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Donald Trump à Haïdar al-Abadi, Premier ministre irakien: « Alors, qu’est-ce qu’on fait à propos du pétrole? »


France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.


Publié par Gilles Munier sur 29 Novembre 2018, 08:19am

Catégories : #trump, #irak, #petrole

Haïdar al-Ababi reçu par Trump à la Maison-Blanche (mars 2017)

+ Commentaire de Gilles Munier: Un « butin » et des « bâtards »…**

Par Jonathan Swan et Alayna Treene (revue de presse: Axios -25/11/18)*

A deux reprises, le président Trump a abordé avec le premier ministre irakien la question du remboursement des États-Unis pour ses guerres avec du pétrole irakien, une requête hautement controversée qui ne respecte pas les normes ni la logique internationales, selon des sources qui ont un accès direct à cette information.

Trump aurait finalement abandonné sa demande, mais jusqu’à présent le fait qu’il l’ait demandé par deux fois au premier ministre irakien et abordé séparément lors d’une « réunion de crise » avec son équipe en charge de la sécurité nationale n’a jamais été rapportée.

En mars de l’année dernière, à la fin d’une réunion à la Maison-Blanche avec le Premier ministre irakien Haïdar al-Abadi, Trump a proposé de prendre le pétrole irakien pour se repayer des frais de guerres déboursés par les États-Unis.

“ C’était une réunion de routine, sans heurts », a déclaré à Axios la source qui y avait participé. « Et là, à la fin de la réunion, Trump déclare en décrochant un demi-sourire quelque chose du genre : « Alors qu’est-ce qu’on va faire avec le pétrole ? »

Entre les lignes : Vers la fin de sa campagne, Trump s’était plaint que les États-Unis avaient dépensé des millions de milliards en Irak et perdu des milliers d’hommes mais n’avaient rien reçu en retour. Il a rappelé qu’en temps de guerre normalement « le gagnant remporte le butin », et n’a cessé de répéter que les États-Unis auraient dû s’emparer des champs de pétrole afin de se rembourser des coûts énormes de la guerre.

Les représentants de la sécurité nationale des deux partis ont réfuté l’idée de Trump, la traitant de scandaleuse et impossible à mettre en place- une violation des lois internationales qui ne ferait qu’ajouter de l’eau au moulin des ennemis des États-Unis.

Pendant la réunion de mars, le Premier ministre irakien aurait répondu : «que voulez-vous dire ? », d’après la source qui se trouvait présente. Et Trump d’ajouter : « Ben, nous avons fait beaucoup, nous avons fait beaucoup là-bas, nous avons dépensé des milliards là-bas, et beaucoup de gens parlent de ce pétrole ».

Al-Abadi était venu bien préparé, a déclaré la source, et a répondu quelque chose comme « Et bien, vous savez Monsieur le Président, nous travaillons étroitement avec de nombreuses entreprises américaines et beaucoup de compagnies énergétiques américaines ont des intérêts dans notre pays ». Il souriait. Et le président a simplement donné une petite tape sur la table comme pour dire « Je devais poser la question ».

« Je me rappelle d’avoir pensé : « Whaou, il l’a vraiment dit. Il n’a pas pu s’en empêcher » a déclaré la source.
Une deuxième source qui était aussi dans la pièce a confirmé ces dires. « c’était un moment inconfortable, du type regarde ailleurs et refait tes nœuds de chaussure sous la table ».
Une troisième source, qui a été mise au courant de la conversation entre Trump et Al-Abadi, a dit que cet échange avait été discuté au Conseil National de Sécurité. « C’était au début de la nouvelle administration et nous cherchions tous nos marques, cette histoire était comme un cauchemar …. il va vraiment le faire.».

Pourquoi cela est important: Les velléités de Trump de mettre la main sur le pétrole irakien sont illégales et impossibles à mettre en place. Mais cela explique son approche du Moyen-Orient. Trump cherche coûte que coûte à obtenir un remboursement des pays du Moyen-Orient sous forme de ressources naturelles en compensation des milliards de dollars que les États-Unis ont dépensé depuis le début des années 2000. Bob Woodward et d’autres ont écrit sur les mesures officielles prises par Trump pour pousser son équipe à extraire des minéraux rares en Afghanistan pour compenser les dépenses américaines (des considérations sécuritaires ont fini par avoir raison de ces efforts même si les leaders afghans étaient plus réceptifs que les leaders irakiens).

L’équipe de Trump en charge de la sécurité nationale a largement rejeté ou ignoré ces désirs de piller les ressources naturelles du Moyen-Orient. Le président a de nouveau soulevé la question du pétrole avec Al-Abadi lors d’une conversation téléphonique pendant l’été 2017. La conversation est restée vague et n’a abouti à rien mais H.R. McMaster s’en est pris à Trump après, selon une source ayant eu un accès direct à l’information.

Dans le souvenir de la source, l’ex-conseiller de la sécurité nationale aurait dit à Trump : « nous ne pouvons faire cela et vous ne devriez pas en parler. Parce que le simple fait d’en parler n’est pas bon. Ce n’est pas bon pour la réputation des États-Unis, ça va effrayer nos alliés et les autres, et on ressemble à – je ne me rappelle pas s’il a utilisé des mots aussi forts – des criminels et des voleurs, mais c’était le message qu’il essayait de faire passer».

« Vous ne pourrez pas le faire de toutes façons, et vous ferez du tort à notre réputation et à votre propre réputation juste en en parlant ».

Trump n’aurait pas apprécié, a dit la source. « C’était frustrant de voir qu’il a essayé de faire faire des choses à ses conseillers et que ceux-ci les repoussaient ».

Au bout du compte : Ce n’est pas un évènement unique. Deux sources ont décrit avoir participé à des réunions de crise en 2017 avec Trump, le secrétaire de la Défense Mattis et les représentants de la sécurité nationale pour débattre sur l’Irak. Les deux ont rapporté que Trump aurait soulevé l’idée de prendre le contrôle du pétrole irakien et Mattis l’aurait rejetée.

« Trump disait : « nous sommes des imbéciles », se rappelle une des sources qui a participé à la réunion. Trump ajoutait : « qu’est-ce qu’on fait là-bas ? Que ce que cela nous rapporte ? Pourquoi on ne prendrait pas le pétrole ? …. Et Mattis a pris la parole. Il a mis en avant les mêmes arguments que H.R. Il n’y a pas de moyen matériel pour le faire, ce serait une violation des lois internationales et démoralisant pour nos alliés dans la région et cela donnerait un argument de plus à la propagande de nos ennemis-ils pourraient ainsi nous accuser de vol ».

Lorsqu’on l’a questionnée sur le sujet, la porte-parole du Pentagone Dana White a répondu : «nous ne discutons pas des délibérations internes et les conseils du secrétaire au président sont confidentiels ». Le porte-parole du Conseil National de Sécurité a lui déclaré : « nous ne faisons pas de commentaires sur les conversations du président avec des dignitaires étrangers ».

Le porte-parole a ajouté : « nous avons depuis longtemps cherché à aider l’Irak à devenir indépendante énergétiquement et nous continuerons dans ce sens. Nous sommes encouragés par les développements récents et nous croyons que le pays peut satisfaire ses propres besoins énergétiques, cesser ses importations d’électricité et augmenter sa production de pétrole afin d’obtenir une source de revenu stable pour reconstruire le pays après la défaite de l’Etat Islamique et poser les bases de l’Irak de demain. Les États-Unis se réjouissent de travailler avec les gouvernement et le peuple irakien afin de rendre cela possible ».

*Source : axios.com

Traduction et Synthèse : Z.E pour France-Irak-Actualité

**Commentaire: Un « butin » et des « bâtards »…

Donald Trump ne comprend pas que les États-Unis, ayant «dépensé des millions de milliards de dollars et perdu des milliers d’hommes » pour renverser Saddam Hussein et occuper l’Irak n’ont pas mis la main « le butin » : les puits de pétrole.

Dans le best seller « Fear : Trump in the White House », qui vient de paraitre en français, le journaliste Bob Woodward a rapporté les propos tenus par Donald Trump à ses collaborateurs, en mars 2017, après avoir reçu le Premier ministre irakien Haïdar al-Abadi. Il leur décrivait les responsables irakiens comme «le groupe de voleurs le plus accompli [qu’il ait] jamais rencontré ».

Trump n’avait pas tort si l’on se place du point de vue de la majorité des Irakiens. Mais, ce n’est pas ce qu’il voulait dire. Dans son esprit, c’était plutôt : «On a mis ces bâtards au pouvoir et ils nous ont volé le pétrole qui nous revenait »…

En fait, l’armée US n’a pas gagné la guerre d’Irak. Elle a détruit le pays et a du le quitter en catastrophe, incapable de neutraliser la résistance qui la harcelait. Qui plus est: aujourd’hui, le Parlement irakien et les Hachd al-Chaabi réclament le départ des troupes étrangères encore présentes, et notamment celui des « conseillers militaires » américains.

Le pétrole irakien est en grande partie entre les mains de compagnies chinoises. Mais, alors que l’Irak a triplé sa production d’il y a 15 ans, la majorité des Irakiens n’a toujours pas accès à l’eau potable, à l’électricité et à des soins médicaux normaux.

Le nouveau Premier ministre irakien, Adel Abdel Mahdi, qui se targue de lutter contre la corruption, pourrait bloquer les versements aux « bâtards » qui détournent une grande parties des 7 milliards de $ perçus actuellement, tous les mois, par le ministère du pétrole.

Abdel Mahdi est bien placé pour les connaître puisqu’il a été ministre du Pétrole!

Gilles Munier

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