Le Saker US approfondit le thème « tout le monde y gagne » en Syrie
novembre 6, 2019
Le Saker
Mardi 5 novembre 2019
Par The Saker ? Le 23 octobre 2019 ? Source thesaker.is via Unz Review
Dans son récent article intitulé «Le chemin de Damas : comment la guerre en Syrie a été gagnée», Pepe Escobar a résumé le résultat de la guerre en Syrie de la manière suivante :
C’est une quadruple victoire. Les États-Unis procèdent à un retrait salvateur que Trump peut vendre à son opinion publique comme un moyen d’éviter un conflit avec la Turquie, alliée de l’OTAN. La Turquie a la garantie – de la part des Russes – que l’armée syrienne contrôlera la frontière turco-syrienne. La Russie empêche l’escalade de la guerre et maintient en vie le processus de paix Russie-Iran-Turquie. Et la Syrie finira par reprendre le contrôle de tout le nord-est. »
Ce résumé, par ailleurs excellent, néglige deux des trois membres de «l’axe du Bien», dont Israël et le RSA [Royaume d’Arabie Saoudite]. Bien sûr, plus loin dans son analyse, Pepe s’adresse à ces acteurs et inclut également le Koweït. En outre, une discussion approfondie sur ce qui s’est passé devrait aussi inclure la Chine, le Hezbollah, le Yémen et l’UE – enfin, ceux qui comptent, le Royaume-Uni et la France, les autres n’étant que des colonies aphones des États-Unis.
La plupart des analyses de ce qui vient de se passer se sont concentrées sur le «quoi». Je vais essayer de comprendre le « pourquoi » et le « comment » de ce qui vient de se passer en Syrie. Néanmoins, je ne propose pas de faire une analyse aussi détaillée, mais je souhaite reclasser les acteurs d’une manière quelque peu différente, par leur force relative.
Assad et ses commandants
L’Axe du Bien : États-Unis + CENTCOM + OTAN + Israël + RSA
De loin l’acteur le plus puissant presque à tous égards : une force militaire plus grande que tous les autres acteurs combinés – du moins au niveau régional – une puissance économique énorme – le dollar est toujours LA monnaie n°1 sur la planète – le contrôle total de région (via CENTCOM) et un soutien quasi inconditionnel de la part de l’Europe (via l’OTAN). Enfin, Israël a un puissant bras militaire. Cet acteur n’a qu’une seule faiblesse, mais nous en parlerons plus tard.
Iran + Hezbollah + Houthi + Forces chiites en Irak
Au niveau régional, l’Iran est la superpuissance locale qui peut même défier avec succès les forces de l’Axe du Bien – et ce, depuis la révolution islamique de 1979.
Russie + Syrie
J’ai placé la Russie et la Syrie dans le même groupe et j’aurais pu ajouter l’Iran, mais puisque je crois que la Russie a objectivement plus de pouvoir sur le gouvernement syrien que l’Iran, je pense qu’il est important de réunir la Russie et la Syrie simplement parce que Damas ne peut pas dire «non» à Moscou, mais pourrait le dire, du moins en théorie, à Téhéran. Enfin, la Russie et l’Iran sont d’accord sur les questions principales, mais ont des visions différentes pour l’avenir du Moyen-Orient. C’est donc une autre raison de les examiner séparément, même s’ils ne s’opposent pas nécessairement. Sur le plan militaire, la Russie est très forte, puis très vulnérable, puis très forte à nouveau, tout dépend du niveau d’analyse (voir ci-dessous).
Turquie + factions pro-turques en Syrie
C’est difficile à classer. D’un côté, la Turquie n’a aucun allié régional – l’empire ottoman n’a laissé que de la haine et un profond ressentiment dans ses anciennes colonies. Pendant un certain temps, les États-Unis et le RSA ont arrosé généreusement les factions pro-turques d’armes, d’argent, de formation, de soutien logistique, etc. Mais finalement ces factions sont devenues de plus en plus faibles jusqu’à ce qu’elles atteignent un état d’impuissance avancé laissant la Turquie plutôt seule – nous examinerons également la question ci-dessous.
Les Kurdes
Pendant un certain temps, ils semblaient potentiellement puissants : non seulement les Kurdes disposaient d’un pouvoir militaire assez important – la plupart du temps limité à l’infanterie – mais ils bénéficiaient du soutien de l’Axe du Bien, en particulier d’Israël qui voit dans un Kurdistan indépendant un excellent outil pour affaiblir et même menacer l’Irak, la Turquie, l’Iran et la Syrie. En outre, les Kurdes contrôlaient de nombreuses régions riches en pétrole et pouvaient toujours se retirer dans les régions montagneuses si nécessaire.
Les Takfiris : c’est-à-dire les franchises nombreuses, qui changent constamment de nom de ce qu’on appelait autrefois «al-Qaïda».
En réalité, les Takfiris devraient vraiment être classés avec l’Axe du Bien puisqu’ils sont de la chair à canon pour les anglo-sionistes depuis les années 1980, de l’Afghanistan à la Syrie moderne. Néanmoins, nous les considérerons comme distincts du reste des forces de l’Axe du Bien.
Bien sûr, et comme toute autre taxonomie, celle-ci est nécessairement quelque peu subjective et d’autres peuvent utiliser des critères ou des catégories différentes. Voyons maintenant ce que j’estime être la clé du contrôle de toute la région, la capacité de placer des «bottes sur le terrain» ou l’absence d’une telle capacité.
L’Axe du Bien : États-Unis + CENTCOM + OTAN + Israël + RSA
C’est la seule grande faiblesse des membres de l’Axe de Bien : bien qu’ils disposent d’énormes forces armées, et même d’armes nucléaires, ils peuvent déployer des forces numériquement très importantes tout en pouvant (sans doute) atteindre la suprématie / supériorité aérienne et navale un peu partout dans la région, ils ne peuvent suivre aucune de ces options avec une force terrestre crédible. Bien que cela soit toujours soigneusement dissimulé par l’héritage de la propagande anglo-sioniste, les forces terrestres américaines, israéliennes et de la RSA ne sont capables que d’assassiner en masse des civils ou des forces de résistance primitives. Mais dès que ces forces militaires rencontrent une opposition à peu près décente qui est disposée à se battre sur le terrain, elles sont vaincues – nommez-moi UNE seule victoire significative de ces forces de l’Axe du Bien au cours des deux dernières décennies ou plus !
Iran + Hezbollah + Houthi + Forces chiites en Irak
Les Iraniens et leurs alliés locaux – les qualifier de «supplétives» omet complètement la nature réelle des relations entre l’Iran et ces forces régionales qui sont tous capables de déployer des forces terrestres très compétentes. En fait, ils l’ont tous fait avec un succès retentissant (surtout le Hezbollah). Ce que l’Iran fournit à cette alliance informelle, c’est la capacité de l’augmenter avec des nouvelles armes modernes et sophistiquées, notamment des missiles anti-navires, des défenses anti-aériennes, des moyens de communication, des drones, etc. En termes de forces terrestres, cette alliance domine dans la région.
Russie + Syrie
La Russie et la Syrie ont déployé des forces très compétentes et bien équilibrées en Syrie. Cependant, à vrai dire, je pense que le Hezbollah + l’Iran ont actuellement encore plus de poids militaire, du moins en termes de forces terrestres en Syrie. La chose à garder à l’esprit est la suivante : si seules des forces russes existaient en Syrie à Tartous, Khmeimin, ainsi que diverses unités spéciales réparties dans toute la Syrie, la Russie serait nettement plus faible que l’Axe du Bien. Mais si nous supposons que les forces russes en dehors de la Syrie pouvaient – et le feraient probablement – défendre les forces russes en Syrie, il faudrait alors inverser une grande partie de cette équation et qualifier la Russie de plus puissante que l’Axe du Bien – j’expliquerai plus en détail pourquoi et comment ci-dessous.
Turquie + factions pro-turques en Syrie
Il ne fait aucun doute que lors du déclenchement de l’agression internationale contre la Syrie, la Turquie disposait d’une armée crédible et puissante. Ensuite, quelque chose a très mal tourné et à chaque nouveau développement – à commencer par la tentative de coup d’État contre Erdogan – la Turquie ne faisait que s’affaiblir. Le pays qui a osé abattre un Su-24 russe s’est finalement retrouvé dans la position humiliante de devoir demander de l’aide russe non pas une seule fois, mais encore et encore. La dernière invasion turque du nord de la Syrie a prouvé que, même si les Turcs peuvent toujours battre les Kurdes, c’est à peu près tout ce qu’ils peuvent faire, et même pas très bien.
Les Kurdes
Franchement, je n’ai jamais cru aux chances des Kurdes de rassembler un Kurdistan indépendant. Bien sûr, mes sympathies étaient souvent avec les Kurdes – du moins dans leur lutte contre la Turquie – mais j’ai toujours su que l’idée d’imposer un État nouveau – et très artificiel – contre la volonté de toutes les puissances régionales était à la fois naïve et auto-destructrice. La vérité est que les États-Unis et Israël ont simplement utilisé les Kurdes, si nécessaire, et les ont abandonnés dès qu’il est devenu évident qu’ils avaient perdu leur utilité. Le meilleur pour les Kurdes sera une autonomie régionale en Iran, en Irak et en Syrie. Tout le reste est un rêve dangereux.
Les Takfiris : c’est-à-dire les franchises nombreuses, qui changent constamment de nom de ce qu’on appelait autrefois «al-Qaïda».
Tout comme les Turcs, les divers Takfiris sont apparus comme une force formidable lors du déclenchement de l’agression contre la Syrie. Et si la GWOT US [Grande guerre contre la terreur] semblait être une véritable bénédiction pour les «bons terroristes» – c’est-à-dire bien sûr tous les terroristes de cette région – c’est parce que c’était la cas. Ensuite, quelque chose a très très mal tourné, et ils ont maintenant l’air aussi faibles et démunis que les Kurdes.
Maintenant, résumons cela. Voici comment la force relative de ces acteurs régionaux a changé depuis le début de l’agression anglo-sioniste contre la Syrie.
L’Axe du Bien : États-Unis + CENTCOM + OTAN + Israël + RSA
MOINS : passant du plus fort au plus faible de la région
Iran + Hezbollah + Houthi + Forces chiites en Irak
PLUS : la force militaire sans doute la plus équilibrée de la région
Russie + Syrie
PLUS : dans un processus qui ne ressemblait qu’à une « pure chance », la Russie et la Syrie devenaient de plus en plus fortes chaque année.
Turquie + factions pro-turques en Syrie
MOINS : en contraste frappant avec la Russie, par un processus étrange ressemblant à un «mauvais sort» absolu, la Turquie et ses alliés en Syrie semblaient de plus en plus s’affaiblir d’année en année.
Les Kurdes
MOINS : les Kurdes ont commis l’immense erreur de croire toutes les promesses – souvent appelées «plan B», «plan C», «plan D», etc. – faites par les Anglo-sionistes. Maintenant, tous leurs rêves sont terminés et ils devront se contenter d’une autonomie à l’intérieur de l’Irak et de la Syrie.
Les Takfiris : c’est-à-dire les franchises nombreuses, qui changent constamment de nom de ce qu’on appelait autrefois «al-Qaïda».
MOINS : leur situation est presque aussi mauvaise que celle des Kurdes. Leur seul avantage est qu’ils ne sont pas liés à un terrain particulier, ils peuvent essayer de se regrouper ailleurs dans la région – ou même dans le monde – il ne faut jamais dire jamais, mais il me semble que cela ne se produira pas dans un avenir prévisible.
Il est maintenant temps d’essayer de comprendre tout cela et de répondre à la question de savoir pourquoi un groupe d’acteurs relativement puissants a eu tant de malchance au point de devenir de plus en plus faible, alors que les plus faibles sont devenus de plus en plus forts.
La première chose dont nous devons convenir est que, indépendamment de la posture publique, tout le monde parle et a toujours parlé à tous les autres. Cette «conversation» peut être officielle et/ou publique, ou à huis clos, ou même par le biais d’intermédiaires et, enfin, par une version officielle du «langage corporel» : au moyen d’actions qui envoient un message à la partie adverse ou aux autres parties. Pourtant, si cela est certainement vrai, c’est la qualité des communications entre les différentes parties qui a fait toute la différence. Lorsque, disons, Netanyahou ou Trump proclament publiquement qu’ils se moquent de tout – y compris du droit international – et qu’ils se réservent le droit de menacer ou même d’attaquer qui que ce soit, à tout moment, pour quelque raison que ce soit, c’est un message très clair aux Iraniens, par exemple. Mais quel est ce message, vraiment ? Il dit plusieurs choses : la résistance est futile parce que nous sommes tellement plus forts que vous, donc nous nous foutons de vous et de vos intérêts nationaux, par conséquent, nous ne sommes pas intéressés à négocier avec vous – ou avec qui que ce soit d’autre – votre seule option est de vous soumettre.
C’est vraiment crucial. Les États-Unis et Israël ont proclamé leur supériorité totale sur la planète entière et, en particulier, sur tous les acteurs du Moyen-Orient. En outre, leur vision du monde et leur idéologie reposent sur ce très fort sentiment de supériorité militaire. Demandez à un Israélien ou à un Américain ce que feront leurs pays si une coalition de pouvoirs locaux réussissait à les attaquer : ils répondraient en disant quelque chose du genre « nous allons simplement détruire tous les fous stupides enturbannés et les nègres des sables – on les enc..le ». Cette réponse est toujours livrée avec un ton de finalité absolue, une certitude totale et l’équivalent mental de «C’est comme ça ! ».
Hélas, pour l’Axe du Bien c’est une croyance totalement contre-productive.
Pourquoi ?
Premièrement, le recours rapide aux armes nucléaires est un aveu implicite qu’il y a quelque chose qui ne va pas avec le reste des forces armées de l’Axe du Bien. En outre, les véritables puissances régionales comprennent toutes qu’il n’est pas dans leur intérêt de donner aux États-Unis ou à Israël un prétexte pour utiliser des armes nucléaires. Ainsi, bien que les Iraniens aient certainement les moyens de frapper Israël ou l’un des nombreux centres du CENTCOM au Moyen-Orient, ils se sont efforcés de maintenir leurs contre-attaques au-dessous du seuil dangereux à partir duquel les médias anglo-sioniste seraient incapables de dissimuler l’ampleur du désastre et d’exiger l’utilisation des armes nucléaires – et oui, les médias israéliens et américains exigeront des frappes nucléaires tout comme ils ont applaudi à chaque guerre d’agression commise par les États-Unis et Israël.
Deuxièmement, précisément parce que les États-Unis et Israël ne peuvent pas avoir de véritables alliés – ils ne possèdent que des colonies gérées par des élites prédatrices – ils ne peuvent pas fonctionner avec succès dans le cadre d’une relation multilatérale avec d’autres acteurs. Le contraste entre les États-Unis et Israël, d’une part, et la Russie et l’Iran, d’autre part, ne pourrait être plus grand. La Russie et l’Iran comprennent qu’avoir de vrais alliés est beaucoup plus avantageux que de disposer de marionnettes. Pourquoi ? Parce que pour convaincre quelqu’un de devenir votre allié, vous devez absolument offrir à ce parti quelque chose de concret dans le cadre d’un compromis. Lorsque cela est fait, l’allié le plus faible a le sentiment de défendre ses propres intérêts et non ceux d’un client qui pourrait ne pas être fiable ou qui pourrait même vous poignarder dans le dos.
Troisièmement, le professeur William Zartman, l’un des meilleurs experts américains en matière de théorie des négociations, a écrit dans son livre fondateur The Practical Negotiator :
L’un des paradoxes éternels des négociations est qu’elles permettent aux faibles de faire face aux puissants et de s’en sortir avec quelque chose qui ne devrait pas être possible si la faiblesse et la force étaient tout ce qui importait (…). Les parties les plus faibles ont tendance à rechercher des instances de négociation plus formelles et à se renforcer par le biais d’organisations (…). Les États faibles peuvent se permettre plus facilement un comportement erratique ou irresponsable que des partis puissants, en particulier lorsque les comportements de régularité et de responsabilité favorisent les forts (…). Les États faibles font mieux en récompensant les concessions des États plus forts plutôt qu’en «persistant» et en commençant haut pour indiquer leurs besoins et faciliter les récompenses (…). Les tactiques de ténacité et de douceur varient selon la force des parties : en cas de symétrie, la ténacité tend à conduire à la ténacité et inversement l’asymétrie à la douceur, les parties les plus faibles suivant le chef des parties les plus fortes.
Il y a beaucoup à cogiter ici, et il y a beaucoup plus dans ce livre que je recommande fortement à tout le monde !
Premièrement, comparons et contrastons les approches de la Russie et des États-Unis en matière de création de forums de négociation. Les États-Unis ont concocté le forum des «Amis de la Syrie», qui a été le plus remarquable sous deux aspects uniques. Premièrement, malgré le fait de s’appeler «Amis de la Syrie», ce groupe ne contenait que les noms des ennemis de la Syrie, de l’Iran et de la Russie – comme « Amis de la Libye » était une corne d’abondance de pays hostiles à la Libye. Deuxièmement, le but évident et la fonction de ce groupe, même pas vraiment niée, était de contourner le Conseil de sécurité des Nations Unies. Il n’y a rien de nouveau ici. Les États-Unis essaient de remplacer l’ONU et son rôle dans le respect du droit international par toutes sortes de gadgets, dont la «coalition des volontaires» ou des appels à un «ordre international fondé sur des règles [les leurs !]». Il va sans dire que, à l’exception peut-être de quelques propagandistes vraiment louches, toutes ces astuces sont conçues pour éviter les forums internationaux déjà existants, à commencer par les Nations Unies. La Russie, en revanche, a non seulement utilisé l’ONU pour toute ses capacités – même avouées limitées – et a réussi à forcer les États-Unis à accepter des résolutions sur la Syrie, ou l’Ukraine d’ailleurs, auxquelles les États-Unis ne souhaitaient pas adhérer, mais non plus opposer leur veto pour des considérations politiques. De plus, la Russie a également créé le processus de paix d’Astana qui, contrairement aux fantasmes américains, a réuni différentes parties, y compris des parties hostiles les unes aux autres. La démarche la plus brillante des Russes a été d’imposer à toutes les parties la notion que «ceux qui veulent négocier sont des parties légitimes dont les intérêts doivent être pris en compte, tandis que ceux qui refusent de s’asseoir sont tous des terroristes». Bien sûr, les nombreuses franchises d’Al-Qaïda ont essayé de jouer au «jeu du caméléon», mais cela n’a pas aidé : vous pouvez changer de nom toutes les 24 heures si vous le souhaitez, mais si vous ne vous asseyez pas à la table des négociations, vous êtes un terroriste et, par conséquent, la cible légitime des attaques russes / iraniennes / syriennes. Une fois que l’empire a dû accepter ces conditions, appuyées par une résolution du Conseil de sécurité, il s’est enfermé dans un processus qu’il ne pouvait arrêter que par le biais d’une victoire militaire.
Et nous revenons ici à la question des bottes sur le terrain. Malgré toute sa puissance militaire combinée, l’Axe du Bien ne dispose pas d’une force terrestre qui puisse être déployée. Considérant que les Syriens, le Hezbollah, l’Iran et la Russie ont très nettement et efficacement – même de manière informelle – accepté la répartition suivante des tâches :
Les Syriens laisseront les Russes réorganiser leurs forces armées, en particulier quelques unités d’élite, et libéreront lentement et progressivement leurs terres.
Les Iraniens et le Hezbollah agiront comme une brigade de pompiers et soutiendront directement les opérations syriennes avec leurs propres forces dans des secteurs cruciaux de la ligne de contact.
Les Russes prendront le contrôle de l’espace aérien et fourniront aux Syriens, à l’Iran et au Hezbollah une protection contre les missiles et les bombardements anglo-sionistes. Enfin, les forces d’opérations spéciales russes participeront à des opérations hautement prioritaires dépassant les capacités de l’Iran ou du Hezbollah.
Quel a été le plus gros obstacle aux projets syro-iraniens-Hezbollah-Russes ?
La Turquie, bien sûr. Les Turcs ont toujours détesté les Assad , père et fils, et leurs délires néo-ottomans leur donnent encore, dirons-nous, un «désir spécial» d’intervenir au-delà de leurs propres frontières. En outre, la Turquie a également beaucoup perçu la Syrie comme un facteur contribuant à son «problème kurde». Enfin, la Turquie avait le genre d’armée qui lui permettait de menacer d’une intervention, voire d’intervenir en Irak et en Syrie – évidemment pas contre l’Iran. La Russie devait donc sortir la Turquie de l’équation ou, du moins, l’affaiblir autant que possible. Et c’est exactement ce que la Russie a fait.
Pour le Kremlin, abattre son Su-24 équivalait à une déclaration de guerre. Sauf que les Russes, tout à fait conscients de leur faiblesse relative par rapport aux États-Unis + OTAN + CENTCOM + Turquie, ont sagement décidé de ne pas exercer de représailles légitimes ni, par exemple, de frapper des installations militaires turques. Mais Poutine a promis « que vous ne vous en tirerez pas avec la vente de tomates » – la Russie a imposé un embargo sur un certain nombre de produits d’exportation turcs. Outre un certain nombre de sanctions politiques et économiques, vous pouvez être certains que les Russes ont décidé d’utiliser toutes leurs méthodes et tous leurs moyens pour affaiblir et déstabiliser Erdogan personnellement et la Turquie dans son ensemble. Ensuite, voici ce qui s’est passé :
Le 24 novembre 2015, la Turquie a abattu un Su-24 russe
Dans les jours qui ont suivi, la Russie a fermé l’espace aérien nord-syrien, rompu tout contact avec l’armée turque, promis d’abattre tout autre avion turc attaquant une cible syrienne – quel que soit l’espace aérien – et d’imposer des sanctions politiques et économiques
En Décembre, Poutine a déclaré sinistrement «si quelqu’un pense qu’en commettant un crime de guerre odieux, il s’en tirera avec un embargo sur les tomates ou des restrictions dans le secteur de la construction et dans d’autres secteurs, il se trompe lourdement».
En juin 2016, Erdogan a envoyé une lettre au président russe Vladimir Poutine pour exprimer sa sympathie et ses «sincères condoléances».
Le 15 juillet 2016, un coup d’État a été tenté contre Erdogan et lui a presque coûté la vie. De toute évidence, la Russie a joué un rôle en coulisses et a sauvé la vie et le pouvoir d’Erdogan.
Après le coup d’État manqué, la Turquie s’est engagée dans un réalignement majeur et a jeté son dévolu sur la Russie et l’Iran, même si cela impliquait d’accepter Assad au pouvoir en Syrie.
Ce que la Russie a fait exactement dans les coulisses – les versions vont de l’avertissement à Erdogan à l’utilisation des forces spéciales russes pour l’évacuer in extremis – restera probablement secret pendant de nombreuses années, mais cela n’a pas d’importance non plus. Tout ce que nous savons, c’est qu’après le coup d’État, Erdogan a fait un virage à 180 degrés et a complètement changé sa mélodie. Ma conviction personnelle est que les Russes ont utilisé leurs moyens secrets pour convaincre les États-Unis et ses fantoches gulénistes de la CIA d’essayer de renverser Erdogan pour ensuite faire échec à leur tentative de coup d’État. Je trouve que les deux autres options principales – les États-Unis sont incroyablement stupides et incompétents et la Russie est un pays incroyablement chanceux – sont beaucoup plus difficiles à croire. Mais même si nous acceptions ces options, ou une combinaison de celles-ci, la Russie jouait encore superbement ses cartes – en utilisant, par exemple, le prétexte que la Turquie abattait le Su-24 pour renforcer fortement les capacités de défense aérienne en Syrie – et supprimer la Turquie, «acteur hostile puissant», de l’équation russe du Moyen-Orient.
Après cela, il ne restait plus qu’une sorte « d’opération de nettoyage politique et militaire ».
La Russie a tenté à plusieurs reprises de faire comprendre aux Kurdes que leur stratégie de lutte contre tous leurs voisins était un pari perdant qui allait inévitablement se retourner contre eux. Hélas pour le peuple kurde, leurs dirigeants étaient soit trop délirants, soit trop corrompus pour le comprendre. Pendant ce temps, Erdogan et le reste de l’establishment politique turc étaient catégoriques : la Turquie ne permettrait en aucun cas aux Kurdes syriens – ou irakiens – d’établir leur propre État.
Aparté
Je suis vraiment triste pour les Kurdes, mais je dois aussi dire qu’ils se sont vraiment fait du tort à eux-mêmes. Cela devrait être systématiquement étudié, mais il semble y avoir deux sortes de petites nations : celles qui sont assez intelligentes pour jouer un grand voisin contre l’autre, tout en collaborant avec les deux – disons le Kazakhstan ou la Mongolie – puis il y a celles qui n’ont aucun sens de l’histoire et qui finissent par répéter les mêmes erreurs encore et encore, comme, par exemple, les Polonais ou les Kurdes. Ces nations ont toujours un sentiment exagéré d’estime de soi qui les conduit à se comporter comme si elles étaient les plus caïds du quartier et chaque fois qu’elles réussissent, elles s’aliènent tous leurs véritables voisins. Apparemment, quel que soit le nombre de fois où ces peuples ont été corrigés par d’autres dans l’histoire, leur auto-grossissement narcissique et, franchement, leur arrogance, les ont fait envahir, puis envahir à nouveau, et enfin envahir. On peut dire qu’ils sont nés perdants ou qu’ils ont « omis de tirer les leçons de l’histoire” C’est pareil, vraiment.
Pour le Kremlin, la solution était évidente : utiliser les Turcs pour forcer les Kurdes à accepter l’inévitable, mais ne pas les laisser établir une force d’invasion permanente dans le nord de la Syrie.
Certes, les Russes ont exprimé leur désapprobation plutôt molle à l’égard de l’opération turque et ils ont appelé tout le monde à revenir à la table des négociations. C’est un exemple assez rare où la rhétorique russe ne correspondait pas à ses actes, car en réalité, l’opération turque aurait été absolument impossible si les Russes n’avaient pas donné à Ankara un feu vert préalable non officiel, mais très fiable. En outre, selon au moins un rapport – que je trouve assez crédible – les forces aérospatiales russes ont même envoyé une paire de Su-35S pour engager une paire turque de F-16 qui, dès qu’elles ont vu ce qui allait se passer, ont décidé de faire demi-tour pour sauver leur peau. Cependant, dans d’autres cas, nous savons que les F-16 ont été utilisés contre des cibles kurdes. Il est assez clair que les Russes ont non seulement dit à Erdogan ce qui était acceptable et ce qui ne l’était pas, ils ont également « peaufiné » l’opération turque pour forcer les Kurdes à négocier sans permettre aux Turcs d’établir une sorte de présence significative dans le nord de la Syrie.
Ce qui s’est passé ensuite était un effet domino. Les Kurdes ont essayé de se battre du mieux qu’ils pouvaient, mais tout le monde s’est rendu compte qu’ils étaient condamnés. Les Américains, de manière très prévisible, et très logiquement selon moi, ont également mis leur cul à l’abri. Trump a effectivement utilisé cela, mais comme prétexte, pour sortir de Syrie – du moins officiellement – non seulement pour protéger la vie des soldats américains, mais également pour se sortir des sables mouvants que la Syrie est devenue pour l‘Axe du Bien.
Mais, last but not least, les Israéliens étaient absolument livides, et pour cause : il ne fait aucun doute qu’ils sont les plus grands perdants de tout ce processus et se retrouvent maintenant dans la situation de dépendre d’une prétendue superpuissance qui ne peut rien livrer de sérieux – sauf des tonnes de dollars dépensés par les Israéliens pour beaucoup de matériel inutile. Les récents événements survenus dans la région ont non seulement montré que les forces terrestres américaines étaient manifestement nulles, mais ils ont également montré que les garanties américaines ne valaient rien, alors que les systèmes d’armement américains étaient considérablement surestimés.
Nous arrivons ici à ce que je crois être le développement le plus important de ce conflit : tous les nombreux plans israéliens pour la région se sont effondrés les uns après les autres. Le plus pathétique c’est que tous les voyages que Netanyahou a faits en Russie pour tenter de convaincre les Russes de prendre Israël au sérieux ont échoué. Pourquoi ? Parce que les Russes ont compris depuis longtemps qu’Israël est un tigre en papier avec un «rugissement» impressionnant grâce à la caisse de résonance de l’immense machine de propagande sioniste internationale connue sous le nom de «médias libres occidentaux», destinés aux enfants et aux personnes simplettes, mais qui est incapable de faire suivre son rugissement de quelque chose de plus tangible. Oui, je sais, plus ça va mal pour les Israéliens, plus leur propagande se vante : après avoir annoncé que «l’armée invincible» avait mené «des centaines» de frappes en Syrie et en Irak, ils ont maintenant l’idée d’une «liste d’assassinats» qui comprend Hassan Nasrallah. Bon passons … Quant à leurs « centaines » de frappes aériennes, elles doivent être la campagne aérienne la plus inepte et la plus mal exécutée depuis l’échec total de la campagne aérienne de l’OTAN, contre la Serbie, au Kosovo. Posez-vous cette question de base :
Si les Israéliens ont mené «des centaines» de frappes aériennes en Syrie, pourquoi n’ont-elles pas eu d’effets tangibles sur la situation militaire sur le terrain ?
Après tout, lorsque les Russes sont intervenus, ils ont changé le cours de la guerre. En fait, le très petit effectif aérospatial russe en Syrie a inversé le cours de cette guerre.
Pourquoi la campagne aérienne russe a-t-elle donné des résultats aussi phénoménaux alors que la campagne aérienne israélienne n’a absolument rien donné, à l’exception d’une psychothérapie de groupe bien nécessaire pour les nombreux sionistes qui souffrent de ce que le journaliste Gilad Atzmon a brillamment qualifié de «trouble de stress pré-traumatique» ?
La réponse est simple : l’une était une véritable campagne militaire, tandis que l’autre était simplement une « bonne opération » de relations publiques.
Un très bon exemple de la thèse de Zartman – évoquée plus haut – selon laquelle «les États faibles peuvent se permettre un comportement erratique ou irresponsable plus facilement que des partis puissants, en particulier lorsque, à l’inverse, les comportements de régularité et de responsabilité favorisent les forts» peut se constater dans la position relative avec, d’un côté, l’Iran, le Hezbollah et les Houthis et, de l’autre, les États-Unis et Israël. Non pas que l’Iran ou ses alliés aient agi de manière irresponsable, ils ne l’ont pas fait, mais lorsqu’ils ont réagi, c’était toujours avec un double message : nous ne voulons pas de guerre, mais nous sommes prêts à la faire. Mais lorsque les États-Unis se lancent dans des menaces plutôt grossières – il suffit de penser à toutes les menaces idiotes que Trump a faites pendant son mandat, y compris les plus récentes pour faire la guerre à la Turquie si nécessaire, ce n’est pas une blague, vérifiez ici – ces menaces, jamais concrétisées, finissent toujours par affaiblir davantage les États-Unis. C’est une véritable bénédiction pour la Russie, l’Iran, le Hezbollah et les Syriens que leurs ennemis soient non seulement si ineptes, mais aussi si doués pour se bloquer eux-mêmes dans un coin du ring. À la fin, les États-Unis ont quand même réussi à perdre la face, même si on ne vous en a jamais parlé. Qu’est ce que je veux dire par là ?
Il suffit de regarder ce qui vient de se passer : Trump a envoyé à Erdogan une lettre si crue et grossière – il a l’air d’un enfant de 10 ans – qui était si insultante pour Erdogan qu’il ne l’a pas seulement jetée à la poubelle, mais il s’est également assuré que ses collaborateurs « divulgueront » aux médias la destination qu’Erdogan a donnée aux menaces et aux insultes ridicules de Trump. La Turquie a également lancé une invasion à grande échelle et a clairement défié les États-Unis de faire quelque chose à ce sujet. À ce stade, les deux autres «génies» de la Maison-Blanche, Pompeo et le VP Pence, ont dû se précipiter à Ankara pour une mission désespérée de «contrôle des dégâts», implorer un rendez-vous, puis prier les Turcs d’accepter un cessez-le-feu tout à fait symbolique qui donnait juste le temps aux Kurdes d’accepter toutes les conditions syriennes et de laisser l’armée syrienne prendre le contrôle de vastes étendues de terre sans tirer un seul coup de feu. Maintenant, voici la beauté de tout cela :
Pompeo et Pence ont demandé à Erdogan d’accepter exactement le type de résultat équilibré préconisé par les Russes depuis le début ! Je suis stupéfait que les médias Démocrates n’aient pas accusé Pompeo et Pence d’être des agents russes, car ce qu’ils ont juste « exigé » et « obtenu » de la Turquie est exactement ce que voulait Poutine.
Bien sûr, tout cela était enveloppé de toutes sortes de menaces et de promesses d’annihiler tel ou tel pays – y compris la Turquie, un État membre de l’OTAN qui pourrait, en théorie, invoquer l’Art 5 et demander à l’OTAN de la défendre contre les États-Unis ! Cela ne se produira pas car cela marquerait la fin de l’OTAN – et tout le reste des aboiements obligatoires que nous entendons toujours des États-Unis lorsque la «meilleure armée de toute l’histoire de l’humanité» ne réussit rien du tout, même si Trump affirme sérieusement que les États-Unis – et non la Russie – ont vaincu les Takfiris, que l’Occident a fédérés avec tant de tendresse et guidés pendant des décennies. Oui, Trump a bien agi en déclarant qu’il voulait que les forces américaines quittent la Syrie, mais ne soyons pas naïfs à ce sujet non plus : il n’a pas ordonné cela parce qu’il est un très bon humaniste, mais parce que si les Turcs, les Kurdes, les Syriens ou qui que ce soit d’autre avaient porté un rude coup aux forces américaines dans la région, cela aurait entraîné une guerre plus importante qui aurait certainement coûté à Trump sa réélection.
Ce qui nous amène au groupe de travail russe en Syrie. Comme je l’ai dit, il est fort, puis faible et puis fort à nouveau. Tout dépend de vos hypothèses.
Si nous ne regardons que la force opérationnelle russe à Khmeinim et à Tartous, nous voyons qu’elle est protégée par des systèmes d’armes russes de pointe, notamment des S-400, des Su-34, des Su-35S, des stations de guerre électronique, des stations de gestion de combat, etc. C’est plus que suffisant pour repousser un missile assez puissant et / ou une frappe de bombardement. Dans ce cas, nous pouvons penser à la force opérationnelle russe en Syrie comme très puissante et capable de gérer de nombreux types d’attaques.
Au niveau suivant, cependant, il devient évident que la plus grande faiblesse de la force opérationnelle russe en Syrie a été, depuis le premier jour, sa très petite taille. Indépendamment de leur sophistication, les défenses antiaériennes russes peuvent être submergées par une attaque déterminée par n’importe quelle combinaison de forces de l‘Axe du Bien, tout simplement parce qu’en fin de compte, les défenses antiaériennes sont toujours soumises aux règles de l’arithmétique. Même dans le meilleur des cas, un missile de défense aérienne russe ne peut engager qu’un seul missile ou avion attaquant. Pour qu’une attaque réussisse, il suffit aux forces de l‘Axe du Bien de calculer le nombre de missiles que possèdent les Russes, puis de tirer environ 1,5 fois ce nombre de Tomahawks – un peu dépassés – et, une fois que les Russes auront épuisé leurs stocks anti-missiles, enchaîner avec une deuxième vague de missiles, cette fois plus modernes et plus difficiles à cibler. À ce stade, les Russes devraient répondre avec uniquement leur artillerie antiaérienne et leurs capacités de guerre électronique. Inévitablement, il arrivera un moment où ils seront débordés. Dans ce scénario, la Russie est la partie la plus faible et la force opérationnelle russe est vouée à l’échec en cas d’attaque soutenue des États-Unis / OTAN / CENTCOM.
Enfin, les Anglo-sionistes doivent prendre en considération un troisième niveau : les Russes ont clairement indiqué qu’en cas d’attaque de la force opérationnelle russe en Syrie, la Russie utilisera ses capacités de frappe stratégique pour la protéger. Ces mesures pourraient inclure : une attaque avec des missiles de croisière à longue portée et des frappes aériennes – pouvant provenir de l’espace aérien iranien. Comme mon ami Andrey Martyanov l’a expliqué à maintes reprises, notamment dans son article intitulé «La capacité de la Russie à tenir tête à la guerre : un gorille de 800 livres en Syrie», il a conclu en ces termes :
Ce simple fait opérationnel unique montre précisément pourquoi, depuis deux ans, un contingent militaire russe relativement petit a pu opérer si efficacement en Syrie et dicter en fait les conditions sur le terrain et dans la zone de ses opérations. La réponse est simple : de nombreux drogués à l’adrénaline sont plongés dans une cage dans l’eau pour faire face aux requins. Seules des tiges de métal les séparent de la mâchoire mortelle des requins. Pourtant, là-haut, dans le bateau, on peut toujours mettre un homme avec une arme à feu qui peut être utilisée en cas d’urgence ayant un effet mortel si la cage était détruite. Le contingent militaire russe en Syrie n’est pas simplement une base militaire, c’est une force étroitement intégrée aux forces armées russes qui disposent de suffisamment de portée et de capacités pour mettre quiconque face à des choix extrêmement déplaisants, notamment le fait que ce soit la Russie, et non les États-Unis, qui contrôle le seuil de l’escalade peut expliquer l’hystérie anti-russe non-stop dans les médias américains depuis que l’issue de la guerre en Syrie est devenue évidente.
Ici encore, nous avons la même position que celle de l’Iran : nous ne voulons pas la guerre, mais nous sommes prêts pour cela. On pourrait dire que la position américaine est à l’opposé : nous voulons la guerre – traduire : nous en avons diablement besoin pour des raisons politiques et économiques ! Mais nous n’y sommes absolument pas préparés – y compris psychologiquement.
Conclusion : souvenez-vous de tous ceux qui se sont trompés !
Vous souvenez-vous de tous les gens qui ont prédit avec une confiance absolue que la Russie «vendait» la Syrie ? Ils ont commencé quand la Russie a empêché une attaque américaine contre la Syrie en prenant les États-Unis aux mots et en proposant de retirer toutes les armes chimiques de Syrie. Non seulement ces armes étaient inutiles, mais elles constituaient un prétexte parfait pour que l’Axe du Bien frappe la Syrie. Les États-Unis étaient livides, mais devaient accepter. Eh bien, tous les «Poutine / Russie sont en train de vendre» la Syrie ont immédiatement affirmé que la Russie désarmait la Syrie pour faciliter l’attaque d’Israël.
Pourtant, en réalité, aucune attaque israélienne significative ne s’est jamais matérialisée.
Ensuite, les mêmes personnes ont affirmé que la Russie « autorisait » Israël à frapper la Syrie, que les Russes éteignaient leurs S-300 / S-400, etc., etc., etc.
Pourtant, en réalité, les États-Unis ont laissé tomber alors que les Israéliens réclamaient «des centaines» de frappes. Peut-être ont-ils même frappé quelques bâtiments vides et donc non protégés, qui sait ?
Ensuite, il y avait l’immense chœur de trolls déclarant que la Russie diviserait la Syrie. Pourtant, malgré tous les arguments convaincants, du moins de ceux qui ne comprennent pas la Russie ni le Moyen-Orient, les différents fiefs de «bons terroristes» sont tombés entre les mains de l’armée syrienne. Maintenant, plus de terres syriennes ont été libérées que jamais auparavant. Quant aux Turcs, ils peuvent rêver d’une Turquie plus grande ou de la création d’une sorte de zone tampon de sécurité, mais ils comprennent qu’ils ne peuvent le faire si la Russie et la Syrie s’y opposent. En fait, la Turquie a officiellement promis de respecter l’intégrité territoriale de la Syrie (voir ici, en russe)
Mémorandum d’accord entre la Turquie et la Fédération de Russie
Le 22 octobre 2019 (soulignage ajouté par le Saker)
Le président de la République turque, Recep Tayyip Erdogan, et le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, sont convenus des points suivants:
1. Les deux parties réaffirment leur attachement à la préservation de l’unité politique et de l’intégrité territoriale de la Syrie et à la protection de la sécurité nationale de la Turquie.
2. Ils soulignent leur détermination à combattre le terrorisme sous toutes ses formes et ses manifestations et d’empêcher les agendas séparatistes sur le territoire syrien.
3. Dans ce cadre, le statu quo établi dans la zone actuelle de l’opération Peace Spring couvrant Tel Abyad et Ras Al Ayn avec une profondeur de 32 km sera préservé.
4. Les deux parties réaffirment l’importance de l’accord d’Adana. La Fédération de Russie facilitera la mise en œuvre de l’Accord d’Adana dans les circonstances actuelles.
5. À partir de midi, le 23 octobre 2019, la police militaire russe et les gardes-frontières syriens entreront du côté syrien de la frontière turco-syrienne, en dehors de la zone d’opération Peace Spring, afin de faciliter le déplacement des éléments des YPG et de leurs armes à une distance de 30 km de la frontière turco-syrienne, qui devrait être finalisé dans 150 heures. À ce moment, des patrouilles conjointes russo-turques commenceront à l’ouest et à l’est de la zone d’opération Peace Spring sur une profondeur de 10 km, à l’exception de la ville de Qamishli.
6. Tous les éléments des YPG et leurs armes seront retirés de Manbij et Tal Rifat.
7. Les deux parties prendront les mesures nécessaires pour empêcher les infiltrations d’éléments terroristes.
8. Des efforts conjoints seront lancés pour faciliter le retour des réfugiés de manière volontaire et en toute sécurité.
9. Un mécanisme conjoint de suivi et de vérification sera établi pour superviser et coordonner la mise en œuvre du présent mémorandum.
10. Les deux parties poursuivront leurs efforts pour trouver une solution politique durable au conflit syrien dans le cadre du mécanisme d’Astana et soutiendront les activités de la commission constitutionnelle.
Les éléments clés de ce protocole sont : les États-Unis dehors, la Russie dedans et
les frontières de la Syrie ne peuvent être changées.
Vous pouvez voir la conférence de presse complète de Poutine et Erdogan en cliquant ici.
Enfin, voici la réaction de l’un des pires suppôts de la propagande anglo-sioniste en Europe :
«Die Kapitulation des Westens» (La capitulation de l’Ouest)
Je ne peux pas dire que je suis en désaccord avec leur conclusion.
Enfin, ce «discours de capitulation» ne vous rappelle-t-il pas autre chose que nous avons tous vu récemment ?
Oui, bien sûr, le slogan ukronazi “?? ???????????!” (non à la capitulation!).
Encore une fois, que suggère-t-on en parlant de «capitulation» ?
Si ce n’est pas un triomphe de la diplomatie russe, alors je ne sais pas ce que c’est !
Et, pour ceux qui sont en désaccord, laissez-moi poser une question rhétorique :
Si Poutine est un perdant qui «vend tout» et qui travaille avec / pour Israël et pour Netanyahou en particulier, si la Russie est si faible et sans intelligence, pourquoi est-ce que ce n’est pas le peuple russe qui dénonce une « capitulation » mais au lieu de cela, pourquoi tous les ennemis de la Russie craignent-ils la capitulation ?
Et maintenant, où allons-nous à partir d’ici ?
En fait, je suis très prudemment optimiste car il existe une différence énorme entre la Russie et les États-Unis : les États-Unis ont besoin de guerres constantes pour survivre, alors que la Russie a besoin de paix pour prospérer. Maintenant que les Russes sont le principal acteur au Moyen-Orient – enfin, avec les Iraniens, bien sûr – ils vont utiliser le fait qu’ils entretiennent de bonnes relations avec tout le monde, y compris les – anciens ? – ennemis de la Russie comme le RSA ou les EAU.
Bien sûr, il n’y aura pas de paix entre Israël et le reste du Moyen-Orient, ne serait-ce que parce qu’Israël est par sa nature même une menace mortelle pour tous les pays de la région, même pour les pays qui collaborent actuellement avec Israël comme le RSA. Le seul moyen pour que le Moyen-Orient, qui a longtemps souffert, retrouve enfin la paix, ce serait que le «régime d’occupation sioniste sur Jérusalem disparaisse de l’arène du temps» pour reprendre les mots célèbres et souvent mal traduits de l’Ayatollah Khomeiny. Le dirigeant suprême iranien actuel a également clairement expliqué la seule manière de résoudre la question palestinienne pour que la paix soit conclue au Moyen-Orient :
La proposition de la République islamique pour aider à résoudre le problème palestinien et à soigner cette vieille blessure est une initiative claire et logique basée sur des concepts politiques acceptés par l’opinion publique mondiale et qui a déjà été présentée en détail. Nous ne suggérons pas de déclencher une guerre classique des armées des pays musulmans, de jeter les immigrés juifs à la mer ou de faire office de médiation de l’ONU et d’autres organisations internationales. Nous proposons de tenir un référendum avec [la participation de] la nation palestinienne. La nation palestinienne, comme toute autre nation, a le droit de décider de son destin et d’élire le système de gouvernement de son pays.
Les deux dirigeants iraniens ont absolument raison. Il n’y aura jamais de paix dans la région tant qu’un régime théocratique, raciste et fou, qui n’a que mépris pour le reste de la planète, continue son génocide au ralenti de la population autochtone de Palestine.
Entre temps, maintenant que la Syrie, la Russie, l’Iran, les Houthis, le Hezbollah et les forces chiites en Irak ont ??réussi à montrer à l’oncle Shmuel la porte de sortie de la Syrie, le dernier plan israélien – un «plan Z» – s’est maintenant effondré avec tout espoir de créer un Kurdistan indépendant.
Israël n’est pas en état d’assumer une coalition aussi puissante. Je dirais que même les États-Unis ne peuvent pas gagner contre cette force, même si elle est toujours capable de déclencher un bain de sang, tout comme les Israéliens l’ont fait en 2006.
Parmi tous les effondrements stratégiques observés sous les présidences Obama et Trump, la perte d’influence au Moyen-Orient est probablement le plus grand de tous. C’est un développement très positif pour la région et pour le monde. Espérons maintenant que quiconque parviendra à la Maison-Blanche en 2020 comprendra qu’il s’agit d’un accord conclu et qu’il ne tentera pas de refaire «un grand empire à nouveau» et d’inverser cette tendance, car toute tentative de ce type aboutira à une guerre régionale majeure.
PS : voici une vidéo de la «meilleure armée de tous les temps» assaillie de pierres et de légumes pourris par des Kurdes dégoûtés pendant que les forces américaines évacuent à la hâte. Cela dit vraiment tout, n’est-ce pas ? Comment dites-vous « Gagner les cœurs et les esprits » en globish ?
Il semble également que les Irakiens partagent le même sentiment maintenant en intentant une action en justice pour enfin botter le cul de Oncle Shmuel.
Encore une fois, appréciez l’amour, le respect et la peur
The Saker
Traduit par jj, relu par Kira pour le Saker Francophone
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Source : Le Saker Francophone
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