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Deux types de diplomatie publique en Asie centrale: la Turquie et la Chine


France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.

Publié par Gilles Munier sur 22 Août 2018,
Catégories : #Turquie, #Chine, #Russie, #Poutine, #Erdogan

Par le Dr. Cemil Dogac Ipek (revue de presse TRT en français – 21/8/18)*

La diplomatie publique est un instrument de politique extérieure important dans la région d’Asie centrale.

La Chine perçoit l’Asie centrale comme un de ses champs d’action historiques. L’Asie centrale est également importante du point de vue des politiques de sécurité de la Chine dont l’économie mais aussi le besoin énergétique ne cessent de croître (en raison de ses frontières avec la région autonome ouïgoure à l’ouest du pays). La Chine et la Russie semblent avoir une politique commune sur l’Asie centrale dans le cadre de l’Organisation de la coopération de Shanghai. Toutefois, il existe une réelle lutte de souveraineté économique entre les deux pays.

La politique générale de la Turquie concernant cette région, est axée sur le soutien apporté à l’existence des pays de la région en tant qu’Etats indépendants, dotés d’une stabilité politique et économique, coopérant entre eux et avec leurs voisins, intégrés à la communauté internationale et ayant adopté des valeurs démocratiques. Avec cette politique, la Turquie est devenue un partenaire important des pays de la région. Les activités de diplomatie publique de Turquie pour cette région, se focalisent sur des aides dans le domaine de la culture, de l’enseignement, des médias et du développement. Dans ce cadre, une des premières démarches a été la fondation de l’Organisation internationale de la Culture turque TURKSOY en 1993. La Turquie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan sont les pays membres de TURKSOY, tandis que la République turque de Chypre du Nord, 6 républiques autonomes affiliées à la Fédération russe ainsi que la République autonome Gagaouze affiliée à la Moldavie sont les pays observateurs.

La Chine tente d’instaurer un soft power dans la région. Quant aux instruments politiques qu’elle utilise pour protéger ses intérêts en Asie centrale, ce sont l’Organisation de Coopération de Shanghai, les exercices militaires, les luttes antiterroristes conjointes, les zones de commerces frontalières, la zone de libre-échange d’Asie centrale et la nouvelle Route de la Soie. Les gazoducs construits par les Chinois soutiennent l’intégration régionale de l’Asie centrale et ne constituent aucune menace directe contre la souveraineté des Etats ici. Grâce aux oléoducs et gazoducs chinois, le Kazakhstan et le Turkménistan sont moins dépendants à la Russie. La Chine devrait être le plus gros client de la région d’Asie centrale en matière de pétrole et gaz naturel à compter de 2020. La raffinerie pétrolière fondée au Kirghizistan avec le financement chinois devrait briser le monopole de la Russie en termes de carburant.

Les principales institutions de la Chine qui, en matière de diplomatie publique, adopte une approche focalisée sur la propagande, sont l’Office d’informations auprès du conseil d’Etat et HANBAN (Conseil international de la langue chinoise). HANBAN œuvre en tant que principal centre des Instituts Confucius. Ces centres mènent leurs activités d’enseignement du chinois et de présentation de la culture chinoise dans les lieux où ils se trouvent, tout en distribuant des bourses pour attirer des étudiants en Chine. Avec les programmes d’échange d’étudiants et les bourses, plus de 150.000 étudiants étrangers dont 75% originaires d’Asie, viennent suivre leurs études en Chine. Les diplomates étrangers reçoivent une formation de 3 mois dans le pays depuis l’ouverture de l’Université des Affaires étrangères. L’objectif est de constituer une image positive de la Chine aux yeux des décideurs politiques de l’avenir.

Accordant une grande importance à l’enseignement dans ses relations avec cette région, la Turquie accueille des milliers d’étudiants des Républiques turques depuis 1992. L’Institut Yunus Emre qui est devenu un des principaux instruments de diplomatie publique de la Turquie, mène ses activités dans la région par le biais des centres d’Astana et Bakou. Divers établissements d’enseignement affiliés au ministère turc de l’Éducation nationale sont présents dans la région. En outre, l’université turco-kirghize Manas a entamé ses activités à Bichkek en 1997. De même, l’université Ahmet Yesevi, première université commune du monde turcophone, mène ses activités d’enseignement et de recherches depuis le campus au Kazakhstan.

Les démarches de la Chine visant à faire pression sur les Ouïghours vivant dans la Région autonome ouïgoure, sont fréquemment traitées par les médias internationaux. Par ailleurs, la Chine tente d’approfondir les différences ethniques en accordant des privilèges aux minorités kazakhes et kirghizes qui habitent dans cette région. Les étudiants majoritairement originaires d’Asie centrale qui sont invités en Chine avec divers programmes de bourses, sont inscrits surtout dans les universités de la Région autonome ouïgoure. Avec ces politiques, la Chine tente d’une part de minimiser l’identité ouïgoure, et de l’autre, constituer une base pour le projet de la Route de la Soie en assurant son intégration économique avec l’Asie centrale. Le site internet Tangri Tagh/Tian-Shan fondé par l’Office de propagande de la Région autonome ouïgoure de Xinjiang pour faire la propagande de la Chine, publie des articles en turc, russe et ouïghour.

De son côté, l’Agence turque de coopération et de développement TIKA mène plusieurs projets dans le domaine de l’enseignement, la santé, le tourisme, les affaires forestières, l’agriculture et l’élevage au Kazakhstan, au Kirghizistan, en Ouzbékistan et au Turkménistan. TRT Avaz qui poursuit ses émissions télévisées depuis le 21 mars 2009 et qui vise à devenir la voix commune du monde turcophone, est un des principaux investissements de la Turquie pour cette région. Les émissions radios et les sites internet du Département des émissions vers l’étranger de la TRT en différents dialectes turcs (azerbaïdjanais, kazakh, kirghize, turkmène, ouzbèke, tatar et ouïghour) constituent également d’importants instruments de diplomatie publique dans ce domaine.

En ouvrant 15 centres Confucius au Kirghizistan, 4 au Kazakhstan, 2 en Ouzbékistan et 1 au Tadjikistan, ainsi qu’avec les émissions de la Radio internationale chinoise CRI en différentes langues, la Chine cherche à influencer la région.

Lorsque nous comparons la République populaire de Chine et la République de Turquie, nous remarquons que la Chine mène une diplomatie publique en Asie centrale avec les moyens étatiques directs, alors que la Turquie opte pour un modèle qui lui est propre et qui puisse sa force de sa propre tradition historique.

Le Dr. Cemil Dogac Ipek est chercheur en Relations internationales à l’université Ataturk.

*Source : TRT en français

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