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La bataille démographique, dernier grand défi israélien dans le Golan


Publié par Gilles Munier sur 3 Janvier 2022, 09:34am

Catégories : #Syrie, #Golan

Par Stéphanie Khouri (revue de presse : L’Orient-Le Jour – 30/12/21)*

1 800 kilomètres carrés surplombant la vallée du Jourdain, entre le mont Hermon, au nord, et le lac de Tibériade, au sud. Après le retrait israélien du Sinaï au profit de l’Égypte, voilà ce qu’il reste des territoires conquis par Israël en 1967. Certes, la Cisjordanie est toujours occupée et l’étroite bande de Gaza vit au gré des desiderata israéliens. Mais le Golan, ce bout de territoire coincé entre Israël, la Syrie et le Liban, est le seul à avoir été formellement annexé. Sa population s’est vu offrir la citoyenneté israélienne (qu’elle a majoritairement rejetée) et, surtout, la légitimité de l’annexion ne fait plus débat au sein de la société israélienne.

Pari gagné ? Pas tout à fait. Car malgré 50 ans sous contrôle israélien, la population juive répartie au sein des dizaines de kibboutz y est toujours minoritaire, et les réticences des habitants originaires de la région, majoritairement druzes syriens, sont solidement ancrées.

Pour remédier à ce déséquilibre, le Premier ministre israélien Naftali Bennett a annoncé dimanche dernier la validation d’un plan d’investissement pour la région à hauteur d’un milliard de shekels – 317 millions de dollars – et son intention de doubler la population du territoire d’ici à 2030. Au programme : construction de nouveaux logements, développement des infrastructures de transport, création d’emplois, amélioration des services médicaux et du système de santé… Tout, en somme, pour attirer de nouveaux habitants et faire de la région un « endroit agréable à vivre » après « des années de stagnation », selon les mots du Premier ministre.

En 2014 déjà, l’exécutif avait tenté de mettre en avant ses efforts pour développer la région, approuvant la construction de 750 nouveaux logements d’ici à 2018. Mais l’ampleur du projet, cette fois, est sans précédent. Ce qui n’a pas échappé aux autorités syriennes, dont les réactions ne se sont pas fait attendre. Lundi, l’agence officielle SANA dénonçait une « escalade dangereuse et inédite par les forces d’occupation israéliennes », tandis que le ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Mekdad s’élevait contre une action « criminelle », violant la résolution 497 des Nations unies qui déclare l’annexion israélienne « nulle et non avenue ».

L’annonce arrive quelques jours après le quarantième anniversaire de l’annexion de la région par l’État israélien. En 1981, la « loi du plateau du Golan » était adoptée par la Knesset, rendant officielle une annexion qui était restée jusque-là informelle. Alors que le droit international considère toujours la zone comme un territoire occupé, le président américain, Donald Trump avait révisé la position américaine sur la question, reconnaissant la souveraineté de l’État hébreu sur le plateau en mars 2019.

Manque d’attrait

Malgré le succès diplomatique, la bataille est toujours loin d’être gagnée sur le plan démographique. Durant la décennie qui a suivi l’annexion de 1981, 5 000 nouveaux habitants juifs seulement ont été recensés dans la région, selon le bureau central des statistiques israélien – une croissance identique à la période précédant l’adoption de la loi. Entre 1994 et 2014, seulement 7 000 nouveaux résidents juifs ont été enregistrés. « En d’autres termes, la croissance démographique a essentiellement stagné, à l’exception du taux de croissance naturel parmi la population préexistante », en conclut la Golan Coalition, une organisation promouvant la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le plateau, sur son site internet.

La situation de la région contraste avec l’évolution démographique de la Cisjordanie, non annexée, mais elle aussi contrôlée de facto par l’État hébreu depuis 1967. En 50 ans de mainmise israélienne, plus de 200 nouvelles colonies ont été installées entre la frontière jordanienne et la ligne verte, tandis que le nombre de colons juifs avoisine les 700 000 en 2021. Plusieurs raisons expliquent ce décalage, notamment le manque d’investissement pour cette région reculée qui souffre de la précarité sécuritaire due à sa proximité avec la Syrie voisine, sans pour autant bénéficier du pouvoir d’attraction idéologique qu’exerce la Cisjordanie sur une partie de la population juive orthodoxe.

Mais alors que la stratégie de peuplement peine à avancer, l’intégration des citoyens arabes de la région a eu plus de succès. Si 90 % des habitants ont refusé la nationalité israélienne lors de l’annexion en 1981, la majorité d’entre eux bénéficient d’une résidence leur permettant une participation active à la vie économique et politique du pays. Surtout, la guerre en Syrie a contribué à creuser le fossé entre la population druze de la région et leur pays d’origine : les échanges commerciaux et les déplacements sont désormais restreints, à l’image du commerce de pommes qui a été suspendu en 2012 pour des raisons sécuritaires. Signe du changement d’époque : en 2013, pour la première fois depuis des décennies, un représentant du gouvernement était accueilli par des dignitaires druzes à Majdal Chams, capitale régionale druze. Quelques mois plus tard, l’exécutif annonçait un plan d’investissement de près de 60 millions de dollars à destination des communautés druzes de la région entre 2014 et 2017…

Source : L’Orient-Le Jour

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