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Le nouveau fantasme de la France : une Syrie vidée de ses chrétiens


Le nouveau fantasme de la France : une Syrie vidée de ses chrétiens

Par Françoise Compoint

 Les passions n’en finissent pas en Syrie. Comme si la querelle idéologique opposant alaouites et sunnites ne suffisait pas, voici que les chrétiens – des orthodoxes majoritairement – sont bons à passer à la casserole. Familièrement parlant, il semblerait que notre chère et douce France y mette son grain de sel, cela, non sans le précieux soutien de l’Eglise catholique. Voici l’histoire en quelques mots, histoire plus qu’embarrassante qui a été révélée par le Patriarche d’Antioche, Ignace IV, quelques jours avant son décès survenu le 5 décembre.

L’affaire a surgi le mois dernier et fait l’objet d’un grand scandale, impliquant Eglises orientales chrétiennes, ambassades occidentales et opposition syrienne. En apparence anodin, voire soucieux de la sécurité des chrétiens résidant sur le territoire syrien et notamment à Damas, le plan consistait à évacuer les ressortissants des églises et patriarcats locaux. Pour ce faire, on leur proposait des visas ouverts en direction de pays tels que la France, le Canada, la Suède et l’Allemagne. Ces visas se sont avérés tellement ouverts qu’ils ne présupposaient aucune garantie ou assurance que les personnes concernées, une fois le document expiré, regagneraient leur pays d’origine. Il y a plus. Se présenter à l’ambassade en affirmant vouloir quitter le territoire pour telle ou telle raison ne garantissait en aucun cas l’obtention d’un visa. Il fallait se présenter avec un certificat signé, par exemple, par le curé de la paroisse fréquentée, confirmant son appartenance au christianisme, donc, être croyant-pratiquant.

Non mais sérieusement, ça ne vous rappelle rien ? Sans prétendre à l’originalité, j’évoquerais l’exode des juifs au moment même de son paroxysme, en 1933. En effet, en cette année qui ouvre la voie à la nazification totale de l’Allemagne, près de 40.000 juifs ont quitté le pays … par chance pour eux, bien sûr ! Ce qui importe, c’est qu’il était alors devenu clair que ce grand exode ne préparait qu’une extermination en masse particulièrement méthodique. Dans le cas de la Syrie, la création d’un espace vital propice à la radicalisation d’un pseudo-islam en pleine ébullition renvoie à une autre idée, celle-ci ô combien grave et presque indicible. Elle a été récemment soulevée par un collègue-journaliste, Alexandre Latsa, mais dans le contexte kosovar. D’après son analyse du conflit serbe, lui aussi encadré et soutenu par l’OTAN jusqu’à l’étrange mort de Slobodan Milosevic dans le centre de détention de l’ONU, il se fait que l’UE, en éternel pantin des USA dont elle devient progressivement le principal bras armé, a sciemment milité pour l’indépendance du Kosovo dans le seul et unique dessein de voir émerger la « Grande Albanie ». Or, qu’est-ce que représente en pratique ce grand territoire ?

Primo, une immense base propice à l’expansion d’un islam d’obédience wahhabite et là, je ne mâche pas mes mots dans la mesure où les nouveaux maîtres du territoire se réclament du panislamisme ottoman dans toute la belligérance qui lui est propre. Or, qui est donc le promoteur numéro un de l’impérialisme ottoman ? Erdogan. De fil en aiguille, on en arrive à la personnalité d’Erdogan, sans doute par hasard chouchouté par le bloc Atlantique qui partage certains de ses intérêts. On sait de source sûre que la Turquie finance généreusement l’opposition syrienne, groupes terroristes patents y compris.

Secundo, l’effacement génocidaire des serbes a contribué à démembrer la coalition potentielle qui aurait pu se former autour d’une puissance à prédominance orthodoxe telle que la Russie. L’affaiblissement des pays orthodoxes via la mainmise islamiste s’opère en parallèle avec la plongée dans le chaos des pays musulmans idéologiquement autonomes. Je pense en premier lieu à la Syrie qui peine à prendre feu mais qui, si elle venait finalement à s’embraser, envenimerait considérablement la donne sans cela fragile de l’Iran, faisant remonter le conflit vers une Russie poutinienne dont la politique est jugée par l’Occident de plus en plus aberrante, de plus en plus gênante.

On perçoit avec aisance une logique analogue dans les agissements des ambassades à Damas. Il s’agit pour l’UE de renforcer les positions islamistes en se procurant, qui plus est, une main d’œuvre bon marché, du bétail laborieux partant pour bosser dans n’importe quelles conditions.

Cela dit, deux aspects restent à élucider  :

– Ceux qui soutiennent de l’extérieur l’opposition syrienne se fichent éperdument du sort des chrétiens. Pourquoi ne pas accorder aux « Brigades Al-Farouk » de l’Armée syrienne libre tout le malin loisir d’exterminer les Infidèles … ou, mieux encore, aux groupes Al-Qaïda dispersés à travers le pays ?

– La réaction du Vatican – celle du Saint Pontife en personne – est quasi-nulle. C’est-à-dire qu’il y a eu des tentatives réactionnelles postées en bonne et due forme sur des sites extrêmement peu connus, presque des blogs … Je fais par exemple allusion au Veilleur de Ninive, site peu exploité ne comptant que quatre membres malgré des réflexions fort intéressantes. Certes, il y a eu la réplique de Mgr Giuseppe Nazzaro, vicaire apostolique, qui ,sans confirmer l’intégralité des faits rapportés, indique néanmoins qu’il serait grand temps d’aborder la dure thématique des persécutions chrétiennes en Syrie, plus spécialement à Homs.

Les deux problématiques s’entrecroisent, fournissant une explication à double tranchant. Il s’agit pour l’Eglise catholique de combler les profondes lacunes spirituelles qui fragilisent aujourd’hui l’Occident.  Il y a donc une volonté sous-jacente de colonisation spirituelle revêtant des allures hautement civilisées. On ne saurait par ailleurs en tenir rigueur au Saint-Siège qui ne sait plus du tout où aller chercher ses fidèles et qui semble prêt à oublier les différends dogmatiques qui séparent les Eglises depuis le grand Schisme.

Les intérêts de Rome se formalisent selon le même principe que l’intervention de l’OTAN dans le processus de soi-disant démocratisation de la Syrie. Inutile de répéter le scénario kosovar, sachant que les chrétiens orthodoxes y étaient historiquement majoritaires, ce qui n’est guère le cas de la Syrie où leur part constitue environ 10 %. de la population.

Derechef, nous sommes confrontés à des manœuvres qui se schématisent en espèce d’escalier. Tout en haut, nous apercevons l’entité étasunienne imbue à en craquer d’une idéologie sioniste qui a commencé à dévoiler son véritable visage après la fin de la 2e guerre mondiale. Un peu plus en bas, nous voyons l’UE, accroupie, fumant nerveusement en se demandant si le grand méchant chef qui le toise narquoisement est oui ou non content de son attitude. A sa droite, pensif, un tantinet angoissé, le Vatican s’appuie à la rampe. Il semble en deuil. Les trois acteurs sont en interaction constante et chacun choisit ses intérêts, ceux-ci tournant, en l’occurrence, autour des églises orthodoxes orientales. La France, renoncera-t-elle un jour à chercher sa place sur les marches sombres de l’escalier virtuel en question ?

 
 
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