Le secrétaire général de la Ligue arabe sur la sellette pour cause d’objectivité relative
janvier 5, 2012
Les médias français continuent imperturbablement, pour l’essentiel, de relayer les mots d’ordres de la diplomatie atlantiste. Après donc avoir appuyé à longueur de colonnes l’envoi d’une mission d’observation de la Ligue arabe, dans l’espoir à peine caché que ses rapports mettraient très vite en accusation le gouvernement de Damas, les mêmes médias « débinent » à présent de toutes les manières possibles la dite mission, brodant sur son inefficacité, le flou de son action (c’est à peu près ce que vient de dire l’ineffable Juppé) voire sa complaisance vis-à-vis du régime.
Un des angles d’attaque le plus tendance est la mise en cause de la personnalité du chef de la mission arabe, le général soudanais Mustafa al-Dabi, accusé à mots peu couverts d’avoir réprimé lui-même des civils au Darfour. Le Darfour, ou Sud-Soudan ayant été – au passage – une des « grandes causes » de la diplomatie américaine, et a servi en partie à légitimer la récente sécession du Sud-Soudan.
Nabil al-Arabi obligé de défendre sa mission
Bref, le général al-Dabi est comme l’écrit rituellement Le Figaro, « très contesté » – toujours par les mêmes. D’autant plus contesté qu’al-Dabi a « aggravé son cas » en jugeant la situation globalement « rassurante » en Syrie, et qu’il vient de reprendre un de ses subordonnés qui avait prétendu voir des snipers à l’oeuvre à Homs.
La contestation est même venue de l’intérieur de la Ligue arabe, puisque le président du Parlement arabe, un organisme associé, a carrément demandé le retrait des observateurs arabes.
Du coup, le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, pourtant jusque-là plutôt en symbiose avec les accusations occidentales, s’est cru obligé de voler au secours de son collègue – après tout c’est sous sa responsabilité que la mission d’observation s’est déployée : « C’est, à n’en pas douter, un chef militaire respectable et l’enregistrement (de ses propos) ne comprend rien qui puisse l’incriminer » a dit, lundi 2 janvier, Nabil al-Arabi à propos d’al-Dabi.
Décidément audacieux, le secrétaire général de la Ligue a également reconnu que l’armée syrienne s’était retirée du coeur des villes touchées par des incidents. Tout en déplorant la présence de tireurs et la persistance des tirs, Nabil al-Arabi pousse l’honnêteté, et donc l’audace, jusqu’à reconnaître que le gouvernement syrien n’est pas forcément responsable de cet état de fait : « Il y a des échanges de coups de feu en plusieurs endroits, ce qui rend difficile de dire qui tire sur qui« .
Cette honnêteté est très mal vue en Occident par les temps qui courent et Alain Juppé – véritablement devenu (ivresse des cimes ?) un extrémiste atlantiste – faisait encore bruyamment part de ses « doutes« , mardi matin 3 janvier, sur la fiabilité de la mission arabe, qu’il avait pourtant, comme bien d’autres, réclamée à cors et à cris.
Les chacals aboient mais la mission se poursuit, et même s’étend avec l’arrivée jeudi de renforts. Au total, on parle de 300 observateurs en Syrie – ils sont pour l’heure une soixantaine. Un premier rapport de la mission pourrait être publié ces jours-ci : il est d’ores et déjà très attendu, et même guetté par toutes les parties, pour des raisons évidemment opposées.
En tout cas, si jamais celui-ci est équilibré, relativement objectif, parions que ce sera au tour de Nabil al-Arabi et de l’organisation qu’il dirige de se retrouver « très contestés », dans les colonnes du Figaro et dans les couloirs du Quai d’Orsay !