Entretien exclusif du Président Bachar al-Assad avec la Chaîne Russia Today
novembre 11, 2012
Le 9 Novembre 2012, la chaîne Russia Today a diffusé un entretien exclusif entre le Président de la Syrie, le Docteur Bachar al-Assad, et la journaliste Mme Sophie Shevardnadze. L’entretien a eu lieu à Damas. En voici le texte intégral. Mme Sophie Shevardnadze : Merci Monsieur le Président pour avoir accordé cet entretien à la chaîne « Russia Today ». M. le Président Al-Assad : Bienvenue à vous, à Damas. Q. Il y a un an, beaucoup étaient convaincus que vous ne tiendriez pas jusqu’ici. Et pourtant, nous nous trouvons aujourd’hui au palais présidentiel rénové et enregistrons cet entretien. Qui sont vos ennemis du moment ? R. Notre ennemi est le terrorisme et l’instabilité en Syrie. Là est notre ennemi. Ce n’est pas un problème de personne. Tout le problème ne peut se ramener à ce que je parte ou reste. Il s’agit de la sécurité ou de l’insécurité du pays. Tel est l’ennemi que nous combattons en Syrie. Q. Je suis ici depuis deux jours et j’ai donc eu l’occasion de m’entretenir avec quelques personnes à Damas. Certains disent que vous partiez ou que vous restiez n’a désormais plus d’importance. Qu’en pensez-vous ? R. Je pense que la question de savoir si le président doit rester ou partir revient au peuple, non à l’opinion de quelques uns. La seule chose à faire est de s’en remettre aux urnes électorales. Par conséquent, le problème ne dépend pas de ce que l’on entend dire mais des élections qui diront à n’importe quel candidat s’il doit rester ou s’en aller. Tout simplement. Q. Je crois que ce qu’ils entendent par là est que vous n’êtes plus la cible. C’est la Syrie qui est ciblée ! R. Je n’ai jamais été la cible. En tous cas, je ne suis pas le problème. L’Occident se crée des ennemis. Dans le passé, l’ennemi était le communisme, c’est devenu l’Islam, puis Saddam Hussein pour une autre raison. Maintenant, les Occidentaux veulent se créer un nouvel ennemi représenté par Bachar… C’est pourquoi ils disent que le problème est le président et que, par conséquent, il devrait s’en aller. C’est pourquoi nous devons nous concentrer sur le vrai problème et ne pas perdre notre temps à écouter ce qu’ils disent. Q. Croyez-vous toujours que vous êtes le seul homme capable de garantir l’unité de la Syrie, le seul homme capable de mettre fin à ce que le monde entier qualifie de « guerre civile » ? R. Nous devons considérer le problème sous deux aspects. Le premier est celui de la Constitution. C’est de la Constitution que je tiens mes prérogatives. Et conformément à la constitution et à ces prérogatives, je dois être en mesure de résoudre le problème. Mais si avez voulu dire qu’il n’y a pas un autre syrien qui pourrait devenir président, non, tout Syrien peut devenir président. Nous avons beaucoup de syriens éligibles pour cette fonction. Vous ne pouvez pas toujours relier tout le pays à une seule personne et de façon permanente. Q. Mais vous vous battez pour votre pays. Pensez-vous être l’homme qui peut mettre fin à ce conflit et ramener la paix ? R. Je dois être l’homme qui le peut et c’est ce que j’espère. Ceci dit il ne s’agit pas du pouvoir du président mais de la société dans son ensemble. Nous devons être précis sur ce point. Le président ne peut rien faire sans le concours des institutions et le soutien du peuple. Nous ne sommes dans la bataille du président. Chaque Syrien est désormais impliqué dans la défense de son pays ! Q. C’est vrai. Beaucoup de civils meurent aussi dans ces combats. Par conséquent, si vous deviez gagner cette guerre, comment vous réconcilierez-vous avec votre peuple après tout ce qui s’est passé ? R. Une fois de plus, restons précis. Le problème n’est pas entre moi et le peuple. Je n’ai aucun problème avec le peuple, mais les Etats-Unis sont contre moi, l’Occident est contre moi, nombre de pays arabes sont contre moi, et la Turquie qui n’est évidemment pas un pays arabe est contre moi. Si le peuple syrien était contre moi, comment serai-je encore là ?! Q. Le peuple n’est pas contre vous? R. Alors le monde entier, ou disons une grande partie de ce monde y inclus le peuple syrien, est contre moi ? Serais-je Superman ? Je suis un être humain. C’est illogique de dire que le peuple est contre moi. Il ne s’agit pas de me réconcilier avec le peuple, ni que les syriens se réconcilient entre eux. Nous ne sommes pas dans une guerre civile. Il s’agit de terrorisme et du soutien accordé aux terroristes à partir de l’étranger pour déstabiliser la Syrie. C’est cela notre guerre. Q. Vous ne croyez toujours pas qu’il s’agit d’une guerre civile ? Je vous pose cette question parce que je sais que beaucoup pensent qu’en Syrie existent des opérations terroristes indéniables et un conflit sectaire, à la fois. Pour exemple, nous avons tous entendu parler de cette mère dont l’un des fils se bat au côté de l’armée réglementaire tandis que l’autre se bat au côté de l’opposition, comment se pourrait-il qu’il ne s’agisse pas d’une guerre civile ? R. Il existe des divisions, mais les divisions ne signifient pas guerre civile. C’est totalement différent, les guerres civiles se fondant sur des problèmes d’origine ethnique ou confessionnelle. Des tensions entre ethnies ou communautés peuvent parfois survenir, mais ce ne sont pas des problèmes pour autant. Un désaccord au sein d’une famille, d’une tribu, ou d’une ville ne témoigne pas d’une guerre civile. C’est complément différent et c’est même normal. Nous devons nous y attendre. Q. Si j’ai parlé de votre réconciliation avec le peuple c’est parce que je vous ai entendu dire à maintes occasions que votre seul souci est ce que le peuple syrien pense de vous, ressent pour vous, et s’il souhaite ou non que vous soyez le président. Ne craignez-vous pas qu’en fin de compte, les Syriens finissent par se désintéresser de la vérité, et qu’ils se contentent de vous blâmer pour le carnage qu’ils ont subi ? R. C’est là une question hypothétique, parce que ce que le peuple pense est bon. Pour savoir ce qu’il pense, il nous faut donc le consulter. Je ne dispose pas de cette information pour le moment. Je ne crains pas ce que certains pensent. J’ai peur pour mon pays. Nous devons nous concentrer là-dessus. Q. Depuis des années, nous entendons parler de la super puissance de l’armée syrienne, de la force et de l’importance des services de sécurité syriens. Mais voilà que ces forces n’ont pas pu écraser l’ennemi comme le peuple s’y attendait et que des attentats terroristes ont lieu au centre même de Damas quasi-quotidiennement. Est-ce que tout ce qu’on nous a raconté n’était que de la mythologie ? R. Normalement, l’armée et les services de sécurité et du renseignement se concentrent sur l’ennemi extérieur même s’il existe un ennemi intérieur tel que le terrorisme, parce que notre société nous aide ne serait-ce qu’en ne couvant pas les terroristes. Or, aujourd’hui nous vivons un nouveau style de guerre, une « proxy war », dans laquelle le terrorisme se pratique aussi bien par l’intermédiaire de Syriens vivant dans le pays, que par l’intermédiaire de combattants venus de l’étranger. C’est un nouveau style de guerre et nous devons nous y adapter, mais cela demande du temps et n’est pas facile. Non, cette situation n’est pas comparable à une guerre conventionnelle ou régulière. Premièrement, ce type de guerre est beaucoup plus difficile qu’une guerre conventionnelle. Deuxièmement, l’appui politique ainsi que le soutien en armes, en argent et en toutes sortes d’autres moyens dont bénéficient ces terroristes sont sans précédent. C’est pourquoi nous devons nous attendre à ce que cette guerre soit longue et difficile. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu’un petit pays comme la Syrie puisse vaincre, en quelques jours ou semaines, tous les pays qui le combattent par l’intermédiaire de leurs mercenaires. Q. Oui. À bien y regarder, vous avez d’un côté une armée disposant d’un commandement qui dirige les opérations dans un sens ou un autre, et de l’autre des groupes terroristes disparates et sans stratégie unifiée pour vous combattre. Alors, comment cela se passe-t-il lors des combats ? R. Ce n’est pas le problème. Le problème est que les terroristes opèrent de l’intérieur des villes au milieu des civils. Malgré cela, nous devons les combattre parce que nous ne pouvons les laisser tuer et détruire ; ce qui nous impose de veiller à n’occasionner que le minimum de dommages aux civils et aussi, aux infrastructures. Telle est la difficulté de ce type de guerre. Q. Vous savez que l’infrastructure du pays et son économie souffrent au point que la Syrie semble au bord de la ruine, et le temps travaille contre vous. À votre avis, combien de temps vous faudra-t-il pour écraser vos ennemis? R. Nous ne pouvons pas répondre à cette question et nul ne peut prétendre y répondre tant que nous ne saurons pas à quel moment ils cesseront d’infiltrer des étrangers venus des quatre coins du monde – le monde musulman et le Moyen-Orient en particulier- et à quel moment ils cesseront de leur fournir toutes sortes d’armement. S’ils arrêtaient, je pourrai vous répondre. Je peux vous dire que tout serait terminé en quelques semaines. Ce n’est pas insurmontable. Mais si l’approvisionnement en armes et l’assistance logistique de ces terroristes perdurent, la guerre sera longue. Q. Et que penser de vos quatre mille kilomètres de frontière difficilement contrôlable, que vos ennemis peuvent traverser pour aller se fournir en armes et accéder aux soins médicaux en Jordanie ou en Turquie, puis revenir vous combattre !? R. Aucun pays au monde ne peut « sceller » ses frontières. Ils utilisent ce mot parfois, mais il est impropre. Par exemple, même les États-Unis n’arrivent pas à sceller leur frontière avec le Mexique, et il pourrait en être de même pour la Russie qui est un vaste pays. Aucun pays ne le peut. En revanche, on peut arriver à une meilleure situation à ses frontières en établissant de bonnes relations avec ses voisins ; ce qui nous fait défaut en ce moment, du moins avec la Turquie. La Turquie soutient plus que tout autre pays le trafic de terroristes et d’armes vers la Syrie. Q. Puis-je vous poser une question ? J’ai visité la Turquie récemment et j’ai trouvé que les gens étaient très préoccupés par ce qui pourrait arriver entre la Syrie et la Turquie. Pensez-vous qu’une guerre avec la Turquie soit un scénario réaliste? R. Raisonnablement, non je ne le pense pas et pour deux raisons. La guerre nécessite un soutien populaire, et la majorité du peuple turc ne veut pas de cette guerre. Par conséquent, je pense qu’aucun responsable raisonnable ne peut aller à l’encontre de la volonté du peuple, et il en est de même pour la Syrie. Il n’y a pas de conflit ou de différend entre le peuple syrien et le peuple turc. Le problème se situe entre les gouvernements et les responsables officiels, les nôtres et les leurs, à cause de leur politique. Donc, je ne vois pas de guerre entre la Syrie et la Turquie à l’horizon. Q. À quand remonte la dernière fois où vous avez rencontré M. Erdogan, et comment s’est terminé votre entretien ? R. En Mai 2011 après sa victoire aux élections. Q. Donc, vous l’avez juste félicité, et c’était votre dernière rencontre ? R. Oui, et ce fut la dernière. Q. Qui bombarde le territoire turc ? Les forces gouvernementales ou les rebelles ? R. Pour pouvoir répondre, il faudrait un comité mixte des deux armées pour dire qui bombarde qui, parce qu’il y a un grand nombre de terroristes à la frontière et qu’ils sont munis de mortiers, ils sont donc capables de bombarder aussi. Il faudrait mener une enquête sur la nature des projectiles et leur lieu de chute, etc. Ce qui n’a pas été fait. Nous avons proposé au gouvernement turc la formation d’un tel comité, mais il a refusé, nous ne pouvons donc pas répondre à la question. Ceci dit, étant donné le grand nombre de terroristes à la frontière, leur éventuelle implication n’est pas à exclure, parce que l’armée syrienne n’a pas reçu l’ordre de bombarder le territoire turc, que nous n’avons aucun intérêt à cela, et qu’il n’y a pas d’inimitié entre nous et le peuple turc. Nous considérons les turcs comme des frères. À moins qu’il ne s’agisse d’une erreur, pourquoi agirions-nous de la sorte ? Une enquête est donc nécessaire. Q. Acceptez-vous l’idée qu’il s’agisse d’une erreur de vos forces gouvernementales? R. C’est une possibilité. Dans toutes les guerres des erreurs sont commises. Vous savez qu’en Afghanistan, ils ne cessent de parler de « tirs amis ». Donc, si une armée en arrive à tuer les siens par erreur, cela signifie que la même chose pourrait se produire dans n’importe quelle guerre, mais nous ne pouvons pas dire que c’est arrivé. Q. Pourquoi la Turquie que vous traitiez en nation amie s’est-elle transformée en point d’appui pour l’opposition ? R. Pas la Turquie, le gouvernement de M. Erdogan, pour rester précis. Le peuple turc a besoin de bonnes relations avec le peuple syrien. C’est M. Erdogan qui croit que si les Frères musulmans s’emparaient du pouvoir dans la région, et particulièrement en Syrie, il pourrait garantir son avenir politique. L’autre raison est qu’il considère être, lui-même, le nouveau sultan ottoman et qu’il pourrait prendre le contrôle de la région comme ce fut le cas sous le règne de l’Empire ottoman, mais sous une nouvelle ombrelle. En son fort intérieur, il se voit en Khalif. Voilà les deux raisons qui font que sa politique de « zéro problème » s’est transformée en politique de « zéro ami » ! Q. Mais ce n’est pas seulement l’Occident qui est contre vous ; vous avez beaucoup d’ennemis dans le monde arabe. Il ya deux ans, l’évocation de votre nom suscitait un grand respect, et les voilà qui vous trahissent à la première occasion. Pourquoi tant d’ennemis dans le monde arabe ? R. Ce ne sont pas des ennemis. La plupart des gouvernements arabes soutiennent implicitement la Syrie, mais n’osent pas le déclarer publiquement. Q. Pourquoi? R. Pressions de l’Occident, et parfois pressions des pétrodollars dans le monde arabe. Q. Qui vous soutient dans le monde arabe ? R. De nombreux pays soutiennent la Syrie sans oser le déclarer explicitement. Tout d’abord, il y a l’Irak qui joue un rôle efficace en appuyant la Syrie dans cette crise, car c’est un pays voisin et que ses dirigeants savent qu’en cas de guerre contre la Syrie, il y aura guerre dans le voisinage, y compris en Irak. D’autres pays témoignent de leurs positions favorables, comme l’Algérie et Oman en particulier. D’autres encore, que je ne citerai pas ici, ont adopté une attitude positive sans l’accompagner d’actions concrètes. Q. Pourquoi cette insistance de l’Arabie saoudite et du Qatar à réclamer votre départ, et en quoi la déstabilisation du Moyen-Orient pourrait-elle servir leur agenda ? R. Franchement, je ne peux pas répondre à leur place. C’est à eux de répondre à cette question. Mais ce que je peux dire est que le problème entre la Syrie et de nombreux autres pays du monde arabe ou de la région et de l’Occident, est dû au fait que nous disons « non » quand nous pensons devoir dire « non ». Certains pays pensent pouvoir contrôler la Syrie par les diktats, l’argent ou les pétrodollars. Ce n’est pas possible en Syrie. C’est là le problème. Ils voudraient peut-être y jouer un certain rôle. Nous n’y voyons pas d’inconvénients. Qu’ils le méritent ou non, ils peuvent jouer leur rôle, mais pas au détriment de nos intérêts. Q. S’agit-il de contrôler la Syrie ou d’y exporter leur vision de l’islam ? R. Vous ne pouvez pas dire que telle est la politique gouvernementale des pays en question. Parfois ce sont des individus ou, pour certains pays, des institutions qui soutiennent cette approche sans qu’elle soit annoncée comme politique officielle, car ils ne cherchent pas à ce que l’on fasse la promotion de leur attitude extrémiste. Il n’empêche qu’en réalité, c’est bien cette politique qu’ils pratiquent par un soutien indirect des gouvernements, ou par des aides venant de fondations, d’institutions et de particuliers. Cela fait partie du problème. Mais puisque je m’exprime au nom d’un gouvernement, je ne peux parler que de la politique annoncée, laquelle comme toute autre politique dépend des intérêts et des jeux de rôle. Nous ne pouvons donc pas ignorer ce que vous avez évoqué. Q. l’Iran, qui est un allié très proche, est également soumis à des sanctions économiques et fait aussi face à la menace d’une invasion militaire. Si vous étiez confronté à l’option de restaurer la paix dans votre pays à la condition de rompre vos liens avec l’Iran, le feriez-vous ? R. Nous n’avons pas d’options contradictoires à ce sujet, parce nous avons de bonnes relations avec l’Iran depuis 1979 jusqu’aujourd’hui et qu’elles sont en constante amélioration, mais en même temps nous cherchons la paix. Nous avons travaillé au processus de paix, et nous avons travaillé aux négociations de paix. L’Iran n’a pas été un facteur contre la paix. C’est une information inexacte que l’Occident tente de promouvoir en disant que si nous avons besoin de la paix, nous n’avons pas besoin d’avoir de bonnes relations avec l’Iran. Il n’existe aucun rapport entre ces deux sujets, qui sont complètement différents. L’Iran a apporté son soutien à la Syrie. Il a soutenu notre cause ; celle des territoires occupés. Nous devons le soutenir dans sa cause. C’est simple. L’Iran est un pays très important dans la région. Si nous voulons la stabilité, nous devons cultiver nos bonnes relations avec l’Iran. Vous ne pouvez pas parler de stabilité si vous avez de mauvaises relations avec l’Iran, la Turquie et ainsi de suite. C’est clair. Q. Avez-vous des informations sur le financement, des rebelles combattant en Syrie, par des agences occidentales du renseignement ? R. Non, ce que nous savons c’est qu’elles offrent leur savoir-faire aux terroristes à partir du territoire turc, et parfois à partir du territoire libanais. Cependant, certaines agences régionales sont encore plus actives que les agences occidentales, tout en restant sous le contrôle des services de renseignement occidentaux. Q. Quel est le rôle d’Al-Qaïda en Syrie en ce moment ? Contrôlent-t-ils une force de coalition rebelle ? R. Non, je ne pense pas qu’ils cherchent à contrôler, mais plutôt qu’ils cherchent, selon leurs propres termes, à établir leurs propres royaumes ou émirats, en effrayant ou en intimidant la population par leurs attentats, assassinats, attentats-suicides et toutes sortes d’exaction. Ils espèrent ainsi pousser les gens au désespoir qui les amènerait à les accepter comme fait accompli. Ils avancent donc, étape par étape, leur but final étant la création, disons le ainsi, d’un émirat islamique en Syrie, à partir duquel ils pourraient promouvoir leur idéologie particulière dans le reste du monde. Q. Parmi ceux qui s’opposent à vous et ceux qui vous combattent, avec qui parleriez-vous ? R. Avec toute personne qui aurait la réelle volonté d’aider la Syrie, mais nous ne perdons pas notre temps avec celui qui voudrait exploiter la crise pour ses intérêts personnels. Q. À maintes reprises, les forces gouvernementales, pas vous, ont été accusées de crimes de guerre commis contre les civils syriens. Acceptez-vous de telles accusations ? R. Nous combattons le terrorisme et appliquons la Constitution pour protéger le peuple syrien. Rappelez-vous ce qui s’est passé en Russie il y a plus d’une décennie. Vous faisiez face au terrorisme en Tchétchénie et ailleurs. Ils attaquaient les théâtres, les écoles et autres lieux publics, et l’armée russe a protégé le peuple. Appelleriez-vous cela des crimes ? Non, vous ne le feriez pas. Premièrement, « Amnesty International » a reconnu, il y a deux jours, les crimes de guerre commis par un groupe armé qui avait capturé et exécuté des soldats syriens quelques jours auparavant ; et « Human Rights Watch » a également reconnu ce fait, tout comme il a reconnu plus d’une fois les crimes de ces groupes terroristes et les a décrit comme des crimes de guerre. Deuxièmement, il est illogique qu’une armée commette des crimes de guerre contre son propre peuple, d’autant plus que l’armée syrienne est issue de ce même peuple. Et, une armée qui commettrait des crimes contre son peuple se diviserait et se désintégrerait. Par conséquent vous ne pouvez pas avoir une armée forte alors que vous tuez votre peuple. Troisièmement, aucune armée ne pourrait tenir vingt mois dans des circonstances aussi difficiles sans le soutien du peuple. Par conséquent, comment pourriez avoir un tel du soutien du peuple alors que l’armée l’assassine ? C’est une contradiction ! C’est ma réponse. Q. À quand remonte la dernière fois où vous vous êtes entretenu avec un dirigeant occidental? R. C’était avant la crise. Q. À un moment ou à un autre, vous ont-ils proposé des conditions qui reviendraient à dire que si vous quittiez la présidence, la paix reviendrait en Syrie ? R. Non, ils ne l’ont pas proposé directement, non, mais qu’ils fassent une telle proposition directement ou indirectement, c’est une question de souveraineté et seul le peuple syrien a le droit d’en parler. Partant de là, ce type de propositions direct ou indirect ou par médias interposés n’a pas de sens, ni de poids en Syrie. Q. Mais avez-vous encore le choix ? Parce que vu de l’extérieur, vous n’avez nulle part où aller. Où iriez-vous si vous décidiez de partir ? R. En Syrie. J’irai de la Syrie en Syrie. C’est le seul endroit où nous pouvons vivre. Je ne suis pas une marionnette. L’Occident ne m’a pas fabriqué pour que je me réfugie chez lui ou ailleurs. Je suis Syrien. J’ai été fabriqué par la Syrie. Je dois vivre et mourir en Syrie ! Q. En ce moment précis, pensez-vous qu’il reste une chance pour la diplomatie ou le dialogue, ou bien seule l’armée peut mettre fin à cette crise? R. Je crois toujours en la diplomatie et j’ai toujours cru dans le dialogue même avec ceux qui ne le comprennent pas ou n’y croient pas. Nous devons continuer à essayer. Je pense que nous pourrons en obtenir un succès partiel. Nous devons donc poursuivre nos efforts dans le sens de ce succès partiel avant d’arriver au succès total. Mais nous devons rester réalistes. Il ne faut pas croire qu’à lui seul le dialogue peut nous garantir le succès ; ceux qui commettent ces actes criminels appartenant à plusieurs sortes d’individus. La première correspond à ceux qui ne croient pas au dialogue, en particulier les extrémistes. La seconde est constituée de hors la loi condamnés par la Justice des années avant le début de la crise, leur ennemi naturel étant le gouvernement puisqu’ils reviendront à la case prison si la vie normale reprenait son cours. La troisième englobe les individus soutenus par l’étranger et qui ne sont redevables qu’aux individus ou gouvernements qui les ont payés et leur ont fourni des armes ; ceux-là ne sont pas maîtres de leur décision, et c’est l’une des raisons qui nous invite à rester réalistes. Mais, il existe un tout autre groupe de personnes, combattanst ou hommes politiques, qui acceptent le dialogue. C’est avec eux que nous poursuivons le dialogue depuis des mois, certains combattants ayant déjà déposé les armes et repris le cours normal de leur vie. Q. Pensez-vous qu’une invasion étrangère de la Syrie soit imminente ? R. Je pense que le coût d’une telle invasion, si elle se produisait, serait supérieur à ce que le monde entier pourrait supporter, parce que si maintenant les problèmes sont en Syrie – à savoir le dernier bastion de la laïcité, de la stabilité et de la coexistence dans la région – l’effet domino qui en résulterait affectera le monde de l’océan Atlantique à l’océan Pacifique. Et vous savez quelles en seraient les implications sur le reste du monde. Je ne pense pas que l’Occident se dirige dans cette direction. Si jamais cela devait arriver, nul ne peut prédire la suite. Q. Monsieur le Président, vous reprochez-vous quoi que ce soit ? R. Il est normal de vous attendre à commettre des erreurs à chaque prise de décision, sinon vous n’êtes pas humain. Q. Quelles seraient vos plus graves erreurs ? R. Franchement, elles ne me viennent pas à l’esprit en cet instant. Avant même de prendre une décision, je considère toujours qu’une partie de celle-ci pourrait être une erreur. Mais on ne peut juger ses erreurs à chaud. Parfois, et notamment en période de crise, on ne peut distinguer ce qui est juste de ce qui est faux qu’une fois le problème surmonté. C’est pourquoi, je ne serai pas objectif si je parlais de mes erreurs en ce moment, puisque nous sommes en plein milieu de la crise. Q. Vous n’avez donc pas encore de regrets ? R. Non, pas actuellement. C’est quand tout devient clair que vous pouvez parler de vos erreurs, certainement qu’il y en a, et c’est normal. Q. Si nous étions le 15 Mars 2011, lorsque les manifestations ont commencé à se développer et à s’intensifier, quelles sont les choses que vous auriez faites différemment ? R. J’aurai fait ce que j’ai fait le 15 Mars. Q. Exactement la même chose? R. Tout à fait. J’aurai demandé à toutes les parties de s’engager dans le dialogue et de faire barrage aux terroristes, car c’est ainsi que les choses ont commencé. Les manifestations ont servi de couverture à des combattants qui ont fait feu sur des civils et des militaires à la fois. Peut-être qu’au niveau tactique, il aurait fallu agir autrement, mais en tant que président, vous n’êtes pas tacticien et prenez vos décisions à un niveau stratégique, ce qui est d’un ordre différent. Q. Monsieur le président Al-Assad, comment vous voyez-vous dans une dizaine d’années ? R. Je me vois à travers mon pays. Je ne peux pas me voir moi-même. Je peux voir mon pays. Je peux me voir à travers lui. Q. Vous vous voyez en Syrie ? R. Absolument. Je ne peux être qu’en Syrie. Je ne parle pas de la fonction. Je ne m’y vois pas en tant que président ou autre. Ce n’est pas mon souci. Je me vois dans ce pays, comme dans un pays sûr, stable et plus prospère. Mme Sophie Shevardnadze : Merci M. le Président Bachar al-Assad pour cet entretien accordé à Russia-Today. M. le Président Bachar al-Assad : Merci à vous pour être venue en Syrie. http://www.youtube.com/watch?v=UiS8XcWFbfU http://www.youtube.com/user/RussiaToday Vidéo transcrite et traduite par Mouna Alno-Nakhal [Biologiste] 10/11/2012
Source : Mouna Alno-Nakhal