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La Turquie : première perdante si le régime syrien tombe.


 
 

Durant ces deux années, la crise syrienne a constitué un test à tous les niveaux de la politique étrangère turque.Tous ses principes et ses fondements ont ainsi été mis en examen  au cours des dernières années qui ont précédé le déclenchement de la crise en Syrie et dans les relations entre les deux pays.

Si les premiers signes d’un changement ont été amorçé dans la position d’Ankara envers Damas , ces deux années ont amplement démontré les caractéristiques de cette transformation et les nouvelles tendances et les objectifs de la Turquie.

Sans ordre précis, il serait  intéressant de  souligner certaines observations :

1 – Malgré les prétentions du ministre des affaires étrangères turc Davutoglu, selon lesquelles  la Turquie n’a décidé de s’opposer au régime syrien qu’après des dizaines de visites et conseils de réunion ,dont le dernier en date d’Août 2011 ;  Ankara était depuis le début , soit  un mois à peine après la crise, en train de se positionner en tant que berceau accueillant de  la direction de l’opposition politique syrienne, puis peu de temps après, elle est devenu le foyer de l’opposition armée syrienne représentée par « l’Armée syrienne libre ».

2 – Outre la distance et les délais, la Turquie a choisi d’être le fer de lance de la chute du  régime syrien en  servant de quartier général à cette mème « Armée syrienne libre ». De plus, Istanbul a accueilli le premier « Conseil national syrien ». Mais surtout ,le territoire sert de  couloir de transit de tous les types de militants et  base de ravitaillement de l’armée et de logistique pour les milices qui se dirigent vers le territoire syrien.Cela de l’observation  unanime de tous les médias occidentaux et orientaux.

3 – La Turquie alimente tous les efforts régionaux et internationaux visant à renverser le régime syrien comme « les Amis de la Syrie », fruit des efforts d’Ankara. De même, la collusion  entre la Turquie et la Ligue des États arabes est à son apogée pour  isoler la Syrie en suspendant son adhésion à la Ligue Arabe. La diplomatie turque a également fait de grands efforts auprès des instances internationales pour obtenir une décision du Conseil de sécurité d’imposer une zone tampon ,voire déclencher une intervention militaire étrangère et augmenter la pression contre  la Russie et  la Chine.

4 – La Turquie a tenté d’imposer tout son poids pour renverser le régime syrien et le rayer  de la carte de la Syrie et de la région.Elle a scandé le slogan «  ou tout ou rien »  et a misé sur une chute rapide du régime , comme ce fut la cas  en Égypte, en Tunisie et , plus tard , en Libye. Ankara a donc défini des  délais à  la chute du régime dans le cadre d’une guerre psychologique pour y accélérer sa chute. Or, Ankara, qui  a misé sur une unique option entraînant   sa politique dans une  impasse,a évité de se remettre en question en adoptant la politique de la fuite  avant.

5 – Il est clair que l’une des plus grandes erreurs de la politique d’Ankara envers la Syrie qui l’a mené à un échec , est l’incapacité de ses  théoriciens à avoir une lecture géopolitique interne de la  Syrie. Aussi , ils n’ont pas étudié correctement le rôle régional de la Syrie, sa position internationale dans  la politique étrangère de la Russie et de la Chine, dans la lutte pour l’établissement d’un nouvel ordre mondial, ni  l’importance de la Syrie dans ce repositionnement des forces. Les  dirigeants turcs ont manqué les points forts de la Syrie sur le plan interne et externe.

6 – Conséquence :  l’apparition de menaces pour  la Turquie comme  la première opposition sectaire entre sunnites et alaouites à l’intérieur du pays,   l’escalade des affrontements militaires avec  le PKK.L’émergence de la carte  Kurde dans le nord de la Syrie est devenu une menace pour la Turquie.

7 – On assiste donc à l’effondrement  de la théorie de «zéro problème» proposée par  M. Davutoglu et adopté par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan . La Turquie s’est retrouvé  au niveau zéro dans ses relations avec ses voisins, notamment l’Irak, l’Iran, mais aussi avec  les Libanais et  la Russie.

 8 – La crise syrienne a dévoilé l’ambivalence de la Turquie .Ainsi ,Ankara a tenté de justifié sa théorie de « zéro problème » qui concernait les peuples et non les régimes. Dans ce cas,  pourquoi ce slogan est-il resté silencieux à l’égard du peuple bahreïni ?

 9 – Il est clair que  la politique étrangère de la Turquie a tenté ,à travers  sa détermination, à renverser le régime en Syrie et de vouloir frapper plusieurs cibles avec une mème pierre. La Turquie aspirait a être le seul joueur dans la région. Ankara estime que le renversement du régime syrien pourrait affaiblir la position du régime irakien, puis le Hezbollah au Liban et l’Iran. Le discours de Davutoglu ,le 27 Avril 2012 ,au parlement turc fut  très important car il dévoilait les intentions d’Ankara  de répandre son hégémonie sur  la région  ,sans partenaire arabe. Ensuite, pour Ankara la chute du régime syrien ouvrirait  la voie au « nouvel empire ottoman « , comme l’a si souvent répété  M. Erdogan.

10 – Ankara a commis une erreur terrible quand elle s’est présentée comme  l’axe sunnite de la région, balayant d’un coup  tous les slogans d’un modèle turc laïque et démocratique. Ses représentations ethniques et sectaires ont établi une distinction au sein des forces de l’opposition syrienne en faveur des islamistes et des Frères musulmans  contre les forces laïques et kurdes.

11 – La crise syrienne a poussé  la Turquie à se  rapprocher dangereusement de l’OTAN en déployant sur son territoire un système de défense antimissile territorial :Patriot.Les autorités turques ont estimé que leurs frontières sont celles de leurs fournisseurs de l’Atlantique : une première dans l’histoire d’un pays musulman d’Orient. Il s’agit d’un changement majeur sans précédent et dangereux pour la Turquie

 

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12 – La Turquie a sacrifié le bénéfice de ses relations antérieures avec les pays voisins, allant jusqu’à trahir sa politique d’ouverture d’avant la crise syrienne qui avait attiré ses voisins. Désormais, la Turquie est vue comme un État bélligérant qui  s’immisce dans les affaires intérieures d’autres États.  Elle a ainsi exhorté Hosni Moubarak à démissionner et s’est littéralement embourbée  dans le conflit syrien en le suscitant.De la politique « zéro problème » ,la Turquie  est abandonnée par les régimes politiques qui ont pu croire en sa bonne foi dans ce concept. Il s’agit d’une évolution dangereuse pour elle , qui souhaitait s’attribuer un role majeur dans le région alors qu’elle était auparavant  un allié  unique de  l’Occident et de l’ Israël,.Aujourd’hui ,la Turquie est partie prenante dans des conflits internes de nombreux pays de son voisinage.

13 – La survie du régime syrien serait  un échec de la politique du Parti pour la Justice et le Développement qui est  au pouvoir en Turquie.

E n conclusion , la chute du régime ne signifierait aucunement  une victoire de la Turquie. Car la question ne dépend pas de la survie de tel ou tel régime, mais de la relation de la Turquie avec les autres composantes sociales, religieuses et ethniques de la région, qui ne peuvent plus ignorer ses déboires dans la crise syrienne. La trahison de la confiance et le retour de la suspicion entre la Turquie et son environnement immédiat ,en raison de la crise syrienne , seront  des obstacles essentiels pour le  retour de la Turquie en qualité de  partie intégrante de l’environnement oriental. 

 

 
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