Bab Amr libéré des bandes armées !
mars 1, 2012
Par Louis Denghien, le 1 mars 2012
Un poste militaire à al-Hamidiyé : l’armée syrienne est, à Homs et ailleurs, une armée de libération nationale
Autour de 14 heures (heure française) le chef autoproclamé de l’ASL, le colonel Ryad al-Asaad, annonçait depuis la Turquie que son « armée« effectuait un « retrait tactique » de Homs. Un peu avant l’AFP répercutait une déclaration émanant de sources militaires syriennes autorisées : « L’armée syrienne contrôle la totalité de Bab Amr, les dernières poches de résistance sont toutes tombées« . Reuters a elle aussi confirmé la reprise de contrôle du quartier
« Les soldats, poursuit la source, sont en train de distribuer de la nourriture à la population qui était bloquée et d’évacuer les blessés« . Ne donnant pas dans la langue de bois triomphaliste, la déclaration indique qu’il y a encore des rebelles dans les quartiers de Hamadiyé (centre-est) et al-Khaldiyé (nord-est) et que les opérations vont se poursuivre pour les déloger.
La Syrie a gagné une bataille, si pas encore la guerre
Il n’empêche : dans cette ville emblématique de Homs, Bab Amr était LE quartier emblématique. Emblématique non pas, comme le serinent ici les journalistes alignés – par intérêt, conviction ou simple ignorance – de la lutte d’un peuple contre une clique dictatoriale sanguinaire, mais de la déstabilisation d’un pays souverain et de la prise d’otage d’une population par des groupes armés entretenus et téléguidés de l’étranger. En ce sens, la défaite de l’ASL, ou plutôt des bandes armées à coloration islamiste et financement qataro-séoudien, peut être considéré comme un tournant, militaire et moral, de la crise syrienne.
Homs, baptisé par les opposants radicaux et leurs thuriféraires occidentaux la « capitale de la Révolution« , était d’abord, comme nous l’avons écrit dès l’été dernier, un « laboratoire » de la haine religieuse et de la guérilla urbaine (voir, entre beaucoup d’autres, notre article « Homs va-t-elle redevenir un laboratoire de la guérilla urbaine ? » et « Homs, octobre 2011 : peur sur la ville », mis en ligne le 9 septembre et le 2 novembre) : en juillet, l’enlèvement suivi du meurtre de trois alaouites par des radicaux sunnites avait été le détonateur d’une première grosse flambée de violences communautaires meurtrières que l’armée en se déployant avait très provisoirement calmé (voir notre article « Un départ de guerre confessionnelle à Homs ? », mis en ligne le 18 juillet). Mais le ver était dans le fruit : au fil des mois, les groupes extrémistes se renforçaient en effectifs et en armes : chassés de Hama ou de Rastan, les premières bandes estampillées « ASL » se concentraient dans la région de Homs. Un climat de méfiance, puis de peur s’installait, les meurtres ciblés – de militaires mais aussi de notables, de partisans du régime, ou de membres de communautés non sunnites – se multipliaient, en même temps que les enlèvements.
Les communautés alaouite et chrétienne, les plus dans le collimateur des « Fous de Dieu » à la sauce wahhabite ou salafiste, fuyaient leurs quartiers : nous avons récemment évoqué l’exode de la communauté chrétienne homsi, et a destruction symbolique par les fanatiques de la plus ancienne église de la région, vieille de 2 000 ans (voir notre article « Homs, les journalistes occidentaux et les chrétiens locaux », mis en ligne le 29 février).
Mais, bien sûr, les sunnites, majoritaires dans cette ville d’un million d’habitants, étaient aussi les victimes des radicaux qui non content d’installer une terreur quotidienne, perturbaient évidemment la vie de toute la cité, bien au-delà des quartiers où ils étaient les plus implantés : Bab Amr, al-Inchaat, al Khaldiyé… C’était, mutadis mutandis, comme si Paris – ou la moitié de Paris- était paralysé par les troubles du Quartier latin, de Vaugirard ou de Belleville. Car il faut le rappeler, au summum de la violence, une moitié tout au plus de Homs était effectivement touchée par l’action des bandes armées.
Celles-ci étaient montées en puissance à partir du mois d’octobre, installant en très peu de temps un climat de peur et de violence quotidien. Fin septembre s’était mise en place une campagne d’assassinats ciblés (voir notre article « La stratégie « serial killers » des opposants radicaux de Homs », mis en ligne le 29 septembre). Cette guérilla urbaine pouvait se confondre, c’est souvent le cas en période et en terrain de chaos, avec une dérive délinquante, des enlèvements contre rançon, des attaques à main armées de bâtiments et d’institutions publics.
Dans cette stratégie de subversion, les bandes rebelles ont toujours pu compter sur un efficace relai de propagande international, alimentée par les cyber-opposants du monde entier et relayée par l’écrasante majorité des médias occidentaux, alignés sur les mots d’ordre atlantistes comme une unité de marines à la parade. « Bain de sang« , « massacre« , « boucherie« , « tuerie d’enfants » étaient les titres – ou les sorties de Juppé – sommant le lecteur et l’électeur français de s’indigner contre le sort fait par le gouvernement syrien à la « ville martyre« , nouveau sobriquet de Homs imposé par les désinformateurs radicaux syriens, les cercles d’influence néo-conservateurs de droite et de gauche et le panurgisme des journalistes. Aujourd’hui encore Le Monde, mètre-étalon avec Libération de l’idéologie dominante, sur la Syrie et tout le reste, fait sa une sur le « martyre » de Homs.
Homs ville-martyre ? En effet !
Oui, Homs a vécu un martyre : celui de la prise d’otage de dizaines de milliers d’habitants par quelques milliers de guérilléros appuyés et/ou équipés par une dizaine de nations ou de factions étrangères. Non pas que la rébellion armée n’ait pas eu, à Homs, des appuis : il y a dans cette ville, dans ce pays, comme partout ailleurs dans le monde, des problèmes sociaux. Qui en Syrie peuvent se doubler, s’amplifier d’une dimension communautaire et religieuse, et les jeteurs d’huile sur le feu de Doha,de Ryad, d’Ankara et de Paris ont tout fait pour attiser ce feu-là. Mais nous disons qu’au terme de cinq ou six mois de chaos, de meurtres; de destruction, même les moins bacharistes de Bab Amr vont avoir le sentiment de s’éveiller d’un long cauchemar ! Fin décembre et début janvier,les observateurs de cette tant décriée mission d’observation de la Ligue arabe avaient pu prendre la mesure, auprès notamment des habitants de Homs, de cette violence intraitable et permanente des bandes armées plus ou moins ASL. Les observateurs avaient alors dit ce qu’ils avaient vu et entendu, et s’étaient aussitôt attirés les foudres de tout ce que l’Occident plus trop chrétien comptait de diplomates et de journalistes alignés sur Washington et l’OTAN. Nous nous sommes fait évidemment l’écho de cette protestation d’une partie des habitants de Homs, ceux à qui les médias occidentaux ne tendaient pas spontanément leurs micros (voir nos articles « Paroles et visages d’habitants de Homs » et « Homs : des habitants parlent des gangs terroristes », mis en ligne les 9 et 21 novembre). Même, récemment, les désinformateurs militants d’I-Télé avaient, par mégarde (?), diffusé les témoignages de deux habitantes de Homs décrivant le calvaire que leur faisaient vivre les bandes armées et appelantr l’armée syrienne au secours (voir notre article « Réinformation (involontaire) : quand I-Télé se prend les pieds dans le tapis », mis en ligne le 7 février).
Bien sûr, le régime ne devra pas gâcher ou compromettre sa victoire militaire par une excessive répression politique : beaucoup des habitants de Bab Amr, ou d’al-Khaldiyé, sont d’abord des victimes. Des groupes armés, de l’endoctrinement, de l’ignorance autant que de la frustration sociale. Des victimes aussi d’al-Jazeera qui leur renvoyait une image un rien déformée de la réalité du pays. A Bab Amr, il faut traquer et punir les tueurs, mais il faut soigner et réconforter les autres. Et reconstruire non seulement les murs mais la société, ce qui ne se fera pas en un mois…
Mais revenons au fait du jour : la reprise de contrôle de Bab Amr est un tournant de la longue crise syrienne. Comme l’écrivait Victor Hugo à propos d’une autre bataille, « l’espoir changea de camp, le combat changea d’âme« …