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Les clauses de sécurité secrètes de l’accord irano-saoudien


Le Cri des Peuples

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Mar 16
The Cradle révèle les clauses confidentielles de l’accord entre Téhéran et Riyad, conclu grâce à la diplomatie de velours de Pékin.

Par Hasan Illaik, le 12 mars 2023

Source : thecradle.co

Traduction : lecridespeuples.fr

Sous les auspices de la Chine, le 10 mars à Pékin, l’Iran et l’Arabie saoudite, concurrents régionaux de longue date, sont parvenus à un accord pour rétablir leurs relations diplomatiques, après une interruption de sept ans.

Dans sa lecture la plus optimiste, cet accord peut être considéré comme un accord stratégique historique, reflétant les changements majeurs en cours en Asie occidentale et dans le monde. Dans le pire des cas, il peut être caractérisé comme un « accord d’armistice » entre deux grands rivaux, qui offrira un espace précieux pour des communications directes et régulières.

La déclaration commune sino-saoudienne-iranienne de vendredi était porteuse de fortes implications au-delà de l’annonce du rétablissement des relations diplomatiques entre Téhéran et Riyad, rompues depuis 2016.

La déclaration est très claire :

Les ambassades d’Arabie saoudite et de la République islamique d’Iran rouvriront dans moins de deux mois.
Respect de la souveraineté des États.
Activation de l’accord de coopération sécuritaire entre l’Arabie saoudite et l’Iran signé en 2001.
Activation de l’accord de coopération dans les secteurs de l’économie, du commerce, de l’investissement, de la technologie, de la science, de la culture, des sports et de la jeunesse, signé entre les parties en 1998.
Exhorter les trois pays à déployer tous les efforts possibles pour promouvoir la paix et la sécurité régionales et internationales.

À première vue, les quatre premières clauses suggèrent que l’accord négocié par la Chine consiste essentiellement à réparer les relations diplomatiques entre les deux adversaires de longue date. Mais en réalité, la cinquième clause est loin d’être le texte standard inséré dans les déclarations conjointes entre États.

Elle semble établir une nouvelle référence pour les conflits en Asie occidentale [Moyen-Orient], dans laquelle la Chine joue le rôle de « pacificateur » —en partenariat avec l’Iran et l’Arabie saoudite — dans lequel Pékin assume un rôle dans divers conflits régionaux ou influence les parties concernées.

Des sources au fait des négociations ont révélé à The Cradle que le Président chinois Xi Jinping ne s’est pas contenté d’accompagner un accord déjà en cours entre Téhéran et Riyad. En fait, Xi a personnellement ouvert la voie à la concrétisation de cet accord. Le chef d’État chinois s’est plongé dans ses détails dès sa visite en Arabie saoudite en décembre 2022, puis plus tard, lors de la visite du Président iranien Ebrahim Raisi à Pékin à la mi-février 2023.

Plus d’un cycle de négociations s’est tenu sous les auspices de la Chine, au cours duquel les Iraniens et les Saoudiens ont finalisé des détails négociés entre eux en Irak et à Oman, lors de cycles de négociations antérieurs.

Il n’était pas acquis que les deux parties parviennent à un accord lors de leur dernier cycle de discussions (6-10 mars 2023). Mais le représentant chinois a réussi à surmonter tous les obstacles entre les deux délégations, après quoi les parties ont obtenu l’approbation de leurs dirigeants respectifs pour annoncer l’accord vendredi.

Voir La Chine assume enfin son rôle de superpuissance, et cela va changer le monde

La Chine, garante de la région

Ces derniers jours, les implications stratégiques d’un accord irano-saoudien négocié par la Chine et son impact sur le rôle mondial de la Chine vis-à-vis des États-Unis ont fait couler beaucoup d’encre. Le golfe Persique est une région stratégique pour les deux puissances et la principale source d’approvisionnement énergétique de la Chine. C’est probablement la raison pour laquelle Pékin est intervenu pour endiguer les tensions entre ses deux alliés stratégiques. C’est aussi quelque chose que Washington, longtemps considéré comme le « garant de la sécurité » de la région, n’aurait jamais pu réaliser.

Il ne fait aucun doute que l’on parlera beaucoup de « l’aventurisme stratégique » du prince héritier saoudien Mohammed bin Salman (MbS) et de son exploitation des changements mondiaux pour compenser le déclin de l’influence régionale des États-Unis. La montée d’un ordre multipolaire et post-américain permet aux alliés traditionnels des États-Unis de disposer d’un certain espace pour explorer leurs options internationales loin de Washington et au service de leurs intérêts nationaux immédiats.

Les intérêts actuels de l’Arabie saoudite sont liés aux objectifs politiques, économiques, financiers et culturels ambitieux que MbS a fixés pour son pays, et reposent sur deux piliers :

Diversifier les partenariats régionaux et mondiaux afin de s’adapter aux changements systémiques mondiaux qui contribueront à la réalisation des grands projets de Riyad.
Établir la sécurité et la stabilité politique pour permettre à l’Arabie saoudite de mettre en œuvre ses grands projets, en particulier ceux décrits dans la « Vision 2030 » de MbS, grâce à laquelle Riyad envisage de se transformer en un incubateur régional pour la finance, les affaires, les médias et l’industrie du divertissement – de manière semblable au rôle joué par les Émirats arabes unis au cours des décennies passées, ou par Beyrouth avant la guerre civile libanaise de 1975.

En bref, la sécurité et la stabilité régionales et nationales sont vitales pour que Riyad puisse mettre en œuvre ses objectifs stratégiques. C’est pourquoi des clauses confidentielles ont été insérées dans l’accord de Pékin afin de garantir à l’Iran et à l’Arabie saoudite que leurs impératifs de sécurité seraient respectés. Certains de ces détails ont été communiqués à The Cradle, par une aimable source impliquée dans les négociations :

L’Arabie saoudite et la République islamique d’Iran s’engagent à n’entreprendre aucune activité susceptible de déstabiliser l’un ou l’autre État, que ce soit au niveau de la sécurité, de l’armée ou des médias.
L’Arabie saoudite s’engage à ne plus financer les médias qui cherchent à déstabiliser l’Iran, comme Iran International.
L’Arabie saoudite s’engage à ne plus financer les organisations désignées comme terroristes par l’Iran, telles que l’Organisation des moudjahidines du peuple (MEK), les groupes kurdes basés en Irak ou les militants opérant à partir du Pakistan.
L’Iran s’engage à veiller à ce que ses organisations alliées ne violent pas le territoire saoudien depuis le territoire irakien. Au cours des négociations, il a été question du ciblage des installations d’Aramco en Arabie saoudite en septembre 2019 et de la garantie de l’Iran qu’une organisation alliée ne procéderait pas à une frappe similaire depuis le territoire irakien.
L’Arabie saoudite et l’Iran s’efforceront de déployer tous les efforts possibles pour résoudre les conflits dans la région, en particulier le conflit au Yémen, afin de trouver une solution politique qui garantisse une paix durable dans ce pays.

Selon des sources impliquées dans les négociations de Pékin, aucun détail sur le conflit au Yémen n’a été convenu, car des progrès significatifs ont déjà été réalisés lors des discussions directes entre Riyad et le mouvement de résistance Ansarallah du Yémen en janvier. Ces pourparlers ont abouti à des accords majeurs entre les deux États belligérants, que les États-Unis et les Émirats arabes unis ont furieusement cherché à saper afin d’empêcher une résolution de la guerre au Yémen.

Toutefois, à Pékin, les Iraniens et les Saoudiens ont accepté d’aider à faire avancer les décisions déjà prises entre Riyad et Sanaa, et de s’appuyer sur celles-ci pour mettre fin à cette guerre qui dure depuis sept ans.

Ainsi, bien que la déclaration de Pékin aborde principalement les questions liées au rapprochement diplomatique, les accords irano-saoudiens semblent avoir été négociés principalement autour d’impératifs de sécurité. Les partisans de chaque partie affirmeront probablement que leur pays s’en sort mieux dans l’accord, mais un examen plus approfondi montre un équilibre sain dans les termes de l’accord, chaque partie recevant l’assurance que l’autre ne portera pas atteinte à sa sécurité.

Si l’Iran n’a jamais déclaré vouloir porter atteinte à la sécurité de l’Arabie saoudite, certains de ses alliés régionaux n’ont pas caché leurs intentions à cet égard. En outre, MbS a publiquement déclaré son intention de porter le combat à l’intérieur de l’Iran, ce que les services de renseignement saoudiens ont fait ces dernières années, notamment en soutenant et en finançant des organisations dissidentes et séparatistes armées que l’Iran considère comme des groupes terroristes.

Les priorités de cet accord en matière de sécurité auraient dû être faciles à repérer à Pékin la semaine dernière. Après tout, l’accord a été conclu entre les conseils de sécurité nationale de l’Arabie saoudite et de l’Iran, avec la participation des services de renseignement des deux pays. La délégation iranienne comprenait des officiers du ministère iranien du renseignement et des services de renseignement du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI).

Sur une note légèrement distincte liée à la sécurité régionale —mais ne faisant pas partie de l’accord de Pékin—, des sources impliquées dans les négociations ont confirmé à The Cradle que, pendant les pourparlers, la délégation saoudienne a souligné l’engagement de Riyad à l’égard de l’initiative de paix arabe de 2002, refusant la normalisation avec Tel-Aviv avant la création d’un État palestinien indépendant, avec Al-Quds (Jérusalem) comme capitale.

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Ce qui est peut-être le plus remarquable, et qui illustre la détermination des parties à conclure un accord sans l’influence des fauteurs de troubles, c’est que les délégations des services de renseignement iraniens et saoudiens se sont rencontrées dans la capitale chinoise pendant cinq jours sans que les services de renseignement israéliens n’en soient informés. Il s’agit peut-être d’un nouveau témoignage du fait que la Chine, contrairement aux États-Unis, sait comment conclure un accord en ces temps changeants.

Voir notre dossier sur l’Iran.

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