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Au Liban, « le statu quo ne peut plus durer »


Publié par Gilles Munier sur 8 Septembre 2021, 09:32am

Catégories : #Liban

Revue de presse : Le Monde Arabe (6/9/21)*

Les Occidentaux ne peuvent plus soutenir un système politique qui ne fonctionne plus au « pays du Cèdre ».

Si l’on prend en considération, outre le seul revenu, des indicateurs tels l’accès à la santé, à l’éducation et aux services publics, alors la « pauvreté multidimensionnelle » du Liban vient de franchir la barre des 80 % de la population (82 % pour être exact), selon une note de la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (CESAO). L’an dernier, toujours d’après l’institution, le taux de pauvreté au « pays du Cèdre » avait bondi de 28 % à 55 %. Mais la crise économique et sociale que traverse le pays s’est intensifiée, à cause de la pandémie due au coronavirus notamment (pas que). Si bien que l’inflation, par exemple, a grimpé de 281 % (!) entre 2019 et 2021.

« Agitation sociale »

« L’effondrement économique du pays est si grave que la Banque mondiale le classe parmi les trois plus importants jamais observés depuis le milieu du 19ème siècle », renseignait en août dernier John Nagle, professeur de sociologie à l’Université Queen’s de Belfast (Irlande du Nord). Ce dernier d’égrainer d’autres chiffres, trop connus, contre lesquels, visiblement, il n’est pas grand-chose qui puisse être fait : 900 000 Libanais en manque de nourriture ; un taux de chômage qui, jour après jour, bat ses propres records (35 %) ; une monnaie dévaluée de 90 %. Et, surtout, « comme si la situation n’était pas assez grave, ajoute-t-il, le mélange mortel de sectarisme politique et de néolibéralisme qui affecte le Liban ».

La Banque mondiale a d’ores et déjà prévenu : la « contraction brutale et rapide de l’économie libanaise est généralement associée à des conflits ou à des guerres ». Le « pays du Cèdre » ne le sait que trop, qui a vécu dans la guerre civile durant 15 ans (1975-1990 ; 150 000 morts et 1 million de personnes déplacées). Mais « une rechute dans ce type de [conflit] est hautement improbable », veut croire le sociologue irlandais. « En revanche, tempère-t-il, une nouvelle vague d’agitation sociale est plus vraisemblable. Les mouvements de protestation sont devenus une forme courante d’opposition aux dirigeants communautaires corrompus du Liban ».

« Tous, ça veut dire tous »

« Tous, ça veut dire tous », scandaient déjà les Libanaises et les Libanais en 2019, invitant poliment les tenants de la vieille politique (sous-entendu : la politique confessionnelle made in Liban) à foutre le camp. Pas sûr que la population ait vu d’un bon œil, à ce titre, la nomination de Najib Mikati au poste de Premier ministre – un magnat milliardaire au pouvoir ? mais quelle bonne idée… Plutôt que d’organiser « la transformation significative du système communautaire », pourtant nécessaire parce qu’essoufflé, le magnat des télécoms devrait se contenter de « petits ajustements au statu quo ». Histoire de ; l’air de ne pas y toucher – mais un peu quand même.

Que reste-t-il, dès lors, à la population libanaise désireuse de changement ? Celui-ci ne peut venir, pour l’instant, de l’intérieur ; viendra-t-il de l’extérieur ? John Nagle se fait caustique : « L’Occident a traditionnellement essayé de soutenir le système politique défaillant du Liban », notamment parce que le pays est l’un des acteurs clés du régime international des réfugiés (Beyrouth en accueille 1,5 million). « Mais ces efforts visant à assurer la survie du régime vont à l’encontre de ce que souhaitent de nombreux citoyens libanais », estime-t-il. « Le statu quo ne peut plus durer ». Étonnamment, cette sanction résonne beaucoup à l’intérieur des frontières libanaises – depuis plusieurs années.

*Source : Le Monde Arabe

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