La vérité sur les pertes usaméricaines en Iraq(30 octobre 2006)
mai 24, 2017
ITRI : Institut Tunisien des Relations Internationales
Publié par Candide le 24 mai 2017 dans Chroniques
La vérité sur les pertes usaméricaines en Iraq : 3 000, 15 000 ou 20 000 morts ?
Par Ali Hussein Bakeer, 30 octobre 2006
Traduit par Ahmed Manaï et révisé par Fausto Giudice
Depuis le début de la guerre usaméricaine contre l’Iraq, le chiffre des pertes humaines de l’occupant fait l’objet d’une polémique qui n’est pas prête de prendre fin, étant donné son impact sur l’opinion publique, sur les médias, le moral de l’armée, l’administration usaméricaine et ses orientations politiques.
Ce papier se promet d’analyser les données fournies par toutes les sources en vue de parvenir à une évaluation correcte du chiffre des morts usaméricains en Iraq.
Les chiffres officiels
Le mois de septembre 2006 a connu le plus grand nombre de pertes dans les rangs des troupes usaméricaines en Iraq, au cours des deux dernières années. Selon le Pentagone, le chiffre des morts a été de 70 et celui des blessés de 776. Le Site Global Security pour sa part, a estimé le chiffre des blessés au cours du même mois mois à 900. Cela correspond à une moyenne tout à fait exceptionnelle et jamais citée dans les rapports du Pentagone, en dehors de l’offensive des troupes usaméricaines sur la ville de Falloujah au cours du mois de novembre 2004. Cette offensive avait fait 1429 blessés et 140 morts dans les rangs des troupes usaméricaines.
La nouvelle surprise est que le mois d’octobre 2006 a connu un regain de violence et d’actions de résistance et a été de ce fait l’un des mois les plus durs pour les troupes usaméricaines. Le nombre de soldats morts avait atteint le chiffre de 86, jusqu’à la date du 23 octobre, amenant celui des 9 premiers mois de l’année 2006, à 620 et le chiffre global des morts à 2790, et ce depuis 2003, toujours selon les sources officielles usaméricaines.
Selon de nombreux observateurs arabes et étrangers, selon aussi des centres d’étude et d’observation occidentaux ainsi que des organismes d’information, ces chiffres, quoique élevés, ne traduisent pas la réalité.
Nous avons appris récemment, selon l’étude publiée par le journal The Lancet, que le nombre de civils iraquiens morts depuis l’invasion usaméricaine de 2003 était de 655.000. Ce chiffre est 3 à 5 fois plus élevé que les chiffres avancés par les estimations les plus connues. Mais il est 13 fois plus élevé que les estimations du programme Irak Body Count, et sans doute encore plus grand que les estimations officielles usaméricaines(plus de 23 fois plus) qui prétendent que le nombre de morts irakiens était de 30 .000.
Il est évident dans ces conditions que le nombre officiel de morts usaméricains est lui aussi irréaliste et en deçà de la vérité.
Les estimations des sources étrangères indépendantes
Selon le site Internet d’information http://www.tbrnews.org/, qui recense les chiffres des morts et blessés usaméricains en Irak et produit un bulletin périodique régulièrement actualisé, le nombre de militaires tués en Irak en date du 23/10/06, dépasse les 15.000 et celui des blessés dépasse les 27.000.
Ce site a publié en date du 23/10/06, un article intitulé « la guerre des républicains : Merci Georges ! », dans lequel il est notamment écrit : le nombre exact des militaires morts en Irak jusqu’au 19 octobre 2006 dépasse actuellement les 15 000 et augmente sans cesse, ainsi que celui des blessés, qui a atteint les 27 000 et ne cesse d’augmenter lui aussi.
Ce site a fait allusion à l’opération exécutée par la résistance contre la base Falcon, au sud de Bagdad dans la nuit du 10 au 11 octobre 2006 et dans laquelle plus de 300 militaires trouvèrent la mort ou furent blessés. Les pertes n’ont pas été recensées officiellement. Rappelons que cette base abrite près de 5 000 militaires usaméricains, mais les sources officielles n’ont admis l’existence que d’une centaine de militaires dans la base.
Sur la base de l’article publié sur le même site par Brian Harring, il y aurait une forte présomption que le Pentagone omet sciemment de publier le chiffre exact des morts usaméricaines. Harring signale qu’il avait eu l’occasion de recevoir des copies de listes établies par l’unité de transport aérien des soldats usaméricains effectivement transportés à la base de Dover. Ces listes montrent que le nombre de soldats transportés est nettement supérieur à celui publié par le Pentagone.
L’auteur, un analyste et correspondant en matière stratégique et de renseignements, affirme disposer d’un document officiel, publié par le Pentagone mais vite retiré de la circulation, qui confirme que le nombre des morts usaméricains en Irak avait atteint les 10.000 dans la période allant de mars 2003 à juillet 2005 (ce document est disponible sur le lien suivant : http://www.maktoobblog.com/alibakeer.)
Harring conclut que si l’on tient compte que les milieux officiels avaient reconnu l’existence de 15.000 blessés graves en plus de 25.000 blessés légers, le nombre de morts usaméricains qui ne dépasserait pas les 3 000 officiellement, serait tout à fait irréaliste.
Mais la situation ne se limite pas à cela, puisque le rapport mentionne que pas moins de 5.500 soldats usaméricains ont déserté vers le Canada, l’Irlande et d’autres pays européens.
Dans un article intitulé « Combien d’Usaméricains sont morts vraiment en Irak » publié le 11/ octobre 2006, Tribor Tsharm écrit : « l’administration usaméricaine ment sans doute à propos des chiffres des morts en Irak », ajoutant qu’il avait lu des rapports assurant que le chiffre des morts usaméricains dépassait les 10.000, ce qu’il estime être d’une grande crédibilité, surtout en prenant en compte la révélation récente faite par l’association des anciens combattants au Vietnam, selon laquelle le nombre des morts usaméricains au Vietnam serait supérieur de 20.000 au chiffre officiellement admis, soit 78.000 au lieu de 58.182.
Les chiffres des groupes de résistance
Il est de notoriété publique que les groupes de résistance ont de grandes capacités de rendre compte des réalités des opérations sur le terrain et des pertes humaines et matérielles qu’ils font subir à l’ennemi. Le problème qui se pose ici est celui de la multitude des groupes et par conséquent de leurs communiqués. Un grand nombre de groupes entreprennent leurs actions sur le terrain sans aucune coordination et parfois même sans publier de communiqués relatifs à leurs actions.
On peut tout de même évaluer les pertes causées par ces groupes dans les rangs de forces d’occupation, en nous basant sur les communiqués de chacun d’entre eux.
L’Armée islamique en Irak est considérée comme étant le plus important groupe de résistance. C’est aussi le groupe le plus structuré, le mieux organisé, le plus discipliné et aussi le plus précis dans ses statistiques. L’Armée islamique a conservé une grande régularité dans ses opérations et procède comme les autres groupes à filmer ses opérations les plus éclatantes.
Dans une entrevue avec le journal online de l’Armée islamique, son commandant en chef a déclaré : « Nous avons tué des milliers de soldats et de gradés et blessé beaucoup plus. Selon nos statistiques, les pertes usaméricaines dépassent les 25.000 et les blessés sont quelques dizaines de milliers ».
Le chiffre de 25.000 morts est proche de l’estimation d’un expert militaire russe pour lequel « le nombre réel des morts usaméricains en Irak équivaudrait au chiffre officiel du Pentagone multiplié par dix ».
Les chiffres des sites d’information arabes
A notre connaissance, le site internet http://www.almokhtsar.com/ est le seul site arabe qui mentionne le nombre de morts des occupants usaméricains depuis le début de l’occupation. L’actualisation de ce chiffre se fait régulièrement tous les jours, sur la base des informations récoltées des diverses sources sur les pertes usaméricaines. Le site comporte 2 parties, l’une réservée aux pertes du jour et l’autre aux pertes totales depuis l’annonce par Georges Bush de la fin des opérations de guerre en avril 2003.
Le compteur du site marque pour le 23/10/06 le chiffre de 33.693 morts, soit 12 fois le chiffre de 2790 annoncé ce jour-là par les autorités officielles usaméricaines.
Nous avons écrit une lettre aux responsables du site pour nous informer sur ses sources. Leur réponse était qu’ils se fondaient sur une synthèse de données fournies par de nombreuses sources, dont le site http://www.islammemo.cc/ , celui de Mohamed Abu Nasr http://www.nodo50.org/csca/ et le site Jihad Insheen que le département d’État a violemment attaqué et cherché à fermer, puis les agences de presse, des sites irakiens et Aljazeera.net.
Il nous a été dit que le compteur avait commencé à fonctionner 3 mois après le début de l’occupation, mais que le chiffre des morts correspondants à cette période a été ajouté.
La vérité dans tout cela ?
Il est à remarquer que la grande différence entre les divers chiffres a incité certains lecteurs à douter de la véracité des plus élevés d’entre eux, surtout lorsqu’on les compare aux chiffres officiels.
Pour avoir une idée correcte sur le chiffre approximatif des pertes humaines des troupes d’occupation en Irak, nous devons convenir de certaines règles :
1) Le rapport quotidien publié par le Pentagone souffre de graves insuffisances techniques. Ainsi il arrive qu’entre le moment où l’on établit le rapport et celui de sa publication, l’on enregistre des pertes mais celles-ci ne sont pas couvertes par le rapport journalier et ne sont pas publiées.
Si le chiffre officiel était exact, le Pentagone n’aurait pas été amené à interdire de filmer ou de transmettre les cérémonies de transport des dépouilles mortelles vers l’Allemagne ou les USA.
Les chiffres exacts, qui sont supérieurs à 3 000 sûrement, risquent, s’ils étaient publiés, d’influer sur l’opinion publique usaméricaine, de créer un climat hostile à la guerre, de déstabiliser la classe politique et d’influer sur les positions de retrait ou de maintien des troupes en Irak. C’est essentiellement pour ces raisons qu’ils sont occultés et minorés.
2) Le problème des chiffres officiels ne réside pas uniquement dans le fait qu’ils sont minorés mais aussi et surtout qu’ils ne comprennent pas les soldats blessés et morts lors de leur secours ou de leur transport vers les hôpitaux des pays voisins ou en Allemagne. Le chiffre ne comprend pas non plus les fonctionnaires usaméricains des affaires étrangères et des services de renseignement, ni les contractuels, les mercenaires, les soldats combattant dans l’armée mais n’ayant pas la nationalité usaméricaine.
Un rapport de l’agence Reuters daté du 10 octobre 2006, affirme que le nombre de contractuels travaillant à titre personnel et privé en Irak est de 100.000. Ce sont les chauffeurs, les traducteurs, les électriciens, cuisiniers et autres catégories de personnel d’assistance aux militaires dans les services de bureau ou autres travaux.
Selon les services du ministère du travail US, le nombre de morts dans ces catégories de personnel, jusqu’au mois de novembre 2005 était de 428 et celui des blessés de 3963, mais le chiffre de morts dans cette catégorie de contractuels passe à 647 selon le rapport de Reuters, cité plus haut. Évidemment ces morts et ces blessés ne sont pas pris en compte dans les statistiques officielles du Pentagone.
3) Pour bien évaluer le chiffre des pertes US en Irak, il faudrait tenir compte du nombre des opérations exécutées au quotidien contre l’armée d’occupation. Se fondant sur les déclarations du journaliste Bob Woodward du Washington Post, il y a entre 800 et 900 opérations et attaques par semaine contre les forces d’occupation, ce qui veut dire plus d’une centaine par jour ou 4 par heure.
Si nous comparons cette estimation aux déclarations d’un seul groupe de résistance, nous trouverons qu’elles sont très proches. Ainsi l’Armée islamique en Irak déclare au mois de septembre 2006, que le nombre d’opérations que ses formations avaient faites au cours des 4 derniers mois, était de 2600, soit 22 opérations par jour. Si par conséquent un seul groupe de résistance fait 22 opérations par jour, tous les autres seraient bien en mesure d’en faire une centaine par jour. Rappelons qu’il y a des groupes de résistance très importants et très actifs sur le terrain, tels que l’Armée des Moujahidine, l’Armée des Rachidine, Ansar Assunna, le Conseil de la Choura des Moujahidines, les Phalanges de la Révolution de 1920, l’Armée des conquérants et d’autres.
4) Si nous tenons compte du chiffre des morts le plus élevé qui est celui du site http://www.almokhtsar.com/ , c’est-à-dire 33.693 morts usaméricains, on constate qu’il n’est pas exagéré, compte tenu des effectifs usaméricains présents en Irak, le nombre de résistants et celui de leurs opérations.
Le nombre d’Usaméricains présents officiellement reconnu est de 144.000, plus 100.000 autres à titre officieux et dont les morts ne figurent pas dans les rapports officiels.
Selon un rapport de 57 pages, publié par le Centre Brookings le 19 octobre 2006 et qui comporte un certain nombre de données sur la Résistance Irakienne, les résistants et les combattants venus des pays arabes, ainsi que sur les conditions économiques, sociales, d’hygiène et de sécurité, il y a, au mois de septembre 2006 en Irak, 162.000 militaires de la coalition, dont 144.000 usaméricains, ainsi que 100.000 contractuels et assimilés.
Le chiffre avancé par http://www.almokhtsar.com/ représenterait 13,8% de l’effectif total des militaires usaméricains, 244.000, ce qui est acceptable et crédible. En tout cas, il l’est plus que le chiffre officiel et qui ne représenterait que 1,9% des effectifs militaires usaméricains en Irak.
5) Les cassettes vidéo des opérations de la résistance participent beaucoup à démentir les chiffres officiels des morts, en plus de leur effet psychologique sur l’ennemi. Elles constituent un miroir de la situation précaire des troupes d’occupation. Une cassette vidéo, réalisée par l’Armée Islamique sur le « tireur de Bagdad », permet à elle seule de démentir les chiffres officiels. Est-il possible qu’une unité de tireurs d’élite, puisse tuer 666 militaires usaméricains (un grand nombre de ces opérations sont filmées) soit pratiquement le ¼ des tués selon la version officielle. Ceci accrédite davantage la thèse du chiffre élevé retenu par certains sites, que la thèse officielle. D’ailleurs les usaméricains n’ont jamais publié de communiqué sur les victimes des tireurs d’élite et peut-être sont-elles simplement occultées. Sans les cassettes vidéo, peu de gens auraient entendu parler des victimes des snipers irakiens.
6) Si les chiffres officiels des morts étaient d’autre part exacts, cela veut dire que l’armée d’occupation ne rencontre pas de grosses difficultés, ne serait-ce que parce que ses pertes sont faibles (1,9% du total des effectifs). Mais est-ce l’indice qu’il n’y a pas de problème ou au contraire qu’il y en beaucoup ?
Comment expliquer dans ce cas ses difficultés à recruter, malgré les avantages consentis aux nouvelles recrues, tel que le montant de 20.000$ alloué à chaque nouvelle recrue, une couverture des frais de scolarité allant jusqu’à 60.000$ ? En plus, l’armée avance jusqu’à 15.000$ comme avantages divers aux engagés dans certaines unités spéciales et disposant de certaines qualités.
En plus une nouvelle loi sur la nationalité, signée en novembre 2003, a permis de faire baisser le délai d’obtention de la nationalité usaméricaine de 3 à 1 an pour les engagés de l’US Army.
En 2004, 7500 soldats ont ainsi obtenu la nationalité US et ce chiffre est le plus élevé depuis la guerre du Vietnam.
Mais pourquoi toutes ces difficultés de recrutement malgré tous ces avantages et pourquoi l’on n’assiste pas au contraire à un rush de candidatures ?
N’est-ce pas parce que le chiffre des morts est important et que les jeunes craignent d’y laisser la vie ? Pourquoi aussi le Pentagone se trouve-t-il contraint de multiplier les avantages pour les nouvelles recrues, si ses pertes sont faibles et ne constituent pas un facteur inhibant pour les jeunes ? Ou bien est-ce plus tôt pour combler les brèches et remplacer les morts, de plus en plus nombreux ?
Selon un rapport précédent, intitulé « les manifestations d’un désastre usaméricain en Irak », l’incapacité des Usaméricains à incorporer des nouvelles troupes n’est pas le problème n°1 , qui est en revanche celui de garder leurs recrues, puisque 30% des nouvelles recrues abandonnent le service au bout de 6 mois et certains d’entre eux le font à cause du grand fossé entre leurs propres dispositions et ce qu’on exige d’eux sur le terrain. Ceci a incité l’armée à baisser ses critères de recrutement et à recommander à ses commandants « de ne pas libérer les soldats pour leur mauvaise condition physique, leur mauvais rendement, du fait que certaines soldates tombent enceintes, du fait de leur alcoolisme ou l’usage de drogues ». Tout cela pour colmater les brèches et le vide laissés par les morts sur le terrain en Irak.
D’autre part comment expliquer les désertions en grand nombre ? Le Pentagone a reconnu que plus de 5500 soldats ont déserté le service militaire depuis le début de la guerre contre l’Irak. En 2001, une ligne téléphonique a été mise au service des jeunes Usaméricains qui voulaient quitter l’armée et a répondu à 33 000 de leurs appels en 2005, soit le double des appels de 2001.
Ainsi, si tout va bien pour l’armée usaméricaine et si ses pertes sont faibles, pourquoi alors l’administration interdit-elle aux soldats en fin de service de quitter l’armée ? Conformément à un rapport publié par « l’Institut d’études de la politique usaméricaine » en date du 31 août 2005, les décisions d’interdiction, sans limite de temps, aux soldats de quitter l’Irak après la fin de leur service a touché plus de 14.000 d’entre eux, c’est-à-dire près de 10% de l’ensemble des effectifs servant en Irak.
Original : http://www.albasrah.net
Ali Hussein Bakeer, 24 ans, est Jordanien, chercheur en relations internationales et s’intéresse particulièrement aux questions géostratégiques. Il anime un blog en arabe : http://www.maktoobblog.com/alibakeer
Traduit de l’arabe par Ahmed Manaï et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique.
Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.
La source originale de cet article est Albasrah
Copyright © Ali Hussein Bakeer, Albasrah, 2006