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Le plaidoyer des derniers Mandéens d’Irak


France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.

Publié par Gilles Munier sur 25 Mai 2019,
Catégories : #Irak

Par Laurence Desjoyaux (revue de presse : La Vie – 24/5/19)*

Les Mandéens, l’une des plus anciennes religions monothéistes, sont aujourd’hui menacés d’extinction en Irak. Leur chef religieux, Cheikh Sattar, s’inquiète de cette possible disparition et veut faire reconnaître les droits de sa communauté dans un pays où ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone.

Les Mandéens – qu’on appelle aussi Sabéens ou Sabéens-Mandéens – étaient entre 45.000 et 55.000 en Irak avant 2003, ils ne sont aujourd’hui plus que 10.000 à 15.000. Cheikh Sattar, le chef de cette religion monothéiste, ne cache pas son inquiétude : « Nous sommes dans une situation critique, nous sommes très inquiets pour notre avenir, notre communauté est en sursit » , confie-t-il lors de son passage en France, où il est venu pour la première fois visiter la petite communauté de Tours qui compte environ 80 familles. Vêtu d’une grande robe blanche, d’un turban blanc, le visage paré d’une grande barbe blanche, le « pape » des Mandéens arbore à la poitrine le symbole de la communauté, une croix autour de laquelle s’enroule une étole blanche surmontée d’un rameau. Le problème est d’autant plus crucial que, comme les Yézidis, les Sabéens-Mandéens ne convertissent pas de nouveaux fidèles – on naît Mandéen, mais on ne peut pas le devenir – et ne se marient qu’entre eux.

« Nous sommes la plus ancienne religion monothéiste »

Implantés en Irak, au bord des fleuves, depuis peut-être des millénaires, les Sabéens-Mandéens qui pratiquent une religion d’initiés, sont souvent appelés « disciples de Jean-Baptiste », et le rite du baptême occupe une place prépondérante dans leur religion. Mais eux expliquent que celui-ci est en fait leur dernier prophète, le premier étant Adam. « Nous croyons en un seul Dieu, né de lui-même et qui a donné la vie. Nous sommes la plus ancienne religion monothéiste » , revendique Cheikh Sattar. Les écrits des prophètes sont réunis dans un livre, le Ginza Rabba, le « Grand trésor ».

Pour autant, l’existence de ce livre ne fait pas d’eux une « religion du Livre » au sens du Coran. « Certaines autorités religieuses du chiisme et du sunnisme estiment que les Mandéens sont des koufars, à l’image des Yézidis, voire pire » , poursuit le religieux. On les accuse de pratiquer la magie, ce qu’ils réfutent. Persécutés au fil des siècles, la communauté a régulièrement choisi de se replier et de s’isoler pour survivre.

La chute de Saddam Hussein en 2003 et la guerre civile qui a suivi a entraîné une dégradation de leur situation. « 2005 et 2006 ont été des années noires pour nous » , confie Cheihk Sattar. Sans état de droit, le pays est en proie aux exactions de différentes milices. Les Mandéens sont des cibles privilégiées. « Les miliciens entrent dans une maison, un magasin tenu par des Mandéens, ils exigent une conversion ou tuent » , raconte Jean-Pierre Al Sabty, le premier mandéen qui a avoir émigré en France. Beaucoup de membres de la communauté sont enlevés. Connus pour leurs talents d’orfèvres, ils sont réputés riches. « Pas mal de membres de mes amis ont été kidnappés contre rançon », témoigne l’homme d’une cinquantaine d’année installé à Nantes depuis 1995.

« 2005 et 2006 ont été des années noires pour nous »

Au-delà de ces persécutions, les Sabéens-Mandéens sont frappés, comme les autres minorités religieuses du pays, par des discriminations institutionnelles. « Nous sommes des citoyens, non pas de seconde zone, mais de troisième ou de quatrième zone » , s’inquiète le cheikh. Ils sont systématiquement discriminés à l’embauche, n’arrivent pas à progresser dans l’administration. Dans les écoles, ils sont absents des manuels scolaires, quand ils n’y sont pas caricaturés comme infidèles. Les exemples de discriminations inscrites dans la loi sont nombreuses. L’article 26 du code civil irakien mentionne ainsi qu’en cas de conversion d’un des parents non-musulman à l’islam, les enfants seront automatiquement déclarés musulmans, religion qui sera désormais inscrites sur leur carte d’identité. Par ailleurs, les liens avec la société musulmanes sont presque inexistants. « Un musulman ne mangera pas avec nous, souffle un membre de la communauté. Pour eux nous sommes impurs. »

À Paris, Cheihk Sattar est allé plaider sa cause au quai d’Orsay où la situation des Sabéens-Mandéens, une communauté méconnue, disposant de peu de relais et numériquement moins importante, mobilise moins que celle des chrétiens ou plus récemment des Yézidis. Pourtant, ce sont eux qui pourraient les premiers disparaître définitivement d’Irak.

*Source : La Vie

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