Syrie : sous le feu médiatique par Ahmed Halfaoui
janvier 8, 2012
Syrie : sous le feu médiatique
Lorsque Bachar El Assad a été désigné à la succession de son père, dans le style des monarchies héréditaires, la «communauté internationale» n’a pas trouvé la chose anti-démocratique. Le jeune Docteur «formé aux valeurs occidentales» jouissait même d’un soutien empressé. Mais voilà que les temps ont brutalement changé. Alors même que des dizaines de millions de Grecs, d’Espagnols, de Britanniques, d’Italiens, de Français, de Portugais, d’Etatsuniens et d’autres, sont jetés à la rue ou pressurés pour payer les dettes envers un système financier plus vorace que jamais, les dirigeants occidentaux se mettent à s’émouvoir, plus que de raison, des «libertés» du peuple syrien.
Ayant expérimenté leur mode opératoire, en Libye, ils se sont lancés dans une opération similaire en Syrie. Le même scénario est implémenté. D’abord, les télévisions et leurs témoignages floutés sur les «massacres des populations», Al Jazeera en tête, France 24 et toutes ces chaînes dont on ne sait plus l’avenir professionnel, quand tout sera fini et qu’il faudra bien que l’information ait des sources crédibles.
Il faut dire que la tragédie qui se joue n’a plus qu’un seul témoin : un comité de rédaction international. Kafka en perdrait son art. Voilà un «régime» devenu subitement fou qui se met à décimer son peuple, malgré toutes les menaces qui pèsent sur lui. Voilà une armée et des forces de sécurité qui obéissent au doigt et à l’œil à des ordres assassins. Voilà un «régime» suicidaire qui, au lieu de montrer patte blanche, défierait la force absolue et ferait preuve d’une insupportable arrogance. Du jamais vu.
Pourtant, c’est ce qu’on est obligé de croire devant la seule information disponible. Et gare aux journalistes qui s’évertueraient à décrire autre chose que ce que rapportent des vidéos de témoins, toujours mieux placés et mieux informés, puisque reconnus comme tels par les gardiens de la vérité.
La délégation d’observateurs de la Ligue arabe, chargée d’établir un état des lieux neutre, est en train de l’apprendre à ses dépens. Elle n’aurait pas vu ce qu’elle devait voir, puisque les sources d’Al Jazeera disent le contraire.
Elle n’a pas compris que la chute de Damas serait une «bénédiction pour le Proche-Orient» et n’a pas tenu compte des prévisions du ministre israélien de la Défense Ehud Barak qui estime que «les jours du régime du président syrien Bachar al-Assad sont comptés et sa famille n’a plus que quelques semaines au pouvoir». Et le bonhomme doit savoir de quoi il parle.
Sauf s’il n’a pas tenu compte des capacités des Syriens à ne pas se laisser faire comme les Libyens et des difficultés que l’OTAN peut avoir à cause des éventualités russes et chinoises. Et puis, aux dernières nouvelles, il y a cette donne que l’on n’a pas connue à Benghazi : il y a deux oppositions rivales, le Comité national pour le changement démocratique (CNCD) qui refuse l’intervention militaire atlantiste et le Conseil national syrien (CNS), soit le CNT syrien, qui est pour que les bombardiers de l’Alliance lui tracent les routes vers Damas, comme ils l’ont fait pour Tripoli. Une divergence de fond, qui fait du CNS le seul cheval de la «communauté internationale».
Il est donc ardu d’appréhender le développement des événements, tant l’information est polluée et tant les facteurs politiques nationaux et internationaux sont encore insaisissables.
Par Ahmed Halfaoui