Les peuples «après» les « révolutions »
septembre 25, 2012
© Ahmed Halfaoui
Lorsque la barbarie sera défaite, lorsque se diluera la mystification qu’elle déploie sur les esprits, lorsque l’humanité reprendra ses droits contre le mal, en voie de devenir absolu, on pourra mesurer de quoi peut être capable ce système qui veut gouverner l’univers. En attendant, la raison n’a aucun répit contre l’immoralité qui vise à la détruire et reste la seule défense qui résiste à la destruction de l’humain qui subsiste encore. Un signe prometteur, peut-être. Le «printemps» dit arabe pourrait constituer le premier faux pas de la bête. Pour la première fois, la barbarie a joué directement à la «révolution». Elle a, par exemple, fait croire aux Libyens qu’ils sont des «révolutionnaires». Ailleurs, quand le peuple a fait le travail tout seul, comme en Tunisie et en Egypte, la barbarie a soutenu le peuple. Tout en travaillant à bloquer le processus en cours et à le dévier, elle a entonné les chants des insurgés. Et, bien plus, le monde ne vibre plus que par les réunions des «amis de tel ou tel peuple» appelé à se révolter au nom de la «justice», de la «liberté», de la «démocratie» et de tout ce qui fait rêver les hommes, pour un mieux vivre ensemble. Pour les peuples en question, on ne se préoccupe pas qu’ils prennent ces concepts sans guillemets, dans toute leur plénitude. On ne considère que ces supplétifs désignés pour les «représenter». Même là où le chaos s’est instauré, à l’image de l’Irak ou de la Libye, où la bête a eu les coudées franches, peut surgir une réalité : la «dictature de la rue». Une réalité contre laquelle il est difficile de lutter, d’autant que son énergie a été encouragée et portée aux nues, comme jamais révoltes et mouvements populaires ne l’ont été. Se pose, alors, l’interrogation concernant la riposte des barbares à la chose. Nous n’en sommes qu’aux indignations verbales. Deux options et aucune autre se dessinent. L’intervention directe, trop risquée et trop coûteuse, par les temps qui courent ou l’intrigue que fera imploser le peuple et qui organisera la guerre de tous contre tous, tout en préservant l’essentiel : les ressources du pays et/ou son maintien loin des possibilités de se construire par lui-même et, partant, à revendiquer une place dans le concert mondial. En Egypte, une partie a commencé en ce sens. L’arrivée des Frères au pouvoir a, jusqu’à il y a quelques jours, beaucoup rassuré les Etats-Unis et fortement déçu ceux qui espéraient une autre issue aux sacrifices de la place Tahrir et des masses égyptiennes. Les Frères musulmans, ennemis des nationalismes et des mouvements d’émancipation des peuples, alliés de l’OTAN dans la destruction des dernières résistances au diktat impérialiste, allaient sans aucun doute livrer le pays, pieds et poings liés, aux maîtres du marché. Les premières déclarations sur la Syrie allaient dans ce sens, ce qu’avait conclu le chroniqueur, il y a quelques jours. Mais la fronde populaire a été oubliée, qui a soit poussé le nouveau pouvoir, soit lui a servi d’argument, pour ne pas trop se laisser aller dans la compromission. L’Egypte vient de se poser en obstacle contre une agression de la Syrie, de renouer avec l’Iran, de tenter de l’imposer en tant que partenaire dans la crise syrienne et d’initier des perspectives d’ouverture avec la Chine dans le camp adverse de l’alliance atlantique. De quoi brouiller les cartes des stratèges de la Maison-Blanche. Les Frères seraient donc capables de tourner la veste pour ne pas affronter leur pays. La «puissance de la rue», un facteur que la manipulation n’attendait pas, vient de faire irruption.
Par Ahmed Halfaoui