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La France de Macron en Syrie… Pour quoi y faire ?


21 février 2018
Politique

Michel J. Cuny
La France de Macron en Syrie… Pour quoi y faire ? (2)


Lors de son entretien exclusif avec Laurent Delahousse pour France 2, le 17 décembre 2017, le président Macron avance pas à pas et masqué :

« Bachar est l’ennemi du peuple syrien ; mon ennemi, c’est Daesh, si je devais résumer ma pensée. »

Lorsque le président Emmanuel Macron dit : « Bachar est l’ennemi du peuple syrien », chacun(e) ne peut que se ranger du côté du peuple. Et donc, nous (Macron et le peuple français), devrions nous opposer de toutes les façons possibles à Bachar El Assad.

Mais le président Macron tourne aussitôt les talons et dit : « mon ennemi, c’est Daesh ». Pourquoi ce revirement ?

Parce que le président Macron peut annoncer ce qu’il estime être une bonne nouvelle :

« On vient de gagner la guerre en Irak, avec la coalition. Le 9 décembre, le Premier ministre irakien, Abadi [Haïder al-Abadi], a annoncé la fin de la guerre et la victoire face à Daesh. »

Les guerres du Golfe des années 1980-1988, 1990-1991, l’embargo de l’ONU contre l’Irak (1990-2003), et la guerre anglo-saxonne de 2003 ont détruit des villes, les infrastructures du pays et le potentiel militaire. Il restait aux États-Uniens à régler définitivement son compte à Saddam Hussein. Après un procès bâclé et la condamnation à mort, immédiatement suivie de l’exécution du président de la République d’Irak, en décembre 2006, c’en était fini des superstructures de l’État. Sur ce chaos, Daesh a pu s’installer.

Pourquoi, après l’avoir tour à tour attaqué et protégé, faut-il, de façon générale, anéantir ce qu’il reste de Daesh ? C’est que Daesh, face aux États qui l’ont poussé en première ligne, serait un rude interlocuteur au sortir de ces guerres contre les pays arabes du Moyen-Orient. Sur les massacres de ses mercenaires, la coalition occidentalo-golfico-sioniste pense pouvoir installer des hommes de paille.

En Syrie, les choses se présentent différemment : M. Macron le sait qui voit l’ennemi encore vivant…

« Et je pense que d’ici mi-fin février, nous aurons gagné la guerre en Syrie. Bachar El Assad sera là. Il sera là aussi parce qu’il est protégé par ceux qui, sur le terrain, ont gagné la guerre. Que ce soit l’Iran ou la Russie. »

Le journaliste, Laurent Delahousse : « Parce qu’ils ont gagné la guerre, aussi. »

Dans ce même passage, le président français dit : « d’ici mi-fin février, nous aurons gagné la guerre » et « ceux qui, sur le terrain, ont gagné la guerre. Que ce soit l’Iran ou la Russie ».

« Ceux qui, sur le terrain, ont gagné la guerre », ce n’est pas le « nous » des chefs d’États occidentalo-golfico-sionistes au nombre desquels se range le président Macron. Alors, quelle « guerre en Syrie », ce « nous » paraît-il sûr de gagner ? Y aurait-il une guerre, toute neuve, en perspective ?

Inquiétante cette contrariété exprimée par le président français… à savoir que « Bachar El Assad » soit « protégé »… Faudrait-il livrer le Président syrien à des mercenaires ? Ou, comme Muammar Gaddhafi, à des membres des forces spéciales françaises ?

Le président Macron est bien obligé de le reconnaître : ceux qui ont gagné la guerre, ce sont « l’Iran et la Russie » qui ont inversé le rapport de forces sur le terrain en aidant la Syrie. Qui plus est, ces deux pays protègent le Président syrien :

« Et donc, nous ne pouvons pas dire : on ne veut pas parler avec lui et ses représentants. »

Voilà le problème… ne pas pouvoir dire à la Russie et à l’Iran : « on ne veut pas parler avec lui et ses représentants ».

Cependant, le président français… est tout en « Moi ».

« Moi, je l’ai dit. Le projet de la France en Syrie, qu’est-ce que c’est ? C’est de gagner la paix, maintenant. »

Piètre rhétorique qui ne trompe pas… Les chefs des États occidentalo-golfico-sionistes ont perdu la guerre sur le terrain syrien ; le chef de l’État français parle de « gagner la paix »…

Pour « gagner la paix », le président français a plein d’idées… « Le projet de la France en Syrie », c’est quoi ?

« C’est-à-dire de déminer le pays, de le démilitariser et de construire une solution politique qui permettra une paix durable. »

Une fois les coudées franches obtenues en Syrie, le président français établirait donc une « paix durable »… La démilitarisation de la Syrie passerait par un déni de son indépendance et de sa souveraineté : voie ouverte pour la colonisation…

Quelques minutes auparavant, après avoir reconnu que les Russes et les Iraniens avaient gagné la guerre avec les Syriens, M. Macron avait exprimé un regret… « nous ne pouvons pas dire : on ne veut pas parler avec lui et ses représentants ».

Mais, ici, M. Macron se reprend :

« Donc, il faut parler à tout le monde, il faudra parler à Bachar El Assad et ses représentants. » Durant cet entretien, le président français parle de « Bachar El Assad », de « Bachar », mais jamais du « Président Assad » comme si la population de la République Arabe Syrienne n’avait pas voté et ne l’avait pas réélu, en pleine guerre, à la fonction présidentielle. Ainsi donc, le président français ne lui octroie plus que des « représentants »… Cela ressemble à une élimination politique du Président Bachar El Assad.

L’étape suivante serait plus aisée. Le président français l’envisage ainsi :

« Après, il devra répondre de ses crimes devant son peuple, devant la justice internationale. » S’agit-il de procéder à une élimination judiciaire… selon le sort réservé à Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire ?

Le journaliste : « On ne remet pas notre ambassade à Damas, demain [!?] » Le président Macron :

« Le jour où je prendrai cette décision, évidemment, je l’annoncerai et je l’expliquerai. Mais, dans le processus que la France souhaite voir émerger en début d’année prochaine, et sur lequel on prendra des initiatives, il y aura des représentants de Bachar El Assad, mais je souhaite, aussi, surtout, qu’il y ait des représentants de toutes les oppositions, y compris de ceux qui ont quitté la Syrie pour leur sécurité ou à cause de Bachar et pas de Daesh. Ils sont aujoud’hui au Liban, en Jordanie, en Turquie mais également en Europe, aux États-Unis, au Canada. Et ils doivent pouvoir être représentés et le jour où nous mettons en place un processus démocratique, il doivent pouvoir voter. »

Le président français a donc son idée sur la suite à donner à cette guerre civile doublée d’une guerre coloniale, longue de six années (2011-2017), au moment où il parle : il s’agit de donner une place de choix aux « représentants de toutes les oppositions, y compris de ceux qui ont quitté la Syrie »… c’est-à-dire à ceux qui ont déstabilisé leur pays de l’intérieur ou/et de l’extérieur, et qui, ce faisant, ont déclenché une guerre qui a fait plus de 350.000 morts, à ceux qui se sont acoquinés avec les groupes de mercenaires de Daesh appuyés par la coalition occidentalo-golfico-sioniste, à ceux qui, finalement, sont en train de perdre la guerre.

Grâce à cette guerre perdue, les chefs d’États de la coalition occidentalo-golfico-sioniste pourraient imposer leur prétendue « démocratie » à la majorité de la population syrienne, c’est-à- dire un système politique qui leur convienne et qui conviendrait nécessairement à la minorité syrienne exilée qui a déjà montré qu’elle était prête à tout pour avoir des places.

M.Macron voudrait relancer la guerre civile en Syrie qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Il est bien dans la ligne d’une grande bourgeoisie de type colonial, conquérante, violente et brutale, qui fait éliminer, d’une façon ou d’une autre, les chefs attachés à la véritable démocratie dans leurs pays, pour étendre sa dictature politique et économique, mais aussi financière et militaire sur tous les peuples du monde.

[France 2 TV, L’entretien avec le président de la république, 17 décembre 2017. Propos recueillis par Laurent Delahousse. Note FP : Les mots ou points de ponctuation entre crochets sont de mon fait.]

https://unefrancearefaire.com/2016/12/10/en-syrie-depuis-2011-une-guerre-civile-allumee-par-des-exilees-et-doublee-dune-guerre-coloniale/

Françoise Petitdema

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