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Ces Tunisiens qui partent faire le djihad en Syrie


 

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lundi 22 avril 2013, par La Rédaction

Il ne souhaite pas donner son nom, ni celui de son frère, pour « une raison de sécurité ». On l’appellera Ali (*). Ali a 30 ans et vit à Monastir. En terrasse d’un café sur l’avenue Habib Bourguiba, dans le centre de Tunis, il hésite à témoigner. Son frère est parti début décembre pour la Syrie. « Il nous a dit qu’il allait à Abou Dhabi », raconte-t-il. Et puis, une semaine après le départ, il reçoit un appel : « Là, on a appris qu’il était en Syrie. Il nous a dit qu’il était bien arrivé. »

Désormais, c’est l’incompréhension pour cette famille. « S’il était à Gaza, je comprendrais. Mais en Syrie, ce n’est pas la même chose. On dirait de la sous-traitance de djihadistes », dénonce-t-il, analysant tour à tour le rôle des États-Unis ou de la Russie dans le conflit. Le 19 avril, le mufti de la République tunisienne, le Cheikh Othman Battikh, a tranché : « Combattre en Syrie ne relève pas du djihad. C’est plutôt exploiter la précarité et les difficultés vécues par nos jeunes. Les Syriens sont musulmans. Un musulman ne combat pas son frère musulman. »

Depuis des mois, Ali cherche de l’aide : ministère des Affaires étrangères « pour savoir s’ils avaient des contacts avec l’opposition syrienne ou même Bachar el-Assad », Ligue tunisienne des droits de l’homme. « Il n’y a même plus d’ambassade syrienne », déplore-t-il. En février 2012, l’État tunisien a abrogé ses relations diplomatiques avec la Syrie, et a accueilli peu après une conférence des « Amis de la Syrie ». Samedi, une marche a eu lieu dans le centre de Tunis pour demander à rétablir ces relations diplomatiques.

« Arrêtons ce fléau »

Installé dans un café de Lafayette, dans le centre de Tunis, Ali et quelques dizaines de parents de jeunes partis en Syrie planchent, avec l’avocat Badis Koubakji, sur le lancement d’une association pour « venir en aide aux Tunisiens à l’étranger », « inciter les jeunes à revenir », et « les aider à se réinsérer à leur retour ». « On espère pouvoir faire pression sur le gouvernement pour arrêter ce fléau et surtout faire prendre conscience aux familles tunisiennes de la dangerosité de ces courants religieux extrémistes », explique Lotfi (*). Lui aussi demande à changer le nom de son fils. On l’appellera Mehdi (*). Mehdi, 25 ans, est parti en décembre avec « sept autres personnes dont trois du même quartier », sans vouloir préciser lequel. Ingénieur informatique, Mehdi ferait « des actions caritatives en Syrie », grimace son père, « mais comment savoir ? Il avait une certaine conviction religieuse. Pour lui, c’est un devoir religieux. » C’est par un texto qu’il a appris que son enfant partait pour la Syrie. Ce retraité de la fonction publique a alors pris un vol pour Istanbul, en Turquie. « Je n’ai rien fait. Pendant une semaine, j’ai erré. Je ne savais même pas où aller », raconte ce père. Depuis, il a des nouvelles sporadiquement : « Au début, il utilisait son numéro de téléphone, mais maintenant, il appelle toujours avec un nouveau numéro et on ne peut pas rappeler. »

Selon l’International Crisis Group, près de 2 000 Tunisiens seraient en Syrie. Près d’une centaine seraient morts au front, selon nos données. Les familles l’apprennent par un appel ou la visite « d’un intermédiaire », comme Mohamed (*). Son frère de 31 ans, parti en janvier, serait décédé dans « l’attaque de la caserne militaire de Homs ». Une casquette vissée sur la tête, si Mohamed s’estime « d’une certaine manière fier », pour lui « ce phénomène est l’affaire de la jeunesse tunisienne. Mon frère vivait en Tunisie mais il se sentait comme un étranger. La société tunisienne a construit des barrières entre nous et lui, parce que c’était un salafiste. C’est ce genre de discrimination qui l’a poussé à partir. Il n’arrivait pas à s’intégrer. Les jeunes n’ont plus d’espoir. Il faut maintenant se demander pourquoi des jeunes prennent des bateaux pour regagner l’Europe, pourquoi des jeunes s’immolent par le feu, et pourquoi d’autres préfèrent partir faire le djihad plutôt que de rester ici. »

Enquête ouverte sur les réseaux

Abou Iyadh, le leader du mouvement djihadiste Ansar el-Charia – recherché par les autorités tunisiennes car soupçonné d’être derrière l’assaut contre l’ambassade américaine le 14 septembre – a appelé, de son côté, ces jeunes à ne pas se rendre en Syrie, lors d’une interview accordée au journaliste Nasreddine Ben Hadid – et interdite par la justice tunisienne. Un appel appuyé quelques semaines plus tard par al-Qaida au Maghreb islamique, afin de « ne pas laisser la Tunisie aux mains des laïcs ».

Quelques familles ont brisé le silence, prenant la population à témoin à travers les médias, comme Ekbel Ben Rejab. Lorsque son frère, Hamza, 24 ans, atteint d’une « myopathie tunisienne » et en fauteuil roulant, est parti mi-mars « avec l’aide d’un ami et ses économies », Ekbel est allé à Tripoli, en Libye, puis a témoigné sur les plateaux télé. « Des sites djihadistes avaient même défendu l’idée qu’un handicapé puisse faire le djihad », fustige-t-il. Après avoir passé « 10 jours » à Idlib, en Syrie, Hamza est rentré en Tunisie « avec la bénédiction d’un émir en Syrie et d’un cheikh en Tunisie », raconte son frère. Le visage poupin, Hamza était l’invité le 28 mars d’une chaîne de télé comme l’avait fait une semaine avant un homme se présentant comme un djihadiste de retour, Abou Zeid Ettounsi. Blouson en cuir et cheveux gominés, il avait déclaré « si besoin », « être prêt pour le djihad en Tunisie ». Début avril, un mandat de dépôt a été émis à son encontre.

Si le ministère de l’Intérieur assure « surveiller » les djihadistes rentrés de Syrie, il ne communique pas sur leur nombre. Face à la pression des familles, le parquet a ouvert une enquête sur les « réseaux » qui aideraient ces jeunes à rejoindre l’opposition de Bachar el-Assad. Selon certains témoignages, des jeunes seraient partis seuls, sans aide. Des « mesures de précaution » visant les « jeunes de moins de 30 ans susceptibles d’appartenir à ces mouvements » ont aussi été prises aux frontières, assure Mohamed Ali Aroui, le porte-parole du ministère de l’Intérieur, sans en dire plus et précisant qu’ »on ne peut pas interdire à quelqu’un de voyager ».

(*) Les prénoms ont été modifiés.

(13-04-2013 – Par Julie Schneider, à Tunis )

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