange ». Pour Moscou, les choses ne pouvaient pas durer longtemps ainsi sans réaction ».
Comme nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises depuis 2007, la Russie a donc indéniablement tourné la page de sa courte mais complète soumission au Capital financier occidental, et l’aile bourgeoise-compradore pro-occidentale défaite après avoir démantelé sans états d’âmes le social-impérialisme soviétique et sa sphère d’influence, a été remplacée par une aile nourrissant de nouvelles ambitions impérialistes en alliance étroite avec l’impérialisme chinois ascendant…
Une revanche de l’Histoire d’un point de vue des héritiers du social-impérialisme soviétique qu’incarne Vladimir Poutine et qui rêvent de redonner à la Russie une place de choix sur la scène internationale, ainsi que les « chaînes dorées de l’esclavage salarié » qui vont avec…
Sur le plan moral et humanitaire, il n’est pas très difficile à Vladimir Poutine de justifier l’intervention militaire russe directe et à grande échelle en Ukraine. Le soir du 21 février, nous soulignions que la reconnaissance officielle des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk par la Russie administrait « une grosse claque aux fauteurs de guerre d’Occident », notant au passage que Bachar El Assad se disait prêt à faire de même, et qu’ « une invasion du Donbass » se compliquait « pour les fachos de Kiev »…(Voir ceci: Faut-il « dénazifier » l’Ukraine ? Qu’en est-il des autres pays totalitaires? – les 7 du quebec https://les7duquebec.net/archives/270783 . Le 24 février, au moment de l’annonce de l’attaque militaire russe de grande envergure contre les infrastructures militaires ukrainiennes, nous ajoutions ceci :
« Après huit années de Guerre permanente livrée aux peuples de Lougansk et de Donetsk (15 000 morts) par les fascistes de Kiev portés au pouvoir par le coup d’Etat pro-US de 2014, la Russie a dit « STOP » et frappé fort. Les médias occidentaux découvrent aujourd’hui qu’il y a la guerre en Ukraine… L’objectif affiché de la Russie : « dénazifier et démilitariser l’Ukraine »… De toute évidence la sanction pour l’avancée sans limite de l’OTAN à l’Est, après l’expiration de l’ultimatum russe à l’Occident »…
Dans des discussions approfondies sur la question que nous avons tenues le lendemain (le 25 février) avec nos camarades marxistes-léninistes du Burkina Faso, nous remarquions d’abord que la question de l’intervention russe en Ukraine était éminemment difficile pour un communiste révolutionnaire. C’est d’abord un fait que deux blocs impérialistes s’affrontent, l’Occident colonialiste en cours d’effondrement, et le bloc Chine-Russie-Iran ascendant plutôt porté pour le moment sur les méthodes d’exploitation pacifiques… Ce qu’endurent les populations russophones du Donetsk et de Lougansk doit cependant être pris en compte : les accords de Minsk, qui devaient accorder une autonomie nationale-culturelle aux régions russophones au sein de l’Ukraine, accords signés mais bafoués depuis 2015 par l’Ukraine avec la complicité bienveillante des occidentaux… Kiev dénie aux populations russophones jusqu’au droit à l’éducation dans leur langue maternelle… Huit années de souffrances permanentes, 15 000 morts, dont de nombreux civils… La Guerre en Ukraine n’a pas commencé le 24 février 2022. Cela fait huit ans que les peuples de Donetsk et de Lougansk vivent dans la peur et sous les bombes des auteurs fascistes du coup d’Etat pro-américain de 2014.
Depuis des semaines, Joe Biden poussait Kiev à intensifier les frappes contre le Donbass (jusqu’à 1 200 obus par jour lancés par Kiev juste avant la reconnaissance de leur indépendance par Moscou !) pour forcer la Russie à intervenir militairement afin de justifier les sanctions (l’inflation et la poursuite du « grand reset »). Les russes avaient donc deux choix : 1° attendre, reculer, mettre en péril les populations russophones du Donbass et laisser l’initiative à l’Occident ou bien 2° prendre les occidentaux à leur propre piège en reconnaissant l’indépendance des régions russophones et en les soutenant ouvertement dans leur offensive pour récupérer les régions russophones du Donbass occupées par Kiev. D’où l’attaque surprise du 24 février lancée par la Russie contre les principales infrastructures militaires de Kiev.
Nous soulignions également que bien que nous fussions « assez partagés » et que « nos sentiments » étaient « mitigés », notamment en ce qui concerne les lourdes conséquences politiques de l’intervention militaire russe en Ukraine, nous jugions néanmoins « pathétique » la position publique du PCOF, organisation prétendument marxiste-léniniste :
« Rien sur le coup d’Etat fasciste « Maïdan » pro-US de 2014, les violations des accords de Minsk, ni sur le calvaire de huit années des populations russophones de Donetsk et Lougansk… Avec de telles positions « de principe » dogmatiques héritées du pacifisme bourgeois et non de la vision léniniste qui ne juge pas en fonction de la division agresseur/agressé, mais de si cela profite ou pas aux travailleurs et aux peuples, le PCOF aurait condamné l’attaque de la Finlande par l’URSS fin 1939, bien que les analogies historiques aient une valeur relative… »
Assurément, Vladimir Poutine est un impérialiste et un anti-communiste et les circonstances comme les buts des deux attaques (Finlande en 1939 vs Ukraine en 2022) diffèrent fortement. Quand nous refusons de déclarer totalement illégitime l’intervention militaire russe en Ukraine, nous nous plaçons d’un point de vue des peuples qui subissent la guerre coloniale infligée par Kiev depuis huit années et qui entrevoient aujourd’hui le bout du tunnel. De leur point de vue, c’est un moindre mal. Mais ce n’est effectivement pas la solution pour laquelle nous combattons, nous, communistes.
Les capitalistes russes ont dit stop à sept années de violation des accords de Minsk qui avaient entériné un statut spécial pour les républiques séparatistes. Ces violations répétées ont été commises dans l’impunité la plus totale, avec la complicité occidentale,… comme en ce qui concerne le régime sioniste d’apartheid dont souffre le peuple de Palestine occupée depuis plus de sept décennies.
D’un point de vue strictement anti-colonial, « même sur le fond, il est difficile de parler d’une agression russe quand depuis huit ans, la Russie tente de faire arrêter le bain de sang dans le Donbass. Poutine a parlé de génocide et de bonnes âmes se sont aussitôt scandalisées. Mais on aimerait qu’elles nous expliquent le but de ces bombardements dont on voit mal l’intérêt militaire. Le but, c’est de faire régner la terreur dans la population russophone du Donbass. Et cette terreur est entretenue par les ukronazis qui ont une haine inextinguible pour tout ce qui est russe. Lâchons ces chiens sur le Donbass, et c’est le génocide assuré. Bien sûr, si cela se produisait, nos bonnes âmes regarderaient ailleurs, comme elles évitent de regarder de trop près ce qui se passe au Yémen. Ceux qui n’ont cessé de violer le droit international, ce sont les États-Unis. Alors arrêtons ces hypocrites qui prétendent compatir aux malheurs de l’Ukraine dont ils sont en fait les premiers responsables ».
Cela fait en outre des semaines que Washington pousse Kiev à attaquer le Donetsk et Lougansk pour en finir avec les séparatistes russophones et forcer Poutine à les soutenir ouvertement (et ensuite ainsi pouvoir justifier les sanctions et la poursuite du « Grand Reset »). Y voir, comme la grossière propagande de guerre occidentale, la seule folie et brutalité d’un homme (Vladimir Poutine), c’est le degré zéro de l’analyse politique auquel l’Occident a il est vrai habitué sans discontinuer ses peuples, en particulier dans l’analyse des « totalitarismes »… Vladimir Poutine a donc agi préventivement pour rendre obsolètes les plans occidentaux d’enlisement du conflit aux frontières des territoires séparatistes russophones et leur retirer l’initiative en reconnaissant l’indépendance de ces deux régions, le tout assorti d’un traité d’assistance militaire. La surprise, pour tous (depuis Washington jusqu’aux experts militaires pro-russes occidentaux), c’est l’attaque lancée immédiatement par les milices populaires du Donbass contre l’armée ukrainienne (pour récupérer la partie occupée du Donbass), attaque soutenue à grande échelle par les frappes russes simultanées contre plus de 83 cibles militaires ukrainiennes majeures au cours des premières heures (centre de commandements, défense anti-aérienne et anti-missiles, aéroports militaires, dépôts de munition) sur tout le territoire ukrainien… L’objectif est aujourd’hui clair, rétablir la situation d’avant le coup d’Etat occidental de 2014 et en finir avec la clique pro-occidentale de Kiev.
Un communiste ne peut être insensible à ce qu’ont enduré les populations russophones depuis 2014, sans être non plus emballé par les retombées (notamment idéologiques) en Occident, où les peuples vont en grande partie gober la propagande de Guerre occidentale… Pour le reste, à l’international, l’affaire ne devrait pas tourner à l’avantage des capitalistes occidentaux qui vont exposer leur impuissance à la face du Monde, sans oublier la perte de leur mainmise sur l’Ukraine, et cela va inévitablement hâter la fin de l’occupation et des agressions coloniales occidentales partout dans le Monde… C’est pourquoi la Chine ne condamne pas la Russie, qui avait dû l’avertir bien avant… La Russie et la Chine sont des impérialismes, au même titre que les puissances occidentales. Et Vladimir Poutine est effectivement nostalgique du social-impérialisme soviétique, c’est un fait indéniable. On ne peut cependant pas ignorer le fait que la Russie ne semble pas vouloir, du moins c’est ce qu’elle déclare (même dans le cas ukrainien qui est pourtant à sa porte), laisser une force d’occupation militaire en Ukraine.
Elle veut une Ukraine neutre qui ne la menace pas en se rapprochant toujours plus de l’Otan. De nombreux peuples du monde aspirent aujourd’hui à la fin de la politique coloniale, d’occupation militaire et de chantage permanent de l’Occident. Et ce qui se passe aujourd’hui pourrait contribuer à cela. Ce qui se passe au Donbass depuis des années, la politique fasciste de Washington/Kiev ne peut être nié. Cela ne fait évidemment pas de Vladimir Poutine un libérateur désintéressé… Le 23 février, nous écrivions d’ailleurs dans nos commentaires sur le média alternatif Réseau International :
« Je soutiens évidemment la décision majeure de Poutine sur la reconnaissance de l’indépendance de Lougansk et Donetsk, face au régime fasciste-fantoche de Kiev… Par contre, je déplore des mensonges récurrents sur la « dictature stalinienne » et une incompréhension totale de la stratégie léniniste de résolution de la question nationale et coloniale. Le droit à la séparation des républiques soviétiques n’est un problème que sous le capitalisme qui tend à disloquer les Etats multinationaux/multi-ethniques, surtout dans les périodes de crise. Sous le socialisme, ce droit est une marque de confiance, et une garantie qu’on restera sur les bons rails (ceux des rapports de production socialistes), sans quoi la sanction tombera, impitoyable : la séparation…. La Seconde Guerre mondiale a d’ailleurs montré que l’union étroite des nationalités composant l’URSS avait été presque parfaitement réalisée en seulement un peu plus d’une décennie de nouveau régime social (liquidation de la dernière classe exploiteuse constituée dans les campagnes), à l’exception de l’Ukraine, davantage marquée par la dékoulakisation et l’héritage cosaque du temps des tsars… »
Sur ce qu’ont vécu pendant huit années les populations civiles russophones de Donetsk et Lougansk dans l’indifférence générale des merdias/politiciens prostitués occidentaux à la morale à géométrie variable et à l’indignation si sélective, nous renvoyons au suivi régulier de la situation dans le Donbass réalisé des années durant par Christelle Néant. La morale des élites bourgeoises-compradore pro-occidentales de Kiev est également illustrée par ce fait qu’hier encore, l’armée russe détruisait un barrage construit par Kiev sur le canal approvisionnant le nord de la Crimée afin de couper son approvisionnement en eau…
Les russes profitent aujourd’hui de l’effondrement de l’Occident, de l’intensification de sa politique coloniale agressive (intensification des bombardements des peuples russophones du Donbass depuis plus d’une semaine par Kiev) pour dire : l’ère de votre politique coloniale systémique touche à sa fin et vos marionnettes vont maintenant rendre des comptes… En résumé, il est dangereux d’avoir une position manichéenne sur la question… Oui, la Russie est un impérialisme, mais son action est-elle moins légitime que son inaction aux côtés de Donetsk/Lougansk ? Nos sentiments sont certes mitigés, mais vont plutôt en faveur de l’intervention russe face à un Occident qui a délibérément soutenu des fascistes et envenimé la situation… D’autant que l’Occident a de toute façon planifié depuis des semaines une Guerre « locale » en Ukraine, dans le Donbass…
Nous rappellerons à cette occasion qu’en mai 2015, à l’occasion d’une interview donnée à Radio Sputnik dans le cadre des célébrations du 70ème anniversaire de la Victoire, nous nous avions publiquement dénoncé le coup d’État fasciste pro-occidental en Ukraine, sans pour autant nous faire d’illusions sur la Russie de Poutine. A ceux qui ne connaissaient pas l’Histoire tumultueuse de la collaboration des nationalistes ukrainiens avec les nazis, nous renvoyons à l’ouvrage qui nous avait valu la demande d’interview par Sputnik.
Il faut indéniablement reconnaître au représentant en chef de l’impérialisme russe qu’est Vladimir Poutine une grande intelligence des situations. En dépit d’inévitables mensonges anti-communistes, en particulier sur les acquis et la réalité du socialisme soviétique sous Lénine-Staline, il sait se référer intelligemment à un pan majeur de l’Histoire de l’URSS qui fait relativement consensus (la contribution décisive de l’URSS à la défaite militaire du nazisme), pour jouer sur la fibre patriotique et les forts sentiments de nostalgie et de fierté d’une partie importante du peuple russe pour l’URSS en général, et pour cette époque en particulier.
Vladimir Poutine souligne ainsi que l’Occident n’a pu trouver d’autres solides alliés anti-russes en Ukraine que les héritiers et descendants des nationalistes qui avaient collaboré avec l’occupant nazi… Et il est assurément difficile de ne pas lui donner raison sur ce point tant le retour en grâce de ces collabos est évident en Ukraine… Parmi eux, Stepan Bandera. Comme le rappelaient en 2018 les médias russes, Stepan Bandera a immédiatement vu dans le nazisme un allié potentiel de la cause nationaliste ukrainienne et a activement collaboré à la guerre d’extermination déclenchée par l’impérialisme allemand le 22 juin 1941 contre l’Union Soviétique. Cependant, « une fois que l’organisation n’a plus été utile pour le régime allemand, les dirigeants de l’UPA ont fait face à une répression. Bandera a été arrêté en 1941 et a passé trois ans en prison avant d’être libéré en tant qu’organisateur potentiel de la résistance à l’avancée des troupes soviétiques. L’organisation nationaliste a ensuite été soutenue par les services de renseignement occidentaux, qui l’ont utilisée de la même manière que les nazis – pour nuire au contrôle soviétique en Ukraine ». Stepan Bandera mourut… en 1959 à Munich, exécuté par un agent du KGB.
Le 2 janvier 2018, une marche de milliers d’ukronazis célébrant le 109e anniversaire de la naissance de Stepan Bandera à Kiev…
Monument célébrant Stepan Bandera (à Ternopil, en Ukraine occidentale), photo prise le 1er janvier 2017 par Mykola Vasylechko.
Que pensent donc dans leur grande masse le peuple russe et les populations russophones ukrainiennes du soutien (moral et matériel) apporté par le consommateur-citoyen décérébré occidental à ces valeureux « combattants de la liberté » ukrainiens ? N’est-il pas compréhensible qu’ils puissent répondre à l’appel (en apparence humanitaire, mais en réalité impérialiste) de Vladimir Poutine à aller « dénazifier et démilitariser » l’Ukraine en solidarité avec les peuples russophones martyrs de Donetsk et Lougansk, et à « traduire en justice » les criminels à la tête d’une Ukraine aux mains des « ukronazis » dévoués à Washington ?
Le 24 février, deux bannières sont portées par le véhicule de tête d’un convoi militaire russe en Ukraine : le drapeau de la fédération de Russie et la bannière de la victoire de la Grande Guerre patriotique antifasciste… Le décor est planté, pour le soldat russe, ce qui se joue aujourd’hui en Ukraine est une Guerre antifasciste visant à libérer le peuple ukrainien d’une clique de fascistes nationalistes pro-américains…
Les ukrainiens nationalistes fanatiques anti-russes, formés depuis des années par les instructeurs militaires occidentaux, sont ceux qui ont noyauté l’armée régulière ukrainienne et ont été les plus ardents partisans de huit années d’une politique terroriste délibérée de bombardement des populations civiles russophones de Donetsk et Lougansk… Parmi eux, des criminels de guerre qui se battront à mort plutôt que de se rendre. Ne peut-on pas, sous cet angle au moins, déclarer, à l’instar de l’impérialisme chinois, que « la question ukrainienne est complexe » et qu’on peut en outre « comprendre les préoccupations sécuritaires » invoquées par une Russie qui n’est plus que l’ombre du social-impérialisme soviétique, une puissance d’envergure internationale déchue à laquelle les dirigeants politiques bonimenteurs d’Occident avaient promis monts et merveilles au moment de son grand déclassement en 1991…
Mais les mensonges se paient tous au prix fort un jour… Et ce jour se rapproche à grands pas en ce qui concerne le bloc impérialiste d’Occident…
Ce qu’on voit aujourd’hui à Kiev n’est pas sans rappeler les derniers instants d’un régime nazi acculé, quand l’Armée Rouge avançait sur Berlin : dislocation des troupes régulières de l’ennemi, armement de jeunes sans expérience…
Ci-contre : Un direct bien embarrassant et humiliant sur Sky News… Avant de prétendre pouvoir se servir correctement de son arme, il faudra déjà apprendre à monter correctement le chargeur pour ne pas qu’il tombe au sol… Devant une caméra, ça peut passer (encore que…), mais devant l’ennemi…
D’autant qu’en face, la Russie aligne du lourd et le fait savoir : du matériel moderne (que les ukrainiens n’ont plus), des hommes motivés et entraînés, incluant des troupes d’élite redoutables, notamment des soldats tchétchènes endurcis, un rapport de force éminemment défavorable qui effraie déjà l’Occident pourtant vautré sur son canapé…
Que dire d’autre, sinon que les combattants tchétchènes pourraient bien se pisser dessus avec ça en face… (de rire, pas de peur, ça va de soi…) Ce piètre remake américano-kievien de la 7ème compagnie serait assurément comique si cela restait virtuel, c’est-à-dire un mauvais cinéma, et n’avait pas pour contreparties bien des tragédies et des drames humains à venir…
Le 27 février, CNEWS titrait ainsi « Guerre en Ukraine : Qui sont les Kadyrovsty, les terrifiantes troupes tchétchènes de Ramzan Kadyrov ? ». Après avoir dépeint les 10 000 soldats d’élite tchéchènes mobilisés le 25 février par le président tchétchène pour soutenir l’offensive militaire russe sur ses fronts ukrainiens les plus périlleux, comme des troupes « sans foi ni loi » « préparées à épauler la Russie quel qu’en soit le prix » sans renoncer à aucune méthode (« intimider, torturer et terroriser »), le merdia atlantiste nous apprend que le régime tchétchène les a déjà utilisé pour « accélérer sa politique de persécution contre les homosexuels », le fondateur de l’association « Réseau LGBT », ajoutant que les homosexuels en Tchétchénie « pensent que les Kadyrovtsy peuvent les retrouver partout, à Moscou et même à l’étranger ».
« En treillis, face à ses hommes en uniforme et arme, Ramzan Kadyrov a prononcé vendredi [25/02/2022] un discours devant les 10 000 soldats qu’il a mobilisés pour les envoyer combattre en Ukraine, au lendemain de l’invasion russe. Le président tchétchène a demandé au président ukrainien Volodymyr Zelensky de présenter ses excuses à Vladimir Poutine (…) alors que de grands drapeaux russes et tchétchènes étaient brandis ».
La traduction fondamentale de cet article se ramène donc en substance à ceci : « Avis aux « fiotes » occidentalisées ukrainiennes, les Huns tchétchènes homophobes déboulent pour émasculer les bataillons LGBT de Kiev »… Mais cet appel à un « sursaut de virilité » sera-t-il suffisant pour transformer l’aspirant-consommateur occidental dépravé kiévien en résistant prêt à donner sa vie pour le régime fantoche pro-américain des néo-bandéristes ? Rien n’est moins sûr, surtout quand on voit les recrues novices mobilisées dans l’urgence en ce moment à Kiev…
Et pour oublier un peu les horreurs inévitables de la Guerre, car il n’y a pas de guerre propre, il nous apparaît essentiel de véhiculer un peu de douceur dans ce monde de brutes… Pour les ukrainiens, Volodymyr Zelensky est indéniablement bien plus qu’un président : c’est un artiste complet, un acteur, un danseur hors normes et un pianiste contemporain dont la reprise d’ « Il jouait du piano debout », jouée au « piano à deux queues », fera date !…
Voilà l’essentiel en ce qui concerne la perspective militaire fondamentale. Pourtant, ce n’est pas un secret que l’Occident rêve de voir l’impérialisme russe s’embourber en Ukraine. A l’évidence, c’est très loin d’être garanti… Macron déclarait pourtant dernièrement : « Cette guerre durera et l’ensemble des crises qu’il y aura derrière auront des conséquences durables ». La Russie de Vladimir Poutine en a assurément vu bien d’autres, avec par exemple la victoire contre les mercenaires salafistes occidentaux après des années de combat en Tchétchénie. La Russie, comme on le voit, ne semble guère inquiète des répercussions internationales multiples de son attaque en Ukraine et des réponses qu’y apporteront les leaders occidentaux. L’Europe assume aujourd’hui publiquement d’armer Kiev dans la continuité de ce qu’a fait l’Occident depuis 2014 sous la houlette de Washington afin de faire plier les population russophones sécessionnistes de Donetsk et Lougansk. Et le consommateur occidental moyen de hausser les épaules en déclarant que cela lui importe peu tant que son quotidien ne s’en trouve pas fondamentalement bouleversé. Or c’est justement ici que les choses se corsent, car de toute évidence, les « crises » que la macronie a en vue pourraient le concerner une toute autre cible que la Russie ! Les mass-merdias atlantistes ont annoncé, dans le sillage de la macronie, que les cours de nombreuses matières premières s’étaient littéralement déjà envolés : pétrole, blé, aluminium, etc., sans oublier un remarquable + 50 % pour le gaz !
Le volet essentiel des sanctions occidentales contre la Russie vise en fait à toute autre chose qu’à ruiner une Russie relativement autonome et approvisionnée en biens de consommation par la Chine. Les conséquences économiques majeures seront en réalité réservées à l’Occident lui-même qui va « s’auto-sanctionner », comme l’a ironisé l’ancien président russe Dimitri Medvedev : « Bienvenue dans un monde nouveau où les Européens vont bientôt payer 2 000 € pour 1 000 m3 de gaz ». Dans la même veine, plus d’une semaine avant la reconnaissance de l’indépendance de Donetsk et de Lougansk par la Russie, l’ambassadeur russe en Suède déclarait publiquement sans ambages que Moscou ne s’inquiétait guère de quelconques futures sanctions face à la réponse russe aux provocations de Kiev et de l’Occident : « Pardonnez-moi l’expression, mais nous n’en avons rien à foutre de toutes leurs sanctions », et d’ajouter que l’Occident avait par le passé « déjà imposé tellement de sanctions, et dans un sens elles ont eu des effets positifs sur notre économie et notre agriculture », et que par conséquent « nous sommes davantage autosuffisants et avons été capables d’augmenter nos exportations ». Aussi, « de nouvelles sanctions n’ont rien de positif, mais ne sont pas aussi mauvaises que l’Occident le dit. (…) Plus l’Occident fait pression sur la Russie, et plus forte sera la réponse russe ».
Cet avertissement devrait être pris au sérieux dans la mesure où la Russie n’est à l’évidence pas du tout isolée, hormis dans l’imaginaire collectif de nombreux idéologues occidentaux et de leurs victimes indigènes… L’intervention russe, de l’aveu d’un analyste occidental entendu le matin du 26 février sur France info (TV, canal 27), témoigne déjà de la division du monde, et notamment du fait que l’opposition à la Russie n’est pas unanime, mais « très occidentale »… La preuve nous est donnée par le résultat du vote du 25 février 2022 du Conseil de sécurité de l’ONU : « Le projet de résolution, qui était présenté par les Etats-Unis et l’Albanie, a reçu 11 votes pour, 1 vote contre (Russie) et trois abstentions (Chine, Inde et Emirats arabes unis) ».
A l’évidence, les lignes de fracture géopolitiques bougent très vite et les impérialistes occidentaux ont été choqués que l’Inde ne les suive pas. C’est un signe fort… La position des EAU, traditionnels alliés/otages de Washington, aussi… Ces pays ne veulent pas se fâcher avec les nouveaux maîtres du Monde… Les occidentaux duperont peut-être la majorité de leur propre opinion publique, mais c’est tout… La phase finale de la stratégie tri-mondiste d’émergence de l’impérialisme chinois décrite il y a plus de quarante ans par Enver Hoxha est donc en train de se réaliser et un nombre croissant de pays dépendants bourgeois-compradore vont inévitablement se détacher de la sphère d’influence coloniale occidentale… Assurément, la crise actuelle en Ukraine aura des conséquences géopolitiques internationales cataclysmiques de long terme.
Seuls des aveugles peuvent refuser de voir que la politique d’occupation coloniale occidentale systémique du Monde est en sursis et touche à sa fin… La Chine, dont un camarade burkinabé remarquait avec une grande perspicacité qu’ « on peut aussi considérer » qu’elle « joue [aussi] pour elle-même », car « ne faisant pas mystère du fait qu’elle veut extirper les USA de Taïwan et ramener « à la maison » l’île », ne prend même plus la peine de masquer son soutien mutuel entre plantigrades : le panda et l’ours, patte dans la patte, étroitement unis pour achever l’ennemi commun à l’agonie…
Il suffira de regarder les publications récentes de Pékin pour constater que l’impérialisme chinois n’est pas du tout mal à l’aise avec la propagande de Guerre occidentale éhontée sur l’intervention militaire russe en Ukraine. Nous n’en donnerons qu’un exemple majeur… Le 26 février, le diplomate chinois Zhao Lijian relayait une caricature acerbe du Global Times assortie du commentaire suivant : « Les États-Unis devraient se demander qui a déclenché tout cela » ! Preuve que la « neutralité » de la Chine au vote du Conseil de sécurité de l’ONU du 25 février 2022 valait en réalité un soutien désormais non équivoque et non dissimulé à la Russie…
Nous tenons à souligner au passage que les impérialismes russes et chinois sont aussi mondialistes et souverainistes que l’Occident : souverainistes chez eux, mondialistes à l’étranger (commerce/investissements). Ce n’est que sur les méthodes de partage des marchés extérieurs et de la redistribution des sphères d’influence, que les deux blocs s’opposent : l’Occident n’ayant plus pour lui (et plus pour très longtemps encore…) que le recours systémique aux méthodes coloniales brutales (unilatérales), de plus en plus honnies et contre-productives…
Trois jours auparavant, soit à la veille de l’attaque militaire russe contre l’Ukraine, le même diplomate chinois avait publié un tweet (presque prémonitoire…) présentant the « USA bombing list » du « Democracy World Tour » (« tournée démocratique mondiale ») répertoriant la longue liste des pays souverains agressés militairement par l’impérialisme américain de 1950 à 2015, et d’ajouter à l’attention de ceux qui n’auraient pas compris le message : « Ne jamais oublier qui est la véritable menace pour le Monde » !…
Signalons enfin que Zhao Lijian n’est pas n’importe quel diplomate chinois. Zhao Lijian est porte-parole du ministère des affaires étrangères de la république populaire de Chine depuis le 24 février 2020. Il est connu pour être l’ « influenceur » et le « diplomate combattant » le plus populaire de Twitter… Il s’était notamment illustré au début de l’année 2020 pour avoir cité un article du média alternatif canadien Globalresearch.ca qui avait mis en évidence la paternité américaine probable du Covid-19 à partir du laboratoire P4 US de Fort Detrick et son importation via la délégation militaire américaine aux jeux militaires mondiaux de Wuhan…
D’une crise (sanitaire) à l’autre (militaire), on retrouve toujours les mêmes têtes aux avant-postes de la réaction mondiale : Hier, c’est Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne (et figure lobbyiste bien connue au service de Big Pharma durant la pandémie Covid), qui décrétait l’interdiction contre l’agence de presse Rossiya Segodnya (qui englobe notamment Sputnik) d’émettre dans l’UE…
Le service de presse du média russe Sputnik répondit lucidement que « Nous suggérons à l’Union européenne de ne pas s’arrêter à des demi-mesures mais d’interdire purement et simplement Internet »…
Les merdias occidentaux et les roquets politiciens atlantistes craignent-ils donc que les « mensonges » des mass-médias russes ne soient plus crédibles que ceux des mass-médias occidentaux, et ne puissent ainsi contribuer à déliter leur influence sur l’opinion publique occidentale ? Une influence déjà sérieusement ébranlée par deux années de pandémie sanitaro-sécuritaire… Il nous importe de souligner au passage le fait que l’intervention militaire russe aura mis brutalement un terme à deux années de plandémie médiatique Covid plus efficacement que les injections expérimentales, injections dont les médias alternatifs sérieux continuent justement de démontrer les dangers… Pour le Capital financier occidental, la diversion militaire actuelle est éminemment salvatrice en ce qu’elle permet de rejeter complètement à l’arrière plan l’enjeu majeur de deux années de pandémie bidon, et de diviser et d’affaiblir considérablement le front populaire de lutte contre le fascisme vaccinal qui avait commencé à se cristalliser et à se renforcer, en introduisant une nouvelle division idéologique majeure capable de créer une distance entre son avant-garde (souvent dotée d’une conscience anti-impérialiste ou pour le moins anticolonialiste), et les éléments intermédiaires encore fortement imprégnés de social-chauvinisme et de racisme atlantiste. Une façon pour le Capital financier de rendre plus ardu le saut qualitatif menant à la conscience pleinement anti-impérialiste et communiste de portions toujours plus larges des masses exploitées… Cette digression politique étant close, il est évident que l’information elle-même est une fraction de la guerre, et l’Occident se sait déjà suffisamment peu en position de force sur le théâtre militaire réel pour l’être également sur celui de la guerre médiatique… Dans l’impossibilité de soutenir loyalement la guerre informationnelle, le Capital financier occidental n’a pour seul choix rationnel que de couper l’information alternative à sa source, quitte à éborgner (encore une fois !) les sacro-saints principes libertaires si longtemps érigés en fondements intangibles de la « démocratie » bourgeoise occidentale…
Comme le répète inlassablement notre camarade Gérard Luçon depuis des semaines, l’OTAN compte bien livrer cette guerre contre la Russie « jusqu’au dernier ukrainien »… Mais il se gardera bien d’exposer sa camelote guerrière, même (ou devrions-nous dire surtout…) la plus moderne au feu de l’armée russe, afin de ne pas trop égratigner l’image d’Epinal du cinéma guerrier occidental forgée à coup d’innombrables agressions coloniales de pays dépendants militairement obsolètes. Briser les salafistes pro-occidentaux comme la Russie l’a fait en Syrie en 2015 est une chose. Réduire en miettes une armée intégrée dotée d’une défense anti-aérienne et anti-missiles d’un niveau technologique voisin de l’Occident comme l’Ukraine (tout de même dotée de S-300) en quelques heures en est une autre… L’armée russe doit ce net ascendant technologique, qu’on peut raisonnablement qualifier de rupture technologique, à certains systèmes d’armes qu’elle est pour le moment la seule à détenir : notamment les missiles hypersoniques et les systèmes de guerre électronique de longue portée capables de rendre inopérante la défense aérienne ennemie… Le leadership militaire occidental a indéniablement vécu, tel est l’enseignement majeur des premières heures de frappes de l’armée russe qui ont mené à l’anéantissement des principales structures de l’armée régulière ukrainienne. Il ne fait aucun doute que cela n’aura pas échappé aux stratèges militaires de l’OTAN qui auront eu l’occasion de vérifier dans la pratique la supériorité militaire réelle de l’armée russe contemporaine et de plusieurs de ses équipements militaires exclusifs, une supériorité que pressentaient depuis des années les observateurs militaires intelligents… La publicité gratuite offerte par le théâtre militaire ukrainien sera sans doute bientôt synonyme de futures très bonnes affaires pour le complexe militaro-industriel russe dont les productions au rapport qualité/prix imbattable sont indéniablement amenées à faire saliver bien des dirigeants de pays dépendants bourgeois-compradore souhaitant disposer d’une défense militaire crédible capable de les soustraire à la menace du chantage militaire occidental permanent, facteur supplémentaire de désagrégation de la sphère d’influence coloniale occidentale…
Après son refus d’abandonner la construction du gazoduc Nordstream 2 exigée continument par Washington, et malgré ses réticences à sanctionner trop lourdement la Russie (par exemple en l’excluant du système de transaction interbancaires international SWIFT), l’impérialisme allemand sera pourtant assez rapidement rentré dans le rang occidental compact derrière Washington… Pourtant achevé, Nord Stream 2 « ne pourra pas être lancé sur le moyen terme »… Le gouvernement allemand annonçait en effet le 24 février que « bien qu’il ne figurerait pas parmi les nouvelles sanctions européennes », il n’en tombait pas moins « sous les restrictions de Washington »… Une bien mauvaise nouvelle pour la compétitivité internationale de l’industrie allemande… Le chancelier allemand concède même aujourd’hui un « mea culpa » en annonçant qu’il contribuera dans le futur davantage à la « défense européenne » : il annonçait ainsi hier « une nette augmentation de ses dépenses militaires dans les années à venir et le déblocage immédiat d’une enveloppe de 100 milliards d’euros pour moderniser son armée, sous-équipée ». La relance industrielle occidentale par le militarisme, une bien « belle » perspective historique !
L’orientation fondamentale des impérialistes occidentaux est donc d’ores et déjà donnée : après avoir gavé son lobby pharmaceutique pendant deux ans de plandémie Covid au prix de la paupérisation accélérée des masses prolétariennes et petite-bourgeoises occidentales, c’est désormais au tour des monopoles de leur complexe militaro-industriel de se gaver sur le dos des peuples tout en prétendant les protéger d’une menace militaire russe aussi fabriquée que fantasmée… Les principaux pays exportateurs d’armes peuvent se frotter les mains des aujourd’hui ! L’impérialisme américain applaudira ! Le petit rapace français également…
Les Rothschild et Rockefeller ne comptent peut-être pas capituler aussi facilement face aux outsiders impérialistes de l’Est… Ils pourraient chercher à mordre, jusqu’au bout du bout, tant qu’il leur restera, pour reprendre l’expression d’Enver Hoxha, ne serait-ce qu’ « une seule dent dans la gueule » !…
A moins que les gesticulations occidentales outragées ne signifient une toute autre chose… Le 24 février, nous déclarions déjà qu’avec l’intervention militaire russe en Ukraine, « le Capital financier occidental tenait désormais sa seconde excuse pour la poursuite accélérée de son déclassement après le couac Covid/omicron [déploré récemment par Bill Gates lui-même]. Il va désormais être très facile de justifier l’hyperinflation et l’approfondissement de la crise économique »… Le lendemain, dans nos discussions avec les camarades burkinabés, nous faisions la réflexion complémentaire suivante :
« Pour le Capital financier occidental, ce qui peut sembler une catastrophe (la perte de sa mainmise sur l’Ukraine) pourrait être une opportunité, une autre voie pour poursuivre « sereinement » le Grand-Reset, en en rejetant la responsabilité sur un événement « extérieur », après une fin précipitée de la pandémie Covid… Ce n’est qu’une intuition, mais cela pourrait même être une gigantesque « farce » organisée par le Capital financier dans son ensemble (occidental, comme russo-chinois)… Un compromis facilitant la transformation bourgeoise-compradore du Capital financier occidental en cours de déclassement, et une manière de « ressouder les nations » autour de leur grand Capital, de distraire la petite bourgeoisie du combat contre sa propre bourgeoisie mondialiste, et d’éviter à chacun de perdre la face devant son propre peuple… Vu les multiples consultations de haut niveau, tout est possible… »
Une hypothèse de « farce globale délibérément orchestrée » par les acteurs hors-pair du théâtre de marionnettes que constitue la scène politico-médiatique bourgeoise, jugée comme très possible par les camarades burkinabés…
Dans tous les cas, ce sera en premier lieu aux esclaves salariés et aux peuples d’Occident eux-mêmes de mettre un terme rapide à l’agonie de cette bête blessée que constitue leur propre impérialisme, du moins s’ils veulent éviter qu’elle ne les sacrifie à son appétit insatiable dans un ultime repas copieux, ou seulement pour tenter de survivre un peu plus longtemps…
Vincent Gouysse, le 28/02/2022, pour www.marxisme.fr