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En Syrie, la guérilla kurde est prête à résister à toutes les attaques


Leandro ALBANI

13 novembre 2013

Depuis un an, le Nord de la Syrie s’est transformé en laboratoire de politique et d’organisation. La direction est partagée au sein des combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui, en l’espace de quelques mois, ont été plus de 50 000 à s’installer dans cette région. L’objectif étant de défendre le pays contre l’intervention des puissances occidentales ainsi que de défendre l’autonomie du pays, déclarée par les Kurdes le 19 juillet 2012 au beau milieu d’un conflit à la fois interne et externe qui n’a cessé de s’accentuer depuis lors.

La guérilla déclare que l’idée d’une confédération kurde en Syrie a été acceptée par le gouvernement du président Bashar Al Assad ainsi que par l’Iran et la Russie. Actuellement, les villes du nord de la Syrie sont le théâtre d’affrontements violents entre les Unités de défense du peuple (YPG) rassemblant les guérilleros kurdes, les mercenaires et les membres du front Al-Nosra, filiale d’Al-Qaïda, ces deux derniers sont soutenus par les Etats-Unis, les puissances européennes et la Turquie.

En un peu moins de deux ans, le Kurdistan syrien a vu apparaître un système alternatif qui ne répond pas au nationalisme du gouvernement et qui s’aligne encore moins sur les mercenaires et les islamistes, défenseurs convaincus du néolibéralisme. L’idéologie du confédéralisme démocratique, théorisée par Abdullah Ocalan, parcourt la région kurde avec une ardeur sans précédent.

Bien que la douleur de la guerre soit toujours présente, la majorité des Kurdes vivant dans le nord de la Syrie (environ trois millions et demi) semblent disposés à résister aussi longtemps que cela sera nécessaire et ce, malgré l’apparition quotidienne d’obstacles.

Aux attaques de mercenaires et d’Al-Qaïda s’ajoute le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), dirigé par Masud Barzani, président de la région autonome d’Irak (PDK). Barzani a annoncé qu’il accueillerait les réfugiés vivant en Syrie, mais il a précisé qu’il ne permettrait pas aux Kurdes de se déplacer vers ce territoire. Les membres du PKK voient cette mesure comme une manière d’affaiblir la résistance du peuple de la région, composé de diverses minorités telles que les Arabes, les Assyriens et les Arméniens. La guérilla a en outre accusé le gouvernement de Barzani de maintenir un blocus solide ne permettant pas l’acheminement d’aliments et de médicaments vers la zone syrienne, accentuant ainsi la crise humanitaire.

Les membres de la guérilla sont parfaitement conscients des conséquences que pourrait avoir une attaque militaire dirigée par les Etats-Unis et ses alliés. Ils ont des décennies d’expérience en matière de combats contre l’armée turque, la deuxième plus grande du monde. Bien qu’une invasion américaine coûterait de nombreuses vies et ferait couler du sang, les guérilleros sont confiants et plus d’un combattant déclare qu’ils les attendent, qu’ils n’ont rien à perdre, mais bien tout à gagner.

Un laboratoire politique bouillonne dans le Nord de la Syrie

Le front de bataille

Le principal front de bataille du PKK se situe au Nord de la Syrie. Ces derniers mois, la capacité de mobilisation de la guérilla kurde a été largement prouvée. Disposant des montagnes de Kandil dans le Kurdistan irakien comme arrière-garde, le Nord de la Syrie est le théâtre quotidien d’affrontements contre les mercenaires et les membres du front Al-Nosra. Cette lutte, qui dérange les puissances occidentales, est passée sous silence en Amérique latine.

Pour se rendre compte de cette lutte, il faut regarder quelques-unes des quatre chaînes de télévision satellites et communautaires pour la région kurde. Les images se succèdent de manière frénétique :combats, bombes qui explosent, fusils qui crachent des balles continuellement, mercenaires qui manipulent des armes chimiques et se promènent dans des tanks de guerre. On peut également observer la population kurde en pleine organisation d’assemblées populaires, les guérilleros se joignant à la lutte, les enfants qui n’ont pas froid aux yeux en déclarant qu’il s’agit de leur terre et que la résistance totale sera le prix à payer pour la liberté.

Dans l’un des campements des montagnes de Kandil, là où la zone de communication de la guérilla fonctionne, Helin ( au front de la bataille depuis plusieurs mois) explique que « malgré la situation critique, les assemblées populaires et communes fonctionnent ». D’une voix ferme, elle précise que la guérilla n’a pas besoin du soutien de l’armée syrienne, qui a quitté la région il y a plusieurs mois. Elle illustre ses propos en expliquant que « les militaires syriens eux-mêmes demandent aux commandants kurdes de prendre soin de leurs familles qui vivent dans cette région ».

Une fois l’autonomie déclarée dans le Nord de la Syrie, le Conseil Suprême Kurde (CSK) a été créé ; il est constitué de 16 partis politiques, dont le principal étant le Parti de l’Union Démocratique (PUD), lié au PKK, et dirigé par Salih Muslim. Helin explique que beaucoup de ces partis sont en accord avec Barzani (PDK) et Celal Talabani, l’actuel président d’Irak, et qu’ils reçoivent le soutien d’un ou deux pour cent de la population, en plus de l’appui de la Turquie.

« Certaines nouvelles raffineries de pétrole sont sous notre contrôle, mais elles ne sont toujours pas opérationnelles. Leur production servira à alimenter la population. » déclare Helin. Parmi les réussites, signalons les cours au collège qui ne se donnent plus uniquement en arabe, mais également dans la langue kurde, interdite depuis un an.

Balkaniser le Moyen-Orient

Rengin Botan, commandante des Unités de défense du peuple (YPG) déclare que « l’Empire ne souhaite pas résoudre ce conflit, mais il cherche à faire durer cette guerre et à balkaniser la région ». Nous nous trouvons dans un autre camp de Kandil et tout le monde s’accorde à dire que Rengin, âgée d’à peine 37 ans, est une des principales dirigeantes de la guerre et que tout le monde obéit à ses ordres sans hésitation.

La commandante Rengin rappelle que le niveau de conscience des Kurdes vivant en Syrie est élevé, car durant 15 ans, Abdullah Ocalan, le dirigeant suprême du PKK, actuellement détenu en Turquie, s’est réfugié dans ce pays. « En Syrie règne une conscience politique très importante. Des communautés et des projets se sont créés depuis ce moment. Le niveau de conscience politique dans le Kurdistan syrien est très élevé. »

Depuis le début du conflit syrien, la guérilla a maintenu son indépendance et n’a pas opté pour un camp bien précis. Rengin explique : « A ce stade, nous nous demandons quels sont les projets pour le peuple kurde et les autres nationalités vivant en Syrie. Nous leur avons demandé à tous s’ils acceptaient un système confédéral, démocratique, où tous les peuples pauvres et opprimés peuvent vivre sur un même pied d’égalité. Le gouvernement syrien a accepté ces conditions et n’est pas entré en conflit armé avec nous. Le gouvernement Al-Assad fait à présent une autocritique permanente. Il y a un an, la majorité des Kurdes ne possédaient pas de citoyenneté, mais le gouvernement les légalisait déjà. Les mercenaires n’ont aucune proposition concrète ; au contraire, ils nous attaquent avec Al-Qaïda sur ordre de l’Empire. Puisque l’Empire ne veut pas de système confédéral et social, il envoie ces mercenaires pour nous mettre des bâtons dans les roues. » Rengin ajoute à la liste des obstacles le PDK, le parti de Barzani qui tente de créer un Etat-nation pour fragmenter davantage la région, une possibilité applaudie par les Etats-Unis et la Turquie.

Rengin révèle qu’au cours des dernières semaines, les groupes de mercenaires ont assassiné « des civils, des femmes et beaucoup d’enfants, qu’ils ont en outre violé sexuellement ».Ces faits, fait remarquer la commandante, font partie d’un plan élaboré par les Etats-Unis. « Il s’agit d’un affrontement entre deux courants :le confédéralisme démocratique et un autre qui souhaite balkaniser la région. » Malgré la situation actuelle, elle considère comme positif que le nord de la Syrie se soit transformé en « un laboratoire, car la lutte du Kurdistan syrien est primordiale, nous y concentrons notre énergie parce que c’est un exemple que peuvent suivre d’autres peuples du Kurdistan et du Moyen-Orient ».

Traduction : Collectif Investig’Action
Source : http://www.resumenlatinoamericano.org/?p=180

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