Les « 60 minutes » sur « les Chrétiens en terre sainte » ne pouvaient en aucun cas passer inaperçus. Compte tenu de l’emprise israélienne et sioniste sur les médias américains.
Bien avant la diffusion du documentaire sur la CBS, l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis Michael Oren était aux aguets. Il a déployé tous ses efforts pour le faire interdire, ou du moins en atténuer l’accent. En arrivant jusqu’à s’ingérer dans les affaires de la chaine télévisée et s’adressant directement à son producteur, le célèbre animateur Bob Simon. Ce à quoi ce dernier n’a pas manqué d’exprimer sa réprobation de l’intrusion de l’ambassadeur israélien.
« Je ne me souviens pas d’un cas similaire sur l’intervention d’un État dans un reportage diffusé dans le programme » avait dit Simon à Oren.
Et l’ambassadeur israélien de lui répliquer « qu’il y a un début à tout » se justifiant comme étant au service de son État et « tente de prévenir toute tentative de lui porter atteinte ». Et de faire remarquer à l’animateur américain, qu’il ferait mieux de diffuser des rapports sur la situation des chrétiens dans d’autres pays de la région.
En fin de compte, les efforts d’Oren se sont avérés vains. Dans la nuit du 22 avril dernier, la chaîne a diffusé le reportage qui blâme les politiques de sécurité israéliennes qui poussent les Palestiniens chrétiens des territoires occupées à quitter des zones historiquement chrétiennes telles que Nazareth et Bethléem.
Dans le reportage télévisé, l’ambassadeur israélien répond aux questions de Simon sur les contraintes que subissent les Chrétiens, en les imputant aux Musulmans. Ce à quoi un homme d’affaire chrétien réplique: « je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui quitte en raison de la persécution islamique ».
Selon le Haaretz, Netanyahou était au courant de l’action de l’ambassadeur israélien pour faire suspendre la diffusion de l’enquête télévisée ou au moins en atténuer l’accent. Dans un contact avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, l’ambassadeur Oren l’avertit que si le reportage est diffusé, tel quel, selon les informations qu’il en a « il provoquera une explosion dans les relations stratégiques avec les chrétiens aux États-Unis. »
Pour en amortir les effets, avant sa diffusion, un journal américain avait fait publier un article qui vante la liberté religieuse en Israël et dans les territoires occupés, différemment du monde arabe. Le journal en question avait refusé de faire diffuser les commentaires de Chrétiens de Bethléem et de Jérusalem.
Après sa diffusion, de nombreux médias se sont lancés dans une campagne de suspicion contre le programme et son animateur.
Certains l’ont présenté comme un travail de « démolition d’Israël » voire « un journalisme de poubelle ». Plusieurs ont repris la rhétorique de l’ambassadeur israélien, mettant l’accent sur le thème de l’émigration des Chrétiens en Orient en raison de l’islamisme.
Un article sur le site « The Institute on religion and democracy » en veut au reportage d’avoir vérifié les informations données par l’ambassadeur israélien en s’enquérant auprès de chrétiens palestiniens.
Alors qu’un site américain hostile à l’Iran « Iran aware » a accusé la CBS de vouloir « jeter les Juifs aux lions ».
Ce que les Américains ne doivent pas savoir
Pour expliquer les raisons pour lesquelles Israël a voulu censurer l’émission de Simon, Juan Cole en dénombre dix :
1-Le reportage dit que certains palestiniens sont des Chrétiens, ce qui ébranle la propagande sioniste. « Lorsque la droite israélienne a tenté de déplacer, d’exproprier et d’effacer la nation palestinienne, elle a persuadé les Américains que les Palestiniens n’existent pas ou sont des ennemis des États-Unis. Lorsque l’ennemi des États-Unis était l’Union soviétique, ils ont présenté les palestiniens comme étant des communistes. Lorsque l’ennemi est devenu Al-Qaïda, ils en ont fait des fondamentalistes violents. Mais lorsqu’un certain pourcentage de Palestiniens est formé de chrétiens, ceci perturbe la propagande. En fait, des millions de Palestiniens sont les descendants des 700.000 Palestiniens nettoyés ethniquement par les Israéliens depuis 1948, dont environ 10% étaient des chrétiens », écrit-il.
2-L’émission signale que ces Chrétiens sont des Luthériens, des catholiques, des Épiscopaliens, avec lesquels les Américains pourraient entretenir des liens. Alors que le Likoud voudrait que les Américains ne s’identifient qu’aux israéliens.
3-le reportage montre qu’Israël occupe des terres palestiniennes alors que la plupart des américains pensent le contraire…
4- le reportage montre les mesures humiliantes exercées contre les Palestiniens à l’instar du régime apartheid en Afrique du sud…
5- le programme américain a permis aux Palestiniens de parler d’eux-mêmes, et de réfuter les assertions d’Oren alors que la propagande israélienne contre les Palestiniens a instauré comme principe de ne jamais défier les versions israéliennes des faits.
6-le reportage a permis à un éminent un homme d’affaire palestinien travaillant dans la distribution de Coca cola de dire qu’il n’a jamais connu de chrétiens palestiniens quitter la Cisjordanie occupée et Jérusalem en raison des Musulmans, mais à cause de l’oppression des israéliens.
7-il a permis de montrer la Cisjordanie qu’elle est découpée comme un fromage suisse (gruyère), en raison des colonisations et de la confiscation des bonnes terres et des sources d’eau…
8- le documentaire montre les Palestiniens comme non-violents, et menant une lutte pacifique contre l’occupation israélienne,…, contrairement a la propagande qui en est faite par le Likoud…
9-le programme cite un expert israélien qui met sur le même pied d’égalité « le judaïsme politique » et l’Islam politique, ce qui contrarie un des principes de la propagande du Likoud selon laquelle aucun mouvement en Israël ne peut être comparé à des mouvements dans le monde islamique.
10- Le reportage permet aux Palestiniens de souligner que la façon dont les Israéliens construisent le mur de séparation isole Bethléem, la ville natale de Jésus ou il ne reste plus que 18% de chrétiens, en fait «une prison à ciel ouvert. »
Ces dernières années, plusieurs grands journalistes américains ont poussé un cri de colère contre la mainmise du lobby sioniste pro israélien sur les médias américains ou ont fait exprès de donner un avis différent de la version officielle américaine. Tous ont été révoqués de leur lieu de travail. Bob Simon devrait avoir un sort similaire. Affaire à suivre au pays qui exporte la démocratie au monde entier. (à dos de chars!).
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