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Au Liban, la partition de facto pourrait devenir une réalité


Publié par Gilles Munier sur 1 Septembre 2021, 13:21pm

Catégories : #Liban

Graffiti d’une main tenant un cocktail molotov sur un mur du centre de Beyrouth, une photo prise le 5 novembre 2019 alors que des dizaines de milliers de Libanais manifestent pour dénoncer l’élite politique (AFP/Fayez Nureldine)

Par Paul Khalifeh (revue de presse : Middle East Eye – extrait – 1/9/21)*

Extrait: …(…)…

La tentation de la partition n’a jamais disparu

En plus des facteurs externes, l’unité du Liban serait menacée par les « États profonds » qui se disputent l’influence, selon Jamal Wakim, professeur de science politique dans les universités de Beyrouth.

« Le premier de ces ‘’États’’ est l’Église maronite qui prétend avoir fondé le Liban, lequel, à ses yeux, doit être maronite ou ne pas être du tout », dit-il.

« Depuis la proclamation du Grand Liban [État autonome qui faisait partie de la Syrie mandataire alors administrée par la France] le 1er septembre 1920, la tentation de la partition pour préserver le caractère maronite du pays – lié aux capitaux occidentaux – n’a jamais disparu », souligne le chercheur à MEE.

« Cela explique les appels au fédéralisme car l’Église maronite est incapable d’imposer son influence sur l’ensemble du pays en raison de l’apparition d’autres ‘’États profonds’’ qui sont les autres communautés ».

Privilégiant l’approche économique et financière dans son analyse, Jamal Wakim souligne l’apparition d’un autre capital, celui de la diaspora chiite, pour contrebalancer celui lié à l’Occident. « Cette nouvelle force pousse pour une orientation vers l’Est », dit-il.

Il existe donc au Liban un clivage vertical entre ceux qui souhaitent rester ancrés exclusivement à l’Occident et ceux qui plaident pour une ouverture sur « l’est », c’est-à-dire l’Iran, la Chine et la Russie.

« Ce que le Liban endure est le résultat de l’attitude du président de la République [Michel Aoun], du Hezbollah et d’autres factions politiques favorables à l’axe iranien et à ses alliés, une attitude qui ne fait pas l’unanimité chez les Libanais », fait remarquer Nazem el-Khoury.

« Le projet américain mis en œuvre depuis le 17 octobre 2019 vise à détruire le rôle du Liban en tant que centre commercial et financier en Méditerranée orientale, concurrent d’Israël et susceptible de faire le lien entre les capitaux européens et ceux des pays du Golfe. Pour les Occidentaux, c’est au port de Haïfa de jouer ce rôle, pas à celui de Beyrouth », soutient pour sa part Jamal Wakim.

À partir de 2017, les États-Unis ont durci leurs sanctions contre le Hezbollah au risque d’affaiblir le secteur bancaire libanais et de provoquer un effondrement économique et financier total du Liban.

Cette attitude reflète probablement une conviction que l’influence de l’axe pro-iranien a pris une telle ampleur que le pays du Cèdre ne peut plus être considéré comme un allié exclusif de l’Occident.

« À défaut de pouvoir exercer leur influence sur l’ensemble du Liban, les puissances occidentales caressent l’idée d’un repli sur le petit-Liban, où une partie de la population et des forces politiques lui reste acquise », affirme à MEE un député proche du camp présidentiel.

Nazem al-Khoury réfute la thèse d’une mise sous tutelle internationale de certaines régions, notamment une partie du Mont-Liban.

« La situation sanitaire dramatique dans le monde et les conflits qui secouent la planète réduisent le rôle des Nations unies et la capacité des membres permanents du Conseil de sécurité », affirme l’ex-ministre. À défaut de tutelle, il plaide pour une reformulation de la « fonction » régionale du Liban basée sur la « neutralité ».

Jamal Wakim assure pour sa part que les Américains ont déjà commencé à mettre en pratique la tutelle sur une partie du Liban à travers une présence militaire dans les régions à prédominance chrétienne comme l’ambassade de Aoukar et la base de Hamat (respectivement à 10 et 60 kilomètres au nord de Beyrouth).

Il tire cependant la sonnette d’alarme. « Un tel projet ne peut se concrétiser qu’à travers une guerre au terme de laquelle la présence chrétienne pourrait disparaître », prévient le chercheur.

Le Liban serait donc partagé de facto en deux zones d’influence, la première sous le contrôle des puissances occidentales et la deuxième ancrée à l’axe pro-iranien.

« Il y aura trois Liban », rectifie à MEE un diplomate européen en poste à Beyrouth. « Le Liban pro-occidental, le pro-iranien et le nord, laissé à lui-même, traversé par des influences multiples, y compris celle de mouvements islamistes extrémistes. »

Paul Khalifeh est un journaliste libanais, correspondant de la presse étrangère et enseignant dans les universités de Beyrouth. Vous pouvez le suivre sur Twitter @khalifehpaul

*Source – version complète de l’article : Middle East Eye (en français)

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