À Alep, six offensives pour ouvrir une brèche…
août 12, 2016
Publié par Gilles Munier
12 Août 2016,
Par Scarlett Haddad (revue de presse : L’Orient-Le Jour – 12/8/16)*
En dépit de la trêve de trois heures annoncée et qui devrait être quotidienne, les batailles d’Alep et de ses environs restent au cœur de tous les enjeux. D’un jour à l’autre, les données changent et les rapports militaires et politiques se transforment. Au début de la semaine dernière, les forces du régime et leurs alliés annonçaient l’encerclement total des quartiers sud-ouest encore sous le contrôle des combattants de l’opposition.
Six offensives après (effectuées en quelques jours), les forces de l’opposition ont annoncé en grande pompe avoir ouvert une brèche importante et assuré la jonction entre leurs combattants encerclés à Alep et les forces de renfort. Deux jours plus tard, la situation sur le terrain a encore changé et il semble que la brèche ouverte ne permette pas un ravitaillement réel des combattants encerclés en armes et matériel militaire. Que se passe-t-il donc au juste dans cette ville-clé, capitale économique de la Syrie mais aussi verrou de l’influence turque en Syrie ?
Selon le mot d’un analyste, Alep est désormais l’épicentre d’une guerre mondiale, tant il y d’acteurs directs et indirects dans l’affrontement qui se joue depuis des années dans cette ville et ses environs. Le flot d’armes américaines parvenu récemment aux combattants de l’opposition donne une idée de l’implication des États-Unis, face à l’intervention directe russe par le biais de son aviation militaire.
La chambre d’opérations commune installée à Antioche (dans la province de Hatay à la frontière syrienne) regroupe des représentants des armées américaine, turque, saoudienne er qatarie, et des experts militaires de plusieurs pays européens, en plus des représentants de certaines factions de l’opposition syrienne dont l’Armée du Fateh) est à elle seule un mini-« Onu militaire » et dirige les opérations face à l’alliance russo-irano-syrienne, en plus des groupes de combattants du Hezbollah, du Pakistan et d’Irak, dont le commandement est installé dans le nord de la Syrie.
L’intervention militaire russe à la fin du mois de septembre 2015 avait donné l’impression que Moscou, Téhéran et Damas étaient décidés à prendre le contrôle d’Alep. Mais soit cette alliance n’a pas pu le faire, soit des pressions internationales ont stoppé l’élan de ses troupes. Et après quelques avancées, une trêve a été décrétée en février 2016. Depuis, il est régulièrement question de « la bataille d’Alep » alors que, profitant de la trêve, les combattants de l’opposition ont pris des points importants dans le rif sud de la ville.
Le régime et ses alliés ont donc préparé une contre-offensive, estimant qu’il n’est plus possible de laisser les forces de l’opposition avancer en profitant de la trêve qu’elles ne respectent pas. Le régime et ses alliés ont donc repris la zone dite du Castello, le rond-point de Layramoun et le quartier de Bani Zeid, encerclant ainsi les combattants de l’opposition installés dans les quartiers au sud-ouest de la ville. Le coup était dur, mais les forces de l’opposition et leurs alliés ne pouvaient pas se laisser faire. Ils ont donc mobilisé six mille combattants, dotés d’armes sophistiquées et de blindés, pour mener « la bataille de la levée du blocus d’Alep ».
Pendant cinq jours consécutifs, ils ont mené des offensives qui se sont toutes heurtées à la protection installée par le régime et ses alliés. Mais au sixième jour, soit les forces du régime étaient fatiguées, soit elles s’étaient senties rassurées après avoir réussi à repousser les précédentes offensives, toujours est-il que les forces de l’opposition ont pu ouvrir une brèche au niveau de Ramoussa, en prenant aussi les bâtiments de l’académie militaire.
Les médias qui les accompagnaient ont aussitôt filmé des scènes de retrouvailles entre les combattants installés à Alep et ceux qui sont venus les rejoindre en renfort… Et à Tripoli, cheikh Salem Raféi et ses amis ont offert des douceurs aux passants dans la rue. Selon les témoignages des combattants du régime, les assaillants ont commencé leur offensive par l’envoi de plus de cent kamikazes qui ont foncé avec leurs voitures sur les défenses du régime et de ses alliés. Les défenses détruites par les explosions, ils ont ensuite envoyé près de 3 000 véhicules dont une cinquantaine de blindés, sur un front de près de 15 km de longueur.
Mais le sentiment de victoire chez les combattants de l’opposition et ceux qui les appuient n’a pas duré longtemps. Il est apparu très vite que la brèche ouverte était étroite et peu sûre: 900 mètres de largeur pour 2 km de long. Elle ne peut pas être utilisée pour faire passer du matériel et des armes. Elle n’est même pas praticable pour les combattants, puisqu’elle est désormais sous le contrôle par le feu à la fois des rebelles, et de l’armée syrienne et de ses alliés. « La brèche de Ramoussa » est donc très vite devenue une victoire médiatique bien plus que réelle sur le terrain. D’autant que l’armée syrienne a aussitôt riposté en s’attaquant au rif d’Idleb et en prenant la localité de Knesba dans le rif de Lattaquié qui y mène.
Pourquoi cette tactique ? Les experts militaires affirment que pour mener les vastes offensives contre Alep, les combattants de l’opposition sont arrivés par Idleb, la route de la Turquie étant coupée depuis la prise par le régime syrien de Layramoun et du Castello. L’objectif des rebelles était, en plus de la levée du blocus autour d’Alep, de couper la voie qui relie cette grande ville à Homs. Les deux objectifs ont pour l’instant échoué, mais les informations en provenance des deux camps parlent de grands préparatifs militaires…
*Source : L’Orient-Le Jour
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