Emmanuel Macron en Irak : une visite sous le feu des critiques
septembre 7, 2021
Publié par Gilles Munier sur 7 Septembre 2021, 08:10am
Catégories : #Irak, #Mossoul, #Macron
Visite du président français dans l’église Notre-Dame-de-l’Heure
Revue de presse: fsspx.news (6/9/21)*
Le chef de file de l’Eglise catholique de rite chaldéen en Irak vient de livrer un constat cinglant sur la visite du président français dans son pays, effectuée au moment même où les Occidentaux quittaient l’Afghanistan dans la plus grande des précipitations.
Mgr Louis-Raphaël Sako, patriarche de l’Eglise catholique de rite chaldéen, ne pratique pas la langue de buis sur la visite effectuée par le chef de l’Etat français sur le sol irakien, les 28 et 29 août 2021.
Avant de visiter les communautés chrétiennes de Bagdad et de la plaine de Ninive, ainsi que les Chiites de Mossoul, Emmanuel Macron s’est entretenu avec le premier ministre irakien, Mustafa Al-Kadhimi.
Puis il a participé à la « conférence des voisins de l’Irak », organisée par Bagdad en partenariat avec Paris, afin d’ouvrir un forum de dialogue et de coopération entre les pays de la région, y compris l’Arabie saoudite et l’Iran, deux rivaux de longue date réunis pour l’occasion.
A chacune de ses interventions, le chef de l’Etat français s’est employé à rassurer les dirigeants irakiens, alors que l’incertitude grandit sur l’engagement des Etats-Unis dans cette vaste région.
« Le sommet international qui s’est tenu à Bagdad avec la participation du Président français a été un événement important. (…) Mais d’autres moments de la visite de M. Macron, notamment son déplacement à Mossoul, ont été marqués par des gestes et des propos qui, pour beaucoup d’Irakiens, paraissent inadaptés, et risquent d’alimenter les malentendus », estime le chef de file de l’Eglise chaldéenne, rompant avec le concert de louanges officiel ayant accompagné cet évènement.
Le cardinal Sako reproche tout d’abord une visite en forme de « cliché » : celui d’un chef d’Etat occidental qui voudrait tenter de résoudre les conflits dans un Moyen-Orient si complexe.
« Nous avons vu de nombreux Occidentaux, politiques ou militaires, en “mission” au Moyen-Orient, de nombreuses promesses d’aide, qui restent des mots vides, ou pire. Pensons à l’Afghanistan. Pensons aux nombreuses promesses faites récemment au Liban, qui continue de lutter dans une crise très grave. La réalité est que les pays occidentaux ne peuvent rien faire », juge le haut prélat.
Et de poursuivre : « l’erreur d’attendre de l’Occident le salut et la solution des problèmes – celle d’un Occident qui défendrait les chrétiens d’Orient – a eu des effets dévastateurs », estime Mgr Sako, pour qui les communautés chrétiennes ont été les premières à payer les pots cassés. Qu’on se souvienne du lâchage en règle du Liban sous le premier septennat de François Mitterrand !
La visite du président français à Mossoul n’a pas non plus été de nature à rassurer le patriarche chaldéen. Dans cette ville martyre, le chef de l’Etat a tenu à visiter l’église latine Notre-Dame-de-l’Heure, desservie par les religieux dominicains.
« A cette occasion, précise le patriarche Sako, les interlocuteurs d’Emmanuel Macron étaient majoritairement européens, et même les évêques irakiens présents semblaient n’être que des invités », déplore-t-il, en évoquant l’atmosphère de « familiarité » qui régnait entre les Européens.
Selon le cardinal Sako ?« certains imams sunnites ont critiqué la visite d’Emmanuel Macron alors même qu’elle était encore en cours ». Une visite qui aurait contribué à mettre de l’huile sur le feu alors, qu’il s’agit avant tout de panser des plaies qui restent vives dans la région : « notre premier désir est de voir les chrétiens qui ont fui ces terres revenir et rester dans leurs maisons », ajoute-t-il.
Pour cela, « il est nécessaire de promouvoir la restauration d’un tissu de coexistence harmonieuse entre les différentes communautés ethniques et confessionnelles, celui qui caractérisait Mossoul dans le passé. A cet égard, la visite de Macron n’a pas aidé, c’était une occasion manquée ».
Et le patriarche chaldéen de conclure gravement : « la dernière chose pour les chrétiens ici est de mettre leur foi dans la politique occidentale ».
Un constat cinglant mais lucide qui amène aussi d’autres réflexions : l’actuel président français, probablement en quête de réélection, a besoin de rassembler un électorat catholique que la récente révision de loi de bioéthique aurait eu tendance à disperser.
Se poser en protecteur des chrétiens d’Irak ne coûte pas cher lorsqu’il s’agit de récupérer des suffrages dans l’Hexagone. Mais ce genre d’attitude est lourd de conséquences pour une minorité chrétienne persécutée par l’islam dans ce pays.
*Source : Fides – FSSPX.Actualités (Illustration : Abaca Press / Alamy Banque d’Images)