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La guerre syrienne menace de s’aggraver alors que la Turquie accuse Damas d’attaquer ses troupes (WSWS)


binali-yildirim-au-centre-avec-sa-femme-a_gaucheLe Premier ministre et les forces armées turques ont tous deux accusé jeudi le régime syrien de Bachar al-Assad d’avoir mené une attaque aérienne contre les troupes turques dans les environs d’al-Bab, dans le nord du pays.

L’incident menace de faire monter les tensions déjà fortes entre Ankara et Damas en une guerre totale, ce qui présente le risque très réel d’affrontements directs entre les grandes puissances.

Le Premier ministre turc Binali Yildirim a averti dans ses commentaires à Hurriyet que l’attaque « ne resterait pas sans réponse ». Les avions de guerre turcs à la base aérienne de Gaziantep ont été mis en état d’alerte.

Une attaque turque directe sur les forces gouvernementales syriennes entraînerait rapidement la Russie, un allié clé du régime d’Assad, encore plus profondément dans le conflit et la Turquie, en tant que membre de l’OTAN, pourrait appeler l’alliance au secours au titre de l’article 5, qui engage les membres de l’alliance à prendre la défense d’un État de l’OTAN attaqué. Une telle mesure signifierait une guerre entre l’OTAN et la Russie.

Les troupes turques ont lancé, fin août, l’Opération Euphrates Shield dans le nord de la Syrie, en alliance avec des milices d’opposition organisées dans l’armée syrienne libre (ASL) afin d’empêcher l’implantation d’une enclave kurde à la frontière turque par les combattants des unités de protection du peuple (YPG), qui sont alignés sur le Parti d’unité démocratique kurde (PYD). Le gouvernement syrien a condamné l’intervention comme une violation de sa souveraineté territoriale.

Ankara a prétendu que l’attaque s’est produite alors que ses troupes cherchaient à pénétrer dans al-Bab, une ville tenue par l’État islamique que la Turquie est résolue à capturer avant les forces kurdes. Le fait de prendre le contrôle d’al-Bab permettrait à la Turquie d’avoir voix au chapitre dans l’offensive pour reprendre la capitale de l’État islamique, Raqqa, et représenterait une étape importante pour bloquer les tentatives des combattants des YPG de faire se rejoindre deux zones kurdes au nord de la Syrie.

Le gouvernement syrien a récemment indiqué aussi qu’il pourrait lancer une offensive sur al-Bab, laissant paraître la perspective d’une bataille sur des fronts multiples autour de la ville. Selon les informations, des forces pro-gouvernementales se sont rassemblées au sud.

Sur Voice of America, un diplomate occidental anonyme a indiqué que l’attaque attribuée au gouvernement syrien court le risque de causer « une escalade potentiellement catastrophique de la guerre ».

Alors qu’il est tout à fait possible que les avions syriens aient lancé l’attaque, il existe de forts indices pour suggérer que la Turquie cherche à faire porter la responsabilité à Damas pour légitimer son incursion en cours. L’Observatoire syrien pour les droits de l’homme, une organisation alignée sur l’opposition qui peut difficilement être accusée d’avoir des sympathies pour le gouvernement d’Assad, a rapporté que les victimes turques ont été en réalité causés par un attentat suicide de l’État islamique mercredi. De son côté, le gouvernement turc a imposé une interdiction aux médias de rapporter des informations sur l’attaque. Le gouvernement syrien n’a pas commenté l’incident et il n’y a pas eu de vérification indépendante des affirmations d’Ankara.

La réponse des États-Unis à l’incident a également été voilée, indiquant les tensions continues entre Washington et Ankara sur la politique en Syrie. La semaine dernière, le Pentagone a annoncé qu’il retirait ses forces spéciales qui avaient été intégrées à la mission Euphrates Shield depuis son lancement en août. Lundi, un porte-parole du Pentagone a déclaré à un journal turc que l’offensive turque et de la ASL sur al-Bab n’était pas menée dans le cadre des efforts de la coalition internationale pour reprendre Raqqa.

Les États-Unis, qui ont fomenté la guerre en Syrie en 2011 dans le but de renverser Assad, sont les principaux responsables des plus de 300 000 morts et de l’aggravation des rivalités dans la région. Tout en approuvant initialement la mission Euphrates Shield de la Turquie, ils continuent de dépendre fortement des YPG, qu’ils ont armés et soutenus avec jusqu’à 500 soldats des forces spéciales. Preuve du rôle de combat majeur assumé par ces troupes dans la poussée contre Raqqa, la première victime américaine dans les combats a été révélée hier : un soldat des Forces spéciales a été tué par un engin explosif improvisé de l’État islamique.

Les YPG, qui, avec un certain nombre de milices plus petites, sont organisés dans les Forces démocratiques syriennes (SDF), avait annoncé plus tôt ce mois-ci le lancement d’opérations pour reprendre Raqqa. Mais elles ont été prises dans des affrontements intensifiés au cours de la semaine passée avec les forces de l’Armée syrienne libre (ASL) soutenues par la Turquie. La Turquie a lancé une série de frappes aériennes contre les combattants des YPG essayant d’atteindre al-Bab depuis Manbij à proximité. Les troupes turques ont également pris le rôle principal dans l’attaque contre al-Bab, plutôt que de s’appuyer sur leurs alliés de l’ASL comme dans les batailles précédentes. La Turquie considère les YPG et le PYD comme une filiale du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) séparatiste kurde interdit, et a promis de poursuivre et de reprendre Manbij aux SDF après avoir repris al-Bab à l’État islamique.

Un article sur le site Web de Stratfor, qui a des liens étroits avec les services de renseignement américains, a noté au début de cette semaine que Washington craignait que les affrontements turcs avec les YPG puissent « saper complètement l’effort de Raqqa ». Il a attiré l’attention quant à la possibilité d’affrontements entre l’ASL soutenue par les Turcs et les troupes gouvernementales syriennes, qui sont soutenues par les forces iraniennes et la Russie, si l’avance de la Turquie dans la province d’Alep progresse.

Comme le World Socialist Web Site l’a noté précédemment, il est clair que les États-Unis cherchent à créer de nouveaux « faits sur le terrain » par l’escalade du conflit avant la prise du pouvoir par le président élu Donald Trump, qui n’a pas encore clarifié ses intentions en Syrie, mais a indiqué la possibilité d’améliorer les liens avec la Russie. Plus tôt cette semaine, il a été révélé que des missiles antiaériens portables (MANPADS), avaient été livrés au Front Ansar al-Islam, une milice extrémiste islamiste ayant des liens avec la filiale syrienne d’Al-Qaïda.

Ces développements soulignent le caractère téméraire de la poussée de l’impérialisme américain pour établir sa domination sans partage sur les ressources énergétiques du Moyen-Orient. Pendant plus de deux décennies de guerre quasi ininterrompue, il a conduit la région à un point où un certain nombre de poudrières dans la guerre civile syrienne, sans parler de l’Irak où les conflits sectaires sur le contrôle de Mossoul s’intensifient, pourrait déclencher une guerre plus large avec des conséquences catastrophiques pour la population de la région et au-delà.

Mercredi, le porte-parole du Département d’État, Mark Toner, a exhorté les alliés européens de Washington à empêcher les pétroliers russes d’utiliser leurs ports sur le chemin vers la Syrie pour l’approvisionnement du kérosène destiné aux avions de guerre russes. Le même jour, l’Union européenne a dévoilé son intention d’enquêter sur la Russie pour une prétendue violation des sanctions de l’UE contre la Syrie en raison de son utilisation d’un port chypriote en octobre lors du transport du kérosène au régime d’Assad.

Le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général Igor Konashenkov, a riposté avec colère jeudi en accusant les États-Unis d’inciter d’autres États à bloquer les opérations antiterroristes russes en Syrie. Konashenkov a déclaré que les États-Unis avaient entravé les opérations russes depuis des mois « en faisant traîner les pourparlers, les échecs à respecter les obligations de séparer l’opposition des terroristes et les promesses constantes de fournir un jour des informations sur les militants. Maintenant, le Département d’État a ouvertement demandé à d’autres pays d’entraver notre armée de l’air dans la lutte contre le terrorisme international en Syrie ».

En réalité, la principale préoccupation de la Russie en Syrie n’est pas « la lutte contre le terrorisme », mais de soutenir le régime d’Assad, qui est son principal allié au Moyen-Orient. Son intervention ne fait qu’accroître la probabilité d’un affrontement militaire catastrophique entre les grandes puissances.

Moscou a continué son soutien à l’offensive de l’armée syrienne contre les zones civiles de l’est d’Alep pour déloger les rebelles djihadistes, dominés par le Front al-Nosra, affilié à Al-Qaïda. Depuis la reprise des attaques directes sur la ville le 15 novembre, les frappes aériennes syriennes et russes, dont des attaques de missiles lancées à partir des porte-avions russes en Méditerranée, ont tué plus de 140 civils. Des dizaines de personnes ont également été tuées et blessées dans des zones contrôlées par le gouvernement par des bombardements aveugles des islamistes.

(article paru en anglais le 25 novembre 2016)
La guerre syrienne menace de s’aggraver alors que la Turquie accuse Damas d’attaquer ses troupes (WSWS)

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