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Irak/ Mars 2003-Mars 2018 Contre l’oubli


ITRI : Institut Tunisien des Relations Internationales

Publié par Candide le 23 mars 2018 dans Chroniques

Irak/Mars 2003-Mars 2018
Contre l’oubli

L’invasion et l ‘occupation de l’Irak en 2003, il y a tout juste quinze ans, a provoqué la plus grave crise humanitaire dans le monde. De mars 2003 jusqu’au retrait des envahisseurs Anglo-américains sous les coups de la résistance irakienne en 2011, le pays a été systématiquement détruit et le peu qui en restait le sera au cours de ces quatre dernières années par Daech, un proxy des puissances de l ‘OTAN et des pays du golfe.
Le BRussels Tribunal pour l’Irak, ONG fondée en Belgique en 2004 et l’Institut tunisien des relations internationales, ont convenu de faire de cette année 2018, l ‘année du souvenir des crimes indélébiles des agresseurs Anglo-américains et de la résistance héroïque des Irakiens.
De nombreuses manifestations sont prévues à cet effet en Europe et dans les pays arabes et particulièrement en Tunisie. Un recueil d’une centaine d’articles d’écrivains, de journalistes et de chercheurs Irakiens et autres, traduits en Français par nos soins et préfacé par notre amie Haifa Zanka, présidente du BRussels Tribunal pour l’Irak, sera édité à cette occasion au mois de mai 2018.
Un grand merci à notre amie Amel Bejaoui pour sa traduction de cette préface de l’arabe et à très bientôt.
Ahmed Manai

Contre l’oubli

Préface par Haifa Zanka
A l’heure où les médias arabes et internationaux font preuve de repli à propos de l’Irak, ne l’évoquant que rarement et dans leurs pages internes, comme une information secondaire qui attire, rarement, l’attention, Ahmed Manai, choisit, pour sa part, une voix différente, affirmant sa conviction que le peuple irakien a été confronté à un crime des plus agressifs, planifié depuis les années quatre vingt dix du siècle dernier, sous le commandement des Etats unis d’Amérique et la participation active de la Grande-Bretagne.
«La guerre contre l’Irak est, sans aucun doute, le crime d agression le plus grave ayant été commis à l’égard du droit international et la Charte des Nations unies depuis la seconde guerre mondiale», déclare le vétéran diplomate suédois Sverker Âström. Crime dont les peuples avaient conscience, préalablement, de l’ampleur de ses dégâts, d’où les dizaines de millions de personnes sorties manifester dans tous les pays du monde, avant même son déclenchement et après, ce qui a, indirectement, contribué au renforcement de la lutte irakienne, mettant en échec le projet américain du siècle et contraignant au retrait de plus de 185 mille soldats américains de l’Irak.
La décision d’ Ahmed Manaï d’éditer un livre qui comporte un choix d’une centaine d’ articles traduits en Français, parus tout au long des années de l’occupation anglo-américaine, manifestée directement ou indirectement, et à l’occasion de la quinzaine d’années passées après l’invasion, constitue l’un des niveaux parmi tant d’autres de la lutte dont les combattants irakiens ont choisi un aspect, en signe de résistance pour la défense de leur pays et de leur dignité, contre un occupant qui a détruit, tué et en a déraciné des centaines de milliers. Il s’agit là d’un droit instauré par les législations internationales et d’un impératif des valeurs morales.
Le journaliste étant l’historien de l’instant, comme le précise Albert Camus, la publication de cet ouvrage devient, de ce fait, une exigence en tant que tentative de remémoration d’événements menacés par l’oubli, résultante d’une domination politique qui consiste à effacer la mémoire. Politique qu’exerce, avec art, l’occupant. Une politique méthodique dont il a usé pour dissimuler le caractère illégal et, par conséquent, illégitime de la guerre et de ses conséquences dévastatrices, outre les violations des droits humains subies par les citoyens irakiens dans leur quotidien, à commencer par les arrestations, la torture et la peine de mort pour finir par imposer des peines collectives, après le transfert du pouvoir de l’occupant à une nouvelle administration politique qui exerce les mêmes pratiques par procuration.
Parmi les crimes de l’occupant, il y a eu le viol de l’adolescente Abeer Al-Janabi, l’assassinat de son père, de sa mère et de sa sœur, la petite Hadeel, en date du 12 mars 2006. L’occupant s’est servi de son crime pour propager une image des irakiens les présentant comme étant en conflits pour des raisons ethniques, à travers une déclaration militaire où on peut lire que la famille aurait (été attaquée et ses membres tués par des bandes sunnites actives dans la région, scène meurtrière à caractère ethnique en exacerbation, entre chiites et sunnites). Mais la vérité a éclaté suite à l’enlèvement de membres qui relèvent de l’unité militaire à laquelle appartiennent les cinq violeurs. Au cours de son exposé sur la portée de l’horreur du crime dans ses détails, le procureur fédéral américain Brian Skaret ? se laisse interroger sur: «qui est en mesure de commettre de telles atrocités…des insurgés et des terroristes n’en étaient pas capables et cet homme l’a fait», pointant, au même moment, l’un des accusés.
Militairement, l’occupant américain a usé de tout son art dans l’utilisation de différentes armes contre les habitants. Il s’est servi du phosphore blanc, de bombes à fragmentation, de napalm enrichi, sans parler de l’uranium appauvri, cet assommeur lent et latent, dont nos terres et nos eaux sont, jusqu’à ce jour, polluées.
Les recherches de terrain ont prouvé, d’une manière incontestable, l’existence d’une contamination radioactive dans, pratiquement, toutes les régions d’Irak, à l’exception du Nord Kurdistan. Les résultats des recherches publiées à propos d’Al Basra ont, également, démontré une relation évidente entre l’exposition aux rayonnements de l’uranium et la prolifération de cas atteints de cancer et de déformations congénitales. Son impact se fera sentir pendant des milliers d’années encore si le sol n’est pas assaini. Ces recherches mettent à nu, également, une vérité alarmante, qui consiste à dire que l’impact de ce rayonnement est allé jusqu’à modifier la composition des gènes et des chromosomes chez les troupes guerrières de l’ennemi dans la première guerre du Golfe.
L’ouvrage jette la lumière sur une longue série de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis par l’occupant, directement ou par procuration, par l’intermédiaire des gouvernements irakiens successifs. Dans les deux cas, il est question d’une démarche stratégique pour faire disparaître la responsabilité des criminels, aux prétextes aléatoires, en fonction de la nécessité politique et avec le maintien de l’étau «de la guerre contre le terrorisme» fortement serré. Nombreuses organisations internationales des droits humains tentent de bousculer la barrière de la supercherie, à travers leurs rapports documentés sur les violations et les crimes. Mais ces rapports demeurent, en dépit de leur importance, marginalisés en comparaison avec les mécanismes de l’information qui occupent un rang élevé dans l’échelle des priorités des budgets militaires et gouvernementaux.
La fabrication des mensonges
L’occultation du crime de l’occupation par les pays hostiles a contribué à détourner les regards, par la fabrication d’amples mensonges, par étapes et avec l’aide de politiques irakiens. La première farce fut les armes de destruction massive et la menace sur l’Europe et les droits humains, dont les droits des femmes.
Quant à la deuxième, ce sont les mensonges relatifs à la guerre à mener contre Al Qaida et «les partisans de l’ancien régime», à la charge de la résistance populaire irakienne. Puis est venue la phase de mise en activité des contingents de la mort, initiative menée par l’ambassadeur américain John Negroponte, dans le cadre de ce qui est appelé «le modèle salvadorien». Le but n’était autre que d’effectuer des actes d’enlèvements secrets, avec comme cible le commandement de la résistance, d’une façon qui alimente et présente le conflit sous un double aspect confessionnel et ethnique.
Plus tard, les Etats unis ont sauvé leur peau par la mise en place et l’institutionnalisation d’une opération politique, confessionnelle et raciale. Et à la faveur de la révolte du printemps arabe, l’Amérique est de retour pour traîner l’Irak sur la scène des conflits régionaux et internationaux les plus importants, sous des bannières confessionnelles, d’une part et la lutte contre le terrorisme de l’organisation de l’ «Etat islamique» sous d’autres bannières, d’autre part. L’EI, cette dernière des organisations redevables de la paternité de l’occupant américain. L’industrie du déchiquetage a réussi. Elle est cette ancienne politique colonialiste, longuement menée pour inhiber la lutte des peuples contre le colonialisme et l’occupation, en poussant l’Irak et son peuple dans un recoin sombre d’une mémoire rembourrée d’illusions électorales «démocratiques».
Aujourd’hui, le tableau de la situation irakienne baigne dans le flou, de par le nombre important des parties en conflit. Forces étrangères, internationales et régionales et conflits et affrontements politiques locaux avec toutes les ramifications miliciennes, qui commettent des crimes en toute liberté, en l’absence de l’Etat et du droit, alimentés grâce à la corruption endémique des institutions qui alimentent à leur tour le terrorisme contre le peuple irakien, avec son propre argent.
Malgré cette ambiguïté qui règne sur la scène irakienne, il y a, cependant, un fait parfaitement distinct. C’est que les gouvernements successifs, sous l’occupation, n’ont pas œuvré pour la protection du citoyen et la préservation de sa dignité. Ils n’ont pas fait, non plus, du patriotisme leur but suprême mais ont, plutôt, œuvré à protéger leurs intérêts personnels et à instituer les identités ramifiées, de façon à favoriser un terroir de vengeance et une décomposition de la structure sociétale.
Et si l’administration américaine a veillé, jusqu’aux derniers mois, à dissimuler sa présence en Irak et à prétendre qu’il ne s’agissait que de fournir des conseillers et des formateurs et à mener des manœuvres aériennes au sein de «la coalition internationale» pour combattre l’organisation terroriste Daech, cette même administration américaine, se met à parler, après l’annonce par l’Irak de son triomphe définitif sur Daech , de la nécessité de maintenir ses forces jusqu’à ce « soit mis fin, définitivement, à Daech». Autrement dit pour une durée indéfinie. Décision qui rappelle, forcément, le traité stratégique signé avec l’administration américaine en 2011, lui accordant des droits qui dépouillent l’Irak de toute notion de souveraineté, pour une durée indéterminée. Le site «Global Research» américain avait publié, le 23 janvier 2018, une information qui confirme l’existence de six bases militaires américaines en Irak et qu’il n’y avait aucune intention de les fermer.
Dans le processus d’effacement de la mémoire, la presse endoctrinée persévère, pour sa part, dans la propagation d’un mensonge qui consiste à dire que toute destruction observée en Irak, depuis les années 90 et les années du blocus avec l’invasion de 2003 et la sauvagerie qui a régné dans les villes à l’encontre de la résistance irakienne, n’est que conséquence de la guerre contre l’organisation de «l’Etat islamique», avec ce que cela implique en termes de défaillance au niveau de la responsabilité juridique internationale et morale, au moment même où tout le monde sait que Mossoul avait été cédée à l’organisation terroriste au mois de juin 2014.
D’où notre besoin de nous souvenir, sans cesse, nous mêmes et le monde dans son ensemble, des vérités de l’histoire récente. Non par désir de vengeance, loin s’en faut ! Mais pour redonner à la justice sa véritable signification, la recouvrer de sa notion intrinsèque et afin de contribuer, même modestement, à ce que plus jamais les crimes ne se répètent. C’est, justement, ce que fait Ahmed Manaï dans son ouvrage.

Traduit de l’arabe par Amel Bejaoui
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