DE LA SYRIE AU CAUCASE RUSSE: LE TERRORISME ISLAMISTE CIBLE LES JEUX DE SOTCHI
décembre 30, 2013
Luc MICHEL & Karel HUYBRECHTS pour EODE Think Tank /
avec RT – AFP – Le Monde des Religions – EODE Press Office / 2013 12 29 /
Au moins treize personnes ont perdu la vie à Volgograd – l’ex Stalingrad -, à proximité de l’instable Caucase russe. Une kamikaze islamiste Oksana Aslanova serait à l’origine de l’attentat. A peine deux jours après l’explosion d’une voiture piégée près du département de la police routière à Piatigorsk au Sud de la Russie qui a fait trois morts , les terroristes djihadistes frappent ont encore frappé …
I : QUE SAIT-ON DU NOUVEL ATTENTAT DE VOLGOGRAD ?
Au moins 14 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres ont été blessées ce dimanche lorsqu’une femme s’est fait exploser dans une gare de Volgograd (sud de la Russie, près de la Caspienne), proche du Caucase russe, ravivant les craintes pour la sécurité des JO-2014 à Sotchi.
L’EVENEMENT : CARNAGE ISLAMISTE SUR LA VOLGA
« Un engin explosif a sauté près de l’entrée de la gare ferroviaire à Volgograd. Selon de premières évaluations, il a été déclenché par une femme kamikaze », a indiqué le Comité d’enquête russe dans un communiqué, en annonçant l’ouverture d’une enquête pour « attentat terroriste ». L’explosion, survenue à six semaines des Jeux olympiques d’hiver à Sotchi, s’est produite devant les détecteurs de métaux placés à l’entrée de la gare, remplie de voyageurs, précise le communiqué.
Les fenêtres ont été soufflées aux deux premiers niveaux de la gare, et de nombreuses ambulances se trouvaient devant l’entrée principale de ce bâtiment de briques grises, au milieu de débris et de la neige, selon des images diffusées par la télévision publique russe. « Cela a été une explosion très puissante (…). C’était très effrayant », a déclaré Valentina Petritchenko, vendeuse dans une boutique de la gare, à la chaîne de télévision russe Vesti 24. La puissance de l’engin explosif était d’environ dix kilos d’équivalent TNT, selon les enquêteurs. Au moins « 14 personnes dont un policier ont été tuées et 34 autres, parmi lesquelles un enfant de neuf ans, ont été blessées » dans l’attentat, selon le comité d’enquête. Le ministère de la Santé a de son côté évoqué plus de 50 blessés.
Le président russe Vladimir Poutine a exprimé ses condoléances aux proches des victimes et a chargé les services compétents d' »apporter une assistance complète à tous les blessés », est-il écrit dans un communiqué du Kremlin. V.V. Poutine a en outre ordonné de « prendre toutes les mesures nécessaires pour établir les causes et les circonstances de l’attentat, trouver et déférer à la justice ceux qui en sont responsables », a déclaré son porte-parole, Dmitri Peskov, à l’agence de presse Interfax. Le ministère de l’Intérieur a annoncé le renforcement des mesures de sécurité dans toutes les principales gares et principaux aéroports de Russie.
La femme qui s’est fait exploser à Volgograd serait une « veuve noire », Oksana Aslanova, dont la tête arrachée a été découverte sur les lieux de l’attentat, selon le site populaire Lifenews.ru. « Aslanova a été mariée deux fois à des rebelles. Ses deux époux ont été tués par les forces russes », affirme ce site spécialisé dans les scoops. Recherchée depuis juin 2012, Aslanova était amie d’une autre kamikaze qui avait tué six personnes à Volgograd en octobre en se faisant exploser dans un autobus rempli d’étudiants (Six morts et 37 blessés).
LES JEUX DE SOTCHI DANS LE COLLIMATEUR
Ce précédent attentat avait déjà soulevé des craintes quant à la sécurité des jeux Olympiques d’hiver de Sotchi (sud-ouest) qui s’ouvrent le 7 février. La station balnéaire de Sotchi, située entre les bords de la mer Noire et les montagnes du Caucase, à 690 kilomètres au sud-ouest de Volgograd, se trouve à proximité des régions caucasiennes régulièrement secouées par des violences, notamment le Daguestan.
Vladimir Poutine a érigé ces jeux en priorité nationale et compte en faire une vitrine de la Russie. D’énormes moyens ont été investis dans des travaux tous azimuts à Sotchi, ville auparavant quasi-vierge d’infrastructures sportives. La facture globale fait de ces JO les jeux les plus chers de l’histoire olympique – hiver et été confondus – avec quelque 50 milliards de dollars (36 milliards d’euros).
Le chef des islamistes du Caucase russe Dokou Oumarov, ennemi numéro un du Kremlin, avait appelé en juillet dans une vidéo à des attaques contre les JO de Sotchi (sud), qui s’ouvrent le 7 février, pour empêcher « par tous les moyens » la tenue de cet événement. Oumarov a à maintes reprises déclaré qu’il voulait porter le terrorisme partout en Russie. Ils ont menacé Sotchi, mais pas seulement ». « Nous vivons avec la menace terroriste et cette attaque nous le rappelle », affirme un expert russe.
II : L’ATTENTAT DE VOLGOGRAD DANS SA PERSPECTIVE GEOPOLITIQUE
Depuis 1999, la Russie a été frappée par une série de sanglants attentats, plusieurs d’entre eux ayant été commis par des femmes kamikazes, surnommées les « veuves noires » et armes privilégiées de la rébellion islamiste. Une femme a ainsi perpétré le double attentat suicide en mars 2010 dans le métro de Moscou qui a fait 40 morts. En 2004, deux femmes originaires du Caucase du Nord avaient fait exploser deux avions de ligne qui venaient de décoller de l’aéroport de Moscou-Domodedovo, tuant 90 personnes.
LES ISLAMISTES, UN PION OCCIDENTAL DANS LE ‘GRAND JEU’ CAUCASIEN
L’agitation islamiste dans le Caucase est une vieille affaire. Elle a commencé dès les Années 30 et a été organisée par le IIIe Reich et le Parti nazi allemand pour déstabiliser l’URSS. Elle a alors culminé lors de la seconde guerre mondiale en 1941-44 qui a même vu de nombreux musulmans ‘soviétiques’ combattre avec les Nazis, y compris dans la Waffen SS. Parmi les collaborateurs des nazis les Frères musulmans, organisé en réseaux par les nazis, depuis leur centrale islamiste de Munich (et qui est toujours en activité).
En 1945, les réseaux musulmans sont repris en mains par les Américains et engagés dans la guerre froide contre l’URSS. La fin de celle-ci ne marque pas la fin mais un nouveau départ. Car les géopoliticiens US, dont Brezinski, l’auteur du « Grand Echiquier », ont repris le programme géopolitique du théoricien nazi Rosenberg et leur but final est l’éclatement de la Fédération de Russie. Le Caucase russe, ventre mou de la Russie, est l’un des fronts privilégiés de cette guerre sourde. Les deux guerres de Tchétchénie – 1994 et 1999 (gagnée par Moscou) -, l’agitation au Dagestan en sont les manifestations.
Derrière les ennemis de la Russie : USA, NATO, Saoudiens qui ont pris en mains les djihadistes du Caucase. Vilnius en Lituanie, au régime farouchement anti-russe, membre de l’OTAN, abrite leurs moyens de communication sur le Net. Quand à la Géorgie, ses services secrets ont offert sous la régime Saakhasvili réseaux, filières …
L’arrière-plan géopolitique est celui du « Grand Jeu », entre Russes et anglo-saxons (Britanniques puis Américains) pour la domination du Caucase et de l’Eurasie. « Le conflit entre forces russes et combattants tchétchènes ne date pas d’hier, précise Le Monde des Religions. En fait, à chaque fois que le pouvoir central, – l’empire tsariste puis l’Union soviétique avant sa chute en 1991- a fait mine de vaciller, les Tchétchènes ont cherché à s’émanciper et à conquérir leur indépendance. La guerre du Caucase au XIXe siècle, les déportations en 1944 (ndla : les Tchétchènes avaient largement collaboré avec les nazis) et enfin les deux guerres de Tchétchénie (1994-1996 et 1999-2000) pèsent encore très lourd dans les mémoires ».
LA MENACE ISLAMISTE EN RUSSIE : L’’EMIRAT DU CAUCASE’
Après la première guerre de Tchétchénie (1994-1996), la rébellion s’est rapidement islamisée – sous l’impulsion des Américains et des Saoudiens, ce qu’oublient toujours de préciser les analystes occidentaux qui dominent dans les médias de l’OTAN (comme la belge Aude Merlin, violemment anti-russe) – et a de plus en plus débordé hors des frontières de cette petite république pour se transformer au milieu des années 2000 en un mouvement islamiste armé actif dans tout le Caucase du Nord.
Le mouvement séparatiste est devenu à la fin des Années 90 un des fronts de l’islamisme radical. « La composante religieuse n’a pas toujours eu le poids qu’elle possède aujourd’hui », commente Le Monde des Religions (…) La venue de prédicateurs étrangers pendant l’entre-deux guerre (…) ont radicalisé une partie de la résistance, et la coloration islamiste est devenue de plus en plus visible dès la deuxième guerre. Cependant, même chez les groupes salafistes les plus durs comme celui de Bassaïev (à l’origine de la prise d’otage à Beslan en 2004), il faut souligner que les revendications demeuraient politiques et avant tout anticoloniales. L’islam était un vecteur, mais les aspirations restaient principalement indépendantistes. La rhétorique d’un jihad mondialisé, le combat transnational contre les infidèles et les revendications d’un émirat islamiste ne sont apparus qu’après la mort de l’ancien président tchétchène Aslan Maskhadov en 2005 puis celle du combattant indépendiste, Chamil Bassaïev, en 2006. C’est, en effet, avec Dokou Oumarov qu’un islamisme extrêmement dur et violent s’est installé dans la région. Le combat n’a plus visé désormais la seule indépendance de la Tchétchénie, mais plutôt la création d’un État islamiste regroupant toutes les régions du Caucase du Nord et fondé sur un islam rigoriste et intransigeant ».
La rébellion islamiste cherche donc à établir un Etat islamiste dans le Caucase du Nord, et son chef, Dokou Oumarov, ennemi numéro un du Kremlin, avait appelé en juillet dans une vidéo à des attaques contre les JO de Sotchi, pour empêcher « par tous les moyens » le déroulement de cet événement.
Issu des rangs des rebelles tchétchènes, Dokou Oumarov, « figure de l’islam salafiste caucasien » selon Le Monde des Religions, est considéré comme l’ennemi numéro un de l’Etat russe et s’est autoproclamé en 2007 à la tête d’un « Emirat du Caucase ». Il a appelé au jihad en Russie et revendiqué l’attentat suicide à l’aéroport Moscou-Domodedovo qui avait fait 37 morts le 24 janvier 2011 et d’autres opérations meurtrières, parmi lesquels deux attentats suicide qui avaient fait 40 morts le 29 mars 2010 dans le métro de Moscou.
DE LA GUERRE EN SYRIE A LA REPRISE DU TERRORISME EN RUSSIE
La guerre d’agression contre la Syrie est en partie une projection du conflit du Caucase russe. Les djihadistes caucasiens y combattent dans une grosse katiba de l’ « Emirat Islamique du Caqucase ». Et les ennemis de Damas entendent bien exporter le conflit en Russie pour punir Moscou. Des sources diplomatiques évoquent même en coulisse des menaces directes du prince saoudien Bandar Sultan, patron des services spéciaux de Riad et véritable dirigeant des terroristes islamistes et des djihadistes en Syrie, sur les JO de Sotchi …
Cet attentat, comme celui d’octobre dernier, tous deux à Volgograd, la grande ville du Sud russe, est sans aucun doute un avertissement à Poutine sur la Syrie de Bandar Sultan, dont le voyage à Moscou en septembre, s’est mal déroulé. Mais connaissant le maître du Kremlin, il s’agit vraiment d’une faute qui ne restera pas sans réponse …
« Le chef du renseignement saoudien avait promis de mener la vie dure à Poutine, s’il n’acceptait pas de renoncer à la fois à Assad et à la Syrie (…) Au cours de cette rencontre avec Poutine, Bandar Sultan aurait menacé le président russe de mettre en péril la sécurité des JO de Sotchi ». le chef du renseignement saoudien a toutes les raisons du monde de se faire rappeler à la bonne mémoire de Poutine qui lui aurait rétorqué : « nous allons briser les reins à vos terroristes s’ils se mettent les pieds à Sotchi ».
Luc MICHEL
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Doku Umarov, leader de l’Emirat Islamique du Caucase.
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