Ahmed Mansour: » La bataille de Fallouja ou la défaite américaine en Irak »
septembre 29, 2017
ITRI : Institut Tunisien des Relations Internationales
publié par Candide le 27 septembre 2017 dans Chroniques
Livre « La bataille de Fallouja ou la défaite américaine en Irak « !
Par Ahmed Mansour
Présentation par Ahmed Manai
Il est de plus en plus fréquent que des journalistes et des grands reporters arabes qui suivent des mouvements de résistance sur le terrain ou couvrent des guerres et des batailles pour leurs journaux ou leurs chaînes télévisées, couronnent leur travail de terrain par un livre. C’est le cas récemment de Ahmed Mansour, une vedette de la chaîne Al Jazeera, qui s’est révélé à cette occasion, davantage un écrivain et un conteur de talent, au style fluide et attachant, qu’un simple journaliste en mission de reportage (1). Ahmed Mansour a couvert les deux batailles meurtrières de Fallouja, en avril et novembre 2004, et il vient d’en tirer un pavé de 448 pages (en arabe), avec un titre prémonitoire sur le sort de l’aventure étasunienne en Irak :
La bataille de Fallouja, ou la défaite américaine en Irak (2) !
Les millions de téléspectateurs arabes et arabophones qui ont suivi les reportages quotidiens de Ahmed Mansour à la télévision Al Jazeera, au cours des deux batailles de Fallouja, se souviendront longtemps de cet homme et se demanderont toujours, qui, du courage physique, du verbe et de la verve ou du professionnalisme l’emportait chez cet homme. Il faut croire qu’il y a chez lui tout cela à la fois, avec, pour ceux qui connaissent sa grande émission hebdomadaire Bila-Houdoud (Sans Frontières), une culture encyclopédique, une aisance et une maîtrise des sujets débattus et même un brin de perfectionnisme dans la manière dont il dirige les débats. On ne compte pas ses prestigieux invités, notamment le Général Mark Kimmit, porte parole des forces d’occupation en Irak, qui en ont fait les frais. Ce même Général, qui ne s’est pas gêné de s’étaler sur « les allégations mensongères et le parti pris » du reporter d’Al Jazeera, et exigé même sa sortie et celle de son équipe de Fallouja, pour ordonner un cesse-le- feu, sera en effet l’invité de Ahmed Mansour dans son émission Bila Houdoud du 26 avril 2006, soit deux ans après la première bataille de Fallouja. Le face à face, souhaité par le Général et ses services de propagande et destiné à rehausser le prestige des forces d’occupation et celui de leur porte-parole, tourna au net avantage du journaliste.
Avant de passer au studio le général Kimmit tint à rendre hommage à son adversaire dans ces termes « Je voudrais vous dire quelque chose avant de commencer l’entretien. Je suis toujours en désaccord avec vous et je l’étais toujours avec tous les reportages que vous faisiez lors de la bataille de Fallouja, mais je vous prie de me permettre de vous exprimer mon profond respect et ma considération pour votre personne et pour votre courage, surtout lors de votre présence à Fallouja ».
« La bataille de Fallouja » est avant tout le récit empoignant de la tragédie, vécue à chaque instant des semaines qu’ont duré les deux batailles de Fallouja, par une population civile, soumise aux horreurs qui lui furent infligées par la plus puissante armée du monde mais si dédaigneuse et méprisante des simples lois de la guerre.
C’est aussi le récit, non moins saisissant, du courage, du mépris de la mort et de la bravoure de quelques centaines de résistants, légèrement armés, qui ont arrêté net l’avancée des divisions blindées américaines lors de la première bataille et leur ont interdit l’accès et l’occupation de leur ville.
La deuxième bataille de Fallouja, au mois de novembre 2004, ne fut en fait qu’une revanche des vaincus de la première et où tout leur semblait permis.
Les chapitres du livre relatant les faits d’armes de ces deux batailles et la volonté de l’occupant d’écraser la ville, mériteraient de s’intituler « Delenda Fallouja », pour reprendre le leitmotiv de Caton le censeur (234 av.J.C.) à propos de Carthage, ou aussi, « il faut brûler Fallouja », tant les militaires américains en « brûlaient » de désir. N’avaient-ils pas d’ailleurs bombardé la ville au phosphore blanc, prétendant que cela leur servait surtout à éclairer le champ de bataille, alors que dans un magazine militaire interne, ils parlent de « shake and bake missions »: « secouer et rôtir »
Le livre, « La bataille de Fallouja » est aussi l’histoire de la destruction systématique d’un pays, de sa société, de son Etat national, de son histoire, de son patrimoine culturel qui se trouve être aussi celui de l’humanité, mais aussi de son industrie et des moyens matériels de sa reconstruction. On a beaucoup parlé et écrit sur le pillage du pétrole et du patrimoine culturel de l’Irak, tant cela avait commencé dès les premières heures de l’occupation et sous l’œil des caméras de télévision. Mais que savons-nous de la destruction méthodique et planifiée du tissu industriel de l’Irak, du démantèlement de ses usines et du pillage de ses équipements modernes, achetés à grands frais au cours des années qui ont précédé la guerre, stockés dans des magasins s’étalant sur des dizaines de milliers d’hectares et destinés à moderniser l’industrie et l’armée irakiennes ?
Dès les premières heures de l’occupation, des équipes spécialisées, munies de moyens sophistiqués, s’en sont occupées. A l’aide de tronçonneuses géantes, elles ont réduit en amas de ferraille ce qui allait équiper l’Irak de demain. Tout passait : des avions, aux équipements informatiques, aux pièces de rechange de l’industrie pétrolière, aux laboratoires dans tous les domaines de la recherche scientifique, vendu à 1, dollar $ la tonne, par des sergents de l’armée américaine à des clients inconnus et transportés hors du pays par une noria incessante de camions géants !
Ce livre est aussi le récit de la descente aux enfers de l’administration de la superpuissance américaine, imbue de son droit naturel à imposer sa loi au monde et à défier cette loi simple de la nature qui veut qu’un peuple agressé, si faible soit-il, trouvera toujours dans les profondeurs de son être, de son histoire et de sa volonté de survivre, les moyens de résister à un occupant, quelque soit la puissance de feu de son armée et la capacité de corruption de sa monnaie.
Merci à Ahmed Mansour d’avoir écrit ce livre pour rappeler aux hommes, si souvent distraits ou oublieux, qu’en ce début de siècle, une armée américaine est venue mettre « A mort l’Irak (3) » au prétexte fallacieux de libérer son peuple !
1) L’auteur, prolifique, a écrit dix huit livres, en arabe, dont :
Sous le feu en Afghanistan
Une femme d’Afghanistan
L’infiltration israélienne dans le monde arabe
Sous le feu à Sarajevo
Le récit de la chute de Bagdad
2) La bataille de Fallouja, ou la défaite américaine en Irak (Arabe) 448 pages
Editions: Dar Al Kitab Al Arabi, Beyrouth: Liban, 2007.
3)” A mort l’Irak” : titre du livre de Denis Gorteau, Evelinédition, Montigny, août 2006 et dont une interview de l’auteur paraîtra bientôt sur le site.
Ahmed Manai
http://www.tunisitri.net/
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