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La diversion médiatique de l’AFP au secours des diversions militaires des insurgés


Par Louis Denghien, le 23 novembre 2012 

 
 
 

Effet d’un obus rebelle dans un appartement de Damas (probablement à Mazzeh), le 22 novembre : détruire un salon est effectivement encore un objectif à la portée des insurgés de la région de Damas. Maintenant, « menacer » sérieusement la ville est une tout autre histoire…

 Alors que les « gentils organisateurs » internautes de l’opposition ont placé leurs traditionnelles – et de plus en plus fantomatiques – manifestations du vendredi sous le mot d’ordre « La victoire est proche » (il n’y a que la foi qui sauve), les divers articles de l’AFP et de la presse mainstream retiennent ou soulignent deux faits majeurs pour les dernière 24 heures : les combats autour de Damas et ceux opposant depuis plus de 48 heures, dans la province d’al-Hassaké (nord-est) les rebelles islamiste aux combattants kurdes du PYD.

Concernant Damas, les combats ou incidents concernent toujours les mêmes secteurs : la Ghouta, à la périphérie est-nord-est de la capitale, et les abords sud-sud-ouest avec notamment la ville de Daraya, dont le nom revient dans les divers communiqués depuis plusieurs semaines. Damas elle-même étant « éclaboussée » par ces derniers affrontements, un obus de mortier rebelle étant tombé sur Mazzeh. C’est un fait que les rebelles, régulièrement chassés et décimés au sud et à l’est de Damas, reviennent, mais c’est une évidence qu’ils sont bien incapables, depuis des semaines, de faire mieux que harceler les forces gouvernementales. Leurs effectifs, certes difficiles à préciser, sont très vraisemblablement, au vu de la faible ampleur de leurs opérations, de l’ordre de plusieurs centaines, et non de plusieurs milliers.

Cela suffit à entretenir une tension psychologique aux abords de la capitale – et à fournir ses habituels articles à l’AFP – mais pas à la conquérir.

 Toujours le même vieux truc propagandiste

À propos de pression psychologique et d’AFP, cette dernière a persévéré, via un article signé par son préposé à la désinformation à sujet syrien, Hervé Bar, dans son travail de propagande pro-rébellion en consacrant un article à la prise par celle-ci de la désormais fameuse base 46, à une douzaine de kilomètres à l’ouest d’Alep. Bar relaie complaisamment toutes les rodomontades ASL : 300 soldats tués, 70 capturés au prix de seulement dix rebelles tués, le front repoussé à 7 kilomètres des faubourgs occidentaux d’Alep. Certainement, les rebelles ont réussi à s’emparer d’une partie de ce camp, fort vaste, et tué des soldats syriens. Mais, côté gouvernemental, on nie que les islamistes se soient emparés de toute la base, soumise d’ailleurs à des bombardements constants. C’est un vieux truc de la propagande rebelle : on prend trois pâtés de maison, on contrôle un quartier ; on contrôle un quartier, on contrôle la ville entière et ainsi de suite. Cela fait des semaines que les rebelles de la province d’Alep s’efforcent de s’emparer du secteur d’Antareb, ville située à une vingtaine de kilomètres à l’ouest d’Alep, dans le but de tendre la mains à leurs camarades d’Alep en assez mauvaise posture. C’est dire si le front se trouve aujourd’hui à 7 kilomètres à l’ouest de la capitale économique du pays !

Par ailleurs, il existe une certaine jurisprudence para-militaire : les rebelles ne se maintiennent pas toujours dans leurs conquêtes, et annoncent des victoires sans lendemains militaires ni même médiatiques : l’exemple le plus récent à cet égard étant « l’offensive décisive » de Maarat al-Numan, qui a complètement avorté, dans le silence complice de l’AFP, d’ailleurs. La télévision syrienne vient d’ailleurs de diffuser un reportage qui montre les soldats syriens progressant dans les quartiers de Maarat, et des interviews d’habitants ; apparemment les phalanges victorieuses de la rébellion se sont volatilisées …

http://www.youtube.com/watch?v=7A2faf6tnV8

Ce genre de mensonge triomphaliste, on le retrouve à propos de la ville d’al-Mayadine, sur l’Euphrate et à une cinquantaine de kilomètres au sud de Deir Ezzor : les rebelles en ont annoncé la conquête intégrale hier matin. Mais on s’y bat toujours, et on a déjà les faire-parts Facebook de combattants ASL tués dans cette bataille soi disant terminée.

Bref, les annonces des rebelles, pieusement amplifiées par l’AFP, sont autant de diversions médiatiques, lancées au jour le jour, la « victoire décisive » de mardi annulant celle de lundi, ou de la semaine précédente. Cela fait plus d’un an et demi que l’AFP  – et d’autres – fonctionnent ainsi.

 

Un fait politique et militaire majeur

Et puis l’essentiel n’est-il pas ailleurs  ? Même l’AFP est obligée d’ouvrir son panorama de la situation ce vendredi matin par les combats qui s’intensifient entre islamiste et miliciens kurdes à Ras al-Ain, sur la frontière turque et dans la province d’al-Hassaké,, dans le nord-est du pays, combats qui semblaient tourner jeudi à l’avantage des combattants du PYD syro-kurde. L’OSDH a donné des chiffres intéressants quoique suspects : environ 25 insurgés islamistes du Front al-Nosra tués conte 4 ou 5 combattants kurdes. Ces affrontements sanglants, assortis de déclarations menaçantes de part et d’autre, constituent bien le fait nouveau, voire majeur, de la crise syrienne : le PYD – et donc le PKK – est en guerre ouverte contre la rébellion, et lui dispute la zone éminemment stratégique de la frontière syro-turque. Dans ces conditions, les exploits réels, ou partiels, des bandes à la base 46...

 (re)Parlons chiffres

Et puis les islamistes seraient, à Ras al-Ain, toujours selon l’OSDH, 300, opposés à 400 combattants kurdes. Si l’OSDH dit 300, c’est sans doute exagéré. Mais cela donne malgré tout un ordre de grandeur des effectifs engagé par les rebelles dans ce secteur. Et cela éclaire, à notre avis, cette lancinante question des effectifs globaux rebelles. On a lu récemment encore à cet égard, sur le forum d’Infosyrie, des estimations délirantes. Mais on peut entrevoir la vérité à partir d’indications de ce genre fournies par l’ennemi. On entend souvent parler de déplacements et d’attaques de groupes de  200 ou 300 combattants, sur tel ou tel point. Pas d’offensives de plusieurs milliers d’hommes. Cela a pu être vrai à Alep et à Damas cet été (et encore il s’agissait souvent d’infiltrations discrètes sur plusieurs semaines), mais il ne nous apparait pas que les combats de Daraya, Harasta, ou dans les quartiers d’Alep, se fassent encore à cette échelle. Et puis les opposants, si prolixes en vidéos promotionnelles, n’ont jamais filmé des rassemblements supérieurs à 200 ou 300 (allez, 500 !) combattants. Jamais. Pourtant il leur serait sans doute facile de s’offrir des plans larges, avec une « figuration » digne de Lawrence d’Arabie, suggérant une armée nombreuse et invincible. Mais on attend encore…

La guerre de Syrie est, côté rébellion, une guerre d’infiltration, de coups de main ou d’ »opérations coup de poing » sur des positions adverses isolées. Ou, au mieux, une guerre urbaine : on peut faire des « merveilles » avec peu de monde, dans cette guerre-là, avec l’aide désintéressée de l’AFP

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