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De l’OTAN à l’UE, quelle place occupe la Russie dans le jeu de Macron ?


Russie politics – Billet interrogatif
Karine Bechet-Golovko

Mardi 3 décembre 2019

Les circonvolutions de Macron, ces derniers temps, autour de la Russie laissent songeur. Cette impression désagréable se renforce lorsque l’on prête attention au décalage croissant entre les paroles et les actes : si la Russie ne doit plus être l’ennemie (dans le cadre de l’OTAN), le moratoire proposé par le Président Poutine sur les missiles de courte et moyenne portée en Europe a été repoussé par le Président français. Même s’il en avait la volonté politique, ce qui est loin d’être évident, Macron n’aurait de toute manière pas les moyens de ses volontés, comme le lui rappelle gentillement et fermement Stoltenberg, faisant la leçon avec indulgence à un enfant capricieux – et prétentieux.

La position de Macron face à l’OTAN a fait couler beaucoup d’encre, certains ont même voulu y voir un sursaut de défense de l’intérêt national, ce qui serait assez surprenant au regard des décisions présidentielles continuellement orientées dans le sens d’une plus grande dilution de la France dans la globalisation. L’OTAN serait alors le seul endroit où le Président français se rappellerait être non seulement Président, donc devant gouverner, mais aussi de la France ? La saison est propice aux voeux de Noel, mais Stoltenberg n’a pas eu envie de jouer ce rôle.

La position déclarée de Macron est à son habitude à deux niveaux : la Russie n’est pas l’ennemi, l’OTAN doit lutter contre le terrorisme (déclaration absolument exacte); la France refuse le moratoire proposé par le Président russe suite à la dénonciation du traité INF par les Etats-Unis.

Surprenant ? Non.

Sur le mode du discours, Macron adapte ses paroles en fonction des besoins du moment. Maintenant, la Russie n’est pas l’ennemi, mais en 2017, il déclarait quasiment l’inverse (voir la vidéo ici), rappelant « l’annexion » de la Crimée par la Russie, la manière dont les régimes « autoritaires » comme la Russie se jouent de la démocratie occidentale, rappelant le danger du réarmement d’un pays aussi agressif que la Russie.

Deux remarques ici. Tout d’abord, Macron écarte la proposition de Poutine, car la décision doit être prise par tous les pays européens. Autrement dit, il n’a pas les moyens politiques de mettre en œuvre ses déclarations, même s’il en avait envie. Ensuite, Stoltenberg le remet fermement en place lors de sa visite à Paris, ramenant les déclarations assez infantiles – dans la forme – de Macron sur l’OTAN et sa vantardise à avoir « réveillé » l’Organisation à leur juste place:

« On agit dans l’OTAN sur la base d’analyses politiques, on fait ça tous les jours », a tempéré le secrétaire général dans un entretien accordé au Monde. « Nous y avons réussi, puisque, depuis l’annexion illégale de la Crimée en 2014, nous sommes arrivés au plus important renforcement de l’OTAN depuis des décennies. »

Autrement dit, Stoltenberg rappelle à Macron que l’Organisation ne fonctionne pas en fonction des sautes d’humeur de chacun, mais sur la base d’un travail de réflexion constant. Sur le fond, l’on peut toutefois s’interroger sur l’efficacité des « analyses politiques » qui, vue la trajectoire antirusse profonde de l’institution, semblent plus être des justifications construites d’une position idéologique inchangée depuis la Guerre froide. Et Stoltenberg d’enfoncer le clou:

« Le dialogue avec la Russie doit se faire « d’une seule voix » parmi les alliés »

Autrement dit, la marge de manoeuvre de Macron, en la matière, est nulle. Alors pourquoi a-t-il fait ces déclarations en demi-teinte, laissant sous-entendre un possible rapprochement avec la Russie ?

Macron est dans l’espace européen l’image et le héraut de la globalisation et du financisme. Or, leurs partisans sont très affaiblis dans un nombre croissant de pays. En Allemagne, la politique de Merkel est fortement contestée et l’économie allemande plombée. En Italie, pour maintenir le cap idéologique, un gouvernement politiquement minoritaire à l’intérieur du pays, mais défendant les dogmes sacrés, a été mis en place, les élections étant toujours attendues … et craintes. En Espagne, les difficultés politiques s’enchaînent à force de défendre à tour de bras les intérêts de l’UE, la Grande-Bretagne a osé penser le Brexit et la communauté globaliste en frémit encore, les mouvements sociaux flambent dans la plupart des pays où le néolibéralisme domine. Le système est objectivement en échec dans un cadre plus ou moins démocratique, mais tient encore les rênes du pouvoir et hésite à passer le pas de l’autoritarisme dur.

Or, la remise en cause de cet atlantisme primaire, qui est servi par le globalisme (un système global n’ayant pas définition qu’un seul centre politique), passe automatiquement par la redéfinition d’un discours avec la Russie, défendant un globalisme économique teinté de multilatéralisme politique – système dont la faisabilité est par ailleurs largement discutable.

En ce sens, soit Macron utilise la carte russe aujourd’hui dans son jeu (si l’on part du principe qu’il est un acteur et qu’il a un jeu) pour tenter de prendre la direction politique de l’Europe, face à une Merkel affaiblie mais encore largement combattante; soit il est lancé en double teinte pour mettre en oeuvre l’adage bien connu selon lequel tu prends le contrôle de ce que tu ne peux détruire par le clan globaliste. Mais non pas pour le réaliser, au contraire, pour l’affaiblir et le vider de sa substance, afin de réduire le danger présenté par le non-alignement politique de la Russie.

Dans ce jeu, Macron se sert des deux niveaux aujourd’hui de représentation du pouvoir (la communication) et d’exercice du pouvoir, là où en revanche, il est objectivement très faible. A la fois personnellement, car bénéficiant d’un capital confiance très faible chez ceux qu’il veut convaincre de son soi-disant tournant stratégique (bien que situatif). A la fois, car à force d’avoir vidé la France de sa souveraineté, la capacité de décision de son Président, quel qu’il soit, est de plus en plus réduite. Ce qui tendrait à dire qu’il n’est pas acteur.

C’est donc bien, après le rappel à l’ordre de Stoltenberg, un Macron, représentant les intérêts de l’atlantisme qui recevra le Président russe ce 9 décembre. D’où cette déclaration de Macron lors de la conférence de presse avec Stoltenberg, d’une exigence d’un dialogue « lucide, robuste et exigeant » avec la Russie, qui ne signifie strictement rien, n’oblige en rien et laisse à chacun le loisir d’en fantasmer le contenu en fonction de ses attentes.

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Source : Russie Politics
http://russiepolitics.blogspot.fr/.

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