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«Le plus sombre secret d’Israël» : des milliers de bébés volés dans les années 1940 et 1950


19 août 2016,

Israël était déjà accusé d’avoir enlevé des enfants d’immigrés yéménites dans les années 1940 et 1950, mais une nouvelle enquête du journal Haaretz affirme que des disparitions ont aussi eu lieu dans des hôpitaux israéliens et des camps à Chypre.

Le plus ancien journal israélien a fait de nouvelles révélations quant à de mystérieuses disparitions de nouveau-nés en Israël, il y a soixante ans, et que certains pensaient limitées aux immigrés yéménites. Or, celles disparitions auraient aussi concerné d’autres types populations, et notamment des familles ayant survécu aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale.

Depuis la publication de l’article la semaine dernière, le journal a reçu plus de 100 témoignages, dont ceux de 15 familles ashkénazes à qui avait été annoncé la mort d’un de leurs enfants mais qui sont toujours restées persuadées que ces enfants avaient été volés, et qu’ils pourraient encore être en vie.

Des survivants de l’Holocauste affirment que leurs enfants ont été enlevés

Ainsi, le frère jumeau de Ganit Efrat, Zelig, est supposé avoir trouvé la mort dans un camp de détention à Chypre. Il était en pleine santé jusqu’à ce qu’il soit emmené dans une clinique gérée par l’Agence Juive pour soigner un simple rhume. Il a passé la nuit à la clinique, mais, quand sa mère est venue le chercher, elle a dû faire face à l’annonce de sa mort.

Ce n’est que plusieurs années plus tard, après de longues recherches menées par le père du garçon, que l’infirmière qui s’occupait de son fils a été retrouvée dans une maison de retraite. Cette dernière a alors confessé que l’enfant avait été vendu pour 5 000 dollars à un couple. Aussi, le père affirme que «cette méthode a été utilisée avant même la création de l’Etat, à l’extérieur d’Israël».
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Les parents de Rachel Potters sont arrivés en Israël en 1948, depuis la Biélorussie et la Pologne. Ils eurent un enfant, Aaron, un an après leur installation. Amené à l’hôpital pour un examen, il a été déclaré mort trois jours plus tard. La mère, confrontée aux nombreuses incohérences des rapports de l’hôpital, reste persuadée que son enfant a été volé.

Même histoire pour Zvi Schimol, amené dans un hôpital israélien en 1950 pour une maladie bénigne, et rapidement déclaré mort. Son frère, qui a mené l’enquête, a découvert que son nom était dans la liste de ceux qui avaient quitté le pays. La famille se bat aujourd’hui pour que son corps soit exhumé afin que des tests ADN soient réalisés pour prouver une potentielle filiation.

Un couple de sud-africains, arrivé en Israël en 1949, a eu une fille deux ans plus tard. Deux jours après l’accouchement, l’enfant était déclaré décédé. «La partie du dossier médical de ma mère concernant sa grossesse et son accouchement avait été déchirée [et] lorsque l’on a demandé à accéder aux archives de l’hôpital, on nous a dit qu’elles avaient brûlé», a pu expliquer Orna Klein, autre enfant du couple.

Les jumeaux, des cibles de choix ?

Des jumeaux, issus de familles ashkénazes ont aussi disparu. Shoshana Shani raconte ainsi que ses parents ont eu des jumeaux en Palestine en 1947. Trois jours plus tard, l’infirmière a dit à la mère qu’elle n’avait accouché que d’un enfant. Une autre famille, maintenant installée à Londres, a vécu une histoire similaire, repartant de la maternité avec un seul de leurs enfants.

D’autres familles, comme celle de Shulamit Bar-Tal, se sont vus dire que l’un des deux enfants était mort durant l’accouchement. Ayant perdu sa sœur, Shulamit reste persuadée que celle-ci a été enlevée et est toujours en vie. Une autre famille, iranienne, qui a eu deux filles dont l’une avait la peau plus claire que l’autre, s’est vu dire que cette dernière était morte quelques jours après l’accouchement.
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Les premières années d’existence de l’Etat d’Israël ont été marquées par le chaos engendré par l’expulsion des Palestiniens de leurs terres, pour laisser place aux immigrés juifs venant principalement d’Europe et d’Afrique du Nord.

Certains pensent que les bébés étaient vendus pour financer l’Etat hébreu. D’autres, comme le journaliste Jonathan Cook, qui qualifie cette affaire de «plus sombre secret d’Israël», affirment que les familles «ressemblant à des arabes» étaient ciblées par l’establishment israélien – à dominante ashkénaze – afin d’affaiblir numériquement la population à l’apparence orientale. Cela n’explique toutefois pas pourquoi des familles ayant survécu à l’holocauste auraient été victimes de cette politique.

Le ministre sans portefeuille de l’Intérieur Tzachi Hanegbi est le premier responsable israélien à avoir reconnu que des centaines de bébés avaient été volés. Son équipe est chargée d’étudier 1,5 million de pages de documents d’archives classifiées concernant des enquêtes, mais de nombreux dossiers restent pour l’heure inaccessibles, dont ceux concernant les adoptions. Les documents étudiés seront rendus publics en octobre de cette année.

Entre 1 500 et 5 000 enfants originaires du Yémen, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ont ainsi disparu dans les années 1940 et 1950. Israël a désigné au fil des années trois commissions d’enquête successives. Ces dernières ont sont arrivées à la conclusion que la majorité des enfants étaient morts à l’hôpital. La troisième commission a publié ses résultats en 2001, mais le gouvernement ne rendra public l’essentiel des témoignages qu’en 2071.

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