Kurdistan irakien : enlèvement d’un journaliste pro-israélien
juillet 24, 2012
Par Gilles Munier
A condition de rester discret, le Mossad fait ce qu’il veut au Kurdistan irakien, du moins dans les territoires expressément contrôlés par Massoud Barzani. Ce n’est pas tout à fait le cas dans la région de Soulimaniya, fief du clan Talabani qui entretient des relations privilégiées avec le régime de Téhéran. La Savama, le service secret iranien, y a un bureau chargé, entre autres, d’éliminer les peshmergas du PJAK – Parti pour une vie libre au Kurdistan, en kurde : Partiya Jiyana Azad a Kurdistanê –et de dépister les agents israéliens s’infiltrant en Iran. En 2011, 10 000 Gardiens de la Révolution – Pasdarans – ont envahi la région frontalière de Chouman – au nord-est d’Erbil – faisant de nombreuses victimes civiles et détruit des villages côté irakien ; 8000 hectares de forêts sont partis en fumée. Ils s’en sont pris avec la même violence à la région de Penjween (50 km à l’est de Souleimaniya). Depuis les assassinats de scientifiques nucléaires revendiqués à demi-mot par Israël, l’Iran est sur le qui-vive (1). Les agents du Mossad arrêtés, ou supposés l’être, encourent tous la peine de mort.
Une cinquième colonne israélienne
en Irak
En Téhéran, en 2009, la fondation d’un Institut Israël-Kurdistan, à Erbil, avait été ressentie comme une provocation, d’autant plus que Mawlud Afand rédacteur en chef de sa revue,Israël-Kurd Magazine, est originaire du Kurdistan iranien. L’Iran a demandé sa fermeture à plusieurs reprises, sans succès.Dawood Baghestani, 64 ans, président de l’institut, a aussitôt été qualifié « d’espion de la cinquième colonne israélienne en Irak », et pour tout dire les Irakiens n’en pensent pas moins. C’est un personnage haut en couleur, plutôt hâbleur. Selon lui, qui s’est rendu à plusieurs reprises à Tel-Aviv, dont une fois clandestinement en 1967, il suffirait que les Etats arabes rendent leurs biens aux juifs pour qu’Israël fasse de même avec les Palestiniens ! Il affirme également, sans que ce soit vérifiable, avoir été emprisonné en Syrie, dans la cellule qu’aurait occupé le célèbre espion israélien Elie Cohen. Il ne faut donc pas s’étonner si les activités de son institut sont suivies de près par la Savama.
Eliezer Tsafrir,
ancien chef du Mossad
au Kurdistan irakien
Mawlud Afand a été menacé de mort à plusieurs reprises et Dawood Baghestani sérieusement tabassé. Le 8 juin dernier, les Iraniens sont allés plus loin. Afand a quitté son bureau à Erbil pour un mystérieux rendez-vous à Soulimaniya, et n’est pas réapparu depuis. Ses collègues disent qu’il devait rencontrer une femme parlant le persan qui lui avait téléphoné. Deux jours plus tard, Dawood Baghestani a accusé les services secrets iraniens de l’avoir kidnappé avec l’aide de l’UPK, le parti de Jalal Talabani.
Les médias kurdes ont demandé l’ouverture d’une enquête, sans se faire d’illusions.Reporters sans frontières s’est dit« préoccupé » : on le serait à moins… Masrour, fils de Massoud Barzani, qui préside depuis le 8 juillet dernier le nouveau Conseil national de sécurité kurde – comprenant l’Asayish, le Service de renseignement militaire et l’Agence régionale d’information – ne lèvera pas le petit doigt, et Pavel, fils aîné de Jalal Talabani, à la tête du Dazgay Zaniyari, service secret de l’UPK qui coopère avec les Pasdarans et laSavama fera la sourde oreille.
Interviewé par un magazine turc pro-israélien, Eliezer « Gayzi » Tsafrir, chef d’antenne du Mossad au Kurdistan irakien (2) sous les présidences des frères Aref (1963-1968), a estimé que Mawlud Afand avait fait preuve d’un« courage hors normes ». « Il écrivait ouvertement en faveur de liens ouverts et publics avec Israël, appelait à des investissements israéliens (au Kurdistan) et appelait à restituer les biens des juifs kurdes. Ces choses là, ont non seulement irrité l’Iran», a-t-il ajouté, « mais aussi humilié le gouvernement kurde autonome qui fait preuve d’une grande prudence en matière de relations avec Israël…». On se demande ce que cherchent les Israéliens, car ce genre de déclaration ne peut qu’aggraver le sort réservé à Afand.
(1) Mossad Behind Tehran Assassinations, Says Source, par Ulrike Putz (Spiegel on line – 8/2/11)
(2) Eliezer Tsafrir, chef d’antenne du Mossad au Kurdistan, irakien, de père kurde et de mère marocaine, dirigeait les conseillers israéliens encadrant les peshmergas. Leurs officiers étaient formés en Israël. Parallèlement, Tsafrir aidait le jeune Massoud Barzani à créer leParastin, service secret du PDK (Parti Démocratique du Kurdistan).
Pour info : Interview de Elieser « Gayzi »Tsafrir, dans le n°2 d’Israel-Kurd Magazine (janvier 2011).
http://issuu.com/kurdisrael/docs/2_english
Lire aussi :
Kurdes et Mossad : tribalisme, séparatisme et business, par Gilles Munier (Afrique Asie – juillet 2010)
C’est une excellente nouvelle !
monsieur gilles munier,
je ne vous aime pas.vous me faites penser à « pascal boniface » en pire !
depuis l’épisode irakien(le drame),je pense et je l’ai écrit,une des plaies du monde arabo-musulman ce sont les kurdes.
monsieur,gilles munier
je ne suis de taille pour polémiquer,avec un néo-orientaliste,pour ne pas dire atlantiste ! au sujet des kurdes.je veux juste dire que ceux opprimés ou ballotés,ils ont toute ma compassion(et c’est sincère)! et pour rappel,il y a eut des accords au vingtième siècle,au moment de la répartition de la région(et ces accords n’ont pas été tenus etc,etc ..vous le savez mieux que moi)!
j’ai adoré votre accusation contre la syrie et surtout l’expression,orientaliste:«le régime des mollahs » !je tiens a préciser que je ne suis admirateur d’aucun régime.je ne supporte pas l’injustice .c’est ma seule motivation.ps:je vous aime encore moins,monsieur !