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Coalition ou pas, la guerre contre l’EI n’est pas (encore) totale…


L’ORIENT LE JOUR

Coalition ou pas, la guerre contre l’EI n’est pas (encore) totale…

Publié par Gilles Munier
13 Septembre 2014, 04:55am

Par Scarlett Haddad (revue de presse : L’Orient-Le Jour – 12/9/14)*

Le président américain Barack Obama a eu beau déclarer hier dans un discours solennel la guerre contre le terrorisme de l’État islamique (EI) et annoncer la formation d’une large coalition pour la mener, le paysage régional reste assez flou. La coalition qui est en train de se former ne montre pas en effet qu’il existe une volonté claire de se consacrer à la lutte contre l’EI et ses semblables, selon une source diplomatique arabe qui précise se baser sur de nombreux indices pour aboutir à cette conclusion. D’une part, la Turquie, qui est considérée comme une puissance influente sur certains groupes islamistes, a refusé de rejoindre cette coalition. Ce qui signifie qu’elle ne compte pas retirer son appui aux groupes islamistes de sensibilité proche des Frères musulmans. La Turquie étant en même temps membre de l’Otan et l’un des principaux alliés régionaux des États-Unis, on comprend mal comment elle peut continuer à appuyer les groupes auxquels les États-Unis ont déclaré la guerre… Cette question mérite d’ailleurs qu’on s’y attarde car elle exprime bien toute l’ambiguïté de la position internationale au sujet du califat islamique.

Autre indice que la source diplomatique arabe juge suspect, la petite phrase du président américain sur la nécessité d’armer « l’opposition syrienne démocratique » qui combat à la fois les forces du régime syrien et les groupes islamistes. Pourtant, il y a deux mois, c’est le même Barack Obama qui disait au New York Times que l’opposition syrienne démocratique ne fait pas le poids face au régime et qu’elle n’existe presque pas. Cette phrase a été prononcée après de nombreuses tentatives d’aider les groupes de l’opposition syrienne dite modérée pour leur permettre de renverser le régime de Bachar el-Assad. Les experts militaires américains avaient même entraîné dans ce but de nombreuses recrues dans des camps d’entraînement en Jordanie et ailleurs. En vain, puisque, de toutes les unités entraînées, armées et financées, seuls les combattants islamiques ont réussi à marquer des points sur le terrain face à l’armée syrienne, au point d’ailleurs que les autres combattants, ceux de l’Armée syrienne libre notamment, ont souvent préféré soit participer à des arrangements avec l’armée syrienne, soit rallier les groupes islamistes. Qui se souvient encore du colonel Riad el-Assaad ou du général Sélim Idriss qui se voyaient déjà en grands libérateurs de la Syrie? Selon la source diplomatique, toutes les tentatives de ce genre menées depuis plus de trois ans ont donc échoué et ont même coûté son poste à l’émir Bandar ben Sultan qui a dû vivre une période de disgrâce avant de revenir dans la cour du roi Abdallah d’Arabie. On voit mal pourquoi soudain elles deviendraient soudain possibles, alors que l’Armée syrienne libre et les autres formations dites modérées ont de moins en moins le vent en poupe en Syrie. À moins qu’il s’agisse d’une manœuvre visant à redorer le blason de certains groupes islamistes en les présentant comme modérés face à l’EI et au Front al-Nosra, les étiquettes étant après tout des concepts tout à fait relatifs…

La source diplomatique arabe précitée estime ainsi qu’en dépit de la solennité de l’annonce de Barack Obama, la guerre qu’il a déclarée contre les groupes terroristes reste donc plus virtuelle que réelle et décisive. D’autant qu’en gros, la communauté internationale ne s’est pas vraiment empressée de se rallier à la coalition menée par les États-Unis. Même l’Europe traîne un peu les pieds, alors que la plus enthousiaste est l’Arabie saoudite. C’est certes un grand pas en avant puisque l’idée est de pousser les musulmans à combattre l’EI pour ne pas aiguiser les tensions religieuses dans les sociétés occidentales et ailleurs. Mais l’Arabie ne peut pas être d’une grande efficacité sur le terrain, ayant elle-même fait appel à l’armée égyptienne pour protéger son territoire d’éventuelles attaques terroristes pendant la période du pèlerinage d’al-Adha. L’Arabie saoudite se contentera donc de fournir le financement et a promis d’ouvrir des camps d’entraînement sur son territoire.

En conclusion, ce qui apparaît pour l’instant, c’est que l’Arabie est certes sérieuse dans sa lutte contre le terrorisme takfiriste sur son territoire, mais en Syrie, c’est une autre affaire. Les États-Unis sont sérieux dans leur lutte contre l’EI si celui-ci dépasse les limites qui lui ont été fixées, mais il n’est pas encore question de penser à de véritables solutions globales. Pourtant, certains signes peuvent montrer qu’en dépit du tapage médiatique, des arrangements ont commencé à pointer à l’horizon : d’abord, l’Irak s’est doté d’un gouvernement, avec deux portefeuilles manquants (la Défense et l’Intérieur), mais c’est un début quand même; ensuite, les houthis et le régime yéménite sont en train de trouver un accord pour mettre un terme aux protestations dans les rues et les Iraniens auraient aidé les Saoudiens en leur donnant des informations sur certains ulémas favorables à l’EI qui sévissent dans les mosquées dans certaines régions du royaume. Ces signes peuvent-ils se concrétiser dans un accord plus vaste en marge de la session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies ? La source diplomatique arabe précitée pense qu’il est encore trop tôt pour envisager des accords. Selon la boutade d’une personnalité libanaise, la carte de l’EI n’a pas encore atteint sa date d’expiration…

*http://www.lorientlejour.com/article/885653/coalition-ou-pas-la-guerre-contre-lei-nest-pas-encore-totale.html

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