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A propos de l’islamophobie politique


 

Salam, Bonjour, Hello, Ciao, Ola, Goedendag, Hej

« Sauf le Hamas »

 

Christophe Oberlin 2012 11 19

 

Lors d’une conférence de presse récente,  commentant la nouvelle attaque israélienne sur Gaza, François Hollande a eu une formule lapidaire. « La France parle avec tout le monde », avant d’ajouter avec  un rien d’agacement : « sauf le Hamas ! »

Voici donc un président français qui, manifestant son souhait d’être présent sur un conflit international, élimine d’emblée l’un des deux protagonistes, et en particulier la victime. Difficile à avaler sur le plan éthique. Inacceptable sur le plan juridique.  C’est  oublier que le président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a fini son mandat en 2009. Et, en l’absence de nouvelles élections, selon les lois constitutionnelles palestiniennes, c’est le président du parlement  Aziz Dweik, qui aurait dû lui succéder. Aziz Dweik qui fait des allers et retour entre les prisons israéliennes et son domicile en résidence surveillée.

Donc, pour prétendre aider Gaza, c’est à un président hors course qu’on s’adresse,  un personnage sans  support légal.

En acceptant l’oukase de Georges Bush décrétant le Hamas organisation terroriste, la diplomatie européenne  s’est tiré une balle dans le pied pour dix années, peut-être d’avantage.

Rappelons  brièvement la courte histoire du Hamas.

Ce mouvement  est issu du Bloc islamique fondé par le Cheikh Yassine  dans les années 70. C’est parce qu’Israël a envahi la bande de Gaza en 1967 que les universités égyptiennes sont devenues interdites aux Gazaouis, et c’est pour cela que le cheikh a créé l’université islamique de Gaza, véritable pépinière d’intellectuels musulmans.

C’est sous l’oppression israélienne que le bloc islamique s’est transformé en Hamas en 1987 au premier jour de la première intifada. C’est parce que le Hamas a souhaité se transformer en parti politique et participer à des élections qu’il a interdit les attentats suicide en 2005, interdiction respectée jusqu’à ce jour. C’est dans le cadre des institutions palestiniennes qu’ayant remporté largement les élections il a souhaité associer le Fatah au gouvernement. C’est parce que celui-ci  l’a refusé et, aidé de l’extérieur en armes et en blindés légers (je les ai vus de mes yeux),  a essayé de faire un coup d’état, que le Hamas a pris le pouvoir à Gaza. C’est  en respect des lois palestiniennes, que le Hamas gouverne à Gaza :   une politique étrangère, une force de sécurité intérieure unifiée, une armée (certes dérisoire, mais qui constitue un monopole de violence légitime), une administration publique qui marche, des salaires qui tombent tous les mois.

A l’origine de la nouvelle guerre, ce n’est pas un chef terroriste qui a été tué, Ahmed Jabari, c’est le ministre de la défense.  Ce n’est pas le quartier général  du Hamas qui a été détruit par Israël, mais   le siège  du gouvernement.

Surtout, le vent de l’histoire a tourné. L’islam politique, victorieux à Gaza en 2006, a gagné l’Egypte et une partie du Maghreb, en attendant la suite.  Le président  stigmatise le Hamas élu du peuple, mais  reconnait  le tunisien Marzouki et l’égyptien Morsi ! Ceux-ci  ont bien choisi leur camp en se rendant à Gaza dès les premières heures de l’attaque israélienne, alors que notre ministre des affaires étrangères se rendait en Israël serrer la main d’un ancien videur de boites de nuit moldave. Reconnaissons toutefois la grimace de Laurent Fabius  qui a dû  se souvenir de son « trouble » lorsque F. Mitterrand serra celle de Jaruzelski !

Alors que les pays arabes sont en train de choisir une référence politique qui correspond à leur sensibilité et à leur histoire, la France se lie les mains en  campant sur une conception dépassée et fausse de l’islam politique, et s’enfonce même dans l’islamophobie politique. On aimerait connaitre la raison pour laquelle notre ministre de l’intérieur a publiquement refusé de serrer la main du nouveau président tunisien. L’occident en crise se cherche un ennemi. Il ne peut décemment proclamer comme jadis que l’ennemi c’est le mahométan, ou le musulman. Alors c’est l’islamiste. Et voilà qu’à la méconnaissance manifeste de la signification du mot islamiste,  l’occident lui donne un sens péjoratif ! Comme les Anglais jadis l’attribuaient au mot philistin !

L’islamisme, c’est l’islam politique. Il est né à la fin du 19ème siècle de la pensée d’intellectuels qui souhaitaient  allier  rationalisme,  progrès et  religion musulmane.  Leur mouvement, progressiste et anti colonialiste, a pris pour nom « réformisme musulman » ou « salafiya ».  « Salafiste », encore un mot détourné chez nous de son sens originel ! Après eux Hassan el Bana et les Frères Musulmans se sont inscrits dans la même ligne, puis le Hamas. Quelle cohérence y-a-t-il à reconnaitre l’islam politique issu des urnes en Tunisie, en Egypte, en Turquie, au Sénégal, en Indonésie etc., tout en rejetant le Hamas ? L’islam politique est la référence culturelle de près de 2 milliards d’habitants. Il y a de l’islamophobie politique à considérer  qu’islam et démocratie ne peuvent aller de pair. Surtout, avant de blâmer les autres, regardons nous : certains états occidentaux  pratiquent encore la torture, appliquent la peine de mort  y compris pour les  enfants. Certains  pays  occidentaux ont des taux d’homicide et de suicide parmi les plus élevés du monde. Et ce n’est pas dans un pays musulman qu’il y a 300 000 blessés et 28 000 morts civils par armes à feu chaque année !

Il est temps de nous débarrasser de l’islamophobie politique. Les Palestiniens ont droit aussi à la sécurité. Ne pas le dire relève de la discrimination, ce qui dans notre pays est un délit.  Promouvoir un cesser le feu sans  installer les moyens d’une « no fly zone » sur l’ensemble de la Palestine ne serait qu’une gesticulation.

Et le président devrait aussi écoutez aussi un peu plus ses collaborateurs, comme Mrs Pietton et Aubin de la Messuzière.

sauf le hamas, sauf le hezbollah, sauf l’Iran, sauf la Syrie, sauf Cuba, sauf les talibans, sauf Mossadegh, sauf le FLN, sauf les communistes vietnamiens, sauf les Indiens, sauf les noirs, sauf les métis, sauf Saddam, sauf les bolcheviks, sauf Bahrein, sauf l’OLP, sauf le Fatah, sauf Lumumba, sauf les FARC, sauf Che Guevara, sauf Kadhafi, sauf sauf sauf sauf …voilà la longue liste des exceptions « humanitaires » …qui sautent les unes après les autres ….devant la force de la réalité !

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