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La domination du lobby pro-israélien sur le Congrès des Etats-Unis – Par Jeffrey Blankfort


Par Jeffrey Blankfort le 13 septembre 2016

09c23f26366d801bf360d3bbe52e8f25_XLUne analyse approfondie et de très haut niveau par Jeff Blankfort au sujet de l’influence d’Israël sur la politique des Etats-Unis. Jeff Blankfort a consacré sa vie à étudier les mécanismes de cette influence, qui est centrale dans la politique des Etats-Unis, et explique pourquoi son pays a toujours cédé à Israël. Cela explique également pourquoi ceux qui demandent que justice soit rendue aux Palestiniens ont totalement échoué, en raison de leur refus d’appréhender l’importance de ce lobby pro-israélien. (*) Il n’existe malheureusement pas, à notre connaissance, d’analyses de cette nature sur les stratégies mises en oeuvre par le lobby pour assurer son emprise sur les gouvernements d’autres pays. Je remercie vivement Michael Rubin, d’avoir assuré la traduction d’un texte aussi exigeant. [Silvia Cattori]

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« [Debbie] Wasserman Schultz incarne l’énorme influence que les Américains Juifs ont au sein du parti démocratique. Pilier majeur du Congrès américain pour le soutien en faveur d’Israël et au sein de son parti, Wasserman était à la fois présidente du Comité national démocrate et membre du Congrès avec un siège au « United States House Committee on Appropriations », le comité chargé de voter et réguler toutes les grandes dépenses du gouvernement américain.

« Elle a été ainsi placée au cœur du système, de la politique et de la collecte de fonds d’une manière que peu d’autres ont rencontrés. »

– NATHAN GUTTMAN, Forward, 5-12 août 2016

Ce texte ne porte pas sur Debbie Wasserman Schultz, mais sur l’influence qu’elle représente en tant que présidente du Comité national démocrate – jusqu’à sa démission après les révélations de Julian Assange (20’000 emails publiés par WikiLeaks ont démontré les manigances du Parti démocrate pour favoriser Hillary Clinton au détriment de Bernie Sanders) – qui représente encore au Congrès les intérêts d’Israël, ainsi que le pouvoir qu’elle exerce sur ses partisans du Caucus1 noir du Congrès largement démocrate (Congressional Black Caucus, CBC).

L’assujettissement du Caucus Noir du Congrès [Groupe parlementaire Noir du Congrès] à ce qui est généralement appelé le lobby pro-israélien n’est pas unique. Les Américains Juifs ont été longtemps la principale source de fonds du Parti démocrate. Des informateurs fiables ont estimé leur participation à au moins 60% du total de toutes les contributions lors de chaque cycle électoral. Le lobby pro-israélien a été non seulement en mesure de façonner l’agenda « Moyen-Orient » du parti mais aussi, a importance égale, de déterminer qui sera les présidents et les membres des comités et sous-comités du Congrès qui ont un impact sur les relations israélo-américaines. (La même chose peut être dite au sujet des Républicains mais il y a plus de variété parmi leurs donateurs.)

Le Caucus Noir du Congrès [CNC] a été dépeint comme un symbole du succès des luttes que les américains Noirs ont mené pour l’obtention des droits civils et de vote il y a plus d’un demi-siècle. Cette lutte, souvent sanglante, les membres de ce caucus en sont les bénéficiaires. Certains, comme John Lewis (né en 1940, démocrate, Géorgie), ont même pris part aux événements.

Au vu de leur arrière-plan historique, quelque chose de plus pourrait être attendu d’eux. Indépendamment de qui entre ou sort de ce groupe au fil des élections, le CNC a toujours, en tant que bloc, voté en faveur de l’envoi de milliards de dollars (pris dans la poche des contribuables américains) pour fournir des armes à un gouvernement étranger qui opprime un autre peuple de couleur, les Palestiniens. Dans ces circonstances, rien n’est moins honteux.

Pour comprendre l’ampleur du problème, il faut fournir un certain effort, faire des recherches sur le Web pour chaque membre du CNC lié à Israël. Ce lien n’est jamais mis en évidence sur leurs sites, soit il est absent soit il est difficile à trouver. (C’est le cas avec la plupart des membres du Congrès, quelle que soit la couleur de leur peau). Les membres du CNC considèrent les Juifs comme des donateurs potentiels et ils préfèrent que leurs électeurs et le grand public ne sachent pas dans quelle mesure ils sont prêts à s’humilier pour recevoir des contributions de campagne.

Ce manque collectif de préoccupation pour le sort des Palestiniens, avec quelques exceptions ici et là, était prévisible. A la fin des années 1980, lorsque les ventes d’armes d’Israël à l’Afrique du Sud étaient au plus haut, le Caucus Noir du Congrès a été à ce point intimidé par l’AIPAC (Lobby américain pro-Israël) et l’establishment politique juif qu’il a accepté de se taire et n’a fait aucune déclaration publique.

En tant que présidente du Comité Nationale Démocrate, Wasserman Schultz était en mesure de procéder aux nominations de la commission du programme du Parti démocrate. Au sein du Congrès, ayant en tête la position pro-israélienne de Hillary Clinton, elle a choisi deux membres du Caucus Noir, Barbara Lee (Née en 1946, Oakland Californie) favorite de la gauche libérale ; et Elijah Cummings (Né en 1951, Baltimore Maryland) qui est devenu le président du comité. Leurs votes ont été instrumentalisés pour s’assurer qu’il n’y aurait pas de critique dans le Parti démocrate en 2016 au sujet de l’occupation continue de la Palestine par Israël et la construction de colonies juives illégales, tout en maintenant le soutien pour Jérusalem comme capitale indivisible d’Israël.

La génuflexion de Cummings face aux demandes de Wasserman Schultz était attendue puisque l’ancien membre du Congrès, 65 ans, est l’image même du « travailleur fidèle dévoué à une famille » que l’on rencontre dans les vieux romans ou films consacrés au sud des États-Unis. Les relations de Cummings avec Israël et la communauté juive de Baltimore sont sur ce mode.

En février dernier, avec l’ambassadeur israélien Ron Dermer né aux Etats-Unis, Cummings a co-organisé une célébration de l’histoire des Noirs à l’ambassade israélienne. Dermer, un ancien fonctionnaire républicain de la Floride, a collaboré avec le président de la Chambre John Boehner (républicain) pour avoir Netanyahu comme orateur pour une session conjointe du Congrès en mars 2015 dans un dernier effort israélien pour saboter les négociations de Washington avec l’Iran.

La plupart des membres senior du Caucus Noir du Congrès, y compris Cummings, ont été contraints par leurs électeurs à considérer le discours de Netanyahu comme un pied-de-nez au premier Président noir – et clairement ça l’était – tout en se joignant à d’autres démocrates pour boycotter l’apparition du premier ministre d’Israël, de sorte que leur décision n’a pas été considérée dans la communauté juive comme diminuant leur soutien à Israël, mais comme une critique de Boehner.

Elijah Cummings a été le choix parfait pour être co-hôte. Pour chacune des 20 dernières années, sa communauté juive a financé à son initiative un programme pour la jeunesse en Israël, « une bourse de deux ans pour l’élite des dirigeants ». Selon son site Web, il a envoyé en Israël des lycéens américains provenant d’une douzaine de quartiers afro-américain pour y être endoctrinés dans la relation spéciale qui unit les deux pays.

Cette action cadre parfaitement avec le programme de sensibilisation réussie et agressive axée sur les étudiants afro-américains menées ces dernières années par le lobby américain pro-Israël (AIPAC).

Barbara Lee n’est pas dans l’équipe de Cummings lorsqu’il s’agit de faire des courbettes aux partisans américains d’Israël, mais comme son prédécesseur, Ron Dellums, pour qui elle a servi d’aide, Lee s’est montrée prête à agir lorsqu’elle est appelée par Wasserman Schultz. Dellums, une légende vivante parmi les militants de gauche de la Bay Area, un homme politique insensible à la critique et au blâme (aux USA on parle de « politicien téflon ») a réussi à servir 13 termes au Congrès sans perdre le soutien de la gauche tout en maintenant le financement de l’AIPAC et des électeurs juifs dans son district.

Lee a été le seul membre du Congrès à voter contre les droits accordés au président Bush de conduire la guerre après les événements du 11 septembre 2001. Cet acte, apparemment, a demandé moins de courage que de critiquer la direction de l’Etat israélien ou, tout au moins, de restreindre les éloges en sa faveur. Elle avait déjà envoyé des messages de félicitations à Ariel Sharon, le boucher de Beyrouth, pour son élection et, plus tard, sa réélection en tant que Premier ministre d’Israël.

Ce titre avait été donné à Sharon à la suite des crimes commis par les forces israéliennes sous son commandement suite à l’invasion israélienne du Liban en 1982 et le feu vert donné aux forces chrétiennes libanaises d’entrer dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila situé à la périphérie de la capitale libanaise. Les soldats israéliens ont couvert la tuerie de 2’000 civils palestiniens et libanais. Après ces événements, Sharon a été limogé en tant que ministre de la Défense d’Israël. Pourquoi un membre noir du Congrès devrait-il féliciter Sharon et Israël pour ces actes horribles ?

Comme tout le monde au Congrès, Lee a toujours soutenu l’aide militaire à Israël. En 2006, suite à l’invasion israélienne du Liban, elle a simplement voté « present2 » a un projet de la Chambre soutenant fermement les actions brutales d’Israël.

En Janvier 2009, elle avait été l’une des cinq membres du Congrès, y compris un autre membre du CNC, Keith Ellison (Né en 1963, Minnesota), à envoyer une lettre à Hillary Clinton après sa nomination comme secrétaire d’Etat, appelant à l’aide humanitaire pour Gaza sans dire un mot négatif sur le pays qui était responsable de la nécessité d’une telle aide.

En août 2014, lors de la dernière attaque d’Israël sur Gaza, elle a subi les reproches de certains de ses électeurs pro-palestiniens pour avoir approuvé un crédit additionnel de 626 millions de dollars pour Israël. Dans une réponse écrite à ses critiques, elle justifie son action comme une mesure de sauvetage :

La semaine dernière, j’ai voté en faveur de « Iron Dome« , qui est un système de missiles anti-fusée défensive qui sauve des vies civiles.

Je n’aurais pas supporté le financement d’armes offensives militaires. Je continue à pleurer la perte tragique de vies innocentes à Gaza et en Israël.

J’ai appelé et continuerai d’appeler à un cessez-le-feu face à la crise humanitaire en cours, de mettre fin au blocus de Gaza et d’arrêter la perte de vies civiles.

A moins que Debbie Wasserman Schultz lui demande de faire autrement.

Quand j’ai téléphoné à Lee, à son bureau d’Oakland, pour me plaindre au sujet de son vote, un membre de son personnel m’a dit qu’ils avaient déjà reçu 150 appels similaires. Lee, a-t-il dit, était en fait contre l’occupation et la colonisation des territoires occupés par Israël. La raison de voter comme Lee l’a fait était certes « compliquée » mais il allait publier un commentaire sur son site Web expliquant sa décision. Elle ne l’a jamais fait et nous devinons pourquoi.

Elle n’a aucune raison de craindre les militants pour la justice en Palestine dans son district, pas plus que Dellums qui, tout en se livrant a d’occasionnelles critiques contre Israël se soumet lui aussi aux exigences de l’AIPAC et de ses partisans juifs libéraux à Berkeley.

La critique de Dellums contre l’invasion israélienne du Liban en 1982 a été qualifiée de « réaction excessive … qui ne peut pas être rationalisée ou justifiée … seulement … déplorée », deux ans plus tard, Dellums a refusé de prendre publiquement position sur la Mesure E ; une proposition qui aurait obligé le gouvernement fédéral à retenir sur le plan d’aide annuelle à Israël le montant d’argent qu’il a consacré à la construction de colonies en Cisjordanie que les États-Unis et le monde entier ont considéré comme illégales.

Au début d’avril, 1984, Dellums a reçu une lettre de Lee Marsh, le président de la Berkeley / Richmond Jewish Community Center, lui demandant de s’opposer à la mesure car « le peuple Juif considère la position neutre sur ce sujet comme de l’insensibilité à nos sentiments profonds qui sont quasi-unanimes sur cette question d’importance vitale pour nous. »

En réponse, Dellums a reconnu que sa « réaction instinctive est que les problèmes du Moyen-Orient sont tellement complexes qu’il met en doute les approches fragmentaires ; ces efforts semblent mieux calculés pour provoquer de l’angoisse et des divisions que de nous conduire vers une position réaliste pour résoudre les problèmes ».

« Sur un plan personnel » poursuit-il, « je n’apprécie pas d’être poussé à adopter des réactions instinctives sur les initiatives de vote qui ne sont pas pertinents pour une solution politique des problèmes … une position neutre semble plus pertinente. » (Souligné dans l’original). En fin de compte, la Mesure E a perdu par une marge de 2 à 1. Si Dellums avait publiquement approuvé l’initiative il ne fait aucun doute qu’il aurait influencé le vote.

A l’époque, il y avait 42’000 colons juifs en Cisjordanie. Aujourd’hui, ils sont plus d’un demi-million. Monsieur Dellums insisterait-il encore pour dire que la Mesure E était sans importance ?

En 1988, certains résidents de Berkeley, actifs dans la cause palestinienne, ont proposé de voter pour que le camp de réfugiés de Jabalya à Gaza devienne une ville jumelle de Berkeley et rejoigne ainsi plus d’une douzaine villes jumelées à Berkeley à travers le monde, y compris deux tribus indiennes d’Amérique. Encore une fois, Dellums, ne voulant pas affronter les libéraux Juifs qui contrôlent la politique de Berkeley, est restée neutre.

La principale contribution de Dellums à Israël et à ses partisans américains viendra trois ans plus tard quand il était l’homme de pointe au Congrès contre l’opposition à l’apartheid sud-africain. Avant l’introduction de la loi anti-apartheid de 1987 à la Chambre, il a retiré un article qui aurait pénalisé Israël pour ses ventes d’armes à l’Afrique du Sud estimées à l’époque à plus de 800 millions de dollars.

L’article, ajouté l’année précédente à la version du Sénat par le sénateur retraité du Maryland, le républicain Charles Mathias, appelait à des sanctions contre tous les bénéficiaires de l’aide étrangère américaine qui auraient vendu des armes à l’Afrique du Sud. Alors qu’Israël n’a pas été mentionné par son nom, il était le seul pays connu pour l’avoir fait.

Si le Washington Times dans son édition du 2 avril 1987 n’avait pas rendu compte de l’action de Dellums, il est probable que l’histoire ne serait jamais devenue publique.

Le changement a été fait « pour élargir la portée de l’appui du Congrès » a déclaré Max Miller, porte-parole de Dellums, ajoutant que le projet de Dellums a été modifié pour refléter une annonce récente faite par Israël qu’il réduirait progressivement ses ventes d’armes à l’Afrique du Sud.

« Il est plus concerné par les violations futures que par les violations du passé » a déclaré Miller.

« Mais », a noté le journaliste du Washington Times, « le projet de loi modifié a été introduit le 12 mars, une semaine avant qu’Israël n’annonce sa nouvelle politique envers l’Afrique du Sud. »

Dellums a défendu son action dans une lettre à un électeur le 11 juin, il écrit :

Il est rapidement devenu clair que le projet de loi allait rapidement perdre un soutien important parmi un grand nombre de co-sponsors, si cette disposition [pénaliser Israël] était restée dans le projet de loi. Nous avons été confrontés à la perspective d’une perte quotidienne de soutien, une situation qui aurait envoyé un mauvais signal à tout le monde à propos de Etats-Unis résolus à faire face à l’apartheid.

En consultation avec les groupes anti-apartheid impliqués dans la promotion du projet de loi, nous avons décidé qu’il serait préférable de retirer la section afin de parvenir à une large base de soutien à l’objectif principal du projet de loi [imposer des sanctions américaines à l’Afrique du Sud.]

Quel mauvais signal ? Que la majorité des membres démocrates du Congrès, y compris le Caucus Noir, a donné une plus grande priorité à la protection de l’image d’Israël aux yeux du public, ainsi que son financement, plutôt que de mettre fin à l’apartheid sud-africain. Au Sénat, il convient de noter qu’Alan Cranston (1914-2000, Californie), l’un des principaux bénéficiaires du financement pro-Israël, a retiré l’article de Mathias sans aucune annonce au public.

L’année suivante, Dellums était le conférencier invité lors d’une conférence anti-apartheid à l’UC (Université de Californie) à Berkeley. Au moment des questions, j’ai eu l’occasion de lui demander comment il avait été obligé, et sous la pression de ses collègues démocrates de retirer l’article censurant Israël de la législation anti-apartheid. A part l’article du Washington Times, la nouvelle avait été publiée seulement par le Middle East Labor Bulletin et le Israeli Foreign Affairs. La nouvelle a été ignorée, à leur honte, même par les publications du mouvement anti-apartheid dont Dellums était devenu une icône intouchable.

Se redressant, Dellums a exprimé ses objections au sujet des mots, « obligé » et « fait pression », mais ensuite, se penchant lentement et d’une voix faible, presque un murmure, il a avoué à l’audience comment un démocrate après l’autre lui ont dit : « Ron, si vous ne retirez pas cet article, vous devrez effacer mon nom de cette loi ». Un professeur noir de San Francisco assis à côté de moi m’a alors gentiment touché le coude et a déclaré « il semble qu’il a été obligé de le faire et qu’il a subi des pressions. »

Plus tard j’appris qu’une douzaine d’exilés sud-africains noirs assis à la première rangée dans des sièges réservés semblaient être étourdis par la réponse Dellums…

Lorsque l’article du Washington Times a été publié, le Département d’Etat a publié un rapport mandaté par la Loi anti-apartheid de 1986 pour donner à divers comités sénatoriaux une liste des pays qui vendent des armes à l’Afrique du Sud. Israël était inclus dans cette liste.

Lors d’une conférence de presse le California Jewish Bulletin du 10 avril 1987 a rapporté que « les membres noirs du Congrès ont carrément rejeté les invitations à dénoncer Israël en particulier, tout en publiant une bordée cinglante contre tous les pays cités dans le rapport du Département d’Etat ».

L’article du California Jewish Bulletin décrit une rencontre entre les membres du CNC, y compris le président du caucus, Mervyn Dymally, de Compton en Californie, Mickey Leland, du Texas et Charles Rangel de New York, et les membres juifs de la Chambre, Howard Berman et Mel Levine, de Los Angeles et Howard Wolpe, du Michigan. Tony Coehlo, un catholique de Merced et un fervent partisan d’Israël, en faisait aussi partie.

Ce ne fut pas par hasard que Berman, qui représentait autrefois la vallée de San Fernando et qui est maintenant un lobbyiste d’entreprise à Washington, était aussi l’un des membres désignés par Wasserman Schultz au Comité national démocrate. Il a une fois affirmé à un groupe de ses électeurs juifs qu’il avait été élu au Congrès pour aider Israël.

Wolpe a été le président du sous-comité pour l’Afrique, ce qui semblait étrange, sauf pour le fait qu’Israël avait des intérêts stratégiques sur le continent qui avaient besoin d’être protégés. Cette évidence, forgée de toutes pièce, souligne l’importance d’avoir des afro-américains à leur service.

Une réunion s’est tenue entre un certain nombre de membres du Caucus Noir et les dirigeants de la plupart des grandes organisations juives dirigées par Tome Dine directeur exécutif de l’AIPAC, qui étaient tous impatients d’annuler toute rébellion venue d’en bas.

Une préoccupation exprimée par des membres du CNC, selon le California Jewish Bulletin du 10 avril 1987 – de telles réunions sont ignorées par les grands médias public – était d’atteindre une aide accrue pour le continent africain qui, malgré les terribles famines qu’il avait connues, voyait ses crédits réduits de 37%, tandis que l’aide à Israël, Amérique latine, Asie et Philippines a augmenté, Israël touchant un tiers de l’aide extérieure totale.

L’article note que l’amendement à la loi de l’aide étrangère proposée par Wolpe augmenterait l’aide à l’Afrique de 115 millions de dollars par rapport aux années précédentes mais, a fait remarquer Dymally, elle était inférieure à celle de l’administration Reagan ce qui était une « source d’embarras » pour les démocrates.

La réunion aurait pris fin avec la délégation juive acceptant de favoriser une plus grande aide à l’Afrique. En échange, le CNC s’engageait à ne pas gêner la vente d’armes d’Israël à Pretoria.

Il est rapidement devenu clair que le gouvernement israélien avait été informé par ses agents américains de la retraite ignominieuse du CNC depuis la publication de l’article du California Jewish Bulletin. Le quotidien israélien Ha’aretz a rapporté que :

Les hauts fonctionnaires israéliens estiment que, à la suite de la réponse relativement modérée des États-Unis concernant le commerce des armes entre Israël et l’Afrique du Sud, le gouvernement israélien va s’abstenir de toute mesure significative contre le régime de l’apartheid et se contenter de faire des déclarations. (9 avril 1987).

Quatre mois plus tard, le 5 août, Davar, un autre journal israélien, était encore plus direct en disant que les affaires entre Israël et l’Afrique du Sud resteraient inchangées, indépendamment des déclarations publiques.

Une délégation officielle israélienne dirigée par Efrayim Dovrat, directeur général adjoint du ministre des Finances, va bientôt partir pour l’Afrique du Sud pour ratifier l’accord de coopération économique entre les deux pays.

[Ce sera le premier accord que les pays ont signé depuis la décision du cabinet de ne pas frapper de nouveaux accords avec l’Afrique du Sud.]

La décision du CNC de ne rien dire à propos des ventes d’armes d’Israël à l’Afrique du Sud, trois ans plus tôt, avait fait de la peine à Dymally.

Le California Jewish Bulletin a reporté les propos de Dymally comme suit : « Nous avons atteint un compromis auquel nos électeurs ne seront pas très réceptifs ». Il aurait averti que si Israël prenait des mesures supplémentaires, le compromis serait annulé « nous voulons voir un langage plus fort à propos d’Israël. » Israël ne doit pas seulement s’abstenir de signer de nouveaux contrats avec l’Afrique du Sud, a-t-il dit, mais mettre fin à ceux en cours.

« Il y a déjà assez d’armes pour tuer de nombreuses personnes innocentes », a déclaré Dymally, mais il ne parlait que pour lui-même. (Il a refusé d’être interviewé après avoir quitté le Congrès en 1992 et il est retourné à l’Assemblée de l’Etat de Californie, parce que, comme je l’ai dit, il « n’a pas voulu de tracas. ») Mickey Leland et Charles Rangel étaient devenus à cette époque comme Elijah Cummings, « des serviteurs fidèles de la famille », comprenez l’establishment politique juif.

Dans sa jeunesse, Leland, un activiste des droits civiques à Houston (Texas), a commencé à servir au Congrès en 1979 et il est mort dans un accident d’avion en Éthiopie une décennie plus tard. Selon sa nécrologie établie par le Congrès, « Un de ses premiers actes au Congrès a été de financer un voyage de six semaines en Israël pour permettre aux adolescents noirs défavorisés de la région de Houston d’apprendre davantage sur la culture juive et de créer un dialogue interculturel entre les jeunes dans les deux pays. »

Il a ensuite préfiguré Cummings en mettant en place la Fondation Mickey Leland pour les stages en kibboutz (Mickey Leland Kibbutzim Internship Foundation) en 1980.

Financé et géré par le Conseil des relations de la communauté juive de Houston, il envoie 10 jeunes noirs du lycée chaque année en Israël pour un travail de six semaines et l’expérience de voyage, ainsi que, nous pouvons le supposer, pour l’endoctrinement politique.

L’action la plus obscène de Leland dans son soutien à Israël s’est passée en 1982 après l’invasion du Liban lorsqu’il était président de la CNC. Il s’est rendu à Tel Aviv par avion puis a sillonné le pays en bicyclette jusqu’à la frontière libanaise pour exprimer sa « solidarité avec le peuple d’Israël. » Difficile d’aller plus loin dans la tradition du « serviteur fidèle ».

Rangel prend sa retraite cette année après avoir servi pendant 45 ans comme représentant de Harlem. En 1973, lors de sa deuxième année en fonction, il a participé à une réunion très spéciale.

A cette époque, en tant que président nouvellement élu du CNC, il a été invité à un dîner avec Arthur Hertzberg, président du Congrès juif américain (libéral) et Sidney Yates, un membre juif du Congrès provenant de l’Illinois.

L’intention de Hertzberg était de trouver un moyen de contrer les organisations noires les plus militantes de la fin des années 60 et 70, notamment le Comité de coordination des étudiants non-violents (Student Non-Violent Coordinating Committee, SNCC), dirigé par Stokely Carmichael, qui deviendra plus tard Kwame Ture. Carmichael au nom de la SNCC avait déclaré son indépendance par rapport à l’influence des blancs. Hertzberg décrit la rencontre dans son livre, “A Jew in America » publié par Harper en 2002 (Un Juif en Amérique) :

Au cours de nos entretiens lors du dîner, nous avons eu quelques difficultés à nous comprendre. Nous avons convenu que le besoin continu de Noirs dans la politique nationale était et resterait l’État-providence (welfare state) et que grâce à ces programmes de protection sociale pour les pauvres, un grand nombre de Noirs pourrait vivre une vie décente.

Du côté juif il y avait une préoccupation qui unit toutes les factions de la communauté juive : la défense d’Israël. Comme un agneau parmi les loups du Moyen-Orient, Israël avait besoin du soutien américain pour se défendre. Par conséquent les juifs avaient besoin d’amis et alliés dans la politique américaine qui contribueraient à rendre Israël plus sûr.

Une conclusion s’est rapidement imposée : une alliance devait être passée entre les membres du Congrès noirs et les membres du Congrès juif de telle sorte que chaque groupe voterait en faveur des ordres du jour des deux côtés. Les Juifs resteraient attachés à la notion d’État-providence, même si cela signifiait une hausse des impôts pour la classe moyenne, et les Noirs seraient en faveur d’Israël.

L’alliance qui a été définie ce jour-là a duré de nombreuses années. C’est un consensus établi à la fois parmi les juifs et les Noirs. (Page 361)

Le compte-rendu de cette réunion par Hertzberg, ce qu’il en dit, ainsi que les implications dans la relation des Noirs et des Juifs en Amérique exige toute notre attention. Le récit de Hertzberg est empreint de paternalisme, il décrit la majorité des Afro-Américains comme des sous-hommes (untermenschen) dépendant de la bonne volonté et la générosité des Juifs pour leur survie. Le but du Caucus Noir était de servir d’intermédiaire pour la communauté juive.

« L’État-providence », défini par Hertzberg a été passé sous silence près d’une décennie avant que son livre soit publié, une courtoisie de Bill Clinton, le Caucus Noir du Congrès a encore répondu à l’appel de la communauté juive et il a été récompensé pour ses actions. Est-ce que l’ensemble des Noirs américains en ont bénéficié est une autre affaire.

Bien sûr ceci n’est pas toute l’histoire. Il y a eu des efforts périodiques de certains membres du CNC pour se libérer du joug que Rangel a accepté cette nuit-là. Ce qui leur est arrivé est instructif.

En mars de 1990, enhardi par la suggestion du sénateur Robert Dole (qui a du se rétracter plus tard) que 5% de l’aide allant aux six plus grands destinataires, Israël avec $3 milliards de dollars et l’Egypte 2.4 milliards étaient de loin ceux qui recevaient le plus, cet argent devraient être consacre à l’Europe de l’Est, 10 membres du CNC ont envoyé une lettre à leurs « chers collègues » de la Chambre soulignant que « la distribution actuelle de l’aide est injuste, inéquitable, indéfendable et ne sert pas des intérêts américains. »

Ils ont fait remarquer que, dans le projet de budget « chaque Israélien recevrait 700 dollars d’aide des États-Unis alors que chaque Africain recevrait un peu plus d’un 1 dollars. Comment justifier cela alors que le revenu par habitant israélien est de 4.990 dollars et le revenu par habitant en Afrique est seulement de 683 dollars ? »

Cette lettre a été initiée par le républicain Charles Crockett (Né en 1909, Michigan), membre de la commission des affaires étrangères de la Chambre, et les signataires sont Dymally (1926-2012, Californie), William Clay (Né en 1931, Missouri), Augustus Hawkins (1907-1997, Californie), Charles Hayes (1918-1997, Illinois), Donald Payne (1934-2012, New Jersey), Augustus Alexander « Gus » Savage (1925-1015, Illinois), Alan Dupree Wheat (Né en 1951, Missouri), Walter Fauntroy* (Né en 1933, Washington D.C.), et Ronald Vernie « Ron » Dellums (Né en 1935, Californie ), alors président du Caucus Noir.

* Fauntroy s’est enfui des USA en 2012 après avoir émis un chèque sans provision de 55’000 dollars. Est revenu à Washington D.C. en 2016 et a été arrêté. Il vivait caché à Ajman aux Émirats arabes unis.

Ignorée par les médias nationaux, cette lettre a été largement diffusée dans la presse de la communauté juive, exposant ainsi les membres du Congrès aux attaques du lobby pro-israélien dans chacune de leurs circonscriptions. Dans le district de Dellums, le premier coup a été tiré par Lucie Ramsey, directrice exécutive du Conseil des relations de la communauté juive, qui, selon le NCBJ (16/02/90) a été « choquée » que Dellums ait signé cette lettre.

« Je connais la pauvreté des pays africains ; peut-être qu’en terme d’équité devraient-ils obtenir plus, mais pas aux dépens d’Israël » a écrit Ramsey.

Le représentant régional de l’AIPAC pour la Bay Area a été plus diplomatique, reconnaissant Dellums comme « un supporter de la communauté juive et le considérant comme un ami. »

En fin de compte, les auteurs de la lettre ont capitulé, pas tous volontairement, et se sont ralliés à la décision de Dellums d’abandonner l’appel a plus d’équité dans le domaine de l’aide étrangère.

Jonathan Kaufman de l’AIPAC, le président du lobby dans le huitième district du Congrès – le district de Dellums – s’est montré un gagnant courtois, saluant la décision de Dellums de recommander le maintien de l’aide à Israël au niveau de 3 milliards de dollars.

« Dellums nous a dit qu’il est en faveur du maintien du montant de l’aide étrangère à Israël », a déclaré Kaufman, se référant à une réunion qui a eu lieu avec Dellums et les membres de l’AIPAC (California Jewish Bulletin, 30 mars 1990) « Ça a été rafraîchissant de l’entendre » dit Kaufman. « Il a toujours été de notre côté. Il [Dellums] veut simplement augmenter le budget pour qu’il y ait plus d’argent pour le tiers monde ».

Le porte-parole Dellums a Oakland (Californie), H. Lee Halterman, a déclaré au California Jewish Bulletin que « Dellums a été en contact régulier avec les membres du Congrès tels que Howard Berman (Né en 1941, démocrate-Los Angeles), Charles Schumer (Né en 1950, démocrate-New York), Stephen Solarz (1940-2010, démocrate-New York) et Howard Wolpe (1939-2011, démocrate-Michigan) à propos de la nécessité de forger une coalition entre les membres noirs et juifs afin d’exercer des pressions pour augmenter l’aide étrangère. » (NCJB, ibid.).

A cette époque, Israël était en train de vendre des armes à l’Afrique du Sud. Néanmoins, ça n’a pas été quelque chose que Dellums et ses collègues Noirs étaient prêts à mettre en avant.

Même si, lors d’une réunion avec l’ambassadeur israélien Moshe Arad à Washington, selon le Jewish Week Washington (15 mars 1990), « les officiels israéliens n’ont pas été capables de donner une date pour la fin des contrats militaires d’Israël avec l’Afrique du Sud ».

Le Jewish Week Washington, citant des « sources bien informées » a rapporté que « le manquement d’Israël à soumettre une date pour la fin des contrats militaires avec l’Afrique du Sud a déçu les congressistes présents. Néanmoins, aucun des membres du Congrès n’a menacé de couper l’aide à Israël en ce moment. »

« Une réduction de l’aide n’est pas à l’ordre du jour » a dit Alan Wheat, représentant du Missouri, « mais nous ne suggérons pas que nous sommes satisfaits de l’état actuel des choses. »

Dellums, Berman, Solarz et Wolpe assistait à la réunion avec Wheat. Les membres du Congrès noirs auraient répété une promesse extraordinaire précédemment faites au Premier ministre israélien Yitzhak Shamir « que les membres [du CNC] étaient prêts à initier une action législative pour compenser Israël des pertes de sécurité qu’il pourrait subir en coupant les ventes d’armes à l’Afrique du Sud. »

Dans un laps de temps de deux ans les voix critiques contre Israël au sein du caucus noir auront quitté le Congrès. Il s’agit de George Crockett, légendaire avocat des droits civils et auteur de la lettre originale, Charles Hayes et Gus Savage, les trois venant de l’Illinois, ainsi que Dymally ; Crockett et Dymally seront à la retraite, Hayes et Savage auront été pris pour cible par l’AIPAC et l’establishment politique juif.

Hayes, affaibli pour avoir eu trop de découverts sur son compte bancaire du Congrès, a été contesté avec succès en 1992 à la primaire démocrate par Bobby Bush, un ancien Black Panther transformé en lécheur de bottes des Israéliens. Dans un document résumant sa position sur Israël, demandé par l’AIPAC à chaque candidat pour le Congrès, Bush a écrit que « son engagement fort pour la survie de l’état d’Israël [qui] est depuis longtemps un allié stratégique des Etats-Unis au Moyen-Orient ».

Il continue en disant « [Israël] est également la seule nation dans la région à être fondée sur des valeurs démocratiques et a démontré des préoccupations nécessaires dans un pays riche de diverses cultures comme celle qui existent au sein de l’état d’Israël. »

Cette même année, Savage a été la victime du redécoupage, une tactique commune utilisée par les loyalistes des deux partis pour tenir les membres clés dans le bureau tout en se débarrassant de ceux qui créent des « ennuis » ou qui ne peuvent pas être éliminés aux élections. Savage était l’un d’eux.

Contre Savage, l’AIPAC a mis en place Mel Reynolds* (Né en 1952, Illinois), un candidat cher aux donateurs juifs potentiels puisqu’il a passé du temps dans un kibboutz israélien. En 1990, cette tactique n’a pas été efficace, les électeurs du district, à prédominance noire, ayant voté pour Savage.

* Il a démissionné du Congrès en 1995 après une accusation de viol sur mineur consentant.

À la suite d’un recensement, l’AIPAC a réussi à redessiner le district de Savage de sorte qu’en 1992, il contienne un nombre important d’électeurs blancs et moins de noirs ; c’était tout ce qu’il fallait pour inverser la tendance et envoyer Reynolds au Congrès.

L’AIPAC était particulièrement en colère contre Savage parce qu’il a eu l’audace de lire à haute voix lors d’un rassemblement une liste de noms de donateurs juifs en faveur de Reynolds – son adversaire – (donateurs résidant à l’extérieur du district et de l’Etat) ainsi que le montant de leur contribution.

Pour cela, il a été traité « d’antisémite », ce qui était parfait, bien sûr, pour les Juifs de Beverly Hills, Brooklyn, ou Bel Air pour déterminer qui devrait représenter au Congrès le quartier South Side de Chicago (Illinois), un quartier largement noir. Le magazine Washington Jewish Week (Semaine juive de Washington) a titré « Savage Savage (Savage est un sauvage) », une insulte (l’article en anglais parle de moquerie – jibe) qui n’a attiré aucune attention au moment de la parution.

Reynolds a été reconnu coupable d’avoir eu des relations sexuelles avec une personne de moins de 16 ans (une jeune fille travaillant comme volontaire dans son équipe de campagne) ; il a été envoyé en prison comme délinquant sexuel pour deux ans. Après sa libération, il a été reconnu coupable d’avoir obtenu frauduleusement des prêts bancaires et détournement de contributions de campagne à son profit.

Après la défaite de Hayes et Savage et avec la mise à la retraite de Dymally, les derniers vestiges de la résistance à la domination de l’AIPAC ont passé à l’histoire et le contrôle du Caucus Noir du Congrès par le lobby israélien ne sera plus jamais remis en question. Il sera alors ce qu’il est aujourd’hui, un autre territoire occupé par Israël.

Aucun membre noir du Congrès n’a plus incarné cette capitulation que John Lewis (Né en 1940, Atlanta, Géorgie), ce même John Lewis, une des têtes du Comité de Coordination des Étudiants Non-Violents (Student Non-Violent Coordinating Committee, SNCC) est devenu une icône nationale lors de la célèbre marche de Selma à Montgomery en Alabama le 7 mars 1965 – cette date est connue comme le « dimanche sanglant » ; Lewis a été si violemment battu par la police de l’Alabama ce jour-là qu’une plaque métallique a dû être posée sur son crâne.

Lewis a débuté la session du Congrès de 1992 en participant, avec l’AIPAC, a une réception de bienvenue pour les nouveaux et anciens membres du CNC. Selon le Near East Report, une publication de l’AIPAC, Lewis « a parlé avec éloquence d’Israël et des objectifs et des principes communs que les communautés juives et noire partagent. »

Au mois de juin 1992, avant le vote sur l’aide américaine à Israël, Lewis et cinq autres membres du CNC ont visité Israël aux frais de l’AIPAC. Le Near East Report poursuit en disant « il [Lewis] espère que des visites comme la nôtre resserreront les liens entre les Afro-Américains, les Juifs américains et les Israéliens. »

En 1995, Lewis a rejoint son collègue d’Atlanta le républicain Newt Gingrich en signant une lettre du Congrès au Président Clinton, réaffirmant Jérusalem comme la capitale d’Israël et en insistant pour le maintien d’un contrôle total sur la ville.

Cherchant à se protéger de toute réclamation palestinienne, la lettre met en garde contre « Toute politique qui fait de Jérusalem un centre d’activité avec des fonctionnaires [palestiniens], plutôt que les zones autonomes de Gaza et de Jéricho où ils ont le pouvoir ; cela légitimerait les revendications palestiniennes alors que l’OLP cherche à établir des symboles de sa souveraineté sur Jérusalem ».

Comme je [Jeffrey Blankfort] l’ai écrit à l’époque, « Envoyez à Lewis ses 30 pièces d’argent et enveloppez-les dans un mouchoir. »

En 2008, Lewis était un invité vedette lors d’une réunion « d’unité » entre Noirs et juifs organisée à Brooklyn organisé par Dov Hykind [Hikind] (Né en 1950, ancien lieutenant de la Ligue de Défense juive, un mouvement raciste du rabbin Meir Kahane (1932-1990)) pour les élus démocrates de l’état de New York.

Lors de la réunion, Lewis « a souligné l’histoire et les valeurs partagées des communautés noires et juives », selon l’hebdomadaire juif Forward, « il observe que les Noirs et les Juifs sont venus sur cette terre dans différents navires, mais nous sommes tous dans le même bateau ». Ce message ne serait pas facile à proclamer dans les rues de Harlem, dans le quartier South Side de Chicago ou à Atlanta ou il est né, mais il a été clairement adopté par le public – environ deux douzaines de personnes – divisé entre des membres de Norpac et des membres de la communauté locale afro-américaine.

Norpac est l’un des plus riches et des plus influents, parmi plusieurs dizaines de comités juifs d’action politique répartis dans tout le pays qui existent uniquement pour verser de l’argent aux candidats qui soutiennent un agenda pro-israélien extrémiste. Selon le Forward, Lewis était à cette réunion pour obtenir une partie du butin de « chefs de file de Norpac, qui collectent de l’argent pour aider Lewis à repousser son principal défi. »

Norpac illustre pourquoi les comités d’action politique (polical action committee, PAC) pro-Israël ont longtemps été appelé « PAC furtifs ». Contrairement à presque tous les autres PAC politiques, jusqu’à l’époque des Citoyens Unis (Citizens United), ils cachent délibérément leurs liens avec Israël ou la communauté juive américaine.

Lewis, à cause de son comportement héroïques dans le Sud il y a un demi-siècle, marchant et travaillant à côté de Martin Luther King Junior, n’a fait que répéter les paroles de King, ses louanges pour Israël et les accusations d’antisémitisme contre ses critiques, faites avant son assassinat en Avril 1968.

A chaque occasion, Lewis dit que Martin Luther King, s’il avait vécu, n’aurait pas été consterné et ne se serait pas prononcé contre l’occupation continue de la Palestine par Israël, contre le siège et les guerres à Gaza, contre l’utilisation de bombes à fragmentation au Liban, King n’aurait pas mis Israël sur le même pied que les États-Unis au Vietnam en l’appelant « le premier pourvoyeur de violence » au monde. Il n’y a pas de plus grande insulte à la mémoire de Martin Luther King junior.

Lewis aime à dire au public et aux journalistes que « Quand vous voyez quelque chose qui ne va pas, qui n’est pas juste, vous avez une obligation morale de parler, de parler. »

C’est ce qu’il a dit plus tôt cette année, en acceptant le prix Elie Wiesel 2016 du Musée américain de l’Holocauste (United States Holocaust Memorial Museum) pour « n’avoir jamais abandonné son engagement à promouvoir la dignité humaine de tous les peuples. »

Le prix était tout à fait et ironiquement approprié puisque Lewis, comme Wiesel, a exclu les Palestiniens de « tous les peuples » et comme Wiesel, il n’a jamais ressenti aucune obligation morale d’en parler ou de les défendre.

Pour rétablir les faits au sujet King, ce dernier a eu des doutes sur la vraie nature d’Israël à peu près une année avant sa mort, il n’a pas voulu exprimer publiquement ses pensées à un public juif puisque des juifs étaient des contributeurs majeurs du mouvement des droits civiques.

Dans une conversation téléphonique enregistrée avec ses conseillers le 24 Juin 1967, deux semaines après la victoire rapide d’Israël sur l’Egypte et sa conquête de la Cisjordanie et de Gaza, King avait annulé un voyage déjà annoncé en Israël ; ce voyage était organisé par des dirigeants juifs aux États-Unis et des fonctionnaires du gouvernement israélien. Le but du voyage, apparemment, était de collecter des fonds pour la Conférence des Leaders Chrétiens du Sud (Southern Christian leadership Conference, SCLC), l’organisation de King. Parlant de Jérusalem, King dit prophétiquement :

Je pense simplement que si je vais en Israël, le monde arabe, et bien sûr l’Afrique et l’Asie, interpréteront cela comme l’approbation de tout ce qu’Israël fait et a fait, et j’ai des doutes …

La plupart de ce voyage (l’article en anglais dit pèlerinage) sera à Jérusalem que les Israéliens ont annexé… Et comme vous dites qu’ils n’ont pas l’intention de l’abandonner … Je dois franchement avouer que mon instinct – et quand je suis mon instinct, je suis généralement juste – je pense simplement que ce serait une grande erreur. Je ne pense pas que je puisse en sortir indemne. (Jewish Virtual Library)

Il est probable que John Lewis connaisse cette conversation, ou qu’il y a pris part.

Ça fait maintenant une décennie que nous n’avons pas vu un membre du Caucus Noir du Congrès, ou un membre du Congrès de n’importe quelle ethnie ou gendre, se lever avec courage contre l’AIPAC et l’establishment politique juif.

Cynthia McKinney (Née en 1955, démocrate, Atlanta Géorgie) a été la dernière. Dans ses six mandats, elle se définit elle-même « sans peur » contestant la politique étrangère des Etats-Unis, remettant en question la version officielle du 11 septembre 2001, défendant ouvertement les Palestiniens et critiquant Israël ce qui a donné lieu, comme dans le cas de Gus Savage, que des juifs de tous les régions des États-Unis envoient de l’argent à son adversaire d’Atlanta pour la vaincre. Ça a marché en 2002 lorsqu’elle a perdu la primaire en faveur de Denise Majette (Née en 1955, démocrate, Atlanta Géorgie) également afro-américaine, soigneusement choisie par l’AIPAC ; la victoire de Majette est aussi due à un certain nombre de votes républicains.

Deux ans plus tard, McKinney s’est représentée pour regagner son siège au Congrès et a réussi, après que Majette ait provoqué la colère de ses bailleurs de fonds juifs en choisissant de se présenter au Sénat, où elle a été vaincue. L’un de ces bailleurs de fonds était si contrarié par la décision de Majette de renoncer à son siège au Congrès que, dans une lettre à l’éditeur d’un hebdomadaire local, il a exigé qu’elle retourne l’argent qu’il avait investi pour elle.

Plus récemment, Donna Edwards (Née en 1958, républicaine, Maryland), qui espérait devenir le premier sénateur noir du Maryland n’a pas réussi à obtenir le soutien de ses collègues du Caucus Noir du Congrès dans ce qui s’est révélé être une course perdante avec son compatriote démocrate Christopher « Chris » Van Hollen (Né en 1959, démocrate, Maryland) pour succéder à la très pro-Israël Barbara Mikulsi (Née en 1936, démocrate, Maryland). Il est probable que les votes sur ses deux projets de loi fortement soutenus par l’AIPAC étaient la raison. Il est probable que les Edwards et Van Hollen ont échoués parce que que Mikulsi avait un fort soutien de l’AIPAC.

En 2009, Edwards était l’un des 21 membres à voter « present2 » sur une résolution qui reconnaît le droit d’Israël de se défendre contre les attaques de Gaza. La résolution bipartisane3, coparrainée par Nancy Pelosi et John Boehner, a été adoptée par une marge de 390 à 5.

En 2013, Edwards avait été l’un des seuls 20 membres du Congrès à voter contre la Loi sur la prévention nucléaire en Iran, qui contenait des mesures pour renforcer les sanctions déjà existantes contre Téhéran ce qui l’a placée à la première place sur la liste des ennemis de l’AIPAC depuis l’invasion américaine de l’Irak.

Keith [Maurice] Ellison (Né en 1963, Minnesota Democratic–Farmer–Labor Party – DFL, Minnesota), le seul musulman au Congrès, choisi par Bernie Sanders pour être sur la liste du Parti démocrate, est le seul membre du Caucus Noir du Congrès qui n’a pas eu peur de montrer son soutien aux Palestiniens.

Dans un communiqué publié lors de la dernière attaque israélienne contre Gaza en 2014, Ellison a reproché à Israël et au Hamas, tout en laissant entendre que ce dernier avait initié la violence et que les Israéliens et les habitants de Gaza ont été également victimisés :

L’escalade de la violence actuelle entre Israéliens et Palestiniens n’est pas le meilleur chemin pour obtenir plus de sécurité. Elle donne plus de puissance aux mauvais acteurs et blesse les personnes innocentes.

Je demande donc au Hamas de cesser immédiatement les tirs de roquettes, et à Israël de cesser les frappes aériennes et de ne pas envoyer des troupes au sol.

Je soutiens une forte intervention diplomatique des États-Unis et des partenaires régionaux pour aider à établir un accord de cessez-le-feu immédiat.

Pas un mot dans sa déclaration sur la fin du siège israélien de Gaza ni sur le fait que c’était la troisième guerre d’Israël contre Gaza en six ans.

Le triste état du Caucus Noir du Congrès a été bien exprimé par Greg [Weldon] Meeks (Né en 1953, démocrate, New York), son président actuel :

Le 11 mars dernier, Meeks a publié une déclaration en l’honneur du « Jour de l’Indépendance d’Israël. »

Après avoir visité Israël à plusieurs reprises et plus récemment il y a quelques semaines, j’ai vu l’importance du partenariat entre nos deux nations.

Les États-Unis ont l’obligation de faire respecter le droit d’Israël à se défendre ; il est notre allié le plus proche et la seule démocratie au Moyen-Orient.

Sous la menace constante, le peuple israélien démontre une force énorme et de la résilience.

Par le dialogue, la collaboration et la détermination partagée, nos deux pays restent engagés à rendre le monde plus sûr et plus libre, et d’assurer notre lien vital et durable à perpétuité.

Oui, la lecture de ce que l’on pourrait appeler un « sac de vomi » (barf bag) – ce n’est certainement pas le seul dans cet article – mais ce qui est important de comprendre, c’est que les changements mineurs ici et là, la déclaration de Meek et son affinité avec un gouvernement étranger particulièrement oppressif n’est pas différent de ce que la plupart des membres du Congrès ont fait pendant des dizaines d’années sans tenir compte de la couleur de leur peau, leur sexe, âge ou parti politique.

Si cela n’est pas la démonstration de la force politique juive, qu’est-ce que c’est ?

———–

Maintenant le pouvoir est confronté à un test majeur. Le 1er août 2016, le Mouvement pour les Vies Noires (Movement for Black Lives), représentant 50 organisations noires à travers le pays, a publié, un long et complet programme « Une vision pour des Vies Noires: une stratégie politique en faveur du Pouvoir Noir, liberté et justice, » détaillant ses vues sur les problèmes et défis auxquels sont confrontés les noirs américains et les gens de couleur en général, et ce qui doit être fait pour répondre et corriger la situation.

La section du programme qui a attiré le plus d’attention était, et cela était prévisible, celui dans lequel le mouvement exprime sa solidarité avec les Palestiniens, décrit la situation dans laquelle ils vivent comme un apartheid et que les actions prises par Israël contre eux au cours des décennies sont un génocide, tel que défini par l’Organisation des Nations Unies et la Cour internationale de la Haye.

Cela a attisé une colère et de l’angoisse : « Comment osent-ils ! » répond l’establishment juif dont les porte-paroles se sont depuis longtemps accordés le droit de déterminer dans quels termes Israël peut être critiqué par la communauté afro-américaine et par qui. Ils ont été rejoints par des Juifs qui sont concernés par ce mouvement noir et qui prétendent maintenant être blessés et désorientés.

Le lien entre l’épidémie de meurtres par la police en Amérique et ceux vécus par les Palestiniens sous occupation israélienne avait déjà été établi dans les rues de Ferguson, après « l’assassinat » de Michael Brown de sorte que les déclarations de solidarité et la critique d’Israël contenues dans le programme n’était pas une surprise.

Les membres du CNC n’ont encore fait aucune déclaration sur cette question ; au mois d’août, ils se trouvaient en campagne dans leurs districts.

Mais à un moment donné, à moins que le Mouvement pour les Vies Noires ne s’incline face aux menaces, et ne retire son article, comme Ron Dellums l’avait fait avec la législation anti-apartheid en 1987, le Caucus Noir du Congrès sera pressé de prendre parti. Un nouveau mouvement est né et il n’est pas d’humeur à être tourné en dérision.

Par Jeffrey Blankfort | 5 sept 2016 | Counterpunch

(1) Caucus peut être traduit par « groupe parlementaire »

(2) Un-e membre du Congrès/Senat peut voter « yes », « no » or « present » ce qui équivaut à un refus de prendre parti. Si un-e représentante est absent-e, son résultat sera NV (Not Voting).

(3) Soutenue par le Part républicain et le Parti démocrate.

Article original: Congressional Black Caucus: Deep in the Israel Lobby’s Pocket

Traduit de l’anglais par Michael Rubin pour Arrêt sur Info
(*)Jeffrey Blankfort, est un journaliste américain qui réside à San Francisco. Il est producteur d’émission de radios. Il a été rédacteur au Middle East Labor Bulletin et co-fondateur du Labor Committee of the Middle East.

–http://silviacattori.net/article72

–http://www.silviacattori.net/article1169

–http://www.silviacattori.net/article1170

Source:http://arretsurinfo.ch/la-domination-du-lobby-pro-israelien-sur-le-congres-des-etats-unis-par-jeffrey-blankfort/

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