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Bassam Tahhan : Une perspective pour la Paix en Syrie et dans la région


Conférence internationale de l’Institut Schiller
Flörsheim, Allemagne, 24-25 novembre 2012

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Transcription

Je commencerai par dire qu’à Rome on parle latin. Moi, je parle un dialecte latin que la diplomatie française a historiquement créé comme langue. Mais avec la disparition, un peu, de cette diplomatie, le Français perd du terrain. Je parle ainsi, parce que je suis d’origine arabe et chez les arabes quand on parle debout, c’est pour réciter de la poésie et quand on est assis c’est une séance où on parle un langage de raison. Parlons donc un langage de raison, surtout parce que nous sommes dans le pays de Hegel et qu’étant dans le pays de Hegel, on ne peut pas ne pas respecter la dialectique. C’est parler allemand, même si on parle Latin.

Après cette introduction qui rappelle ce besoin de nuances pour aborder une réalité complexe, je dirais d’abord que ce qui se passe aujourd’hui dans le monde est une croisade contre le Moyen-Orient, une vraie croisade. J’essaierais de montrer en quoi il y a similitude entre ce que nous vivons aujourd’hui et les croisades dans le passé. Par ailleurs, ce n’est pas uniquement une croisade, c’est également un nouveau combat, après la Guerre froide. Après le monde unipolaire et le nouveau système mondial qu’on a voulu nous imposer, il y a cette dimension également qu’on ne peut pas nier.

Aujourd’hui, celui qui gagnera la bataille de Syrie, gagnera la première bataille de ce monde qui tend à redevenir bipolaire, où les Etats-Unis et l’Occident sentent bien qu’ils sont en train de perdre du terrain et qu’il faut, si ce n’est de guerres symboliques, de vraies guerres pour s’imposer face à la Russie, à l’Iran et à ses alliés. Il s’agit là de ce qu’on appelle le croissant chiite. Je revendique la paternité de ce terme et je reviendrai plus tard pour faire son historique et dire comment il a été dévoyé par le Pentagone.

Cette bataille de Syrie implique le monde entier : les Etats-Unis, l’Europe, les pays de l’Est qu’on a cités, et le centre géographique qui est la Syrie, le monde arabe, la Turquie, etc.

Je commencerai d’abord par le camp occidental, formé par les Etats-Unis, l’Angleterre, la France, l’Allemagne qui traîne les pieds (heureusement), l’Europe en général, et la Turquie qui est l’avant poste de l’OTAN. Je vais m’attarder sur la politique française. Pourquoi ? Parce que les croisades sont parties essentiellement depuis la France, et cela a entraîné tout l’Occident. Connaissez-vous un certain général Gouraud ? C’est lui qui a fait la conquête de la Syrie dans les années 1920. Pour vous donner une idée du personnage, il a été blessé pendant une bataille et à l’hôpital on lui a demandé : « Préférez-vous rester quelques mois et vous aurez le bras sain et sauf, ou rejoindre la bataille, mais alors il faut vous couper le bras ? » Il a répondu : « Soit, qu’on me coupe le bras et je rejoindrai la bataille. » Détail intéressant…

Ce général Gouraud, chef de l’expédition anti-syrienne, était à la tête des troupes françaises qui ont bombardé et occupé Damas, alors que cette ville venait d’élire un parlement de façon démocratique et projetait la création d’un Etat qui représenterait tout le Proche-Orient. C’était le roi Fayçal, le fils du chérif Hussein de la Mecque, hachémite. Pourquoi je vous parle du général Gouraud et des croisades ? Parce que le Général Gouraud s’est rendu à la Mosquée des Omeyades de Damas, où se trouve la tombe de Saladin et qu’a-t-il dit devant la tombe de cet homme, qui est un symbole pour l’Islam et les arabes car il a libéré Jérusalem :« Nous revoilà Saladin ! » Nous revoilà Saladin ! C’est une référence on ne peut plus directe aux Croisades.

Ainsi quand on dit que cette guerre qui se déroule en Syrie est une nouvelle croisade qui implique les forces occidentales, on n’est pas loin de la vérité du tout. Cela implique aussi que toutes les guerres coloniales du nationalisme par la France et l’Angleterre essentiellement, parce qu’on ne peut pas dire que l’Allemagne a été une grande puissance colonisatrice face aux deux grandes autres, tout est relatif. C’est vraiment un esprit de croisade qui relie la guerre coloniale en Syrie, qui était une application de Sykes-Picot, avec ce qu’il y a eu dans le temps : deux siècles d’occupation de la Palestine et de la Turquie, d’Antioche. Vous voyez, géographiquement et géopolitiquement, c’est très proche.

Permettez-moi de faire des rappels sur les vraies croisades. Aujourd’hui on nous dit, il faut que le Pape s’excuse auprès des musulmans à cause des croisades. Honnêtement, si le Pape devait s’excuser, il devrait le faire auprès des chrétiens d’Orient car si on se reporte à l’histoire, c’est après les croisades que la majorité des chrétiens d’Orient ont été convertis de force à l’Islam. C’est un fait. Si vous lisez les chroniqueurs des croisés, ils disent que lors de la prise de Jérusalem, ils étaient fiers que le sang arrive jusqu’en haut des pattes de la cavalerie. Et qui avaient-ils massacré ? Les chrétiens et les juifs de Jérusalem !

Ainsi, la croisade qui est partie pour sauver le Saint Sépulcre et sauvegarder les pèlerins, garantir les voies du pèlerinage, n’était qu’un prétexte. La preuve en est que dans différentes croisades, l’Empire de Byzance a été pillé, saccagé. Et qui l’a pillé ? Le christianisme occidental !

Ici, permettez-moi de rejoindre son excellence l’Ambassadeur iranien qui a dit que pour Huntington, le Christianisme était plutôt occidental qu’oriental, ce qui est une absurdité énorme, indigne d’un penseur. Pourquoi ? Parce que Saint Jean de Damas est l’auteur de la première somme théologique du monde, bien avant Saint Thomas d’Aquin. Permettez-moi de me faire, pour une fois, le porte-parole de ce christianisme oriental et d’en faire l’apologie.

Si vous continuez le parallèle, et nous allons revenir à la guerre de Syrie, tous les chrétiens du Proche-Orient sont menacés, mais pas seulement les chrétiens, toutes les minorités. Pourquoi ? Parce que la politique occidentale d’aujourd’hui joue la carte de l’orthodoxie ultra sunnite contre les chiites qui, à mon sens, sont porteurs d’un message révolutionnaire, en tant que minorité qui a été persécutée à travers l’histoire. Je reviendrai au concept du Croissant chiite.

De Gouraud, voyons ce qui reste dans la politique française. On a parlé des minorités. Il faut remonter à François 1er, qui avait deux soucis : l’Empire austro-hongrois et l’Allemagne. Il fallait qu’il s’y oppose, et par ailleurs qu’il s’allie aux Turques pour contrecarrer les Austro-hongrois et les Allemands. Alors, il a obtenu le traité des Capitulations, c’est-à-dire le droit de sauvegarder les minorités, et il les a vraiment sauvegardées. Ainsi, quand on parle de la politique arabe de la France, on fait référence au départ à François 1er. C’est lui qui a interdit les massacres de ces minorités. C’est la politique arabe de la France qui va être reprise par le gaullisme. Mais, qu’ajoute de Gaulle ? De Gaulle va s’approcher de l’Allemagne, supprimer cette rivalité franco-germanique et en même temps garder le droit des minorités et considérer l’islam d’une autre manière.

Dites-moi, qu’est-ce qu’il reste aujourd’hui de ce gaullisme en France ? Pas grande chose. Si vous examinez les relations franco-allemandes, ce n’est pas le grand amour. Il n’y a pas vraiment de force nouvelle européenne qui soit née et qui s’affirme comme exception politique, stratégique, vis-à-vis des Etats-Unis. Que ce soit la France ou l’Allemagne, ce sont des vassaux, c’est une relation de servilité, il n’y a aucune indépendance. J’aimerai bien qu’on me cite des exemples où l’Europe a vraiment les coudées franches et libres.

Quand les européens ont voulu créer une force d’intervention, ça n’a jamais été autorisé par les Américains. Or, un pays qui se respecte doit avoir les moyens militaires de sa politique. Aujourd’hui si les Etats-Unis s’imposent, c’est qu’ils peuvent en quelques heures mobiliser des centaines de milliers d’hommes, autant de flottes, d’artillerie, etc. Nous sommes, européens, marginalisés. Et dans cette guerre, dans cette répartition des rôles, nous n’avons pas le beau rôle. Surtout la France, qui vient de reconnaître la Coalition et qui avait au début reconnu le Conseil national syrien. Dans ces deux composantes, qui est la majorité ? Ce sont des islamistes. Dans le CNS les deux tiers étaient formés des Frères musulmans. Vous n’allez pas nous dire que cette croisade est allée pour libérer la démocratie ! Non ! Elle est allée pour des raisons économiques et politiques qui visent à affirmer une puissance et à prévoir une confrontation peut-être avec l’Est. Parce que si la Syrie tombe, la voie est ouverte pour la déstabilisation et de l’Iran, et de la Russie, et de la Chine. Il y a là un problème moral d’interventionnisme. De quel droit on intervient avec des armées étrangères ou des groupes extrémistes financés par l’étranger pour déstabiliser un pays et renverser un régime politique ? Qui le fait avec la Syrie, peut le faire avec un autre pays.

Et, c’est là que la France pèche contre ses propres principes, et pas seulement la France, mais l’Occident. Nous sommes en Allemagne, le pays de Kant. Il y a une éthique. Dites-moi, dans cette intervention, où se trouve l’éthique, où se trouvent les valeurs de l’occident chrétien, de la révolution française laïque qui respecte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?

Et c’est là où la France me paraît aujourd’hui sujette à toutes les critiques inimaginables. On vous dit : « On ne veut pas armer ces rebelles (en fait, ils n’utilisent pas le mot rebelles car pour eux ce sont des révolutionnaires). » On nous dit : « On ne donne pas de moyens létaux à ces rebelles, on a juste donné des lunettes de combat nocturnes. » C’est-à-dire, qu’on laisse à d’autres pays le soin de les armer, et nous Français on ne fait que mettre la cerise sur le gâteau ou sur la crème. Je ne sais pas si en Allemagne, vous êtes plus crème que gâteaux…

Il n’empêche qu’on arme ces gens là, on les aide à avoir les moyens électroniques sophistiqués pour que les massacres soient plus performants. Avoir l’audace de dire qu’il y a d’autres pays comme l’Angleterre qui se chargent de les armer… Et c’est là qu’on revient aux croisades. L’Angleterre était dans les croisades et aujourd’hui elle est de toutes les guerres au Proche-Orient. Blair est plus un conseiller de guerre que de paix, que ce soit dans la guerre d’Irak ou dans la guerre de Syrie aujourd’hui.

Et c’est là qu’on se demande où va la France, mais aussi où va l’Allemagne, qui est un pays important. Je la vois de l’extérieur, je n’ai jamais vécu en Allemagne. Prenez cela comme vous voulez, peut-être d’un ignorant des problèmes de l’Allemagne, géopoliticien, que je suis né en Syrie et vivant en France depuis 40 ans. Il faut que l’Allemagne se décomplexe de la Deuxième Guerre mondiale et se donne les moyens de sa puissance économique. Si j’étais Allemand, je ne pourrais pas vivre en me privant d’un droit total à exister comme je l’entends.

Or, sans cesse, on veut marginaliser l’Allemagne peut-être parce qu’elle est une puissance économique mondiale. Je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas représentée au Conseil de sécurité mondial. Il faut se décomplexer de la Deuxième Guerre mondiale ; elle est derrière nous. Nous sommes en train de construire un nouveau monde. Jusqu’à quand va-t-on subir des diktats américains au niveau politique, économique stratégique ? Au nom de quoi ? Si j’étais Allemand cela m’aurait beaucoup révolté, il y a quelque chose d’illogique là-dedans.

Je serais heureux de vous entendre sur ce point. Aujourd’hui, Blair a conseillé au gouvernement turc de déployer des missiles Patriot à la frontière syrienne. Entre nous, les Patriot, cela ne me fait pas peur. Je conseillerais aux Américains d’engager quelques ingénieurs allemands et ils rendraient peut-être les Patriots plus performants, parce que d’après les expériences, on a vu que la technologie américaine n’était pas si performante que cela et que sur nombre des missiles lancés, les Patriot n’arrêtaient pas grande chose. C’est une façon de me révolter contre cette arrogance Américaine. Pourquoi déployer des Patriot à la frontière turque ? Je vais vous le dire – et venons-en maintenant à ce qui se passe en Syrie – parce que l’armée turque a voté au Parlement le droit d’intervenir dans le territoire syrien.

La ville de Harem, les médias occidentaux n’en parlent pas. La majorité des informations que nous avons sur cette crise Proche-orientale sont toutes fabriquées et truquées. C’est une campagne militaire qui a été précédée d’une longue campagne dans les médias pour préparer l’opinion à une intervention en Syrie, et pourquoi la Syrie ? On en arrive au Croissant chiite, dont je revendique la paternité comme terme.

J’enseigne la géopolitique en France depuis peut-être trente ans. Lors de la révolution iranienne, Hafez el-Assad est arrivé au pouvoir en Syrie en 1970. Pour ceux qui ne le savent pas, Hafez el-Assad est Alawite, il appartient donc à une communauté chiite minoritaire qui a été persécutée pendant des siècles, et pour vous donner une idée de la haine de toute cette propagande occidentale et ultra orthodoxe sunnite, aujourd’hui, l’un des slogans des rebelles est : les chrétiens à Beyrouth, les Alawites au cercueil. En Arabe cela rime… Un autre exemple, quand un Alawite passait à Latakieh, on pouvait lui balancer le sac poubelle. Vous comprenez pourquoi, quand la guerre a éclaté entre l’Iran et l’Iraq, et c’est là où je ne suis pas d’accord avec son excellence l’ambassadeur iranien, le Ba’ath syrien n’a pas été aidé par l’Occident. Justement, on a aidé le Ba’ath irakien pour contrecarrer le Ba’ath syrien, qui lui était aidé à l’époque par l’Union soviétique. Et qui plus est, le seul pays arabe à s’être rangé du côté de l’Iran contre Saddam Hussein, c’était le Ba’ath syrien d’Hafez el Assad.

Assad est arrivé en 1970, et la révolution de Khomeiny a eu lieu 10 ans après. Entre-temps Assad a aidé les chiites du sud Liban, qui ne sont pas Alawites mais qui sont chiites proches de lui. C’est à ce moment là, que dans mes cours j’ai dit : « Il y a un croissant chiite qui se forme. » Je ne l’ai pas inventé, je lisais l’histoire de l’Egypte fatimide chiite. A l’époque, aux 11e et 12e siècles, les Fatimides d’Egypte avaient créé toute une renaissance chiite qui allait jusqu’à l’Extrême-Orient et à l’époque l’Iran, aujourd’hui chiite, ne l’était pas. L’idée du croissant chiite, selon les chroniqueurs de cette période, allait de l’Egypte chiite, à la Syrie qui l’était majoritairement. Ils voulaient encercler le califat sunnite de Bagdad. Ce croissant chiite a relativement réussi, puisque l’Iran est devenu chiite.

Le Croissant chiite aujourd’hui est un concept positif, une révolution contre une certaine pensée occidentale, le djihad, un islam ultra-orthodoxe qui refuse toute interprétation libre. Les sunnites ont arrêté de faire de l’effort personnel d’explication religieuse depuis le 10e siècle, mais pas les Chiites. De ce point de vue là, le chiisme est un système philosophique ouvert, révolutionnaire en lui-même. Après cela, j’ai été invité au Collège interarmées de défense. La première conférence que j’ai donnée concernait le Croissant chiite. Le Collège interarmées de défense est une école stratégique militaire qui forme, chaque année, à peu près 500 généraux qui viennent du monde entier. J’avais parlé de cela à la télévision française, et quelque mois plus tard c’est le roi Abdallah de Jordanie qui a repris ce terme. Le Croissant chiite a fait peur au roi Abdallah.

Vous avez parlé aujourd’hui de l’eau, mais la frontière naturelle de la Syrie va jusqu’aux contreforts du Taurus. Toute cette zone turque riche en eau, appartenait à la Syrie.

Par trois fois, la France, pour faire des concessions à la Turquie, a reculé la frontière, et la Syrie a perdu beaucoup de villes. Pire, la France a péché contre la politique arabe de la France : la défense des minorités. Car quelle est la capitale des chrétiens d’Orient ? C’est Antioche, avant Rome. C’est là, dans les actes des apôtres que l’on nomme le Chrétien, Chrétien. Et ce que toute la monarchie française n’a pas osé faire, la République l’a fait. Pour désaxer la Turquie de l’Allemagne, elle a donné en 1938 Antioche et Alexandrette aux Turcs après un référendum truqué. Elle a, de ce fait, décapité tous les Chrétiens d’Orient et supprimé la capitale historique de la Syrie qui était Antioche, fondée par Antiochius, un général d’Alexandre, et Alexandrette, fondée par Alexandre.

Il n’y a pas que cela, dans Sykes-Picot, – vous allez me dire basta le syrien – le Nord de l’Irak, Mossoul dépendait de la partie bleue, c’est-à-dire de la France. Regardez le beau colonialisme : elle a donné Mossoul aux Anglais, pour avoir 23,5 % des rentes pétrolières de la compagnie de pétrole. Comment voulez-vous que les peuples de cette région croient aux valeurs occidentales ? Dites-moi où est l’éthique dans le fait qu’on prenne un pays, qu’on le casse, qu’on donne des morceaux tantôt à l’Irak, aux Anglais, tantôt à la Turquie, tantôt un Etat tampon qu’on donne à la Jordanie, pour permettre à Israël d’exister. Aujourd’hui le vrai problème de la bataille de la Syrie, c’est casser l’Iran, casser le Croissant chiite.

On a rasé l’Irak. Avant de raser l’Irak, qu’est ce qu’ils ont fait ? Ils ont dit : « On va faire la conférence de Madrid. » Il en est sorti quoi ? C’était juste un lot de consolation pour les Arabes : venez, on va faire la paix. Mais, où est la paix de Madrid ? Rien ! Pour après pousser Arafat à signer Oslo. Moi, je suis contre Oslo, parce que chaque article d’Oslo a besoin d’un colloque aussi important qu’Oslo. Et on en est où ? Rien. Les Palestiniens ont-ils obtenu quelque chose ? Non. Si vous cassez aujourd’hui la Syrie vous faites quoi ?

Après avoir rasé l’Irak et le lot de consolation de Madrid, vous cassez la seule armée régulière qui n’a pas signé un traité de paix au rabais avec Israël. Parce que ce qu’on veut de la Syrie aujourd’hui, c’est qu’elle signe un contrat au rabais. On vous dit :« Pourquoi vous ne nous louez pas le Golan pour 99 ans ? » ! Le Golan est Syrien, et là tout l’Occident se met derrière pour défendre cette politique. Il faut que cette grande armée syrienne d’un demi-million d’hommes… On dit que les syriens sont les Allemands du Proche-Orient. Peut-être, moi je suis fier, d’ailleurs je peux bien être un bâtard de Frédéric le Grand ! Dans la littérature populaire, pour humilier les Alawites de Syrie on les traite d’Allemands, comme quoi ce ne serait pas des arabes mais les restes des croisés !

Qui est à l’origine de cette propagande ? Ce sont bien nos alliés ! Qui c’est qui va en Afrique implanter des mosquées wahhabites, Imam en main ? On vous prend un bonhomme africain, on l’envoi à la Mecque, on le forme au dogme wahhabite, il rentre chez lui, il a une très belle mosquée avec du marbre et on lui dit : « Vous allez maintenant excommunier tous les musulmans modérés du coin. »

L’islam sunnite n’est pas un islam fanatique, il y a des choses magnifiques dans l’islam sunnite. Je vais vous donner un exemple. A Bagdad, il y avait un saint homme qui s’appelait Abou Mansour al Halech ; il y a eu une cabale contre lui parce qu’il disait qu’il communiquait avec Dieu. Le peuple a demandé qu’il soit crucifié. En le crucifiant aux portes de Bagdad, passe un de ces disciples qui lui dit : « Qu’est ce que la mystique ? » Il lui répond : « La marche la plus basse de l’échelle de la mystique est ce que tu vois : la crucifixion. » Vous voyez à quel point l’Islam sunnite a produit des gens d’une spiritualité extraordinaire, et on lâche aujourd’hui tout ce patrimoine pour soutenir une secte wahhabite ! Le wahhabisme n’a pas tellement de racines profondes dans l’Islam. Il est né au XIXe siècle. Et qu’est ce qu’il s’est passé ? Nous tous dans cette salle, partout en Europe, avons subit le diktat américain. Ils ont signé avec la famille de Saoud, formée de 25 000 princes qui profitent des richesses de l’Arabie qui ne sont pas à eux. C’est l’Angleterre qui leur a d’abord donné cela, les Américains ont suivi le pas et en 2005, Bush a renouvelé le contrat selon lequel vous aurez, en échange du pétrole saoudien, la protection, pendant 60 an encore, de la famille Saoud. Ca me choque. J’ai toujours été élevé dans le siècle de Raison, la morale de Kant, la dialectique de Hegel, comment puis-je admettre cela au niveau international ?

Et c’est là qu’on voit que votre mouvement est vraiment quelque chose d’extraordinaire, c’est la note dissonante dans ce paysage. (…)

Je vais revenir à la Syrie aujourd’hui pour contredire ces médias qui masquent la vérité. J’ai des contacts quotidiens avec la Syrie. Je suis de la ville d’Alep. Des 3000 usines d’Alep il en reste à peine quelques dizaines. Elles sont bombardées par les rebelles. Monsieur l’Ambassadeur a parlé de 5000 djihadistes, en fait, il faut revoir ce chiffre à la hausse. Il y en a beaucoup plus que cela, par fret aérien on importe des Yéménites, des Somalis, des Libyens, une internationale islamiste qui vient se battre en Syrie, massacrer des minorités et des modérés. Vous passez dans la rue et quelqu’un crie, vous devez répondre « Allah ak Bar » (Dieu est grand) tant que vous marchez dans la rue, il faut continuer à gueuler ces phrases !

On vous dit que l’armée loyaliste bombarde les pharmacies. Je ne défends pas le gouvernement Syrien qui est une cleptocratie. Mais cela ne justifie aucunement ce qui se passe aujourd’hui ni le soutien dont bénéficient ces rebelles de l’Occident. Avant les événements, le bras droit de Ben Laden a appelé les gens d’al-Qaïda à se rendre en Syrie. Il y a quelques semaines, Zawahiri a répété son appel. Expliquez-moi ces paradoxes ! Comment voulez-vous justifier que nous, occidentaux, qui avons aidé l’Amérique à faire la guerre contre l’Afghanistan, on envoie aujourd’hui des armes aux djihadistes en Syrie ?

Au début on m’a dit : « M. Tahhan vous êtes un menteur. » Regardez les dernières informations : l’émirat islamiste d’Alep, avec ses deux bataillons, ne reconnaît pas la Coalition. Qu’on ne dise pas qu’il n’y avait pas des islamistes à Alep. Les tribunaux d’inquisition, ils les installent. On vous dit que dans les parties libérées, le droit sera géré d’une autre manière. C’est quoi ce droit ? C’est la charia ! Dites-moi si vraiment l’Occident n’est pas simplement hypocrite, mais criminel ; les armes que va envoyer l’Angleterre vont servir à massacrer les gens.

Pourquoi les croisades ? Il y avait des chrétiens qui se sont battus du côté musulman contre les croisés, et il y a eu des arabes musulmans qui ont pactisé avec les croisés et trahi leurs frères. Aujourd’hui, l’Arabie saoudite et le Qatar représentent un peu ces bédouins dont parlent les chroniqueurs des croisés qui ont rejoint le camp occidental pour x raisons. Ce qui est choquant c’est que les médias occidentaux nous prennent aujourd’hui pour des naïfs, pour des veaux. On doit applaudir, dire oui, ne pas avoir un jugement, c’est énorme !

Nous sommes en train de participer à un crime : armer les rebelles aujourd’hui en Syrie, c’est participer à un crime organisé. Tout cela pourquoi ? Pour couper les ailes à l’Iran. On ne pouvait pas s’attaquer de front à l’Iran, ou au Hezbollah qui est chiite. Comme l’a dit Mme LaRouche ce matin, on prépare, on déblaye le terrain, on a commencé par tester Gaza. Ils ne pouvaient pas s’attaquer au Hezbollah parce qu’il n’est pas un Etat, il aurait répondu. Ils ne pouvaient pas s’attaquer à l’Iran parce que c’est un gros morceau, des centaines de milliers de missiles et une surface énorme. Il faudrait que tout le monde s’y mette pour mettre l’Iran à genoux. Il ne restait dans le collimateur que la partie faible : la Syrie.

Et voila que du ciel tombe le Printemps arabe. Donc il n’y avait plus besoin de provoquer de choses pour attaquer la Syrie : le vers est dans le fruit. Il suffisait d’aider ce printemps arabe, de le détourner et de détruire ce pays. Je vous dis il n’y aura pas d’intervention, parce que s’ils arment les rebelles, petit à petit l’armée syrienne va se disloquer et le pays est de toutes manières détruit à plus de 50%.

Un exemple des rebelles à Alep. Vous connaissez Oradour sur Glane, la malheureuse histoire de ce petit village français où tout le monde a été brûlé dans l’église. Il y a eu un Oradour il y a un mois et demi à Achdéidé, un quartier chrétien des XVI/XVIIe siècles. Il y a une vieille maison, un peu comme dans le Marais ; il y a de très belles maisons. Le président Bachar el Assad avait l’habitude de venir dîner dans cet hôtel de luxe, une vieille maison chrétienne, la maison Zamarihya. Les islamistes ont attaqué Achdéidé : toutes les familles Alawites ou dites pro-gouvernement, ont été rassemblées dans l’hôtel. On a amené deux citernes d’essence et on a laissé l’hôtel brûler pendant trois jours. Cela on n’en parle pas, l’OSDH (Observatoire syrien des droits de l’homme) à Londres, aidé par les services secrets britanniques, vous dit qu’il y a tant de morts par jour. Mais on ne vous dit pas où.

Les pharmacies, ce sont les rebelles qui pillent les pharmacies ou qui détruisent toute l’infrastructure pour punir la ville d’Alep parce qu’elle n’est pas entrée dans la rébellion, ils démantèlent les usines pour les vendre en Turquie. Et pourquoi la Turquie est liée aux croisades ? Parce que si vous prenez cette petite bande frontalière turque, c’est là qu’il y avait les petits royaumes croisés. Et là, on peut dire comme en français : la boucle est bouclée ! On a l’Occident avec la bénédiction des Américains, avec l’avant poste frontière qui est la Turquie qui est là pour engager une guerre contre le Croissant chiite.

Si on permettait au Croissant Chiite de s’unir au croissant sunnite, son destin est de devenir pleine lune, c’est peut être cela qui inquiète les Occidentaux.

Si vous menez cette guerre, ce qui va arriver est très simple. Vous aurez à nouveau de nouvelles guerres et cette fois-ci, soit ce sont les rebelles que vous nourrissez à votre sein qui peut-être dépasseront Poitiers cette fois-ci, sinon il y a d’autres révolutionnaires qui dépasseront Poitier et alors là, le Printemps arabe ne sera qu’européen.

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