A notre ami Desmond Tutu : Ce qu’il faut faire pour juger Bush et Blair
septembre 3, 2012
Gilles Devers
Notre toujours jeune ami Desmond Tutu, dans l’Observer d’hier, explique que George Bush et Tony Blair devraient être jugés à La Haye pour les crimes commis lors de la guerre en Irak.
L’archevêque dit ce que tout le monde sait : Bush et Blair ont inventé le balourd des armes de destruction massive pour renverser Saddam Hussein et le tuer. Ce faisant, ils ont « déstabilisé et polarisé le monde à un degré jamais atteint par aucun autre conflit dans l’histoire ».
Desmond Tutu rappelle les chiffres : 110.000 irakiens morts depuis 2003 et des millions de personnes déplacées.
Et l’archevêque conclut : « Rien que pour ces faits, dans un monde cohérent, les responsables de ces souffrances et de ces pertes de vies humaines devraient suivre le même chemin que certains de leurs pairs africains et asiatiques qui ont eu à répondre de leurs actes La Haye ».
Blair, plus menacé en Grande-Bretagne que Bush dans cette zone de non-droit international que sont les Etats-Unis, a vite répliqué, affirmant son respect sincère et ému pour le combat de Tutu contre l’apartheid, pour ausitôt soutenir que Despond Tutu a tout faux, que « toutes les analyses indépendantes ont démontré » que les armes de destruction massive existaient et qu’il était « très moral » d’avoir renversé Saddam Hussein. Quel aveu, et de quel bandit… La justice britannique s’est tournée les pouces sur le sujet, alors Blair fait le malin.
Je salue au passage le dernier acte héroïque de la politique étrangère française, à savoir le refus de Jacques Chirac de se mêler à cette coalition de criminels.
Oui, il est bien nécessaire de juger Bush, Blair et Obama, au nom de la lutte contre l’impunité. Simplement, il va falloir trouver la procédure,… ce qui n’est pas impossible.
La CPI et non la CIJ
Il s’agit de juger des responsables politiques à titre personnel, et la seule juridiction susceptible de se prononcer est la Cour Pénale Internationale (CPI), à ne pas confondre avec la Cour Internationale de Justice (CIJ). Toutes les deux siègent à La Haye, mais seule la CPI a une compétence pénale pour juger des personnes.
La CPI peut juger les faits postérieurs à juillet 2002
… et ça tombe, bien car l’agression des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne date du 20 mars 2003.
L’Irak peut donner compétence à la CPI à la date de juillet 2002
Blair n’est pas tranquille car il a fait étudier le Statut de la CPI et il sait que la CPI a potentiellement une double compétence à son encontre.
D’abord, la Grande-Bretagne a ratifié le Statut, ce qui permet de poursuivre les ressortissants britanniques commettant des crimes de guerre.
Ensuite, il est possible à l’Irak, en application de l’article 12.3, d’attribuer compétence à la CPI de manière rétroactive, depuis la date d’entrée en vigueur du Statut. Ce point est indiscutable.
Donc, l’Irak peut, à tout moment, ratifier le Traité ou, s’il le souhaite, se contenter de « donner compétence » à la CPI par une déclaration rétroactive visant l’article 12.3, et tous les crimes de droit international prévu par le Statut de la CPI commis depuis juillet 2002 pourront être jugés.
Le crime d’agression
Ce que reproche surtout Desmond Tutu c’est la décision de ces deux dirigeants bandits d’avoir décidé d’une guerre contre un Etat tiers. Il a raison : c’est le fait le plus grave, car tout en découle.
C’est le crime d’agression, défini par l’article 8 bis 3 du Statut.
Le crime d’agression s’entend de la planification, la préparation, le déclenchement ou la commission d’un acte consistant pour un État à employer la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État.
Qu’il y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes d’agression au regard de la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1974 :
a) L’invasion ou l’attaque par les forces armées du territoire d’un autre État ;
b) Le bombardement de ce territoire.
Donc, c’est pilepoil.
Petit problème, ce crime n’a été adopté par l’Assemblée des Etats-Parties qu’en Juin 2010, et là, il n’y a pas de compétence rétroactive. Donc, pas impossible pour l’Irak.
Notons au passage que ça pourrait jouer pour les petits nerveux, genre Fabius, Juppé ou Hollande, qui se disent prêts à attaquer la Syrie sans mandat de l’ONU.
Les crimes de guerre
Restent les autres crimes prévus par le Statut, et la question se pose surtout pour les crimes de guerre. Pour envisager la qualification de crime contre l’humanité, il faudrait prouver, au sens du Statut, la volonté de mener des actions systématiques contre les populations civiles, et nous ne sommes pas à ce niveau de preuve.
En revanche, pour les crimes de guerre, la matière pénale et les preuves abondent.
Saisi de maintes dénonciations de faits, le procureur Ocampo, très empressé de ne rien faire qui puisse déranger l’ordre occidental, avait dû reconnaître qu’il y avait bien de quoi enquêter sur des crimes de guerre, pour des faits d’homicides volontaires, de tortures et de traitements inhumains,… mais qu’hélas, la CPI n’avait pas compétence en l’absence d’attribution de compétence par l’Irak. Vous trouverez ci-dessous cette analyse tortueuse, faite sans enquête ni audition des témoins, mais qui finit par lâcher qu’il y a sans doute des crimes de commis.
Pour que la CPI ait compétence…
Pour que la CPI ait compétence, il faut une déclaration du gouvernement d’Irak. C’est possible mais pas gagné, car il y a deux obstacles.
Le premier est politique, et c’est le plus sérieux. Les US, malgré leur soi-disant retrait, sont omniprésents en Irak, et prêts à tous les coups tordus pour défendre leurs intérêts. Pour mémoire, je rappelle que l’Ambassade de US en Irak est la plus grande du monde, avec plus de 10 000 personnes déclarées pour y travailler.
Le second est juridique. Les dirigeants US et britanniques, comme tous les grands criminels, s’organisent pour échapper à la loi. Aussi, ils font signer aux gouvernements affaiblis des Etats dans lesquels ils commettent leurs forfaits, des accords aux termes desquels ces gouvernements ne porteront pas plainte contre eux.
Ca s’appelle dealer l’impunité, et devant une juridiction, ce genre d’accord ne vaut rien pour s’opposer à des poursuites pour tortures et traitements inhumains, qui ont été le sort quotidien des patriotes irakiens dans les prisons tenues par des étrangers, Blair, Bush et Obama.
Conclusion
Il reste à convaincre le gouvernement irakien de remettre au greffe de la CPI une déclaration visant l’article 12.3 du statut, pour tous les crimes commis sur le territoire irakien depuis juillet 2002.
Il y aura ensuite enquête. Des mandats d’arrêt seront lancés contre Blair, Bush et Obama sur le modèle de ce qui a été fait pour Béchir, Kadhafi et Gbagbo. Ils seront emprisonnés pour les besoins de l’enquête, notamment pour éviter les pressions sur les témoins, et ils disposeront de tous les droits pour assurer leur défense.
Rien de plus normal, vu les lourdes peines qu’ils encourent.
L’archevêque dit ce que tout le monde sait : Bush et Blair ont inventé le balourd des armes de destruction massive pour renverser Saddam Hussein et le tuer. Ce faisant, ils ont « déstabilisé et polarisé le monde à un degré jamais atteint par aucun autre conflit dans l’histoire ».
Desmond Tutu rappelle les chiffres : 110.000 irakiens morts depuis 2003 et des millions de personnes déplacées.
Et l’archevêque conclut : « Rien que pour ces faits, dans un monde cohérent, les responsables de ces souffrances et de ces pertes de vies humaines devraient suivre le même chemin que certains de leurs pairs africains et asiatiques qui ont eu à répondre de leurs actes La Haye ».
Blair, plus menacé en Grande-Bretagne que Bush dans cette zone de non-droit international que sont les Etats-Unis, a vite répliqué, affirmant son respect sincère et ému pour le combat de Tutu contre l’apartheid, pour ausitôt soutenir que Despond Tutu a tout faux, que « toutes les analyses indépendantes ont démontré » que les armes de destruction massive existaient et qu’il était « très moral » d’avoir renversé Saddam Hussein. Quel aveu, et de quel bandit… La justice britannique s’est tournée les pouces sur le sujet, alors Blair fait le malin.
Je salue au passage le dernier acte héroïque de la politique étrangère française, à savoir le refus de Jacques Chirac de se mêler à cette coalition de criminels.
Oui, il est bien nécessaire de juger Bush, Blair et Obama, au nom de la lutte contre l’impunité. Simplement, il va falloir trouver la procédure,… ce qui n’est pas impossible.
La CPI et non la CIJ
Il s’agit de juger des responsables politiques à titre personnel, et la seule juridiction susceptible de se prononcer est la Cour Pénale Internationale (CPI), à ne pas confondre avec la Cour Internationale de Justice (CIJ). Toutes les deux siègent à La Haye, mais seule la CPI a une compétence pénale pour juger des personnes.
La CPI peut juger les faits postérieurs à juillet 2002
… et ça tombe, bien car l’agression des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne date du 20 mars 2003.
L’Irak peut donner compétence à la CPI à la date de juillet 2002
Blair n’est pas tranquille car il a fait étudier le Statut de la CPI et il sait que la CPI a potentiellement une double compétence à son encontre.
D’abord, la Grande-Bretagne a ratifié le Statut, ce qui permet de poursuivre les ressortissants britanniques commettant des crimes de guerre.
Ensuite, il est possible à l’Irak, en application de l’article 12.3, d’attribuer compétence à la CPI de manière rétroactive, depuis la date d’entrée en vigueur du Statut. Ce point est indiscutable.
Donc, l’Irak peut, à tout moment, ratifier le Traité ou, s’il le souhaite, se contenter de « donner compétence » à la CPI par une déclaration rétroactive visant l’article 12.3, et tous les crimes de droit international prévu par le Statut de la CPI commis depuis juillet 2002 pourront être jugés.
Le crime d’agression
Ce que reproche surtout Desmond Tutu c’est la décision de ces deux dirigeants bandits d’avoir décidé d’une guerre contre un Etat tiers. Il a raison : c’est le fait le plus grave, car tout en découle.
C’est le crime d’agression, défini par l’article 8 bis 3 du Statut.
Le crime d’agression s’entend de la planification, la préparation, le déclenchement ou la commission d’un acte consistant pour un État à employer la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État.
Qu’il y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes d’agression au regard de la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1974 :
a) L’invasion ou l’attaque par les forces armées du territoire d’un autre État ;
b) Le bombardement de ce territoire.
Donc, c’est pilepoil.
Petit problème, ce crime n’a été adopté par l’Assemblée des Etats-Parties qu’en Juin 2010, et là, il n’y a pas de compétence rétroactive. Donc, pas impossible pour l’Irak.
Notons au passage que ça pourrait jouer pour les petits nerveux, genre Fabius, Juppé ou Hollande, qui se disent prêts à attaquer la Syrie sans mandat de l’ONU.
Les crimes de guerre
Restent les autres crimes prévus par le Statut, et la question se pose surtout pour les crimes de guerre. Pour envisager la qualification de crime contre l’humanité, il faudrait prouver, au sens du Statut, la volonté de mener des actions systématiques contre les populations civiles, et nous ne sommes pas à ce niveau de preuve.
En revanche, pour les crimes de guerre, la matière pénale et les preuves abondent.
Saisi de maintes dénonciations de faits, le procureur Ocampo, très empressé de ne rien faire qui puisse déranger l’ordre occidental, avait dû reconnaître qu’il y avait bien de quoi enquêter sur des crimes de guerre, pour des faits d’homicides volontaires, de tortures et de traitements inhumains,… mais qu’hélas, la CPI n’avait pas compétence en l’absence d’attribution de compétence par l’Irak. Vous trouverez ci-dessous cette analyse tortueuse, faite sans enquête ni audition des témoins, mais qui finit par lâcher qu’il y a sans doute des crimes de commis.
Pour que la CPI ait compétence…
Pour que la CPI ait compétence, il faut une déclaration du gouvernement d’Irak. C’est possible mais pas gagné, car il y a deux obstacles.
Le premier est politique, et c’est le plus sérieux. Les US, malgré leur soi-disant retrait, sont omniprésents en Irak, et prêts à tous les coups tordus pour défendre leurs intérêts. Pour mémoire, je rappelle que l’Ambassade de US en Irak est la plus grande du monde, avec plus de 10 000 personnes déclarées pour y travailler.
Le second est juridique. Les dirigeants US et britanniques, comme tous les grands criminels, s’organisent pour échapper à la loi. Aussi, ils font signer aux gouvernements affaiblis des Etats dans lesquels ils commettent leurs forfaits, des accords aux termes desquels ces gouvernements ne porteront pas plainte contre eux.
Ca s’appelle dealer l’impunité, et devant une juridiction, ce genre d’accord ne vaut rien pour s’opposer à des poursuites pour tortures et traitements inhumains, qui ont été le sort quotidien des patriotes irakiens dans les prisons tenues par des étrangers, Blair, Bush et Obama.
Conclusion
Il reste à convaincre le gouvernement irakien de remettre au greffe de la CPI une déclaration visant l’article 12.3 du statut, pour tous les crimes commis sur le territoire irakien depuis juillet 2002.
Il y aura ensuite enquête. Des mandats d’arrêt seront lancés contre Blair, Bush et Obama sur le modèle de ce qui a été fait pour Béchir, Kadhafi et Gbagbo. Ils seront emprisonnés pour les besoins de l’enquête, notamment pour éviter les pressions sur les témoins, et ils disposeront de tous les droits pour assurer leur défense.
Rien de plus normal, vu les lourdes peines qu’ils encourent.