Par Günter Grass (Traduit de l’allemand par Olivier Mannoni)
Ce qui est manifeste, ce à quoi l’on s’est exercé
dans des jeux de stratégie au terme desquels
nous autres survivants sommes tout au plus
des notes de bas de pages
C’est le droit affirmé à la première frappe
susceptible d’effacer un peuple iranien
soumis au joug d’une grande gueule
qui le guide vers la liesse organisée,
sous prétexte qu’on le soupçonne, dans sa zone de pouvoir,
Mais pourquoi est-ce que je m’interdis
De désigner par son nom cet autre pays
Dans lequel depuis des années, même si c’est en secret,
On dispose d’un potentiel nucléaire en expansion
Mais sans contrôle, parce qu’inaccessible
Le silence général sur cet état de fait
silence auquel s’est soumis mon propre silence,
pèse sur moi comme un mensonge
une contrainte qui s’exerce sous peine de sanction
en cas de transgression ;
le verdict d’« antisémitisme » est courant.
Mais à présent, parce que de mon pays,
régulièrement rattrapé par des crimes
qui lui sont propres, sans pareils,
et pour lesquels on lui demande des comptes,
de ce pays-là, une fois de plus, selon la pure règle des affaires,
quoiqu’en le présentant habilement comme une réparation,
attend la livraison d’un autre sous-marin
dont la spécialité est de pouvoir orienter des têtes explosives capables de tout réduire à néant
en direction d’un lieu où l’on n’a pu prouver l’existence
ne fût-ce que d’une seule bombe atomique,
mais où la seule crainte veut avoir force de preuve,
je dis ce qui doit être dit.
Mais pourquoi me suis-je tu jusqu’ici ?
parce que je pensais que mon origine,
entachée d’une tare à tout jamais ineffaçable,
m’interdit de suspecter de ce fait, comme d’une vérité avérée,
le pays d’Israël, auquel je suis lié
Pourquoi ai-je attendu ce jour pour le dire,
vieilli, et de ma dernière encre :
La puissance atomique d’Israël menace
une paix du monde déjà fragile ?
ce qui, dit demain, pourrait déjà l’être trop tard :
et aussi parce que nous – Allemands,
qui en avons bien assez comme cela sur la conscience –
pourrions fournir l’arme d’un crime prévisible,
raison pour laquelle aucun
des subterfuges habituels n’effacerait notre complicité.
Et admettons-le : je ne me tais plus,
parce que je suis las de l’hypocrisie de l’Occident ; il faut en outre espérer
que beaucoup puissent se libérer du silence,
et inviter aussi celui qui fait peser cette menace flagrante
qu’ils réclament pareillement
un contrôle permanent et sans entraves
du potentiel nucléaire israélien
et des installations nucléaires iraniennes
exercé par une instance internationale
et accepté par les gouvernements des deux pays.
C’est la seule manière dont nous puissions les aider
tous, Israéliens, Palestiniens,
plus encore, tous ceux qui, dans cette
région occupée par le délire
vivent côte à côte en ennemis
Et puis aussi, au bout du compte, nous aider nous-mêmes.
publié dans un journal US et du Royaume-Uni
Il n’y a pas de droit d ‘auteur sur le texte allemand, mais je ne sais pas pour la traduction.
Si tu décides de le faire circuler, il faut ajouter la notice suivante :
Gunter Graas est un prix Nobel de littérature.
Or on sait que les lauréats de ce prix sont choisis selon les critères de la « paix et des valeurs occidentales » = paix impérialiste er soumission au dicktat post colonial .
Si aujourd’hui, il a écrit ce texte critique où il réitère encore son appui à Israël, une colonie illégitime,
le poids moral et financier d’Israël commence à peser lourd pour l’opinion occidentale – même si celle-ci est prise en charger par les mass media aux ordres :
trop de crimes ont été commis au nom des peuples occidentaux, trop de vies occidentales ont été sacrifiées, trop d’argent a été dépensé pour cette cause fondamentalement injuste et l’avenir se dessine pire que les soixante années passées.
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