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Les chiens aboient, la caravane passe.


par Pierre Khalaf

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La tendance générale

Les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et les pays occidentaux en général ont offert au monde entier une bonne leçon de démocratie à l’occasion de la réunion des « Amis de la Syrie ». Organisée en Tunisie, cette rencontre a groupé une soixantaine de pays, d’organisation internationales et d’ONG, mais a été boycottée par la Russie, la Chine, l’Inde, l’Iran, le Liban, les pays d’Amérique latine… une bonne moitié de l’humanité quoi !

C’est ainsi que la réunion a imposé le Conseil national syrien (CNS) comme seul représentant de l’opposition syrienne, premier pas avant de l’imposer comme représentant légitime et unique de tout le peuple syrien. Plus besoin donc d’organiser des consultations populaires et des élections, le représentant du peuple syrien est connu et a été désigné par l’Occident et par les pétromonarchies du Golfe, qui non seulement n’ont jamais connu d’élections, mais ne disposent même pas de Constitutions au XXIème siècle. Cette attitude anti-démocratique a poussé une grande partie de l’opposition, regroupée au sein du Comité de coordination pour le changement national et démocratique (CCCND) -dirigé par Hassan Abdel Azim et Haïtham Mannaa, et qui compte des personnalités indépendantes et des partis nationalistes arabes, kurdes, socialistes et marxistes-, à boycotter la réunion de Tunis, contestant la reconnaissance du Conseil national syrien. Le CCCD a également accusé la réunion de Tunis de vouloir « laisser la question de l’armement ouverte et ouvrir la voie à l’acceptation par la communauté internationale de l’idée d’une intervention militaire étrangère », en « contradiction claire et nette avec les intérêts du peuple syrien ».

Effectivement, la réunion de Tunis a posé les jalons pour une officialisation de l’armement de l’opposition, qui a commencé, en réalité, il y a près d’un an. Mais le rythme de l’ingérence dans les affaires syriennes a été jugé trop lent et insuffisant par le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Séoud Al-Fayçal –il faut rappeler au passage que l’Arabie saoudite est le seul pays au monde où les femmes n’ont pas le droit de conduire-, qui s’est retiré de la réunion en signe de protestation.

La réunion de Tunis est en fait un échec de plus dans la confrontation avec la Syrie. Les divergences étaient claires aussi bien entre les pays participants qu’entre les différentes factions de l’opposition syrienne. Sans compter les manifestations organisée par le peuple tunisien pour dénoncer la tentative de détruire un des derniers bastions de l’arabité.

Pendant que l’Occident et les monarchies absolutistes du Golfe choisissaient à la place du peuple syrien son représentant, le gouvernement à Damas organisait, dimanche, un referendum sur la nouvelle Constitution. Le projet répond à presque toutes les revendications de l’opposition : abolition de l’article 8 qui impose le monopole du parti Baas sur le pouvoir, instauration du multipartisme et limitation les mandats présidentiels à deux seulement…

Comme l’avait annoncé dès le départ le président Bachar al-Assad, les réformes se poursuivront en parallèle à la lutte contre les groupes extrémistes armés qui tentent de détruire l’État syrien et de morceler la géographie du pays.

La tendance en Syrie

La France, alliée des passeurs clandestins

L’ambassadeur de France à Beyrouth, Denis Pietton, a visité la région de Baalbeck, à l’est du Liban, la semaine dernière. La vérité est que le diplomate a transporté dans les voitures portant des plaques d’immatriculation de son ambassade une délégation militaire et sécuritaire française dans le Nord de la Békaa, près de la région frontalière limitrophe à la province syrienne de Homs. Dans cette zone, en territoire syrien, se trouvent des officiers et des experts militaires travaillant pour le compte des services de renseignements français, certains usurpant l’identité de journalistes, tous entrés illégalement en Syrie.

Denis Pietton s’est rendu à Baalbeck pour couvrir la mission de cette délégation qui visait à évacuer, par des voies de passage illégales, les morts et les blessés ainsi que d’autres membres de services de renseignement français pris au piège à Homs après l’effondrement des groupes extrémistes armés auprès desquels ils étaient détachés pour leur fournir une expertise dans les domaines des tactiques militaires et des techniques de guérilla urbaine.

Des rapports et des articles de presse occidentaux ont évoqué à plusieurs reprises ces derniers mois les interventions françaises directes en Syrie, en utilisant le Liban comme base de départ pour ces ingérences. De nombreux articles ont fait état d’officiers des renseignements français supervisant l’organisation et la structuration des groupes armés dans le Liban-Nord, en prévision à leur envoi en Syrie. Ces derniers mois, de véritables filières de passeurs clandestins ont été mises en place pour introduire en Syrie des ressortissants occidentaux, sous couvert de journalistes, mais qui sont souvent des agents de liaison ou des experts militaires.

Nous sommes donc devant un pays qui se considère comme une grande puissance et qui a recours aux contrebandiers et aux trafiquants sans foi ni loi pour introduire ses agents en Syrie, et qui tente de les faire sortir par les mêmes moyens après l’encerclement des groupes extrémistes par l’armée syrienne. Cependant, les troupes régulières syriennes avaient aussi resserré l’étau autour des passages clandestins à la frontière syro-libanaise, rendant impossible toute évacuation par ces voies.

Les autorités françaises se sont finalement résignées à faire ce qu’elles tentaient d’éviter à tout prix : parler au pouvoir damascène pour évacuer morts, blessés et détenus. C’est pour cela que l’ambassadeur Eric Chevallier a été renvoyé d’urgence à Damas pour négocier les modalités de cette opération. Cependant, il est apparu que ce sont les derniers groupes armés, encore retranchés dans certaines ruelles de Bab Amr, qui entravent la conclusion d’un accord pour l’évacuation des blessés.

Les autorités françaises et d’autres pays européens devront calmer leur nerf et faire preuve d’une plus grande modestie lorsque la Syrie commencera à divulguer, preuves à l’appui, le nombre et la nationalité des agents « undercover » arrêtés ces derniers temps en territoire syrien : des Français, bien entendu, mais aussi des Allemands, des Britanniques, des Turcs, des Saoudiens et des Qataris.

Déclarations et prises de positions

- Sayyed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah

« Il faut chercher les doigts d’Israël derrière tout ce qui se passe, notamment derrière les tentatives de semer le chaos dans la région. Israël ne veut pas d’un Irak fort, ce serait donc la raison des attaques actuelles, même si les exécutants sont parfois des extrémistes. Selon les données des services irakiens, ces mouvements sont infiltrés par les services américains et israéliens. C’est aussi dans cette optique qu’il faut placer les dernières menaces d’effacer le Liban de la carte du monde attribuées au Premier ministre israélien. Mais de telles menaces n’effraient nullement la Résistance qui a affronté Israël même lorsque celui-ci était considéré comme très puissant. La région traverse actuellement une période très sensible. Après la décennie 2000-2010, au cours de laquelle il s’agissait de liquider la cause palestinienne et de créer un Nouveau Moyen-Orient, c’est désormais la période où il s’agit de morceler la région et de l’entraîner dans des conflits interminables. C’est pourquoi il faut tout faire pour encercler, étouffer et empêcher l’extension de la discorde vers d’autres scènes. Au Liban, cela signifie que tout le monde peut exprimer son opinion, sur la crise syrienne et sur tous les points qu’il souhaite évoquer, mais en évitant d’exacerber les sentiments confessionnels. Le gouvernement devrait se pencher sur le dossier des ressources pétrolières et gazières pour mettre un terme à l’endettement en utilisant la richesse que Dieu nous a donnée. Regardez un peu : pendant que certains discutent des armes du Hezbollah, les Israéliens construisent des installations et veulent les protéger des armes du Hezbollah. Ils pillent systématiquement les ressources qui appartiennent aux Palestiniens. Il ne faut surtout pas compter sur l’aide de la communauté internationale qui ne donne rien sans contrepartie. La décision souveraine ne peut être garantie si on est lié à l’étranger. Regardez comment les États-Unis sont en train d’utiliser l’arme économique contre l’Égypte et indirectement contre Gaza privée d’électricité. Les accusations portées contre le Hezbollah et le Hamas qui, selon l’ancien ministre de l’Intérieur égyptien actuellement sous les verrous, auraient tiré contre les manifestants place Tahrir, sont ridicules. Elles sont si énormes qu’elles n’ont même pas été reprises par certains ici… On a ensuite accusé le Hezbollah d’édifier des bases en Amérique latine, puis en Afrique et bientôt en Inde. Ne vous laissez pas influencer par de telles grossièretés. Le Hezbollah n’intervient pas dans les affaires internes d’un pays. Il ne prend en compte que les considérations stratégiques. Dans ce contexte, les États-Unis et leurs alliés veulent laisser la Syrie plonger dans le chaos, en poussant vers une lutte entre les Syriens ou entre les Arabes, sans vouloir envoyer un seul soldat américain ou de l’Otan en Syrie, mais en interdisant toute solution politique. Il faut donc écouter, comme ils disent, le peuple en Syrie, mais pourquoi pas à Bahreïn ou en Arabie saoudite, où il est interdit de s’exprimer, notamment à Katif et Awamiya, la région la plus riche en ressources du royaume, mais la plus pauvre économiquement. Le régime syrien a proposé le dialogue, mais l’opposition a rejeté cette offre. Les Américains et les Israéliens ne parviendront pas à leurs fins, car il existe une prise de conscience dans le monde arabo-islamique de la réalité de leurs projets et les Américains ne parviendront pas à redorer leur image, tant qu’ils continueront à ne tenir compte que d’Israël. »

- Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères

(Extraits d’une interview publiée par Al-Hayat le 23 février)

« Notre objectif c’est d’obtenir l’accord du régime syrien pour faciliter l’accès humanitaire, éventuellement par des corridors. Se situer dans l’hypothèse d’une intervention armée, c’est changer complètement de cadre et d’objectif. Je continue à penser qu’une intervention militaire en Syrie n’est ni souhaitable, ni possible. Nous ne sommes pas du tout dans le cas libyen. Et toute intervention extérieure quelle qu’elle soit d’abord n’aurait pas le feu vert des Nations unies dans le contexte actuel et d’autre part, risquerait d’accélérer un processus de guerre civile qui est malheureusement bien engagé déjà. J’en ai parlé avec Serguei Lavrov la semaine dernière, sa position a été globalement négative : toujours dans l’idée que le régime est victime d’une agression terroriste extérieure dont on ne voit pas d’ailleurs quelle elle serait. Quand j’ai parlé d’humanitaire, il m’a dit « parlons en à New York ». Mais je suis assez peu optimiste sur la bonne volonté des Russes à ce stade. Le risque de guerre civile en Syrie est très élevé. Si on laisse se poursuivre la répression qui dépasse toute imagination, pratiquée par le régime à l’heure actuelle, on va aller vers la guerre civile. Les dernières manifestations qui se sont déroulées à Damas montrent que tout ceci n’est pas limité à quelques villes syriennes, et qu’il y a une vraie aspiration du peuple syrien à une démocratie authentique. »

- Général Jean Kahwaji, commandant en chef de l’Armée

« Il faut maintenir une disponibilité totale face à l’ennemi historique de la nation, l’ennemi israélien qui continue à se livrer à des violations quotidiennes de la souveraineté libanaise et qui n’a jamais abandonné ses ambitions annexionnistes sur notre eau et notre territoire, ni sa quête de nuire à notre formule de coexistence. Au moment où l’armée procédait au renforcement de ses mesures à la frontière libano-syrienne, dans le but de protéger les citoyens contre toute agression, mettre un terme aux infiltrations et aux trafics dans les deux sens et interdire toute présence armée, certaines parties lésées et intéressées ont tenté désespérément de mettre le feu aux poudres à Tripoli, laissant un impact sur les citoyens innocents et faisant un mort et un nombre de blessés dans les rangs de l’armée. L’armée a fait face et fera face avec fermeté et force à toute tentative de semer la discorde quelle que soit sa source. Les crises successives que traverse la région arabe, sous divers aspects, ne doivent en aucun cas servir d’occasions à certaines parties pour porter atteinte à la sécurité, nuire au prestige de l’État et mettre en péril son intérêt supérieur. Le besoin de sécurité et de stabilité est de la même importance pour le citoyen que son pain quotidien. Il n’est donc pas permis d’y toucher sous quelque prétexte que ce soit. Il faut renforcer l’immunité des institutions militaires face à tous les périls et défis. Et les soldats et officiers doivent rester à l’écart de toute polarisation politique et des influences de l’extérieur. »

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