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Avec le nouveau prince héritier saoudien, la guerre contre l’Iran est-elle inévitable ?


Publié par Gilles Munier sur 5 Juillet 2017,
Catégories : #Qatar, #Arabie, #Trump, #Iran
Avec le nouveau prince héritier saoudien, la guerre contre l’Iran est-elle inévitable ?

Par Martin Jay (revue de presse: RT en français – 3/7/17)*

Un nouvel homme fort a été nommé à Riyad. Mais, au regard de ses récents faits d’armes, le journaliste Martin Jay s’interroge : ne sera-t-il pas incontrôlable ?

Pour ceux qui ne se penchent sur les nouvelles en provenance d’Arabie saoudite que maintenant, un petit rappel : le roi Salmane, 81 ans, a surpris sa cour en décidant de démettre de toutes ses fonctions officielles son neveu Mohammed ben Nayef. Il a mis à sa place son propre fils, Mohammed ben Salmane, 31 ans, désormais prince et héritier du trône.

Selon la plupart des observateurs, le jeune prince héritier était, il y a encore trois ans, un personnage tout à fait obscur dont la courte période à la tête du ministère de la Défense a été marquée par de nombreux revers, consistant notamment en des milliards de dollars perdus au Yémen. Il s’est ensuite un temps démené dans le secteur pétrolier, entraînant une chute des prix du pétrole qui a décimé l’économie saoudienne. Le nouveau prince héritier a donc vraiment beaucoup à prouver.

Outsider ambitieux et impitoyable, il est de fait dangereux et imprévisible. Mais pour les objectifs de Donald Trump, il s’agit là d’un partenaire idéal pour mener une campagne, mal conçue, contre l’Iran.

Mohammed ben Salmane va hériter d’un pays non seulement à la croisée des chemins, s’efforçant de se libérer de sa dépendance pétrolière, mais qui semble aussi étouffer sous ses propres problèmes de sécurité, ses faiblesses et sa paranoïa. Plus le temps passe et plus la maison des Saoud semble s’enfoncer dans les dysfonctionnements géopolitiques. En fait, les violences auxquelles se livre le pays dans la région ont échappé à bien peu d’analystes, à l’exception, peut-être, de David Ignatius du Washington Post, récemment accusé d’avoir des relations journalistiques ambiguës avec l’élite saoudienne. C’est comme si presque tout ce que faisait Riyad en dehors de ses frontières se transformait en cendres. En Syrie, au Yémen, et désormais au Qatar.

Ce nouveau leader, jeune, agressif, étrange, prendra le pouvoir alors que son père est de plus en plus mis en difficulté en tant que monarque. Mais aidera-t-il vraiment son pays ? Ou est-il voué à le pousser vers l’abîme, comme le craignent tant de commentateurs régionaux ?

Il a la réputation d’être «anti-establishment» et désespère d’être considéré comme un réformateur. Mais sa précipitation l’entraîne vers sa chute. Il a retiré à la police religieuse des pouvoirs clés et s’est battu pour établir un plan de modernisation de son pays afin de faire entrer ce dernier dans le XXIe siècle. L’audacieuse idée de Mohammed de lancer une campagne militaire au Yémen a été la grande erreur, ses adversaires ne se faisant pas prier pour la pointer du doigt.

En 2015 il a également été à l’origine de la surproduction pétrolière, tentant de fragiliser ainsi les entreprises américaines spécialisées en fracturation hydraulique. Tentative qui a échoué au bout de quelques mois, entraînant une chute du prix du pétrole et privant Riyad d’une grande partie de son influence dans la région.

Ensuite, c’est encore le prince Mohammed qui a mené la campagne visant à mettre en quarantaine le Qatar. La crise du Qatar, qui s’est retournée contre les Saoudiens eux-mêmes, a-t-elle été un catalyseur pour que le prince héritier s’empare de son nouveau poste ? Y a-t-il eu d’autres facteurs ?

Il est difficile, à ce stade, de dire quel rôle a joué le fiasco du Qatar. Mais il est certain que Mohammed ben Salmane, qui n’a pas étudié en Occident contrairement à tant de ses contemporains et parle peu anglais, adoptera une ligne beaucoup plus dure à la fois vis-à-vis du Qatar et, plus important encore, de l’Iran.

Jamais les Saoudiens n’ont été si près d’un accrochage avec l’Iran, mais paradoxalement, jamais ils n’ont été aussi mal équipés pour s’y préparer

Donald Trump n’aurait pu rêver d’un leader saoudien plus adapté à ses projets de marginalisation de l’Iran. Même si cela implique des efforts militaires dans une guerre totale.

Mais de nombreux facteurs ont précipité sa promotion au titre de prince héritier de son père, le roi Salmane. Beaucoup croient que la démence légère de son père pourrait s’aggraver. D’autres pointent la catastrophe du Qatar et la menace, largement inventée, de l’Iran qui bat son plein.

Jamais les Saoudiens n’ont été si près d’un accrochage avec l’Iran, mais, paradoxalement, jamais ils n’ont été aussi mal équipés pour s’y préparer. L’attaque contre l’Iran, bien que menée par Al-Qaïda, aurait été commanditée par Riyad. Mais, comme presque tout ce qu’ils font, l’attaque elle-même était mal conçue. Les Saoudiens ne pouvaient s’attendre à ce que l’Iran envoie pléthore de missiles ciblant avec précision les groupes terroristes sur le terrain en Syrie. Une «gifle» pour l’Arabie saoudite, comme l’a formulé un commentateur iranien. Le message était clair : «Nous pouvons frapper vos mandataires. Et si vous persistez, nous pouvons utiliser les mêmes missiles de précision contre vous sur votre propre sol.»

Mais ce bombardement est aussi parfait et pour Riyad et pour Washington, où l’on cherche une justification au début d’une campagne militaire contre l’Iran. Le prince Mohammed l’a dit lui-même : il n’est pas intéressé par l’option diplomatique face à l’Iran. Et peu de gens croient qu’il changera sa manière de traiter ce problème. «La question n’est pas de savoir si une nouvelle escalade avec l’Iran est possible, mais plutôt de savoir quand elle commencera», a déclaré Olivier Jakob, directeur général de Petromatrix GmbH, cité par Reuters.

Le style de Mohammed a conduit ses critiques à le qualifier d’«impérieux» et à le voir comme quelqu’un qui «déclenche une guerre sur un caprice». Ce n’est pas par hasard si une série de rencontres à Washington entre les experts de Donald Trump et Adel al-Jubeir, le ministre saoudien des Affaires étrangères, assisté par des fonctionnaires des Emirats arabes unis, a été suivie d’une provocation à Téhéran. Tout indique une chose : sa nomination n’est pas seulement due aux souhaits de son père, mais aussi à l’influence de pouvoirs régionaux.

Le Qatar a menacé de nuire à ce processus en mettant en doute la fallacieuse menace de l’Iran. Le nouveau prince héritier adoptera certainement une stratégie beaucoup plus sévère face au Qatar et pourrait entraîner un affrontement avec Hamad bin Khalifa Al Thani, l’émir du Qatar.

Ce à quoi nous assistons en Arabie saoudite n’est pas seulement un bouleversement des règles dynastiques mais aussi une polarisation intense du Moyen-Orient. Le secrétaire à la Défense de Donald Trump, Jim Mattis, semble avoir signé un plan pour une guerre avec l’Iran – sans doute pour provoquer une vague de dépenses militaires dans les pays arabes.

Si vous avez aimé le scénario sur le Qatar, vous allez adorer celui sur l’Iran. Nous entrons dans une zone de turbulences, et il est difficile d’imaginer, après la raclée prise par Riyad au Yémen et en Syrie, ce que ses forces pourront faire contre l’Iran. Est-il possible que, comme dans le cas du Qatar, il y ait un problème de communication entre Riyad et Washington et que le nouveau prince héritier s’attende à ce que les forces américaines se chargent de la tâche ?

S’il en est ainsi, la sortie de Mohammed des arcanes du pouvoir pourrait être aussi prompte que son entrée en scène.

Martin Jay est un correspondant indépendant basé à Beyrouth qui travaille pour un certain nombre de journaux britanniques, ainsi que pour la chaîne de télévision Deutsche Welle TV.

Source : RT en français

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