Bachar al-Jaafari : Ce que nous avons compris de la Résolution 2401(2018)…
février 27, 2018
Syrie
Lundi 26 février 2018
Intervention du Dr Bachar al-Jaafari suite à l’adoption de la Résolution 2401, ce 24 février, par les 15 membres du Conseil de sécurité de l’Onu, exigeant une cessation sans délai des hostilités d’au moins 30 jours consécutifs pour l’instauration d’une pause humanitaire durable.
Au cours des deux derniers jours, parmi les centaines d’obus tombés sur la capitale, Damas, dix ont atteint le siège principal du Croissant-Rouge arabe syrien situé dans le quartier Abou-Roumaneh ; dix obus tirés de la Ghouta par les terroristes génétiquement modifiés en modérés.
Des obus qui ont évidemment fait des centaines de victimes, dont un médecin anesthésiste : le Professeur Hassan Haj Hassan de l’Institut de technologie sanitaire de Damas. Il a été regretté par un député à l’Assemblée nationale française, M. Thierry Mariani. Je le cite en français : « Hier, comme des centaines d’autres, depuis 5 ans, Dr Hassan Haj Hassan a été tué par des obus tirés de la Ghouta sur Damas par ces rebelles modérés. Ces morts là n’ont pas droit à la compassion médiatique, ils sont du mauvais côté de l’histoire. À quand une info équilibrée ? »
M. Mariani explique les vraies souffrances de la population de Damas du fait des terroristes présents dans la Ghouta. En l’occurrence, M. Mariani s’est rendu à Alep en 2017 où les gangs de ladite « armée libre » [ASL] ont tiré sur l’aéroport de la ville, alors que son avion décollait. Grâce à Dieu, il est sain et sauf, mais depuis, l’aéroport d’Alep est toujours fermé faute de sécurité.
Par ailleurs, les gangs de terroristes, toujours génétiquement modifiés en modérés, ont enlevé le directeur de la branche du Croissant-Rouge arabe syrien à Idlib : le Docteur Mouhamad al-Wouti.
Mon collègue délégué permanent de la France a dit que la résolution concernant la trêve devait être appliquée. Je lui dis : oui, c’est juste, mais il faudrait que les 29 autres résolutions adoptées par le Conseil de sécurité sur la situation en Syrie le soient aussi ; y compris les résolutions concernant la lutte contre le terrorisme et non seulement la trêve d’un mois… 29 résolutions que vous avez adoptées et qu’il vous faut appliquer.
Et mon collègue délégué permanent du Royaume-Uni a raconté des histoires terrifiantes qu’il a dit tenir de certaines personnes. Il n’a apparemment pas entendu les histoires terrifiantes sur ce que ses forces ont commis en Irak, en Palestine, en Syrie et en Libye. Le gouvernement britannique, mon cher, est allé jusqu’aux îles Malouines et a fait la guerre à l’Argentine pour une île qui ne lui appartient pas ; une île située à des dizaines de milliers de kilomètres de la Grande-Bretagne, mais que votre distingué gouvernement -remarquez que je ne dis pas « régime » car je respecte le droit international- nous refuse le droit de combattre les terroristes sur notre sol. Nous n’avons pas été faire la guerre à un autre État à des dizaines de milliers de kilomètres de chez nous. Nous avons combattu le terrorisme sur notre territoire ; un terrorisme soutenu par le gouvernement de votre pays.
Monsieur le Président,
Jeudi dernier [réunion du 22 février], j’ai rendu compte de ce qui se passe en Syrie et de ce qu’endurent les civils en raison des agissements des groupes terroristes armés. En l’occurrence, je vous affirme, encore une fois, que le Gouvernement de la République arabe syrienne a sérieusement respecté toutes les initiatives de désescalade afin de protéger la vie de ses citoyens et de contenir ceux qui font commerce de leurs souffrances et de leur sang.
Dans ce contexte, je souligne que le Gouvernement syrien a respecté l’ « Accord d’Astana » relatif à l’établissement de zones de désescalade, lequel stipule explicitement un ensemble d’engagements, dont l’obligation faite aux groupes armés, signataires de l’accord, de travailler à rompre leurs liens avec les organisations terroristes, notamment Daech, le Front al-Nosra et tous les groupes associés. Un accord qui, en même temps, a donné au Gouvernement syrien le droit de riposter à toute violation commise par ces groupes.
En ce qui nous concerne, ce ne fut absolument pas une surprise que ces groupes terroristes armés ne tiennent pas leurs engagements à respecter l’une quelconque de ces initiatives et en profitent comme d’une aubaine pour rassembler leurs forces et leurs combattants, recevoir davantage d’armes et de fournitures militaires, davantage de soutiens logistiques et de combattants terroristes, et continuer à perpétrer leurs crimes contre le peuple syrien ; ceci, sous la direction de leurs employeurs, dont certains États membres de ce Conseil et certaines parties régionales, lesquels pratiquent le terrorisme d’État pour saboter et entraver ces initiatives et accords.
Monsieur le Président,
Depuis la signature de l’accord sur la création des zones de désescalade, ces organisations armées ont systématiquement violé son contenu. Face à ces violations, le Gouvernement syrien a fait preuve d’une inégalable retenue, soucieux d’épargner la vie des civils et de sauver cet accord ; alors que les groupes terroristes armés et les États qui les soutiennent travaillaient à le faire échouer dès les premiers instants de sa signature.
Mais l’escalade dangereuse de ces violations répétées affecte désormais la vie quotidienne de huit millions de civils habitant Damas et sa banlieue du fait des attaques par des obus, des missiles et des voitures piégées, en plus des attaques lancées contre les positions militaires syriennes.
Tout cela a mené à l’installation d’une situation intolérable sur laquelle il n’est plus possible de se taire, ni en tant qu’État responsable de ses citoyens et nanti du droit souverain de combattre le terrorisme, ni face aux citoyens syriens l’appelant à les protéger, à protéger leurs familles, leurs enfants et leurs écoles des agissements de ces groupes terroristes armés.
Leurs violations [des accords successifs] et leurs actions terroristes ont amené le Gouvernement syrien à prendre des mesures pour la protection de ses citoyens. Il a donc exercé son droit légitime de les protéger et a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des civils pris en otage ou comme boucliers par les groupes terroristes présents à l’intérieur de la Ghouta orientale, y compris la création d’un passage sécurisé pour que les civils puissent en sortir.
Nous avons délimité ce passage en coopération avec nos amis et alliés russes pour la période allant du 4 au 14 février, tout en fournissant nourriture, médicaments, soins médicaux et hébergements aux frais du gouvernement syrien, lequel a parallèlement appelé les membres des groupes armés à déposer leurs armes, à cesser leurs agressions terroristes à partir des régions et quartiers densément peuplés et à répondre aux initiatives de réconciliation nationale.
À l’évidence, les appels de huit millions de Syriens n’atteignent ni le Secrétariat général des Nations Unies, ni les boîtes aux lettres des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France, contrairement aux appels de leurs agents au sein des groupes terroristes armés et aux appels des terroristes des « Casques blancs », représentants légitimes du Front al-Nosra.
D’ailleurs, il semble que ces États ont décidé de remplacer les drapeaux noirs de Daech et d’Al-Qaïda par des drapeaux blancs. Nous en avons donc fini avec le noir, au tour du blanc : des drapeaux blancs en Irak et des casques blancs en Syrie.
Monsieur le Président,
Le principe fondamental qui régit l’acheminement de l’aide humanitaire conformément à la résolution 46/182, que nous avons tous négociée et approuvée, stipule le respect de la souveraineté de l’État concerné et la coopération totale des Nations Unies pour toute initiative concernant son territoire. Mais, il semble que ces principes deviennent sans valeur et soumis à l’humeur politique du moment, ainsi qu’aux deux poids deux mesures du Secrétariat général et de certains États influents, lorsqu’il s’agit de les appliquer en Syrie.
Sinon, qui pourrait nous expliquer que certains États présentent des projets de résolution, en rapport avec la situation en Syrie, et mènent des négociations pendant des semaines avec toutes les parties, à l’exclusion de l’État concerné ? Sujet que j’ai évoqué avant-hier.
Et qui pourrait expliquer que le coordonnateur résidant à Damas adresse, le 14 février 2018, une note au Ministère syrien des affaires étrangères, dans laquelle il affirme que les convois d’aide ont atteint 2,3 millions de Syriens, au total, dans les zones dites assiégées et difficiles d’accès en 2017 ; alors que Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires [M. Mark Lowcock] vous a communiqué, il y a deux jours, des chiffres absolument faux dans l’intention de déformer l’image du Gouvernement syrien et d’offrir aux gouvernements occidentaux un prétexte pour attaquer la Syrie et ses partenaires ?
Le représentant résidant à Damas affirme que les aides ont atteint 2,3 millions de personnes dans les seules régions considérées difficiles d’accès, mais M. Lowcock vous dit que les aides n’ont atteint que 20 000 personnes !
Monsieur le Président,
Depuis bientôt sept ans, certains membres de ce conseil et nous-mêmes n’avons cessé de vous répéter que mettre fin aux souffrances des civils en Syrie n’a besoin ni de projets de résolutions non consensuelles, ni de l’adoption de nouvelles résolutions, ni de la tenue de réunions ordinaires ou extraordinaires, ni de l’épuisement des Nations Unies dans la préparation de rapports périodiques fondés sur des informations et des estimations de sources suspectes, ni de la formation d’un comité par ci et d’une commission par là ; il a juste besoin de l’application des résolutions que vous avez adoptées : 29 résolutions rendues à 30 résolutions avec celle d’aujourd’hui. Alléluia, quel hasard ! Elles étaient au nombre de 29 et viennent de passer à 30. Appliquez-les !
Mettre fin aux souffrances des civils en Syrie a besoin, aussi, que les gouvernements des pays en question arrêtent de dépenser des milliards de dollars pour le soutien, le financement et l’armement des groupes terroristes. La dernière nouvelle est que l’administration américaine a alloué quatre milliards de dollars pour financer les terroristes en Syrie ; ouvertement… quatre milliards de dollars !
Il faut que ces gouvernements cessent d’ouvrir leurs frontières et leurs aéroports pour faciliter l’afflux des combattants terroristes en Syrie et qu’ils permettent au peuple syrien de décider de son avenir et de retrouver sa sécurité et sa stabilité, sans aucune ingérence étrangère, exactement comme vous l’avez dit, Monsieur le Président, au début de votre discours : que le Conseil de sécurité rejette tout ce qui porte atteinte aux buts et objectifs de la Charte des Nations Unies.
Oui, ces mots sont précis, tout comme ceux que vous avez prononcés en invitant à ce que cette nouvelle résolution soit appliquée à « toutes » les régions syriennes.
C’est d’ailleurs, ce que nous avons compris à Damas : cette nouvelle résolution doit s’appliquer à « tout » le territoire syrien, y compris Afrin, y compris les régions occupées par les forces américaines, y compris le Golan !
Mesdames et Messieurs,
Il faudrait aussi que les gouvernements de ces pays -et je cite franchement les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et leurs instruments dans la région- arrêtent de tenir des réunions à Washington, Paris et Londres ; arrêtent de créer des groupes, des comités et des forums ; arrêtent de concevoir des plans qu’ils désignent eux-mêmes par « plans stratégiques », lesquels nous rappellent l’ancienne époque coloniale.
Ils se sont réunis à Washington pour ensuite nous apprendre qu’ils avaient mis au point « un plan pour la partition de la Syrie » -c’est ainsi qu’ils en ont parlé- un plan de partition de la Syrie sur une période d’une année. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est eux qui l’ont fait savoir. Je ne fais que citer le contenu du document émis par Washington : partition de la Syrie, changement de son « régime » par la force, garantie d’une présence pérenne du terrorisme et maintien de la présence militaire américaine illégitime sur notre territoire… le tout à la fois.
Je dis à ma collègue déléguée permanente des États-Unis qui nous a menacés il y a peu, devant vous, sans que personne ne lui réponde : tout cela ne réussira pas et, tôt ou tard, se retournera contre ses concepteurs. En vertu de l’article 51 de la Charte, mon pays a le droit de se défendre par tous les moyens légaux. Il y a bien une occupation militaire américaine illégitime sur notre territoire, nous avons donc le droit de lui résister. Tout comme elle nous a menacés, nous la mettons en garde à partir de cette tribune : nous avons le droit de nous défendre, vu l’article 51 de la Charte.
Et, nous affirmons à nouveau que les manquements et les doubles standards continueront à saper les efforts internationaux de lutte contre le terrorisme tant que durera cette optique partielle des groupes terroristes armés présents en Syrie.
En effet, aujourd’hui, certains d’entre vous prétendent se soucier d’une zone de 50 kms2 contrôlée par des groupes terroristes armés dans la Ghouta orientale. La région dont vous parlez, Monsieur le Président, a une superficie de 50 kms2, alors que vous ignorez trois occupations illégitimes de régions syriennes sur des superficies atteignant 50000 kms2. Nous parlons de 50 kms2 en ignorant l’occupation de territoires d’une superficie de 50000 kms2 : occupations américaine, turque et israélienne !
Cette simple comparaison reflète l’hypocrisie politique pratiquée par certains États Membres et l’impuissance dont souffrent le Conseil de sécurité et le reste des organes des Nations Unies, en raison de leur soumission à des pratiques de polarisation politique et financière, devenues les caractéristiques principales du fonctionnement de cette Organisation.
En conclusion, Monsieur le Président,
Nous continuerons, avec le soutien de nos alliés, de lutter contre le terrorisme partout où il se trouve sur le sol syrien… partout où il se trouve. Nous agissons selon le droit souverain à nous défendre et le devoir constitutionnel sur notre terre, à l’intérieur de nos frontières nationales et non aux Malouines … à l’intérieur de nos frontières nationales.
Nous n’avons pas envoyé des forces d’invasion à des milliers de kilomètres sous prétexte de combattre le terrorisme comme le fait actuellement ladite « Coalition internationale » illégitime en Syrie, comme le font les forces françaises au Mali, au Niger et dans d’autres pays africains, ou comme le font les États-Unis et la Grande-Bretagne en Afghanistan et en Libye aujourd’hui, en Irak auparavant. Nous nous défendons et combattons le terrorisme à l’intérieur de nos frontières.
Aujourd’hui, ce qui est attendu est l’engagement sérieux des employeurs des groupes terroristes armés à leur signifier de cesser « immédiatement » leurs attaques contre les civils ; immédiatement et non « sans délai » comme indiqué dans votre résolution.
Je vous affirme que le gouvernement syrien conservera le plein droit de riposter, et de la manière qu’il jugera appropriée, en cas d’attaques des groupes terroristes armés contre des civils n’importe où en Syrie, et même s’il s’agit du tir d’un seul obus.
Ceci, en tenant compte du fait que notre compréhension du premier paragraphe de cette nouvelle résolution est qu’il s’applique aux agressions des forces turques à Afrin, aux agressions répétées des forces de ladite Coalition internationale contre la souveraineté et le territoire de mon pays, et s’applique naturellement aux violations permanentes de la souveraineté syrienne par les forces d’occupation israéliennes, en soutien aux groupuscules de terroristes dans le Golan syrien occupé.
Tel est notre entendement de la résolution que vous venez d’adopter.
Merci Monsieur le Président
Dr. Bachar al-Jaafari
24/02/2018
Délégué permanent de la Syrie auprès des Nations Unies
Transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal
Source : Vidéo You Tube
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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