Jacob Cohen : « Les sionistes sont passés maîtres dans l’art de la propagande »
juin 13, 2020
Interview
Mohsen Abdelmoumen
Jacob Cohen. DR.
Mohsen Abdelmoumen : Quelle est votre analyse à propos de l’annexion de la Cisjordanie ce 1er juillet ?
Jacob Cohen : Le régime sioniste n’est pas assez fou pour annexer toute la Cisjordanie, car alors il lui faudrait naturaliser tous les Palestiniens. Il veut seulement annexer la Cisjordanie « utile », c’est-à-dire la Vallée du Jourdain, empêchant ainsi un éventuel État palestinien de contrôler ses propres frontières et les grands blocs d’implantations juives. Il continuerait ainsi à disposer d’une main d’œuvre soumise et bon marché, et de la collaboration d’une police palestinienne docile pour maintenir l’ordre colonial.
Il n’est pas certain que cette annexion se fasse le 1er juillet. Les sionistes sont gens pragmatiques et savent reculer pour mieux sauter.
Mais quoi qu’il en soit, annexion ou pas, les sionistes ne renonceront jamais à ces territoires qu’ils revendiquent. La Vallée du Jourdain leur est déjà implicitement reconnue par toutes les grandes puissances, même la Russie, pour assurer « la sécurité d’Israël ». Et personne ne peut imaginer que le régime sioniste ramène 700 000 colons en-deçà de la ligne verte.
Ce sont là les grandes lignes d’un éventuel accord israélo-palestinien, et l’Autorité palestinienne fait semblant de croire, folie ou bêtise, qu’elle pourrait récupérer toute la Cisjordanie.
Comment expliquez-vous que vingt ministres du gouvernement israélien sont d’origine marocaine ? Des sociétés de sécurité et de défense israéliennes sont installées au Maroc. Quelle lecture donnez-vous à ces faits ? Le Maroc ne constitue-t-il pas une véritable rampe de lancement de la politique de normalisation prônée par l’entité sioniste d’Israël ?
Seulement dix ministres ont une lointaine attache avec le Maroc, dont ils se fichent éperdument. C’est le lobby judéo-sioniste au Maroc, mené par le « sayan » (agent du Mossad) André Azoulay, conseiller de la monarchie depuis quarante ans, qui fait tout pour entretenir l’illusion d’une entente parfaite entre le Maroc et ses anciens citoyens juifs. Tout est fait au Maroc pour raviver une flamme quasiment éteinte. Ceci pour permettre la visite d’Israéliens au Maroc, touristes, artistes, hommes d’affaires, pour pousser vers une normalisation officielle des relations israélo-marocaines.
Il est vrai que le Maroc, depuis l’installation du Mossad dans ce pays dès les années 50 pour faire partir les juifs marocains vers Israël, et l’accord soutiré à Hassan II dès 1961 à cette fin, est l’allié de fait d’Israël et son soutien pour sa légitimation dans le monde arabe. Le roi avait reçu en grande pompe en 1986, en pleine intifada, les dirigeants israéliens Rabin et Peres.
Par ailleurs le Maroc, qui a besoin de l’appui diplomatique américain pour assurer sa mainmise sur le Sahara occidental, fait tout son possible pour être agréable à Israël, dont on connaît l’influence sur les institutions américaines.
Comment expliquez-vous le redéploiement stratégique de l’entité sioniste d’Israël dans toute l’Afrique ?
Ce redéploiement avait commencé dès les années 60 après les indépendances africaines, dans les domaines du bâtiment et de l’agriculture. Un redéploiement stoppé par la guerre de juin 1967 et l’occupation militaire de vastes territoires arabes. Le mouvement non-aligné à l’époque était encore très influent.
Les accords d’Oslo ont redonné une certaine honorabilité au régime sioniste, car on supposait qu’il allait accorder à terme un État aux Palestiniens.
L’Afrique à partir des années 90 n’était plus ce bloc non-aligné sensible à une forme de justice internationale. Elle était rentrée dans le circuit mondialiste et les questions de sécurité étaient devenues primordiales.
Israël était devenu un partenaire important et redouté. N’a-t-il pas contribué à amputer le Soudan de sa partie méridionale ? Ses réseaux en Afrique de l’Est sont très actifs et on connaît leur force de frappe.
Enfin, petit à petit, le régime sioniste est arrivé, chose inconcevable il y a 20 ans, à obtenir l’appui diplomatique de nombreux pays africains lors de votes cruciaux dans les instances internationales.
L’Algérie est un des rares pays qui ne reconnaît pas Israël. L’Algérie ne demeure-t-elle pas une cible permanente de l’entité sioniste d’Israël ?
Tous les pays arabes sont une cible permanente de l’entité sioniste.Même les pays qui se soumettent ne sont pas définitivement épargnés. Ainsi même le Maroc n’échappe pas aux tentatives du Mossad de susciter des élans de séparatisme dans les zones berbères. Ne serait-ce que pour maintenir la pression sur ce pays et lui faire comprendre qu’il a intérêt à se tenir à carreau.
Rappelons-nous le destin de l’Irak et de la Syrie que le régime sioniste a contribué à détruire.
L’Algérie n’échappera pas à la vindicte sioniste, qui cherchera à l’atteindre d’une manière ou d’une autre. Mais ce pays est loin, peu sensible à l’influence étrangère, assis sur une rente importante, avec une vieille histoire de résistance nationale, et un sentiment patriotique très fort. C’est ce qui lui permet d’être l’un des rares pays à tenir tête à l’entité sioniste. Et de par sa position géographique et son étendue, c’est un pays essentiel à la sécurité régionale et donc préservé.
On connaît le poids du lobby sioniste aux États-Unis via l’AIPAC. Quel est le poids du lobby sioniste en Europe ?
Aucune différence si ce n’est d’un point de vue formel. Aux États-Unis, le lobby sioniste a une existence légale, avec ses réseaux d’influences reconnus, ses édifices à Washington et ailleurs, ses congrès où tout candidat à un poste important, sénateur ou président, doit faire son apparition et exprimer son soutien à Israël.
Alors qu’en Europe, le lobby est plus discret mais il n’en est pas moins efficace. Pratiquement tous les pays européens ont interdit le mouvement BDS, et repris à leur compte la définition de l’antisémitisme proposée par un organisme juif luttant contre la « Shoah ». Avec ceci de particulier que toute critique contre Israël est assimilée à de l’antisémitisme. Les pays européens n’ont même pas été capables d’appliquer leur résolution d’étiqueter les produits qui proviennent des colonies sionistes en Cisjordanie.
En France, au dîner du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France), tout l’establishment de la République française et à sa tête le président, vient s’incliner et recevoir ses instructions du lobby judéo-sioniste.
L’Union européenne a créé un organisme de lutte contre l’antisémitisme dirigé par l’allemande Katharina Von Schnurbein. Comment expliquez-vous que l’Union européenne en arrive à créer un organisme pour défendre les intérêts d’Israël avec l’argent du contribuable européen et qu’on n’hésite pas à condamner tous ceux qui sont contre la politique criminelle et fasciste d’Israël en les qualifiant d’antisémites ?
L’«antisémitisme» a été une trouvaille extraordinaire du lobby judéo-sioniste en Europe.Certes, on connaît l’histoire de la seconde guerre mondiale. Mais depuis une trentaine d’années, ce lobby a mis le paquet pour en faire le plus grand fléau du 21e siècle. Quelques attentats arrangés ou montés en épingle, quelques soi-disant agressions verbales, quelques profanations qui tombent à pic, une croix gammée égarée ici ou là, et tous les réseaux médiatiques sont mis à contribution pour faire croire à une résurgence de l’antisémitisme. Les gouvernements européens sont mis sous pression. Ils ne peuvent s’autoriser la moindre faiblesse.
Mais de la critique contre Israël, on passe à l’antisémitisme. L’argument est fallacieux mais il marche. Lorsqu’on critique Israël, on suscite la « haine » contre ce pays et les citoyens juifs européens, et donc les agressions antisémites. Donc il ne faut pas critiquer Israël. L’antisionisme devient un délit car assimilé à l’antisémitisme. Des manifestations pro-palestiniennes sont interdites parce qu’elles conduisent à l’antisémitisme.
L’antisémitisme est devenu une espèce de chèque en blanc donné aux sionistes pour faire ce que bon leur semble en Palestine sans être inquiétés, ni condamnés, ni critiqués.
Vous êtes un grand militant antisioniste et un défenseur de la cause juste du peuple palestinien. Dans votre livre « Le printemps des sayanim », vous évoquez le rôle des sayanim dans le monde. Pouvez-vous expliquer à notre lectorat ce que sont les sayanim et quel est leur rôle exact ?
Les « sayanim », en hébreu « ceux qui aident », sont des juifs qui vivent hors d’Israël, et qui par patriotisme sioniste, collaborent avec le Mossad dans leurs domaines d’activité.
Ils ont été créés dès 1959 par le chef du Mossad de l’époque, Méir Amit. Ils sont probablement entre 40 000 et 50 000. Victor Ostrovski, ancien agent du Mossad et réfugié au Canada, en parle pour certaines affaires. Il avait estimé que dans les années 80, dans la seule ville de Londres, il y avait 3 000 sayanim.
Quelle est leur utilité ? Le Mossad recrute des sayanim qui travaillent bénévolement dans tous les grands domaines. Exemple, les médias : ces journalistes ou patrons de presse juifs à travers le monde vont orienter l’information de manière à favoriser Israël au détriment des Arabes.
Aux États-Unis, on connaît la puissance juive dans l’industrie du cinéma. Juste un exemple. En 1961, Hollywood a produit le film « Exodus » avec Paul Newman, qui raconte la naissance d’Israël en 1948 d’un point de vue sioniste. Ce film a façonné les consciences occidentales pour au moins une génération.
On pourrait dire la même chose pour les institutions financières installées à New York et dominées par des judéo-sionistes.
En France, la publicité, l’édition, la presse, la télévision, l’université, etc. sont plus ou moins contrôlés par des « sayanim ».
On comprend dès lors la force de frappe du lobby sioniste, une force de frappe qui reste de plus invisible.
Le sionisme, qui est le pur produit du Talmud et de la kabbale juive, n’est-il pas une idéologie à la fois raciste et fasciste ?
Si on prend le sionisme dans son acception politique, c’est-à-dire dans la vision nationaliste propre aux mouvements politiques du 19e siècle, c’était une idéologie laïque et progressiste. Elle avait séduit quelques dizaines de milliers de militants, particulièrement en Russie et en Pologne, qui ont cherché à réaliser leur idéal révolutionnaire en dehors des mouvements progressistes de l’époque. Ils voulaient transformer le peuple juif, le rendre « normal ».
Malgré ces caractéristiques, ces militants, en arrivant en Palestine, avaient exclu d’emblée les Arabes de leur projet national. Les germes du racisme étaient déjà plantés. Les Arabes, il fallait les expulser ou s’en débarrasser d’une manière ou d’une autre. Même les kibboutzim, fleurons du « socialisme sioniste », n’admettaient pas les Arabes dans leur sein.
Les guerres et les conquêtes, surtout des villes « bibliques » situées en Cisjordanie, ont précipité la société israélienne vers un fascisme et un racisme messianiques qui ne se cachent même plus. La dernière « loi sur la nation du peuple juif » établit clairement des éléments racistes, comme par exemple la possibilité pour une municipalité juive de refuser des habitants arabes, bien qu’ayant la nationalité israélienne.
La cause juste du peuple palestinien n’a-t-elle pas besoin d’une mobilisation plus intense face aux offensives criminelles de l’armée coloniale fasciste israélienne ? Ne pensez-vous pas que le rôle des BDS est très important pour contrer le fascisme israélien ?
Pour les raisons que j’ai évoquées plus haut, le régime sioniste a réussi à étouffer, au moins en partie, les revendications légitimes du peuple palestinien. Vu que sur le plan médiatique et au niveau des relations avec les gouvernements des principales puissances, la balance penche du côté sioniste. C’est un fait. Même les pays arabes, dans leur majorité, et pour des raisons inavouables s’en détournent.
Le BDS est une arme extraordinaire, mais comme je l’ai dit, il est de plus en plus interdit en Occident car assimilé à un mouvement « antisémite ». C’est aberrant, certes, mais c’est ainsi. Exemple : l’Allemagne a retiré un prix européen à une écrivaine parce qu’elle avait fait quelques mois auparavant des tweets pro-BDS.
Comment expliquez-vous qu’au moment où des Occidentaux épris de liberté soutiennent les BDS, des pays arabes tels que l’Arabie saoudite, les Émirats, le Qatar, etc. normalisent leurs relations avec l’entité sioniste d’Israël dans le cadre du « deal du siècle » dont Jared Kushner est le fer de lance ?
Historiquement, ces monarchies n’ont jamais soutenu les Palestiniens, ou alors du bout des lèvres, car elles craignaient le potentiel révolutionnaire des mouvements palestiniens dans les années 60 et 70. Le monde arabe était alors divisé entre « conservateurs » et « progressistes ». À l’exemple de Hassan II cité plus haut, ces monarchies n’attendaient que l’occasion historique de normaliser leurs relations avec le régime sioniste. Il y va d’ailleurs de leur intérêt, de l’intérêt des castes au pouvoir. On a vu ce qui pouvait arriver aux régimes arabes nationalistes ou progressistes (Irak, Syrie, Libye). On a dû leur mettre le marché en main : rentrer dans le rang et collaborer avec Israël ou on leur balance quelque « Daesh » ou des mouvements séparatistes. Ces monarques n’ont pas l’instinct suicidaire pour une Palestine devenue un mythe de plus en plus évanescent.
Quel est votre opinion concernant le blocus infâme que subit le peuple palestinien à Gaza, alors que le monde est en pleine pandémie du Covid-19 ?
Le régime sioniste soumet le peuple de Gaza à un quasi régime de camp de concentration. Pourquoi quasi ? Parce que le conquérant sioniste reste juste en deçà, cyniquement et intelligemment, du niveau qui ne pourrait plus laisser le monde indifférent. Le blocus n’est pas hermétique, laissant passer au compte-goutte et selon le bon vouloir de l’occupant, juste assez pour ne pas sombrer. La zone de pêche est réduite ou augmentée de façon à maintenir cette épée de Damoclès sur tout pêcheur qui ose sortir. L’électricité est limitée à quelques heures par jour. L’information de l’intérieur est réduite, les voyages sont limités. Israël s’est même permis il y a 2 ans environ d’interdire à des parlementaires européens de pénétrer dans la bande de Gaza. D’autant que la complicité de l’Egypte permet de maintenir cet état de fait, et que l’Autorité palestinienne retient tous les versements aux fonctionnaires de Gaza. On donne l’impression au monde que les Gazaouis s’en sortent péniblement certes, mais qu’ils y sont pour quelque chose, car ils lancent de temps en temps quelques roquettes et le Hamas est considéré comme une organisation « terroriste ». Les sionistes sont passés maîtres dans l’art de la propagande, avec la complicité des gouvernements occidentaux. Et Gaza en paie un terrible prix.
Vous avez été menacé et agressé à plusieurs reprises, notamment par la Ligue de Défense juive, pour avoir soutenu la cause du peuple palestinien et pour être antisioniste. Comment expliquez-vous qu’en France, pays qui se targue d’être un État de droit et qui se fait le chantre des droits de l’homme et de la liberté d’expression, on laisse agir en toute impunité des milices fascistes comme le Betar (ndlr : mouvement de jeunesse juif sioniste radical), la LDJ, le CRIF qui défendent les intérêts d’Israël ?
Il y a d’abord l’histoire de la seconde guerre mondiale et du régime de Vichy, qui laisse un sentiment de culpabilité, sentiment savamment exploité par le lobby judéo-sioniste avec la multiplication des films sur la Shoah qui passent et repassent interminablement sur les chaînes françaises.
Il y a ensuite l’action des « sayanim » très présents dans les médias et autres institutions, et qui terrorisent, le mot n’est pas trop fort, tous ceux qui dévient le moins du monde. Prenez Dieudonné, on en a fait le diable au point que l’on peut appeler à son assassinat impunément. Par contre, dire 2 ou 3 mots de travers à Éric Zemmour dans la rue, et le président de la République l’appelle au téléphone pendant 40 minutes.
Il y a enfin une très grande lâcheté des intellectuels, des journalistes, des politiques français qui n’en pensent pas moins mais se taisent. La peur du CRIF les tétanise. Rappelez-vous Etienne Chouard, un intellectuel très réputé qui s’était fait connaître lors du référendum sur l’Europe en 2005 et pour son soutien aux Gilets Jaunes. On l’a sommé de s’expliquer » sur les chambres à gaz sur le site « Le Média. Le malheureux a tenté de se débiner. On l’a abreuvé d’injures. Il est allé s’excuser sur « Sud Radio ». Il a depuis perdu toute crédibilité.
Comment expliquez-vous que tous les médias restent silencieux à propos des crimes de l’entité sioniste d’Israël et qu’ils ne donnent pas la parole à des personnes comme vous ? Où est la liberté d’expression dont ces pays occidentaux se vantent ? D’après vous, les médias de masse ne servent-ils pas une oligarchie ?
Les médias modernes ne sont pas censés traquer la vérité et la proclamer. Voir la façon dont ils ont traité le covid19 et le big-pharma. Voir aussi le traitement des présidents Trump et Poutine par ces médias, ou l’affaire syrienne. Les grands médias appartiennent soit à l’État (radios et télévisions publiques) soit aux oligarchies financières, qui sont tous, je l’ai montré, proches des intérêts du lobby sioniste. Donc, lorsqu’ils se targuent d’être libres et de favoriser la liberté d’expression, ils font juste de l’autopromotion en mentant effrontément. D’ailleurs la tendance, au nom de cette « liberté d’informer », est de traquer les soi-disant fake news, en fait les informations qui ne rentrent pas dans le moule. Et tant que ce rapport de force durera, les crimes de l’entité sioniste seront tus ou amoindris, et les droits du peuple palestinien ignorés.
D’après vous, les accords d’Oslo n’ont-ils pas été une grande arnaque qui a lésé les Palestiniens en les privant de leurs droits ?
Les accords d’Oslo ont été l’une des plus belles arnaques diplomatiques du siècle. Avec le consentement des Palestiniens. Dans une relation SM (sado-maso), le maître et l’esclave assument librement leur rôle. Le maître sioniste a trouvé dans Arafat l’esclave idéal pour jouer le rôle.
Je le dis avec beaucoup de tristesse et de rage. Mais la réalité est là. Arafat avait disparu de la scène internationale en 1992. Lorsque Rabin lui fait signe, il ne se retient plus. Il allait revenir sous les feux de l’actualité.
C’est le coup de génie de Rabin. Israël était dans une situation très difficile, disons catastrophique. L’Intifada montrait une armée d’occupation surarmée et brutale face à des gamins jetant des pierres. La cause palestinienne était au sommet. Si Rabin avait contacté Barghouti, le leader de l’Intifada, celui-ci aurait eu des exigences strictes et inflexibles : L’indépendance ou rien.
Arafat a renoncé à tout. Sur toutes les questions sensibles, les réfugiés, Jérusalem, les colonies, les frontières, l’État indépendant, Rabin lui a dit : « on verra plus tard ». Et Arafat a accepté.
Et en plus, il a livré 60% de la Cisjordanie sous la souveraineté totale d’Israël. C’est la zone C, sur laquelle sont construites les grandes villes d’occupation.
À la limite, Arafat aurait pu réaliser après 2 ou 3 années qu’il s’était fait manipuler, que les sionistes ne lui donneront jamais un État, et claquer la porte, et remettre l’occupant devant ses responsabilités. Mais non, il a continué jusqu’à sa mort et Mahmoud Abbas poursuit dans la même voie, qui conduit à l’étranglement progressif de ce qui reste de la Palestine.
Mais pour Rabin, et le régime sioniste, le gain était fantastique. Israël n’était plus l’occupant. Le monde entier faisait semblant de clamer la nécessité des 2 États. Il suffisait d’être patient et de négocier. Le régime sioniste a ainsi rétabli une grande part de sa crédibilité et de sa légitimité internationales.
On a vu les États-Unis et le monde entier choqué par la façon dont George Floyd a été assassiné par un policier. Or, les Palestiniens subissent les mêmes sévices au quotidien, cette prise (technique dite d’étranglement) étant souvent utilisée par l’armée israélienne, Tsahal. Comment expliquez-vous que personne ne conteste cela ? Le monde s’est ému à juste titre devant le meurtre de George Floyd, pourquoi ne réagit-il pas quand ce sont des Palestiniens qui se font assassiner ?
On revient toujours au même problème. Ce sont les médias qui font l’actualité. Et les médias sont contrôlés par qui ? Les Palestiniens n’ont pas voix au chapitre pour les raisons évoquées plus haut. Car lorsque les médias décident de gonfler un problème, ils y arrivent.
Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen
Qui est Jacob Cohen ?
Jacob Cohen est un écrivain et conférencier né en 1944. Polyglotte et voyageur, militant antisioniste, il a été traducteur et enseignant à la faculté de droit de Casablanca. Il a obtenu une licence en droit à la faculté de Casablanca puis est entré à Science-Po à Paris où il a obtenu son diplôme de Science-Po ainsi qu’un DES en droit public. Il a vécu à Montréal, puis à Berlin. En 1978, il est retourné au Maroc et où il est devenu maître-assistant à la faculté de droit de Casablanca jusqu’à 1987. Il s’est installé ensuite à Paris où il se consacre désormais à l’écriture. Il a publié plusieurs livres, dont « Le commando de Hébron » (2014), « Dieu ne repasse pas à Bethléem » (2013), « Le printemps des Sayanim » (2010), « L’espionne et le journaliste » (2008), « Moi, Latifa S. » (2002).
Il tient un blog et se produit sur YouTube où il évoque divers sujets.
Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour publication
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Source : Mohsen Abdelmoumen
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