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Comment les médias intoxiquent l’opinion publique : Le cas de la Syrie


Comment les médias intoxiquent l’opinion publique : Le cas de la Syrie [V]

Par François Belliot
le 19 mars 2015

Agents d’influence Crises/guerres Décryptage Désinformation Droit international France Ingérence Propagande Syrie
5
Modalités de la propagande incitant à intervenir contre Assad

Nous publions ci-dessous une suite de la série de chroniques consacrées par l’écrivain François Belliot * au décryptage de la propagande répandue durant ces quatre années de guerre en Syrie par les médias traditionnels français.

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Si des événements comme le débat truqué organisé à l’Institut du Monde Arabe du 24 février 2013[i], ou les multiples conférences, débats, interviews aux grands médias organisés pour le père Paolo Dall’Oglio[ii] peuvent, par accumulation, installer insensiblement l’opinion publique dans l’état d’esprit désiré, à savoir un état de haine viscérale et irrationnelle contre l’odieux « régime syrien », et son « infâme dictateur qui massacre son propre peuple », ils ne sauraient cependant suffire, aussi nombreux soient-ils, comme prétexte à une entrée en guerre. Pour cela il faut d’autres types d’événements beaucoup plus traumatisants.
Ces types d’événements, qui consistent souvent en des exactions particulièrement affreuses et édifiantes perpétrées contre des civils sans défense, ont également l’avantage, pour les puissances qui en sont les commanditaires ou qui en déforment volontairement l’interprétation, de fournir l’occasion, à la faveur du chaos et de l’émotion immense suscitées, d’influer sur d’autres états plus réticents ou soucieux de respecter la légalité internationale.
Je vais développer dans cette chronique le nécessaire couplage de « petits pas » et de « grands bonds » dans la propagande visant à faire accepter la nécessité d’intervenir militairement en Syrie. Les petits pas, innombrables, ont pour but d’installer insensiblement l’opinion publique dans l’indignation outrée envers le « régime « syrien » et son « abominable dictateur » ; les « grands bonds », plus rares, ont pour fonction de provoquer au moment voulu les retournements d’opinion décisifs qui doivent donner le feu vert à l’expédition punitive. Les petits pas préparent aux grands bonds, et les grands bonds fournissent les casus belli. Les quatre années de déstabilisation de la Syrie sont (malheureusement) une illustration exemplaire de ce nécessaire couplage de petits pas et de grands bonds dans la propagande visant à faire accepter la nécessité de la guerre.
Je vais dans ce nouveau cycle de chroniques analyser en détail les trois « grands bonds » de la crise syrienne, dont deux au moins ont failli entraîner une intervention militaire occidentale en Syrie. Le premier est l’affaire Hamza el Khatib, du nom de cet adolescent prétendument torturé et assassiné par le « régime » et présenté aussitôt, fin mai 2011, dans tous les grands médias comme une « icône » de la révolution. Le second est le « massacre de Houla », prétendument perpétré par les troupes loyalistes à l’encontre de 108 Syriens dans la ville du même nom, le 25 mai 2012. Le troisième est celle du missile chimique prétendument tiré le 21 août 2013 par les mêmes dans la banlieue de Damas, faisant des centaines de morts.
Les « petits pas » de la propagande ayant, encore aujourd’hui, beaucoup moins de relief que ce genre d’affaires spectaculaires et ultra médiatisées, je voudrais avant d’entrer dans leur détail dans les chroniques suivantes, donner un aperçu plus complet de ce en quoi consistent, dans le cas syrien, ces « petits pas » de la propagande.
Qu’est- ce qu’un « petit pas » dans la propagande visant à faire accepter la nécessité de la guerre ?
Les petits pas de la propagande de guerre, ce sont d’abord toutes ces nouvelles diffusées par les gouvernements et répercutées quotidiennement dans les médias, qui visent à faire la réputation la plus exécrable à la cible désignée à la vindicte populaire. Si l’on considère les trois premières années de la crise syrienne (de mars 2011 à mars 2014), tout le monde se souvient qu’il ne se passait pratiquement pas une journée sans que soit relayée une nouvelle exaction du « régime » de Damas et de son « ignoble dictateur ». On nous parlait de 10 manifestants pacifiques tués par-ci, de 20 civils arbitrairement occis par-là, de telle attaque d’un village avec des chars et des armes lourdes ; les cas d’enfants tués, faux ou avérés, étaient particulièrement mis en valeur, on relayait telle ou telle déclaration « inacceptable » d’un des alliés de la Syrie, l’Iran, le Venezuela, ou la Russie, avec force termes diabolisants, on montait en épingle telle révélation terrifiante de «l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme » (OSDH) basé à Londres, on s’émouvait devant tel avertissement solennel et lourd de menaces d’un dirigeant occidental à propos d’une « ligne rouge » à ne pas franchir. Dans le même temps, c’était le martelage d’une sémantique et d’une rhétorique insidieuse, où les mêmes éléments de langage étaient relayés à l’infini pour imprimer dans l’esprit des populations occidentales une version binaire et orientée de la guerre en Syrie. Tel est le premier type de petits pas par lesquels l’opinion publique occidentale a été corrompue.
En plus de cette présentation manichéenne de la situation sur le terrain, les médias ont relayé (et relaient encore) toutes sortes d’« événements » organisés dans les pays occidentaux pour soutenir la « révolution ». S’il n’est pas difficile de se représenter la litanie d’exactions du régime de Bachar el-Assad rapportées quotidiennement dans les médias pendant les trois premières années de la crise, peu de gens ont conscience de la quantité d’événements : marches, pétitions, rassemblements de soutien organisés en France au cours de cette période, pour convaincre l’opinion publique du devoir moral qu’il y aurait à accélérer le renversement de « l’infâme dictateur syrien». Ces événements français, qui constituent autant de « petits pas », sont un complément essentiel du travail des médias et celui des politiques un cran au-dessus : il ne s’agit pas seulement d’effrayer par un tableau terrifiant et manichéen de la situation sur le terrain et de désigner avec force termes diabolisants le même unique coupable possible, il faut aussi essayer de fédérer directement le plus grand nombre de citoyens autour d’opérations ponctuelles, dans les pays ciblés par la propagande de guerre, en l’occurrence tous les pays de la zone OTAN dont la France. Ces événements sont annoncés et commentés dans les médias, si bien qu’il est facile d’y participer ou d’en avoir connaissance. Le débat truqué à l’IMA, la conférence du père Paolo à la mairie du XXème arrondissement de Paris, et la journée de mémoire organisée pour les 9 mois de sa disparition en sont de bons exemples.
La quantité d’événements organisés depuis 4 ans est très impressionnante, même en ne considérant que le cas de la France. Pour en donner une idée voici une liste sommaire des plus importants de ces événements dans la période allant de mai à octobre 2011. J’en donne en annexe de cette chronique un résumé beaucoup plus fouillé.
« Petits pas » de la propagande accumulés pendant les trois premiers mois de troubles en Syrie
Le 20 mai 2011 on relève une action de Reporters Sans Frontières souillant la façade de l’ambassade de Syrie ; fin mai, un ensemble d’écrivains de premier plan, dont des prix Goncourt et des prix Nobel s’associent à un appel lancé par 100 écrivains syriens depuis Damas ; le 17 juin une pétition « pour que cesse le massacre » est lancée et signée par des personnalités culturelles et politiques françaises de premier plan ; le 25 juin un grand rassemblement place du Panthéon à l’initiative d’organisations syriennes et de syndicats et partis politiques français classés à gauche de l’échiquier politique ; le 27 juin une lettre ouverte d’écrivains et réalisateurs comme Woody Allen ou BHL au Conseil de Sécurité de l’ONU ; le 1er juillet une conférence dans la mairie du 2ème arrondissement de Paris ; le 21 juillet une conférence de presse au festival d’Avignon où des personnalités culturelles prennent le parti de la révolution ; du 22 juillet au 2 septembre une séance de sit-in collective quotidien place du Châtelet à Paris ; le 28 août une séance de prière collective dans les mosquées et les églises d’une vingtaine de pays ; le 10 octobre une grande soirée d’information et de solidarité au théâtre de l’Odéon réunissant de nombreuses personnalités prestigieuses dont le ministre des affaires étrangères Alain Juppé. Ces événements sont systématiquement relayés par les médias qui annoncent leur tenue ou font un résumé approbateur de leur déroulement. Les éléments de langage utilisés par les organisateurs et les participants prestigieux ou moins connus à ces événements sont exactement les mêmes que ceux rabâchés à l’infini et de façon unanime par les dirigeants et les médias français.
Syrie Le 20 mai 2011, l’ambassade de Syrie est souillée et taguée par une équipe de militants de RSF. L’événement est relayé largement et de façon approbatrice dans les médias.

Syrie Alain Juppé s’exprime le 11 octobre 2011 devant le théâtre de l’Odéon où est organisée une soirée de solidarité avec le peuple syrien. De nombreux médias sont venus couvrir l’événement. A sa droite Bassma Kodmani, membre fondatrice du Conseil National Syrien (CNS), et Burhan Galioun, président de cette même structure fondée à Istanbul 10 jours plus tôt.
Ces événements du reste ne sont que les plus considérables et ne doivent pas faire oublier les très nombreux autres rassemblements, manifestations, marches, pétitions de moindre résonance qui ont été par ailleurs organisés à Paris et d’autres grandes villes françaises pendant cette période, le plus souvent dans des lieux symboliques. On relève des rassemblements à Paris sur le parvis des Droits de l’Homme au Trocadéro, devant le Mur de la Paix au pied du champ de Mars, sur la place du Châtelet et sur la place du Panthéon, à Bordeaux place de l’Hôtel de Ville ou place de la Victoire, à Lyon place Bellecour, à Nancy Place Maginot. Ce genre d’événements n’a pas été seulement organisé en France mais dans tous les pays dont les gouvernements sont résolus à précipiter la chute du président el-Assad et de son « régime ».
Il faut ajouter que l’organisation en continu de ce genre d’événements n’a pas faibli pendant les quatre années suivantes.
Un exemple plus récent, la manifestation du 14 mars 2015
Pour citer un dernier événement significatif très récent, le samedi 14 mars 2015, à l’occasion du quatrième anniversaire du commencement des troubles en Syrie, une soixantaine d’associations, organisations, syndicats et partis politiques[iii] se sont fédérées pour organiser une manifestation contre le régime syrien et l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL alias Daech), mis pour le coup dans le même sac (« same shit » pouvait-on lire dans les autocollants distribués aux manifestants). A cette manifestation ont participé la plupart des figures de la propagande contre Bachar el-Assad depuis 4 ans (Hala Kodmani[iv], Jean-Pierre Filiu[v], Ziyad Majed[vi], Burhan Ghalioun[vii], Faroukh Mardam Bey, etc). La manifestation, partie de la place de la République, avait pour destination la place de l’Hôtel de Ville où une estrade avait été montée, sur laquelle se sont succédé divers intervenants qui ont martelé les éléments de langage habituels en jouant à fond sur l’émotion. A peine 500 manifestants se sont joints à cette manifestation unitaire, qui a pourtant été largement relayée par les « grands » médias dont nombreux sont venus pour donner un écho clairement disproportionné à l’événement (le Monde[viii], Bfmtv[ix], 20 minutes[x], France 24[xi], etc).
SyrieTête de cortège de la petite manifestation du 14 mars 2015, avec le tout nouvel élément de langage propagandiste « Sans Bachar, et sans Daech »
Syrie
L’autocollant suivant était arboré par les principaux participants à la manifestation du 14 mars 2015, et distribué gratuitement aux manifestants.
Comment s’articule cette propagande?
Plus généralement, dans bien des cas on constate que des passerelles se tissent entre les associations syriennes ou françaises, le gouvernement français et les pouvoirs publics qui veulent la chute du président Assad. Des maires prêtent des salles, des théâtres prestigieux ouvrent leurs portes, des ministres s’associent à des événements et y interviennent. Les syndicats et les partis politiques de gauche et de droite s’y affichent en soutien. Des célébrités du monde de la culture sont sollicitées et nombre d’entre elles affichent publiquement leur soutien à la « révolution ». Les médias jouent évidemment un rôle essentiel, en relayant de façon positive ces événements, même lorsqu’ils ont peu de relief. Toutes les personnalités motrices de la contestation anti Assad en France et que l’on retrouve dans ces événements comme la manifestation du 14 mars ont par ailleurs table ouverte dans les médias où, interrogés par des journalistes complaisants, ils répètent en boucle la même version binaire de la crise rejetant la totalité de la faute sur le pouvoir baathiste. Les quelques citations extraites des textes rédigés pour ces « événements » (voir Annexe) suffisent à donner une idée de leur caractère extrêmement simpliste et répétitif.
Dans le même temps, toutes les manifestations et événements organisés par les Syriens de France hostiles à ce point de vue et dénonçant des mensonges médiatiques et politiques étaient ignorés par les médias[xii], alors que certaines ont réuni largement autant de monde avec une publicité réduite à sa plus simple expression, les personnalités syriennes pouvant publiquement contester ce point de vue étant elles-mêmes délibérément ignorées ou calomniées dans les médias. Je rappelle le cas des autorités chrétiennes de Syrie dont j’ai analysé la censure dans une précédente chronique[xiii].
Nouvelles quotidiennes terrifiantes de la situation sur le terrain et rejetant la responsabilité des exactions sur un seul camp, organisation massive et diversifiée d’ « événements » pour sensibiliser les Français sur le terrain, émissions de télévision et de radio dans lesquelles les invités sont choisis pour qu’une seule version de la crise soit diffusée, collusion manifeste des pouvoirs politiques de tous bords, de l’ensemble des médias, et d’un certain nombre d’associations organisant des événements sur le terrain, censure ou absence de soutien officiel à toute parole de personnalité syrienne ou française pouvant développer un autre point de vue : voilà en résumé la campagne de propagande quotidienne et inlassable à laquelle sont soumis les Français depuis le début de la crise syrienne en mars 2011. Cette infinité de petits pas, d’autant plus convaincants aux yeux de l’opinion publique qu’ils allaient tous dans la même direction ont permis de formater les esprits dans le moule voulu et de fabriquer leur consentement éventuel à une expédition punitive contre les autorités syriennes en cas de violation particulièrement grave des droits de l’homme sur le terrain par l’armée syrienne.
Des petits pas aux grands bonds
Le recours aux « grands bonds » devient d’autant plus indispensable quand la crise dure, et que les rapports de force se figent sur le terrain ou tournent à l’avantage de celui que l’on veut abattre. Pour prendre une comparaison éclairante, la révolution tunisienne (« du jasmin ») n’a eu véritablement besoin que d’un seul grand bond, l’affaire Mohamed Bouazizi[xiv], pour passer à son dernier stade, au départ de Zinedine Ben Ali, le 14 janvier 2011. En Syrie, après quatre ans de guerre, nous en sommes déjà à quatre affaires graves attribuées à Assad: l’affaire Hamza el Khatib de mai 2011, le massacre de Houla du 25 mai 2012, l’affaire des armes chimiques, et plus récemment à partir de fin 2013, l’irruption de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL alias Daech) ; malgré leur intensité et leur gravité croissante aucun d’entre eux n’a été jusqu’à présent en mesure d’entraîner le départ de Bachar el-Assad.
François Belliot | 19 mars 2015
A suivre…
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Annexe : Liste des principaux « événements » organisés en France entre mai et octobre 2011 pour mobiliser l’opinion publique contre le « régime d’Assad »
Le 2 mai, le « Collectif du 15 mars pour la démocratie en Syrie » publie dans le Monde un « appel aux consciences du monde entier pour que cesse le massacre en Syrie ». Ses 7 signataires y déclarent « cultiver l’espoir de voir (leur) peuple s’affranchir de la tyrannie des Assad pour construire (leur) propre chemin vers la démocratie et l’état de droit. »
Le 3 mai, une dépêche AFP rapporte une opération de dégradation de la façade de l’ambassade de Syrie à Paris par une équipe de Reporters Sans Frontières : « des militants de RSF (o)nt bloqué la rue où se trouve l’ambassade (de Syrie à Paris) grâce à deux camionnettes avant de jeter de la peinture bleue sur ses murs et de brandir des portraits tâchés de peinture de Bachar al-Assad en criant « Bachar prédateur« . (site de RSF[xv], le Nouvel Obs[xvi], l’Express[xvii], Europe 1[xviii], le Point[xix], le Figaro Madame[xx], le Monde[xxi], Mediapart[xxii]).
Le 4 mai, des personnalités du cinéma français comme Costa Gavras, Jean-Luc Godard, Juliette Binoche, ou Catherine Deneuve, affichent leur soutien à un collectif de réalisateurs syriens qui ont publié sur un compte Facebook une déclaration appelant « les réalisateurs du monde entier à contribuer à l’arrêt du bain de sang » et exprimant « leur solidarité avec le peuple syrien et ses rêves de justice, d’égalité, et de liberté ». (Reuters, RMC, l’Express, Capital, Europe 1).
Le 20 mai, la Parti Communiste Français organise un rassemblement devant l’ambassade de Syrie pour «exprimer la solidarité avec le peuple de Syrie, avec les démocrates et les progressistes de ce pays qui manifestent avec courage face aux chars, à l’armée et aux milices de Bachar Al-Assad ». (L’Humanité[xxiii])
Fin mai, en imitation de leurs collègues du monde du cinéma, 100 écrivains syriens lancent un appel depuis Damas dénonçant un « régime despotique et corrompu » et proclamant « leur solidarité avec le peuple syrien, avec ses rêves de justice, d’égalité, et de liberté ». On ne connaît pas le nom des signataires de cet appel qui ont souhaité garder l’anonymat pour des raisons de sécurité. L’appel, relayé en France par l’écrivain syrien en exil depuis 30 ans Farouk Mardam Bey, a été signé par les écrivains Jonathan Littell, Gilles Leroy, Marie N’Diaye, prix Goncourt 2006, 2007 et 2009, Paul Auster, Elfriede Jelinek prix Nobel 2004, Laurent Gaudé, Matias Enard, et Marie Darieussecq. Signalons en passant que M. Bey est une des chevilles ouvrières de l’organisation des événements anti Assad en France. (Médipart[xxiv], L’Obs[xxv])
Le 17 juin, est lancée une pétition intitulée « Pour que le massacre cesse en Syrie » qui est signée par un nombre important de personnalités politiques et culturelles de premier plan. Elle dénonce sans ambages le gouvernement syrien légal et appelle à sa chute : « Un pouvoir qui écrase sa population sous le feu de ses chars et de ses hélicoptères, qui assiège puis étrangle ses villes les unes après les autres, torture jusqu’aux enfants, transforme ses citoyens en réfugiés et tente de dresser les communautés les unes contre les autres ne mérite pas de rester en place ». Parmi les premiers signataires on trouve par exemple Jean-Marc Ayrault, Hubert Védrine, Lionel Jospin, Tzvetan Todorov, Coline Séreau, Jean Rouaud, Michel Wieworka, ou Bertrand Tavernier. (Libération[xxvi])
Le 24 juin, trois associations anti Assad organisent une « soirée de soutien et d’hommage au peuple syrien » dans une annexe de la bourse du travail à Paris. Y participent une douzaine de poètes et écrivains français et du Moyen-Orient
Le 25 juin, un « rassemblement de soutien au peuple syrien » est organisé devant le Panthéon à l’initiative de plusieurs associations syriennes anti Assad : Le Collectif Urgence Solidarité Syrie – Comité de la déclaration de Damas – Collectif du 15 mars pour la démocratie en Syrie – Souria Houria – Les jeunes de la révolution syrienne 2011- Comité de soutien au soulèvement syrien – Association des amis de Samir Kassir – Rassemblement pour la démocratie au Liban. S’y joignent des syndicats, des partis politiques, et diverses associations françaises : PC – PG – PS – Europe Ecologie les Verts – MRAP – ACAT – Amnesty International. (site du PS[xxvii], site des Verts de Fontenay sous-bois, blog du Monde[xxviii], site de l’UNEF[xxix]).
Le 27 juin, 8 artistes et intellectuels non syriens, Woody Allen, Umberto Eco, David Grossman, Bernard-Henri Levy, Amos Oz, Orhan Pamuk, Salman Rushdie, et Wole Soyinka, signent une lettre ouverte au Conseil de Sécurité de l’ONU, dans laquelle ils évoquent des villes « patrouillées par des chars et survolées par des hélicoptères qui mitraillent les foules », où « des miliciens investissent, une à une, les maisons et embarquent les hommes de 15 à 80 ans ». Ils évoquent un « un pays sous dictature de père en fils depuis quarante ans, un régime qui, dans une totale impunité, plante ses pieux armés dans le cœur de chaque citoyen » (RFI[xxx])
C’est ici le lieu d’anticiper sur le premier grand bond de la crise syrienne que je vais étudier, en indiquant que de nombreux textes anti Assad publiés pendant cette période invoquent le cas de Hamza el Khatib, du nom de cet adolescent dont le cadavre dans un état choquant est publié sur internet par al Jazeera le 21 mai. Hamza el Khatib, comme Mohamed Bouazizi en Tunisie, est présenté à cette époque dans les médias comme une « icône de la révolution » et une preuve accablante de la « barbarie du régime d’Assad ».
Le 1er juillet la mairie du IIème arrondissement de Paris organise une « conférence hommage à la lutte du peuple syrien pour la liberté et pour la dignité » (intervenants Ziyad Majed, Bachar el Issa, Samir Kassir).
Le 14 juillet 2011, la mairie de Fontenay-sous-Bois, très active dans la mobilisation anti Assad, s’engage dans un processus de parrainage de la ville de Deraa, en association avec l’association Revivre et le Collectif Urgence Solidarité Syrie. Dans le communiqué annonçant cette démarche on peut lire : « Le symbole de ce parrainage est fort, car il donne un signe de solidarité internationale et d’engagement citoyen d’une ville française vis-à-vis d’une ville syrienne martyre. Au-delà du symbole, en coopération avec des ONG et des Syriens originaires de Dara’a vivant en France, des actions de solidarité tout particulièrement en direction d’enfants ayant trouvé refuge à la frontière jordanienne, vont être entreprises par la Ville de Fontenay-sous-Bois. »
Du 14 au 17 juillet, une « marche pour la liberté et pour la paix en Syrie » est organisée entre la grande mosquée de Paris et la cathédrale de Chartres.
Le 21 juillet, à l’initiative de Marcel Bozonnet, ancien administrateur de la Comédie Française qui a travaillé en Syrie en 2010, les « artistes, enseignants, spectateurs citoyens de tous pays fédérés par le festival d’Avignon » prennent fait et cause pour la « révolution » et tiennent à prendre position solennellement lors d’une conférence de presse pour faire le résumé suivant des événements : « En Syrie, depuis quatre mois, la répression sanglante menée par Bachar el-Assad avec les puissants moyens de son régime a provoqué la mort de plus de 2 000 personnes qui exerçaient pacifiquement leur droit de manifester. Des dizaines de milliers d’autres ont été arrêtées ou contraintes à l’exil. Les forces de “sécurité” ouvrent le feu sur les civils. » L’intervention est signée par des personnalités culturelles comme Patrice Chéreau, Ariane Mnouchkine, Denis Podalydès, Patrick Rambert, et accompagnée d’un appel au vote d’une résolution à l’ONU permettant « l’envoi d’une commission internationale d’enquête et la mise en accusation des responsables des tueries devant la Cour pénale internationale ». (L’Humanité[xxxi], Le Figaro[xxxii]). A noter que cette politisation de l’événement sera renouvelée à l’identique l’année suivante.
Du 22 juillet au 2 septembre, est organisé un sit-in quotidien de 17 h à 20 h place du Châtelet à Paris. Les « Français d’origine syrienne, Syriens résidant en France, et Amis du peuple syrien » associés à cet événement déclarent « souten(ir) de manière inconditionnelle les aspirations légitimes du peuple syrien, qui témoigne, chaque jour, de manière héroïque sa volonté irrépressible de faire valoir sa dignité et sa liberté face à un régime extrêmement répressif, sans scrupule, coupable des pires crimes pour étouffer le mouvement du peuple dans l’œuf. » Une couverture médiatique massive sera faite de cet événement après l’agression le 26 août de manifestants par des Syriens loyaux à Assad, dont la plupart étaient pourvus de passeports diplomatiques. (le Point, Médiapart[xxxiii], le Monde[xxxiv], Libéation[xxxv], Nouvel Obs[xxxvi], BfmTV, 20 minutes, site du MRAP[xxxvii], Europe 1[xxxviii], etc).
Le 5 août le Syndicat National de l’Enseignement Supérieur (SNESUP) publie un communiqué « contre la terreur d’état » dans un esprit de « solidarité pour les libertés et les démocraties » ; il dénonce de nouveau la « répression meurtrière menée par le clan Assad », et appelle à soutenir le sit-in quotidien organisé place du Châtelet. (site du SNESUP[xxxix])
Le 28 août, une séance de prière collective est organisée à la Chapelle Saint Louis dans l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. Parmi les objectifs de l’événement : « exposer au grand jour de la scène internationale les exactions du régime syrien » ; « préparer le terrain à la prochaine campagne qui visera à porter le dossier syrien devant la cour pénale internationale » ; quant à l’événement il s’agit de l’accompagner d’une « campagne médiatique intensive ». Les participants sont donc invités à « filmer ou prendre des images (sur) le déroulement des prières dans les lieux de culte » et à les envoyer à une adresse. L’événement, organisé par le « Syrian Non Violent Movement » ne concerne en effet pas seulement la France puisque des cérémonies semblables sont organisées dans un grand nombre de pays tant dans des églises que dans des mosquées : États-Unis, Canada, Ukraine, Slovaquie, République tchèque, Tunisie, Algérie, Angleterre, Allemagne, France, Espagne, Belgique, Qatar, Arabie saoudite, Roumanie, Australie, Suède, Chypre, Russie, Jordanie, Turquie, Liban.
Le 3 septembre, Le Comité de Coordination pour le Soutien à la Révolution Syrienne en France – sections de Paris, Lyon, Nancy, Strasbourg, Mulhouse, Bordeaux et Rennes – organise une « manifestation de solidarité avec le peuple syrien » à Paris, de la place du Panthéon au Sénat, avec le soutien du collectif Urgence Solidarité Syrie (sites de la LDH, du MRAP[xl], le Monde[xli]).
Le 5 octobre est publié un « appel d’organisations et de personnalités » intitulé « Halte à la terreur du régime d’el-Assad : solidarité avec le peuple syrien ». Il est signé par des organisations syriennes anti Assad et de nombreuses entités françaises comme la Ligue des Droits de l’Homme, le MRAP, la CGT, la CFDT, la FSU, le SNES, l’UNEF, l’UNL, le syndicat de la magistrature, le syndicat des avocats de France, le PCF, Europe Écologie les Verts. Des personnalités politiques de premier plan y associent leur nom comme le président de la région île de France Jean-Paul Huchon, le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis. (site du SNES[xlii], de la CGT[xliii], L’Humanité[xliv])
Le 10 octobre, est organisée au théâtre de l’Odéon une « soirée d’information et de solidarité ». Cette soirée est le prolongement direct de « l’appel d’artistes et de citoyens de tous pays réunis au Festival d’Avignon le 21 juillet 2011 ». S’y expriment divers écrivains et musiciens syriens mais le but affiché comme le suggère Farouk Mardam Bey dans son réquisitoire au vitriol contre Bachar el-Assad et l’armée régulière syrienne est le « renversement du régime ». Dans la grande salle du théâtre, gracieusement prêtée par son directeur Olivier Py, sont assises des personnalités comme Lionel Jospin, Bertrand Delanoë, Leïla Shahid, Pierre Laurent, des députés, des sénateurs, des ambassadeurs. Le ministre des affaires étrangères en personne, Alain Juppé, est venu accompagné de Bassma Kodmani et de Burhan Ghalioun, le tout frais nommé président du Conseil National Syrien fondé à Istanbul 10 jours plus tôt. Comme tous les participants le ministre y prononce un discours anti Assad dans lequel il déclare que « la France est plus que jamais déterminée à soutenir ce grand mouvement des printemps arabes »(Nouvel Obs[xlv], Mediapart, L’Humanité[xlvi], TV5 Monde[xlvii], Libération[xlviii], Europe 1[xlix], le
[i] Je renvoie à la chronique I : http://arretsurinfo.ch/syrie-comment-les-medias-francais-intoxiquent-lopinion-publique/
[ii] Je renvoie aux chroniques II: http://arretsurinfo.ch/chretiens-de-syrie-le-mensonge-organise-des-medias-francais/, et IV : http://arretsurinfo.ch/quest-devenu-le-pere-paolo-dalloglio-aux-mains-des-opposants-a-assad-iv/
[iii] Appel Solidarité Syrie, Collectif Urgence Solidarité Syrie, Comité de Coordination de Paris pour le soutien à la Révolution syrienne, Déclaration de Damas, Mouvement du 15 mars , Conseil National Kurde en Syrie, Pour une Syrie Libre, Les amis de Samir Kassir, Cham’s Collectif Syrie , Syrie MDL, Alwane , Ila Souria , Alsace Syrie, Syrie sans frontières (Bordeaux), Syrie-Démocratie-33 (Bordeaux), CISyLD (Comité d’Information pour une Syrie Libre et Démocratique – Lyon), Collectif Rouennais de Soutien au Peuple Syrien, ActionSyrie (Bruxelles), Forum Palestine Citoyenneté, FemmeS pour la Démocratie (Genève), ACAT, Amnesty International France, ATTAC, MRAP, FIDH, LDH, Primo Levi, CCFD Terre Solidaire, CSPS, Revivre , Souria Houria, Mouvement de la Paix, Manifeste des libertés, CEDETIM-IPAM (Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale), Assemblée européenne des citoyens (HCA-France), Solidarité Laïque, Appel d’Avignon, La Vague Blanche, Association MEDINA, Association ADAPS, Memorial 98, Inter-collectif de solidarité avec la lutte des peuples dans le monde arabe (Inter-co), Union Syndicale SOLIDAIRES, CGT, FSU, SNESUP-FSU, Émancipation, UNEF, UNL, FIDL, Ensemble (Membre du Front de Gauche), EÉ les Verts, NPA, PCF, PS, PG.
[iv] Responsable de la rubrique Syrie à Libération les premiers mois de la crise. Sa sœur Bassma Kodmani est cofondatrice du Conseil national Syrien.
[v]Journaliste à Libération
[vi] Puisque je suis amené à reparler de Ziyad Majed, l’un des intervenants du débat truqué à l’IMA lors duquel il déclara ne pas vouloir donner la parole à des contestataires de la version officielle, au prétexte que cela reviendrait à laisser s’esprimer des militants pro aprtheid d’Afrique du Sud, je tiens à révéler ce trait de personnalité qui confirme, si besoin était, la laideur morale du personnage : lors d’une manifestation anti Assad, l’une de mes connaissances s’est présentée, seule, avec un slogan polémique mais très discret. Ni une ni deux, Ziyad Majed s’est rué sur lui, l’a insulté et a levé les poings vers lui avec l’intention de le frapper. Je rappelle que c’est une pratique systématique des personnalités clés du mouvement anti Assad en France d’insulter, de diffamer, et intimider ceux qui voudraient faire entendre un autres son de cloche que le leur.
[vii] Premier président du Conseil National Syrien fondé à Istanbul le 1er octobre 2011
[viii] http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/03/14/manifestation-a-paris-contre-assad-et-l-etat-islamique_4593780_3218.html
[ix] http://www.bfmtv.com/societe/paris-marche-de-solidarite-avec-le-peuple-syrien-4-ans-apres-le-debut-de-la-revolte-869103.html
[x] http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/03/14/manifestation-a-paris-contre-assad-et-l-etat-islamique_4593780_3218.html
[xi] http://www.france24.com/fr/20150314-images-manifestation-paris-contre-islamophobie-islam-uam-cri-musulman/
[xii]Pour avoir participé à plusieurs d’entre elles, notamment une qui a réuni largement autant de monde que celle du 14 mars, je suis bien placé pour dire que jamais aucun grand média ne vient couvrir ces événements de « l’autre camp », ce qui est évidemment une preuve accablante de parti pris.
[xiii] http://arretsurinfo.ch/autorites-chretiennes-de-syrie-censurees-ou-diffamees-par-les-medias/
[xiv] Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant de la ville de Sidi Bouzid s’immole par le feu pour protester contre les brutalités policières. L’homme devient aussitôt une « icône de la révolution », dont l’histoire tragique enflamme les foules manifestantes, et mène à la destitution de Zinedine Ben Ali et son exil vers l’Arabie Saoudite le 14 janvier 2011. Comme je le montrerai dans ma chronique consacrée à l’affaire al Khatib, ce premier et unique grand bond dans la crise tunisienne est un énorme canular.

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