FABIUS REDOUTE UN RETRAIT AMÉRICAIN DU MOYEN-ORIENT
novembre 14, 2013
Fabius redoute un retrait américain du Moyen-Orient
Publié le 14-11-2013 à 17h09
Vincent JauvertPar Vincent Jauvert
Le ministre des Affaires Etrangères a critiqué hier la stratégie américaine actuelle au Moyen-Orient. Aucun responsable occidental n’était allé aussi loin.
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Ce fut un traumatisme. Le 31 août, alors que tout l’appareil d’Etat français s’apprête à lancer, le soir même, une opération franco-américaine contre la Syrie, Barack Obama appelle François Hollande pour lui annoncer que finalement il n’ira pas. Les frappes sont annulées au dernier moment.
A l’Elysée et au Quai d’Orsay le choc est immense – plus grand qu’on ne l’a imaginé à l’époque. Quelles conclusions tirer de cet épisode ? Pour Laurent Fabius, il est la preuve définitive de ce que beaucoup de spécialistes subodorent depuis plusieurs mois : les Etats-Unis veulent se désengager du Moyen-Orient.
Vers un désengagement américain au Moyen-Orient ?
Mercredi, lors du 40e anniversaire du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du Quai d’Orsay(débat organisé à la Grande Bibliothèque en partenariat avec « le Nouvel Observateur »), le ministre des Affaires Etrangères a présenté son analyse et ses inquiétudes à ce sujet, dans un discours qui devrait faire date.
A notre connaissance, aucun responsable occidental n’est allé aussi loin dans la critique de la stratégie américaine actuelle. Esquissant une nouvelle politique étrangère française, Laurent Fabius a déclaré :
Les Etats-Unis semblent le plus vouloir se laisser absorber par des crises qui ne correspondent plus à leur vision nouvelle de leurs intérêts nationaux. A Washington, les partisans d’un retrait des zones considérées comme ‘non stratégiques’ impriment leur marque. »
« S’expliquent sans doute ainsi plusieurs épisodes politiques récents, selon le ministre, notamment la non-réplique par frappes à l’utilisation des armes chimiques par le régime de Damas. »
La France inquiète
Les raisons de ce désengagement ?
– « La volonté de recentrer la politique étrangère américaine sur ce qui est perçu comme ses principaux intérêts, notamment économiques, qui se trouveraient dorénavant davantage en Asie. »
– « La nouvelle donne énergétique – les Etats-Unis vont redevenir exportateurs nets d’hydrocarbures. »
– Le « lourd traumatisme des interventions en Irak et en Afghanistan. »
– « La tendance actuelle plutôt ‘isolationniste’ de l’opinion publique. »
Les risques de ce « retrait » sont, selon lui, considérables :
– « Un désengagement américain, compte tenu du statut des Etats-Unis, c’est un désengagement tout court. Ce qui peut laisser des crises majeures ‘livrées à elles-mêmes’. »
– D’ores et déjà, cette situation « crée de l’incertitude et attise la concurrence entre acteurs régionaux. »
– « Elle déstabilise les Etats fragilisés » : Liban et Irak.
– « Elle provoque interrogations, suspicions voire théorie du complot sur les intentions réelles des Etats-Unis. »
– « Elle rétroagit sur la crédibilité globale des pays occidentaux. »
Que faire ?
Face à ce désengagement, que doit faire la France ?
– Travailler à la construction d’une gouvernance mondiale dans le monde éclaté, qui n’est pas, selon lui, multipolaire, mais « a-polaire ».
– « Continuer à prendre ses responsabilités » – ce qui n’est donc plus le cas des Etats-Unis….
On attend avec impatience la réponse de John Kerry.
* A lire également, l’éditorial de Roger Cohen du « New York Times » sur le le même sujet.