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Russes et Syriens mettent la pression sur les djihadistes: vers la chute d’Idlib?


05.01.2022

Les positions de l’armée syrienne dans le gouvernorat d’Alep

© Sputnik . Mikhaïl Voskressenski

Les bombardements russes s’intensifient sur Idlib, dernier bastion djihadiste. Les troupes syriennes prennent position autour de la province. Est-on à la veille de l’ultime bataille pour le rétablissement de la souveraineté territoriale syrienne?
La guerre en Syrie est loin d’être terminée. Après la reprise du dernier bastion rebelle dans le sud du pays, à Deraa, en septembre dernier, les regards se tournent vers la province du Nord-Ouest, Idlib. Depuis plusieurs jours, le vrombissement des Su-24 russes et les grincements mécaniques de la 25e division des forces syriennes commandées par Souheil al-Hassan se rapprochent. L’aviation russe a mené une dizaine de frappes à la périphérie de la ville. Les raids ont ciblé des positions terroristes dans la colonie de Kafr Daryan, mais également dans la ville d’Eriha et de Jisr al-Choghour. Les troupes de Damas commencent quant à elles à quadriller la zone pour une éventuelle opération au sol.
Malgré le cessez-le-feu annoncé par les présidents russe Vladimir Poutine et turc Recep Tayyip Erdogan en mars 2020 et les pourparlers d’Astana, les autorités syriennes font souvent état d’attaques contre les villes voisines d’Alep et de Hama: incendies criminels, attaques de transports de troupes, voitures piégées, enlèvements, prises d’otages…
Des combattants ouïghours à Idlib
« Les tensions sont permanentes », explique Fahed, ancien officier de l’armée syrienne, habitant près de la province d’Idlib.
« Plusieurs unités reliées à Idlib commettent des attentats dans les villes limitrophes pour garder un pouvoir de nuisance sur le gouvernement de Damas. Il faut quand même rappeler que les combattants résidant dans cette province ont été les premiers à rejoindre l’opposition djihadiste », rapporte l’ex-militaire au micro de Sputnik.
En effet, la province d’Idlib regorge de combattants djihadistes de la première heure, principalement regroupés au sein de Hayat Tahrir al-Cham* (HTS), l’ex-branche d’Al-Qaïda* en Syrie dirigée par Abou Mohammad al-Joulani. Le mouvement ne compte pas moins de 30.000 hommes armés dont 10.000 étrangers, notamment des Jordaniens, des Saoudiens et des Turkmènes. De surcroît, on retrouve d’autres groupes terroristes, à l’instar de Hourras el Din et ses 2.500 membres, et le Parti islamique du Turkestan* (TIP) qui compte majoritairement des combattants ouïghours. « Ces groupes se battent régulièrement pour des questions de leadership et de gouvernance », observe l’ancien officier syrien.

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Mais c’est bel et bien Hayat Tahrir al-Cham* qui contrôle environ 60% de la province d’Idlib. Pour tenter de changer d’image à l’international, le chef de cette faction a lancé depuis 2021 une campagne de séduction. Barbe taillée, gel, costume occidental et propos modérés, Abou Mohammad al-Joulani a accordé une interview à un journaliste américain. Il s’est voulu rassurant, expliquant sa rupture « définitive » avec Al-Qaïda*. De quoi trouver des avocats à sa cause outre-Atlantique. James Jeffrey, ex-envoyé spécial US auprès de la coalition internationale en Syrie, a qualifié l’organisation HTS* comme un « atout » de la stratégie américaine en Syrie.
Des négociations entre Damas et Ankara?
Derrière ce ravalement de façade, la réalité reste la même. « Ce sont des islamistes qui pratiquent un islam rigoriste et le plus intolérant qui soit, ce ne sont pas des modérés comme l’Occident le pense », s’insurge notre intervenant. Écouter de la musique est interdit. Les femmes sont opprimées. Elles ne peuvent pas travailler et sont obligées de respecter la charia, la loi islamique. D’ailleurs, les combattants de Hayat Tahrir el-Cham* ont fêté la prise de Kaboul par les talibans** en août dernier. Ils affirment vouloir s’inspirer de l’exemple afghan dans leur combat contre Damas.
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Mais cette lutte paraît ardue, en raison de difficultés financières. Alors que la province d’Idlib avait remplacé la monnaie syrienne par la livre turque pour éviter les sanctions américaines, les habitants de la province sont durement impactés par l’inflation galopante en Turquie. « Plusieurs familles d’Idlib commencent à fuir vers le territoire syrien », nous rapporte Fahed. Avec cette hausse des prix sur les denrées alimentaires, les groupes djihadistes peinent à contenir les 4 millions d’habitants. À en croire l’ancien officier, c’est le moment opportun pour l’armée syrienne de passer à l’offensive.
« Il faut comprendre quelque chose, cette zone doit retourner dans le giron syrien. Plus on attend plus elle va reprendre des forces et plus les combats seront compliqués », souligne-t-il.

Reste que la posture turque devrait faciliter les choses: « Erdogan est moins disposé à défendre cette zone, il a les yeux rivés sur les Kurdes », pense notre interlocuteur. Ankara reste tout de même présent et contrôle les postes d’observation à l’intérieur de la zone. Pas moins de 15.000 soldats stationneraient dans la province. Donc, le dossier d’Idlib dépend étroitement de la politique d’Erdogan. Mais les lignes commenceraient à bouger petit à petit. En décembre dernier, des négociations sécuritaires auraient eu lieu à Aqaba en Jordanie entre des officiels turcs et syriens au sujet du Nord-Ouest syrien, selon le média Turquie, proche du gouvernement d’Ankara.
« Nous ne savons pas ce qu’il se passe en interne, mais Idlib sera repris tôt ou tard », conclut Fahed.
* Organisation terroriste interdite en Russie.

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