Entrevue de Bachar el-Assad avec l’AFP après l’attaque chimique de Khan Cheikoun
avril 15, 2017
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VIVE LA RÉVOLUTION Syrie – 14 avril 2017 –
Syrie – 14 avril 2017 – Entrevue de Bachar el-Assad avec l’AFP après l’attaque chimique de Khan Cheikoun (vidéo 23’37)
samedi 15 avril 2017, par anonyme
Note de do : cette interview de Bachar el-Assad est indispensable ; aussi, j’ai pris la peine d’en réécrire la traduction en un français un peu plus correct. Comme on dit : « J’aimerais parler l’arabe aussi bien que le traducteur de l’agence Sana écrit en français » ; mais, comme le français est ma langue maternelle, je me suis permis d’essayer d’en améliorer le style. En effet, ainsi que le disait Simon Leys, pour qu’une traduction soit vraiment bonne, il faut être deux à travailler dessus : un dont la langue maternelle est celle du texte originel, et l’autre dont elle est celle de la traduction.
Le président al-Assad : Nous ne possédons pas d’armes chimiques et nous avons renoncé à tout notre arsenal
http://sana.sy/fr/?p=87849
14/04/2017
Damas / Le président Bachar al-Assad a affirmé que la Syrie ne possède pas d’armes chimiques et qu’elle a renoncé à tout son arsenal.
Dans une interview qu’il a accordée à l’AFP, le président al-Assad a fait savoir que l’OIAC (Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques) a déclaré la Syrie vide de toute matière chimique.
Le président al-Assad a considéré que les allégations sur une attaque chimique menée par l’armée arabe syrienne contre Khan Cheikhoun sont fabriquées, assurant que cette zone n’est pas stratégique du point de vue militaire et que l’armée n’avait visé aucun objectif dans cette zone.
Et voici le texte intégral de l’interview :
AFP (1) : Monsieur le président, je voudrais d’abord vous remercier de nous avoir reçus pour nous accorder cette entrevue. Monsieur le président, avez-vous donné l’ordre d’attaquer Khan Cheikhoun aux armes chimiques ?
Le président Al-Assad : En fait, personne jusqu’à maintenant n’a enquêté sur ce qui s’était passé ce jour-là à Khan Cheikhoun. Comme vous le savez, Khan Cheikhoun est sous le contrôle du « Front al Nosra » qui est une branche d’Al-Qaïda. Les seules informations dont dispose le monde jusqu’à présent sont donc celles publiées par la branche d’Al-Qaïda. Personne n’a d’autres informations. Nous ne savons pas si toutes les photos ou les images vidéos que nous avons vues sont vraies ou truquées. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé qu’une enquête soit menée à Khan Cheikhoun.
Ensuite, selon les sources d’Al-Qaïda, l’attaque a eu lieu entre 6h et 6h30, alors que l’attaque syrienne a été déclenchée sur la même région entre 11h30 et midi. Ils parlent donc de deux événements différents. Aucun ordre n’a été donné de déclencher une attaque ; et, d’ailleurs, nous ne possédons pas d’armes chimiques, car nous avons renoncé à notre arsenal depuis plusieurs années. Et même si nous possédions de telles armes, nous ne les aurions jamais utilisées. Tout au long de notre histoire, nous n’avons jamais utilisé notre arsenal chimique.
AFP (2) : Alors, qu’est- ce qui s’est passé ce jour-là ?
Le président Al-Assad : Comme je viens de le dire, l’unique source de ces informations c’est Al-Qaïda, chose que nous ne pouvons pas prendre au sérieux. Notre impression est cependant que l’Occident, notamment les États-Unis, sont les complices des terroristes, et qu’ils ont monté toute cette histoire pour s’en servir de prétexte à l’attaque. L’attaque n’a pas eu lieu à cause de ce qui s’est passé à Khan Cheikhoun. Nous sommes devant un seul et même événement : la première étape en était le spectacle auquel nous avons assisté sur les réseaux sociaux et les chaînes de télévision, et la campagne médiatique déclenchée. La seconde étape était l’agression militaire. C’est bien ce qui s’est produit à notre sens. Car, quelques jours seulement, voire 48 heures, ont séparé la campagne médiatique de l’attaque américaine, qui a eu lieu sans la moindre enquête, sans les moindres preuves tangibles de quoi que ce soit. Rien que des allégations et des campagnes médiatiques, puis l’attaque a eu lieu.
AFP (3) : Donc, d’après vous, qui serait responsable de cette attaque chimique présumée ?
Le président Al-Assad : Les allégations en soient viennent d’Al-Qaïda. Nous n’avons donc pas besoin de mener une enquête pour en savoir l’origine. Ils l’ont eux-mêmes déclaré : la région est sous leur contrôle, et il n’y a personne d’autre. Quant à l’attaque, je viens de le dire, il n’est pas encore clair si elle a eu lieu ou non. Car, comment peut-on vérifier une vidéo ? Il y a tellement de vidéos truquées en ce moment, et il y a des preuves qu’elles étaient fausses, comme celles des casques blancs par exemple. Ce sont des membres d’al-Qaïda, des membres du « Front Al-Nosra ». Ils ont rasé leurs barbes, porté des casques blancs, et sont apparus comme des héros de l’humanité. Ce qui n’est pas vrai, car ces mêmes personnes tuaient les soldats syriens. Les preuves se trouvent d’ailleurs sur Internet. La même chose s’applique à cette attaque chimique : Nous ne savons pas si ces enfants ont été tués à Khan Cheikhoun. Nous ne savons même pas d’ailleurs s’ils étaient vraiment morts. Et s’il y a eu une attaque, qui l’a lancée ? Et avec quels matériels ? Aucune information, rien du tout, et personne n’a enquêté.
AFP (4) : Vous pensez donc que c’est une fabrication ?
Le président Al-Assad : Bien sûr, il s’agit pour nous d’une fabrication à cent pour cent. Nous ne possédons aucun arsenal chimique. Et, même si en avions, nous ne l’utiliserions jamais. Il existe plusieurs indices, même en l’absence de preuve, car personne ne possède d’informations certaines ni de preuves tangibles. Par exemple, dix ou 15 jours avant l’attaque, les terroristes avançaient sur plusieurs fronts, y compris dans la banlieue de Damas, et dans la campagne de Hama non loin de Khan Cheikhoun. Supposons que nous disposons d’un tel arsenal, supposons que nous voulions l’utiliser, pourquoi n’y avons-nous pas eu recours au moment où nos troupes reculaient et les terroristes gagnaient du terrain ? En fait, cette prétendue attaque coïncide avec la période durant laquelle l’armée syrienne progressait rapidement, et où on assistait à la débâcle des terroristes en train de s’effondrer. Dans ces conditions, pourquoi utiliser de telles armes, à supposer qu’on en possède vraiment, et qu’on accepte de s’en servir ? Logiquement parlant, pourquoi les utiliser en ce moment précis où l’on gagne rapidement du terrain, et non au moment où on traverse une situation difficile ?
Par ailleurs, et à supposer encore une fois que vous possédez de telles armes, et que vous voulez les utiliser, pourquoi les utiliser contre les civils et non contre les terroristes que vous combattez ?
Troisièmement, l’armée syrienne n’est pas présente dans cette zone. Nous n’y menons pas de batailles, et nous ne visons aucun objectif à Khan Cheikhoun, parce que ce n’est pas une zone stratégique. Je parle d’un point de vue militaire : pourquoi l’attaquer ?! Pour quelle raison ?
Évidemment, il s’agit essentiellement pour nous d’une question d’éthique, c’est-à-dire que nous n’aurions pas utilisé l’arme chimique même si nous la possédions. Nous n’avons aucune volonté de l’utiliser, car ce serait intolérable et immoral, et on perdrait le cas échéant notre soutien populaire. Tous les indices vont donc à l’encontre de toute cette histoire. Vous pouvez en conclure que c’est une pièce qu’ils ont montée. L’histoire n’est nullement convaincante.
AFP (5) : Avec la frappe aérienne américaine, Trump semble avoir changé dramatiquement de position à votre égard et à l’égard de la Syrie. Avez-vous le sentiment d’avoir perdu celui que vous avez auparavant qualifié d’éventuel ami ?
Le président Al-Assad : J’avais bien dit « si », je parlais au conditionnel : « s’ils sont combattent sérieusement les terroristes, nous deviendront des partenaires ». J’ai dit aussi que cela ne concernait pas seulement les États-Unis, car nous sommes les partenaires de tous ceux qui veulent combattre les terroristes. C’est là pour nous un principe fondamental. Mais il s’est avéré dernièrement, comme je l’ai dit tout à l’heure, qu’ils sont les complices de ces terroristes, je veux dire les États-Unis et l’Occident. Ils ne sont pas sérieux dans leur combat contre les terroristes. Hier encore certains de leurs responsables défendaient « Daech »… en disant que « Daech » ne possédait pas d’armes chimiques. C’est bien défendre « Daech » contre le gouvernement syrien et contre l’armée syrienne. En fait, vous ne pouvez pas parler de partenariat entre nous deux, nous qui luttons contre le terrorisme et combattons les terroristes, et eux qui les soutiennent ouvertement.
AFP (6) : Pouvez-vous donc dire que la frappe américaine vous a fait changer d’avis au sujet de Trump ?
Le président Al-Assad : De toute manière, j’étais très prudent en exprimant une quelconque opinion à son sujet, avant ou après qu’il ne devienne président. Je disais toujours : « Attendons voir ce qu’il va faire. Nous ne commenterons pas les déclarations ». En effet, cette attaque est la première preuve qu’il ne s’agit pas du président des États-Unis, mais du système, du fond même du régime des USA. Ce système reste le même ! Il ne change pas ! Le président y est seulement l’un des acteurs sur la scène américaine. S’il veut devenir un leader, et c’est vrai pour tout président là-bas qui veut devenir un leader, il ne le pourra pas. Certains disent que Trump a voulu être un leader. Tout président là-bas qui veut devenir un vrai leader doit ultérieurement ravaler ses paroles, passer outre son orgueil, au cas où il en a, et doit tourner 180 degré, sinon il le payera en politique.
AFP (7) : Mais pensez-vous qu’il y aura une deuxième attaque ?
Le président Al-Assad : Tant que les USA seront dirigés par le complexe militaro-industriel, les sociétés financières et les banques, et donc par ce qu’on peut appeler l’État profond qui œuvre dans l’intérêt de ces groupes, bien sûr que cela peut se reproduire n’importe quand et n’importe où… et pas seulement en Syrie !
AFP (8) : Qu’exerceront en représailles votre armée et les Russes si cela se reproduit ?
Le président Al-Assad : Si vous voulez parler de représailles en pensant à des missiles qui parcourent des centaines de kilomètres… c’est une distance que nous ne pouvons pas atteindre. Cependant, la vraie guerre en Syrie ne dépend pas de ces missiles, mais du soutien apporté aux terroristes. C’est l’aspect le plus dangereux de cette guerre. Notre riposte sera la même qu’au premier jour : écraser les terroristes partout en Syrie. Lorsque nous en seront débarrassés, rien ne nous inquiètera plus jamais. Telle est donc notre riposte, et ce n’est pas une réaction à un événement précis.
AFP (9) : Vous dites donc que la riposte par l’armée syrienne ou par les Russes sera très difficiles car les navires sont très éloignés.
Le président Al-Assad : C’est tout à fait vrai pour nous qui sommes un petit pays, tout le monde le sait d’ailleurs. Nous ne pouvons pas atteindre ces navires. C’est-à-dire qu’ils peuvent lancer des missiles à partir d’un autre continent, tout le monde le sait. C’est une grande puissance, nous ne le sommes pas. Quant aux Russes, c’est une autre affaire.
AFP (10) : Allez-vous accepter les résultats d’une enquête menée par l’OPCW (acronyme anglais pour OIAC – Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques) ?
Le président Al-Assad : Dès 2013, lorsque les terroristes ont lancé leurs premières attaques contre l’armée syrienne en utilisant des missiles chimiques, nous avons réclamé une enquête. C’était nous qui avions demandé à ce que des enquêtes soient menées. Cette fois-ci, nous en avons discuté avec les Russes, hier et durant les quelques derniers jours qui suivirent l’attaque, et nous allons œuvrer ensemble pour que soit menée une enquête internationale. Mais cette enquête doit être impartiale. Nous pouvons permettre toute enquête si et seulement si elle est impartiale, et en s’assurant que des pays impartiaux y prendront part, pour être sûrs qu’elle ne sera pas biaisée afin de pouvoir être utilisée à des fins politiques.
AFP (11) : Et s’ils accusent le gouvernement, renoncerez-vous au pouvoir ?
Le président Al-Assad : S’ils accusent ou s’ils prouvent ? Car il y a une grande différence ! en effet, ils accusent déjà le gouvernement ! Et si, par « ils », vous voulez dire « l’Occident », NON, car l’Occident ne nous intéresse pas ! Si vous parlez de l’OIAC, s’ils arrivent à prouver qu’une attaque a eu lieu, il faudra enquêter pour savoir qui a donné l’ordre de lancer une telle attaque. Mais, pour ce qui est de l’armée syrienne, une chose est à cent pour cent certaine : nous ne possédons pas de telles armes ! et nous ne pourrions pas, même si nous le voulions, lancer une telle attaque ; car nous n’en avons ni les moyens, ni d’ailleurs la volonté.
AFP (12) : Vous voulez dire que vous ne possédez pas d’armes chimiques ?
Le président Al-Assad : Non, absolument aucune ! Il y a plusieurs années, en 2013, nous avons renoncé à tout notre arsenal chimique. Et l’OIAC (Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques) a déclaré la Syrie vide de tout matériel de guerre chimique.
AFP (13) : Je pose la question parce que les Américains ont dit qu’il y avait des armes chimiques dans la base aérienne, le niez-vous ?
Le président Al-Assad : Ils ont attaqué la base et détruit les dépôts qui contenaient divers matériels, mais il n’y avait pas de gaz sarin. Comment donc ? S’ils disent que nous avons lancé notre attaque au sarin à partir de cette même base aérienne, qu’est-il arrivé au sarin quand ils ont attaqué les dépôts ? A-t-on entendu parler du sarin ? Notre chef d’état-major est arrivé dans la base quelques heures seulement après l’attaque. Comment a-t-il pu y aller s’il y avait du sarin ? Pourquoi le nombre de martyres était seulement de six, alors qu’il y avait des centaines de soldats et d’officiers présents sur les lieux ? S’il y avait du sarin dans la base, comment se fait-il que tous n’en sont pas mort ? Sur les mêmes images vidéos truquées sur Khan Cheikhoun, lorsque les secouristes essayaient de venir en aide aux victimes ou aux personnes supposées affectées, ils ne portaient ni masques ni gants de protection. Comment donc ? Où donc est le sarin ? Ils auraient dû en être directement affectés ! Tout cela n’est qu’allégations ! Je veux dire que cette attaque américaine et ces allégations constituent une preuve supplémentaire qu’il s’agit d’un montage, et qu’il n’y avait de sarin nulle part.
AFP (14) : Vous dites ne pas avoir donné un tel ordre ; mais, est-il possible que des éléments dévoyés aient lancé cette attaque chimique ?
Le président Al-Assad : Même s’il y avait un élément incontrôlé, l’armée ne possède pas de matières chimiques. Ensuite, un élément dévoyé ne peut pas envoyer un avion de son propre chef, même s’il le veut. C’est un avion et non pas un petit véhicule, ni une mitrailleuse. Ce serait possible si on parlait d’un pistolet que quelqu’un manipule à sa guise et utilise pour violer la loi, chose qui peut arriver partout dans le monde, mais c’est impossible lorsqu’il s’agit d’un avion. Et troisièmement, l’armée syrienne est une armée régulière, et non pas constituée de diverses milices. Elle est structurée et hiérarchisée, avec des mécanismes très clairs pour donner des ordres. C’est pourquoi il n’est jamais arrivé, durant les six dernières années de guerre en Syrie, qu’un élément rebelle ait tenté d’agir contre la volonté de ses supérieurs.
AFP (15) : Les Russes vous ont-ils mis en garde avant la frappe américaine ? Etaient-ils présents à la base aérienne ?
Le président Al-Assad : Non, ils ne nous ont pas avertis parce qu’ils n’en ont pas eu le temps. Les Américains les avaient avertis seulement quelques minutes avant l’attaque ; ou, comme certains le disent, « après l’attaque ». Les missiles prennent quelque temps pour arriver jusqu’à la base. Mais en fait, nous disposions de quelques indices, et nous avons pris certaines mesures.
AFP (16) : Est-ce que vous confirmez que 20% de votre force aérienne a été détruite dans cette attaque, comme le disent les Américains ?
Le président Al-Assad : Je ne connais pas le cadre référentiel de ces 20%. C’est quoi les 100% pour eux ? Est-ce que ça correspond au nombre des appareils ? Ou à la qualité ? Ce taux renvoie-t-il aux appareils opérationnels ou stockés ? Je ne sais pas ce qu’ils veulent dire par là. Non, en fait, comme les Russes l’ont déclaré, quelques vieux appareils ont été détruits, dont certains n’étaient pas opérationnels de toute manière. C’est la vérité, la preuve est que depuis cette attaque, nous n’avons pas arrêté d’attaquer les terroristes partout en Syrie. Nous n’avons pas eu l’impression d’avoir été réellement affectés par cette frappe.
AFP (17) : Votre gouvernement a déclaré au début que vous aviez bombardé un dépôt d’armes chimiques. Est-ce vrai ?
Le président Al-Assad : C’est une possibilité parmi d’autres, car lorsque vous attaquez une cible des terroristes, vous ignorez ce qu’il y a. Vous savez que c’est une cible, ça peut être un dépôt, ou un camp, ou un siège, vous n’en savez rien. Mais vous savez que les terroristes l’utilisent, alors vous l’attaquez, comme toute autre cible. C’est ce que nous faisons quotidiennement, et parfois au fil des heures, depuis le début de la guerre. Mais vous ne pouvez pas savoir ce qu’il y a dedans. Que des frappes aériennes aient visé un dépôt d’armes chimiques était donc une possibilité parmi d’autres. Mais encore une fois, cela ne correspond pas au timing de l’annonce, non seulement parce que seuls les terroristes l’ont annoncé le matin, mais aussi parce que leurs organes d’informations, et leurs pages sur Twitter et sur Internet ont annoncé l’attaque quelques heures avant l’attaque présumée, c’est-à-dire à 4 heures du matin. A 4 heures du matin, ils ont annoncé qu’il y aurait une attaque chimique, et qu’il fallait s’y préparer. Comment l’ont-ils su ?
AFP (18) : Ne pensez-vous pas que Khan Cheikhoun représente un revers pour vous ? Pour la première fois depuis six ans, les États-Unis attaquent votre armée. Hier, après une courte lune de miel, Tillerson a dit que le règne de la famille Al-Assad allait bientôt prendre fin. Ne pensez-vous pas que Khan Cheikhoun constitue pour vous un grand revers ?
Le président Al-Assad : Il n’y a en aucun cas en Syrie un règne de la famille Al-Assad. Il rêve. Ou disons qu’il divague. Nous ne perdons pas notre temps sur sa déclaration. En fait, les États-Unis étaient durant ces six dernières années profondément impliqués dans le soutien aux terroristes partout en Syrie, y compris « Daech » et « Al-Nosra », ainsi que toutes les factions qui partagent la même mentalité. C’est une chose claire et prouvée. Mais si vous voulez parler d’attaques directes, il y a quelques mois une attaque plus grave que cette dernière avait eu lieu, et ce avant qu’Obama ait quitté ses fonctions. Cela a eu lieu à Deir Ezzor à l’Est de la Syrie, lorsqu’ils ont attaqué une montagne qui revêt une grande importance stratégique. Ils ont attaqué une base de l’armée syrienne régulière. Si l’armée syrienne n’avait pas alors été assez forte pour repousser l’attaque de « Daech », la ville de Deir Ezzor serait tombée, et Deir Ezzor aurait alors été liée avec Mossoul en Irak. Cela aurait constitué une victoire très stratégique pour « Daech ». Le gouvernement américain y était donc directement impliqué. Mais, cette fois-ci, pourquoi ont-ils eu recours à l’attaque directe ? Parce que, comme je viens de le dire, les terroristes dans cette région étaient en pleine débâcle. Les États-Unis n’avaient donc aucun autre choix, sauf celui de soutenir leurs agents, à savoir les terroristes, et ce, en attaquant directement l’armée syrienne. Ils leur avaient fourni toutes sortes d’armes, mais ça n’avait pas réussi.
AFP (19) : Vous ne pensez donc pas que ce soit un revers pour vous ?
Le président Al-Assad : Non. Cela fait partie du même contexte qui dure depuis six ans, et qui a pris de multiples formes, alors que la politique américaine et occidentale vis-à-vis de la Syrie n’a au fond nullement changé. Laissons de côté les déclarations, certaines sont faites avec un ton élevé, d’autres sont moins fortes, mais la politique reste la même.
AFP (20) : Vous avez envoyé la plupart des rebelles à Idleb. Entendez-vous les attaquer la prochaine fois ?
Le président Al-Assad : Nous attaquerons les groupes armés n’importe où en Syrie, à Idleb, ou partout ailleurs. Quant à l’heure et à la priorité, c’est une question militaire qui se discute au niveau militaire.
AFP (21) : Vous avez dit auparavant que Raqqa était pour votre gouvernement une priorité ; cependant, les forces qui avancent vers la ville sont constitués dans leur majorité de Kurdes appuyés par les États-Unis. Ne craignez-vous pas qu’on vous écarte de la libération de Raqqa ?
Le président Al-Assad : Non, car nous soutenons quiconque veut libérer n’importe quelle ville des terroristes. Cela ne veut pas dire, cependant, la libérer des terroristes pour qu’elle soit occupée par les forces américaines, par exemple, ou par un autre agent, ou un autre groupe terroriste. Qui va libérer Raqqa ? ce n’est pas clair : des forces syriennes qui la remettront ensuite à l’armée syrienne ? Est-ce que ce sera en collaboration avec l’armée syrienne ? Ce n’est pas encore clair. C’est ce que nous entendons dire depuis un an environ, ou un peu moins, mais rien ne s’est produit sur le terrain. Tout reste virtuel, car rien n’est tangible sur le terrain.
AFP (22) : Les États-Unis et la Russie sont les parrains du processus de Genève. Étant donné la tension existant entre les deux pays, pensez-vous que ce processus se poursuivra ?
Le président Al-Assad :
Il y a une grande différence entre le fait que le processus soit actif, ce qui pourrait se produire à tout moment, et le fait qu’il soit efficace. Jusqu’à présent, le processus n’est pas efficace. La raison en est que les USA ne veulent pas sérieusement parvenir à une quelconque solution politique. Ils veulent utiliser le processus politique comme un parapluie pour les terroristes, et ils cherchent à obtenir grâce cette tribune ce qu’ils n’ont pas pu obtenir sur le champ de bataille. Raison pour laquelle le processus n’est pas du tout efficace. Nous nous retrouvons maintenant dans la même situation, et nous n’estimons pas que cette administration soit sérieuse sur ce plan, car ils continuent à soutenir les terroristes. Nous pouvons donc dire : oui, nous pouvons réactiver le processus, mais nous ne pouvons pas dire que nous nous attendons à ce qu’il soit efficace ou fructueux.
AFP (23) : Après six ans, Monsieur le président, n’êtes-vous pas fatigué ?
Le président Al-Assad :
A vrai dire, la seule chose qui peut faire pression sur moi, ce n’est ni la situation militaire, ni la conjoncture politique ; mais c’est la situation humanitaire en Syrie, l’effusion quotidienne du sang, ce qu’endurent les syriens, les souffrances ressenties dans chaque foyer. C’est la seule chose pénible et fatigante, si on peut parler de « fatigue ». Mais, si vous voulez parler de la guerre, de la politique, des rapports avec l’occident ; non, je ne suis pas du tout fatigué, car nous défendons notre pays, et on ne se lassera jamais de le défendre.
AFP (24) : Qu’est-ce qui vous empêche de dormir ?
Le président Al-Assad :
Encore une fois, la souffrance du peuple syrien que je constate au contact de chaque famille syrienne, directement ou indirectement. C’est la seule chose qui peut m’empêcher de dormir de temps en temps ; mais, pas les déclarations, ni les menaces occidentales de soutenir les terroristes.
AFP (25) : Aujourd’hui, il y a des gens de Foua et de Kafraya qui seront déplacés vers Damas et Alep. Ne craignez-vous pas que cela puisse représenter un déplacement de la population, et que la Syrie d’après la guerre ne sera plus comme celle qui existait aupavant ?
Le président Al-Assad : Le déplacement qui se fait dans ce contexte est nécessaire. Nous ne l’avons pas choisi, et nous souhaitons que toute personne puisse rester dans son village et sa ville. Mais ces gens-là, comme beaucoup d’autres civils dans diverses régions, étaient entourés et assiégés par les terroristes. Ils se faisaient tuer tous les jours. Ils devaient donc s’en aller. Ils rentreront bien sûr chez eux après la libération. C’est ce qui s’est produit dans plusieurs autres régions, et les gens sont rentrés chez eux. C’est une situation provisoire. Des changements démographiques ne sont certainement pas dans l’intérêt de la société syrienne si c’est permanent ; mais, puisque c’est temporaire, ça ne nous inquiète pas.
AFP : Monsieur le président, merci infiniment de nous avoir accordé cette interview.
Le président Al-Assad : Merci à vous